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L’héritage de l’esclavage en Martinique : Impact passé et présent

INTRODUCTION

Faisant partie de l’archipel des Antilles, La Martinique est située dans la mer des Caraïbes, ainsi l’histoire de la Martinique est liée à celle des Antilles. Pendant deux siècles, la Martinique, comme d’ailleurs toutes les autres Antilles, vécut sous le règne de l’esclavage

Cette époque est sans doute la plus marquante dans l’histoire de la Martinique. En effet  si la  population est estimée aujourd’hui à 411 000 habitants, les 80% des habitants sont composés de noirs ou métis, d’origine Africaine en provenance des côtes guinéennes pour les besoins de la culture de la canne à sucre pendant les XVIIème et XVIIIème siècle. La population d’origine européenne se partage entre les békés – descendants des premiers colons – et les métropolitains. Ce déséquilibre montre l’ampleur de la traite des noirs et l’esclavage dans cette île.

L’esclave, qu’il soit un homme ou une femme, est une personne qui est la propriété d’une autre personne c’est-à-dire de condition non libre, qui est captif ou captive selon le cas. Elle doit assurer le besoin journalier de son maître, en d’autres termes l’esclave se soumet aux volontés de celui-ci.

L’esclave est juridiquement la propriété de son maître au même titre que tous ses biens matériels. En conséquence, il est un être exclu de la société. Les esclaves sont des travailleurs non libres et aussi non rémunérés, ce qui engendre des profits inestimables pour leur maître mais aussi de la puissance économique et militaire.

L’origine de l’esclavage est liée à l’économie. L’esclavage est favorisé par la nécessité de trouver des personnels capable d’effectuer un travail pénible que l’homme blanc n’arrivera pas à faire faute de la rigueur du climat et par le manque de moyen humain ou animal.

Suite à des luttes menées par les politiciens blancs de la métropole et les esclaves eux mêmes, l’esclavage fut abolie  en 1848. Actuellement  la Martinique est devenue un  Département d’Outre Mer  de la France. Les Martiniquais sont désormais des Hommes et des Femmes libres ayant le statut de citoyen Français.

Mais est ce que le fait d’être affranchi de l’esclavage a permis à la société Martiniquaise de s’épanouir pleinement et de profiter complètement de sa liberté? Est ce que  le fait de posséder la citoyenneté Française a permis à chaque individu Martiniquais d’avoir les mêmes privilèges que ses concitoyens de la métropole ?

 

En effet lorsqu’il s’agit d’évoquer la Martinique, on ne peut ignorer l’héritage de  son passé qui déterminent le présent et le futur. Du point de vue économique, l’île se trouve aujourd’hui devant une situation assez paradoxale : un secteur agricole très présent, tant dans les faits (main d’œuvre, surface exploitée), que dans l’actualité (sucre, rhum, banane).

Est-ce que  les descendants d’esclaves, majoritaires dans la société Martiniquaise font partie des têtes pensantes du développement de l’île ? est ce qu’ils profitent comme ils le souhaitent des richesses engendrées par l’économie du pays ?

 

Quand on parle de la Martinique, autant de questions et bien d’autres encore se bousculent  dans l’esprit. Les crises sociales qui frappent les DOM ont également  secoué la Martinique. Force est alors de se demander : pourquoi à l’aube du XXI siècle la société martiniquaise dans son ensemble, reste marquée par son histoire difficile et spécifique où la période de l’esclavage à laissé des traces qui semblent encore indélébiles ?

 

  • La naissance de l’esclavagisme en Martinique

 

  1. Pourquoi des esclaves ?

Durant les premières décennies de l’occupation française, l’île de Martinique est productrice de denrées coloniales fournissant de forts profits : tabac, indigo, cacao, le tabac de la Martinique est alors très apprécié. La crise du tabac de la seconde moitié du XVIIe siècle ruine les premiers planteurs qui se tournent vers la production de sucre. La monoculture de la canne à sucre va bientôt modeler le paysage et devenir partie intégrante de la culture créole. Elle dominera l’économie du pays jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle. La culture de la canne à sucre telle qu’elle est pratiquée dans l’habitation sucrière demande une importante main-d’œuvre que la métropole n’est pas susceptible de fournir .La pénurie de main d’œuvre se pose d’abord pour le cacao , puis rapidement pour le sucre

. Au début de l’exploitation des colonies, on a exploité la main-d’œuvre locale, qui ne tarde pas à être épuisé faute des massacres, mais aussi par le travail, les épidémies, l’alcool. Si la culture du tabac ou de l’indigo avait pu se faire avec les « engagés », la main d’œuvre volontaire pour quitter l’Europe, elle est insuffisante pour la culture de la canne à sucre. Les engagés blancs ou les 36 mois produisaient du sucre au XVII° siècle. Un voyage gratuit vers les colonies est l’échange des contrats d’engagement de trois ans ( 36 mois). Les engagés désertent les plantations ou succombent à des maladies ou à des épidémies à cause des conditions de travail difficile. Alors, on a imposé dès Louis XIII que le système de recrutement d’une main-d’œuvre forcée en Afrique est légal.

Commence alors la traite d’esclaves noirs provenant des côtes de l’Afrique pour fournir la main d’œuvre nécessaire La culture de la canne est donc à l’origine de la mise en place du commerce triangulaire (Europe, Afrique, Amérique) qui entraîne rapidement l’afflux d’une population africaine réduite en esclavage vers les possessions françaises de l’Amérique, population qui dès la fin du XVIIe siècle dépasse rapidement et de beaucoup la population blanche des origines. Ce commerce triangulaire comporte trois étapes :

 La première étape est celle d’Europe en Afrique. Pendant cette étape, les négriers vont chercher les esclaves noirs sur la côte occidentale de l’Afrique, entre Gorée et le Mozambique.

On échange les esclaves contre des produits européens tels que laine, coton, rhum, eau-de-vie, barres de fer, barils de poudre, fusils et perles de verre et autres produits vendus aux chefs de tribus.

La deuxième étape est celle d’Afrique en Amérique. Les esclaves noirs qui sont transportés par bateaux sont vendus dans l’archipel antillais, au Brésil et au Etats-Unis. Quelques-uns des esclaves arrivent dans l’empire continental espagnol formé par le Mexique, le Pérou, la Colombie et le Venezuela.

La troisième étape est celle d’Amérique en Europe. Le retour en Europe des négriers est accompagné du remplissage de leur cale par des produits tropicaux et d’autres produits après la vente des esclaves.

Le commerce du sucre entraîne une intense activité maritime à la Martinique au cours du XVIIIe siècle. Si le circuit effectué par certains navires passe par l’Afrique pour y charger une cargaison d’esclaves avant de l’échanger en Martinique contre des denrées coloniales, d’autres, encore plus nombreux, font le voyage directement, en « droiture », entre les ports français (Bordeaux, Nantes) et la colonie. Les profits de la vente d’une cargaison d’esclaves sont tels qu’il faut le plus souvent plusieurs voyages en droiture pour acheminer la contre-valeur en denrées coloniales des esclaves vendus

 

  1. Le bassin de recrutement

 

Durant les premières décennies du  XVIIe siècle de l’occupation française, les produits de l’île de Martinique sont  le cacao, le tabac, le rocou et l’indigo. Bientôt, l’économie de l’île sera dominée par une toute autre culture, celle de la canne à sucre. La déportation d’esclaves africains vers les colonies est autorisée par Louis XIII, ce phénomène signifie le commencement de la Traite des Noirs.

 

L’un des lieux de concentration de la traite française partant du Havre, de Nantes, de la Rochelle était l’île de Gorée au large de Dakar. On échange  de la pacotille contre des esclaves aux trafiquants de la côte des esclaves. La côte des esclaves s’étend du Sénégal au Nigéria actuel.

 

Le Sénégal (le Sine Saloum, la Casamance, Ziguinchor) et la Gambie furent jalonnés de factoreries ou de comptoirs, de gîtes d’étapes où s’opéraient les transactions entre marchands dioula, Lancados, agents des compagnies ou traitants locaux.

 

Au début du XVIIe siècle avant la mort du Roi Soleil, les lieux de traite des esclaves sont sur la côte ouest africaine, l’Ile de Sao Thomé, Cap la Houe, Juda, l’Ile du Prince, les Iles du cap Vert, l’Ile d’Anabon, le Cap Monte, la côte de Guinée, Galbar, la Riviére Royale du Gabon (Calabar) et Banny ou Calbany, le pays de Jakin ou Jacin, , Acra, Apas, Gorée, Anamabou.

Pendant le règne de Louis XV, les lieux de triates s’ ajoutent de Bissau, Badagri, Mesurade, Albreda, Grand Jonk, Cormantin, Epée, Axim, Quyeta, Cestre ou Grand Sestre, la Rivière de Formosa, Louangue, le Cap Trois Pointes, Petite Galine,  Petit Popo, le Bénin, la Rivière du Bénin, la Mine, le Sénégal, la Sierra Léone, Arguin, le cap de Lope, Gabinde, Malimbe, Angole, l’Ile Bananes, Grand Bassa ou Bassan, Chama, la Cote d’Or, le Fort Wineba, Cacheau ou Cacho, la Rivière Saint Jean, la Gambie, Portonovo, Aunis, l’Ile de Loss, Patakary, Bandy, Saint André.

 

On regroupe ici les principaux lieux de traites d’esclaves vers la Martinique au XVIII° siècle, le nombre d’expéditions ainsi que le nombre de ports. Ces lieux de traite sont sur toute la côte d’Afrique allant du Sénégal à l’Angola. On a donc Acra avec 11 expéditions de 6 ports ; Anamabou avec 23 expédition de 6 ports ; Angole avec 38 expéditions de 8 ports ; Badagry avec 6 expéditions de 3 ports ; Bany avec 7 expéditions de Nantes ; Cap de Monte avec 14 expéditions de 4 ports ; Cote d’Or avec 8 expédition de 4 ports ; Epée avec 12 expéditions de Nantes ; Gabingue avec 30 expéditions de 5 ports ; Galbary avec 11 expéditions de 2 ports ; Gorée avec 32 expéditions de 10 ports ; Guinée avec 21 expéditions de 7 ports ; Ile bananes avec 9 expéditions de 4 ports ; Ile du Prince avec 25 expéditions de 7 ports ; Jakin avec 17 expéditions de 5 ports ; Juda avec 107 expéditions de 11 ports ; La Mine avec 6 expéditions de 3 ports ; Louangue avec 23 expéditions de 4 ports ; Malimbe avec 12 expéditions de 4 ports ; Mesurade avec 15 expéditions de 8 ports ; Petit Popo avec 16 expéditions de 4 ports ; Queta avec 8 expéditions de Nantes ; Sao Tomé avec 13 expéditions de 6 ports ; Sénégal avec 17 expéditions de 5 ports ; Sierra Léone avec 12 expéditions de 8 ports.

  1. Le voyage vers Madinina

En découvrant la Martinique le 15 Juin 1502, Christophe Colomb aurait aperçu de loin des fleurs, par conséquent il aurait donné à l’ile le nom de Madinina ce qui veut dire Iles aux fleurs.

Pour assurer la bonne marche des plantations sucrières et des industries sucrières, la main d’œuvre nécessaire va être fournie par la traite d’esclaves noirs. Le nombre d’esclaves importés en Martinique sera nettement supérieur au nombre d’esclaves se trouvant dans l’ensemble des colonies britanniques qui formeront plus tard les Etats-Unis d’Amérique.

Après les Hollandais, la traite régulière s’est faite avec les Français qui ont monté la compagnie du Sénégal. Pour chaque esclave introduite en Martinique, ces Français ont obtenus des primes de Louis XIV.

Le marchand en tête, comme du bétail humain, les esclaves ont le cou emprisonné dans des sortes de fourches en bois et arrivent en longues files. Leur conduite est assurée par un courtier noir ou un marchand arabe. Sur son épaule est chargé le manche de fourche du premier captif.

Sur l’épaule, chaque esclave porte le manche de la fourche de celui qui le suit. L’arrêt de la chaîne par le marchand se fait  en laissant tomber la pièce de bois qui repose sur son épaule alors le premier esclave est obligé de s’arrêter et  automatiquement tous les autres avec lui. Ces captifs sont amenés à la côte pour être vendus.

Chargées du matériel des marchands, enchaînés mais sans entraves de pied, les esclaves sont conduits à la côte. Ceci est un voyage de cauchemar, et se présente comme avant goût à la traversée vers l’Amérique. Les robustes des deux sexes accompagnés des enfants à partir de six ou sept ans sont mis de côté pour constituer la caravane se dirigeant vers la côte.

On se débarrasse des vieillards et des infirmes en les abandonnant pour être condamner à mourir de faim. Les enfants de moins de six ans sont massacrés.

Les autres individus qui sont aptes à travailler sont mis en route dès que possible presque nus et sans aucune protection des pieds pour traverser les défilés rocailleux et les sables brûlants des monts africains. Les faibles sont stimulés à coup de fouet tandis que les plus forts sont assurés en mettant leur joug.

Avant l’accostage du navire négrier sur le sol américain, il est mis en quarantaine  pendant quarante jours. Aucun débarquement n’est possible avant  la vérification qu’il n’existe aucune  épidémie à bord du navire. Passé la quarantaine, le capitaine du bateau met en œuvre l’opération de blanchissement  c’est-à-dire le capitaine soigne les soit disons marchandises.

Dans la vie de la colonie, le débarquement des esclaves est un grand moment. Les esclaves sont exposés par lots appelés aussi pièces d’Indes.

Les esclaves malades sont quand même achetés à prix réduit soit par les petits planteurs soit les pauvres blancs. Quand ils guérissent, les acquéreurs considèrent avoir fait une bonne affaire.

Quand on met en vente l’esclave noir, il doit monter sur un tonneau ou une table pour être visible de tous. Après, les acheteurs examinent le Noir pour juger de sa force et sa santé. Pour terminer, c’est le capitaine et les planteurs qui vont débattre le prix de l’esclave.

  • Les esclaves du XVIII au XIXe siècle

 

  1. L’installation sur l’île

Au tout début des premières plantations du XVe siècle, les planteurs étaient des hommes blancs tels que des condamnés, des débiteurs, les juifs qui refusaient de se convertir c’est à dire des hommes réduits en quasi esclavage.

Au milieu du XVIIe siècle,  les sucreries déjà expérimenté au Maroc, à Madère et au Brésil avec l’emploi d’esclaves se développe rapidement. Le modèle est repris tel quel, sans que ne soit questionné l’emploi d’esclaves. Le développement des sucreries, entraîne l’arrivée de main d’œuvre esclave.

 

En Martinique, les premières sucreries sont montées, les capitaux sont fournis par les marchands des différents ports de France et de la région parisienne.

Les premières mains d’œuvre furent constituées des Calvaires et des Yolofs des îles du Cap vert, des sénégalais, probablement des Toucouleurs et des Saracollets de la région de Saint Louis, des Bambaras du fleuve Sénégal, quelques Bambaras et quelques Mandingues dont la religion islamique a posé des problèmes.

Au XVIIIe siècle, la fortune de la Martinique s’est appuyée sur la culture de la canne à sucre à la place de la culture du tabac.

Rapidement, on s’est rendu compte l’insuffisance des mains d’œuvres pour assurer le bon fonctionnement et le développement de la production sucrière. La solution la plus évidente pour les négociants et les capitaines des navires sera l’utilisation des esclaves.

Les industries sucrières couvrent en grandes parties la Martinique. Dans les plantations, deux à trois esclaves sont nécessaire par hectare plantés en canne.

Les colons de la Martinique sont réduits en nombre par rapport aux esclaves. Le système esclavagiste de la Martinique fait face à deux problèmes de tailles : d’une part la résistance des esclaves sous toutes ses formes tels que révoltes, empoisonnement, suicide ; d’autre part le problème de l’équilibre du ratio entre les hommes et les femmes pour favoriser la naissance d’esclaves.

Alors l’importation des femmes s’impose. Le statut d’un enfant né d’une mère esclave et d’un père libre deviendra esclave.

Suite à l’abolition de l’esclavage, la Martinique manque de main d’œuvre. Or, elle ne peut pas supporter les coûts de main d’œuvre importants. C’est pourquoi à la moitié du XIXe siècle, la France décida d’importer des travailleurs immigrants originaires des comptoirs français de l’Inde.

Les coolies sont considérés comme dociles, ils venaient travailler aux Antilles pour une durée déterminée.

Mais à la fin de leur contrat, ils restèrent pour fondèrent une famille et devinrent bientôt des Martiniquais à part entière, tout en conservant leurs habitudes culinaires et leur religion.

Suite à l’abolition de l’esclavage, les affranchis ont désertés les plantations. Les planteurs sont obligés de recruter des mains d’œuvre Indiens.

La capacité de travail des Indiens est largement appréciée de leurs nouveaux employeurs. Et en général, les immigrants valides fournissent un travail satisfaisant, et, quant ils reçoivent une bonne direction, ce résultat dépasse de beaucoup ce que les engagistes en attendaient.

Les planteurs ont toutes les cartes en main pour dicter librement leurs conditions en présence de ce réservoir de bras neufs. Pourquoi rémunérer un affranchi à un salaire décent, si l’on dispose d’une main d’œuvre indienne si bon marché?

Depuis l’abolition de l’esclavage, les Indiens deviennent ainsi malgré eux, les otages de l’épreuve de force qui oppose leurs employeurs aux esclaves affranchis, pour l’obtention d’un salaire raisonnable et de meilleures conditions de travail. Cela ne rend que plus difficile leur intégration à la population martiniquaise.

Les coulis sont appréciés de leurs patrons, mais rejetés par les anciens esclaves. Présents dans les instances politiques de l’île depuis qu’ils ont obtenu l’abolition, les affranchis vont s’opposer de plus en plus farouchement à cette politique d’immigration.

En 1884, ils obtiennent gain de cause, et les convois en provenance des Indes sont définitivement interrompus.

  1. Les colons

L’importation d’engagés est autorisée par la compagnie des îles d’Amérique. Les engagés sont des travailleurs français qui s’engageaient pour 36 mois.

La fabrication du tabac se fait en Martinique, ce qui entraîne donc la nécessité de peu de main d’œuvre faite, la plus grande partie du travail est effectuée par les concessionnaires et les engagés.

Le concessionnaire est la personne à qui on a donné le terrain sous forme de concession. Les engagés demandaient à leur tour une concession, arrivé à terme des 36 mois.

Au XVIIe siècle, les Portugais ont expulsés des colons Juifs Hollandais du nord-est Brésilien. Les Juifs Hollandais ont apporté avec eux les secrets de fabrication du sucre et se sont déplacés en Martinique.

Au milieu du XVIIe siècle, la Martinique est essentiellement peuplé de blancs, habitants et leurs serviteurs « alloué », et des engagés.

Les premiers colons sont des croyants. Malheureusement, le comportement des colons n’est pas toujours d’une sainteté parfaite à l’exemple des  bagarres, abus du jeu, des boissons, libertinage. Ils ont donné du fil à retordre aux premiers religieux, qui ne cessent de demander aux autorités des sanctions parfois très sévères.

C’est qu’il y a loin de la foi à la pratique des commandements bibliques dans un univers où débrouillardise, loi du plus fort, appétit de jouissance restent les vertus principales de la réussite, dans un univers où la menace de la mort est persistante, le lendemain rempli d’incertitude, non seulement font songer à Dieu, mais aussi poussent à profiter au maximum de l’instant présent.

Il y a plus grave que ce déséquilibre entre la morale et la foi. Toute une série de croyances et de superstitions que l’on a trop tendance à oublier ont entaché le catholicisme des premiers colons. Au XVIIe siècle, sorciers et sorcières faisaient partie du paysage, on les craignait, on les ménageait. Les messes noires étaient courantes.

En règle générale, l’époque faisait mal la distinction entre religion, magie et sorcellerie : comme au Moyen-âge, Satan y luttait encore avec Dieu de toute sa présence, disons « physique ».

Belain d’Esnambuc a débarqué en 1635 sur la côte ouest de la Martinique avec quelques centaine d’hommes. Quelques escarmouches ont lieu avec la population de l’île, les Caraïbes, mais la différence s’est vite faite face à la supériorité de l’armement européen.

Face aux hommes cuirassés et armés de fusils, les combattants, nus, équipés d’arc et de flèches, ne feront pas le poids.

Et bientôt, les chefs caraïbes ont passé des accords avec les Européens. Ils laissent les hommes de d’Esnambuc s’installer sur la côte ce qui est une cruelle erreur.

La position des français est consolidées ce qui les ont permis d’édifier un fortin dit Fort Saint-Pierre.

En une vingtaine d’années, ils ont pris le contrôle total de la Martinique. Les Caraïbes sont d’abord repoussées vers la Cabesterre (Presqu’île de la Caravelle), puis exterminés.

Les terres à proximité de Saint-Pierre sont défrichées et mises en exploitation dès l’arrivée des colons-soldats de d’Esnambuc. On y plante du manioc et des patates pour la subsistance, du rocou, de l’indigo du cacao et du tabac pour l’exportation.

Les marchands français ou étrangers qui viennent en Madinina, charger leurs cales de produits exotiques, et les flibustiers qui y amènent leurs prises, assurent une certaine prospérité à la colonie.

Des paysans, des nécessiteux, quelques aventuriers quittent la métropole et débarquent régulièrement sur l’île, attirés par une propagande leurs promettant fortune et vie de rêve sous le soleil.

Majoritairement normands ou bretons, les « Engagés », sont liés à leurs maîtres par un contrat de trois ans. A terme du contrat, c’est à leur tour défricher et créer leurs propres exploitations. Hélas, peu nombreux sont ceux qui y arrivent, décimés par un travail harassant sous un climat torride.

  1. La vie et le travail au quotidien des esclaves

Le Code Noir exista sous deux versions. La première version a été préparée par le ministre du roi et puissant contrôleur général, Jean-Baptiste Colbert. Sa promulgation est faite  en mars 1685 par Louis XIV.

La seconde version sera promulguée par Louis XV au mois de mars 1724.

Dans un texte sous le nom de « code noir « , Colbert, ministre de louis XIV, donne un aperçu global des instructions concernant les esclaves dans les colonies.

Les instructions de Colbert à l’Intendant Patoulet est l’origine du Code Noir pour la Martinique.

Exporter les sucres vers la France en pleine guerre révolutionnaire et importer la nourriture nécessaire en particulier aux esclaves est impossible. Les esclaves doivent se planter eux-mêmes ceux qu’ils vont manger.

Au début, Le Code Noir est un décret royal concocté par le ministre Colbert en 1685. L’objectif du Code Noir est la réglementation de la vie des esclaves, de la relation avec les maîtres en soixante articles. Le sort des esclaves noirs est donc scellé par ce Code. L’esclavage se présente comme une organisation sociale, juridique et économique dirigé par ce fameux Code Noir.

 

Sur le plan économique, pour assurer la rentabilité et le fonctionnement de la plantation, l’esclave est considéré comme un bien immobilier tel que le meuble et de ce fait put être vendu.

 

Un esclave ne peut pas témoigner à un procès ni avoir le droit de soutenir une action en justice. En tant qu’homme, si l’esclave commet un délit, la responsabilité pénale peut lui être appliquée.

 

S’il est condamné à mort, une compensation financière serait versée à son maître. L’application de ce code s’est fait sans interruption à la fin du XVIIe siècle (1685) jusqu’à la moitié du XIXe siècle (1848).

 

Même si les esclaves sont protégés des mauvais traitements par une série d’articles comme la  garantie de  leur apport en vêtement puisque la nudité est interdite, l’assurance de  leur apport en nourriture, ils n’ont aucun moyen de recourir en justice et subissent toutes sortes de maltraitances morales et physiques.

 

La nourriture des captifs est constituée de quelques racines. C’est à des tanières que ressemblent leurs maisons. Les meubles sont constitués de quelques calebasses. Ils travaillent continuellement sans aucun salaire.

 

La moindre faute des esclaves méritent vingt coup de fouet. En plus des conditions de travail difficile, le travail dans les plantations est épuisant et la mortalité atteint un taux effrayant.

Le repos dominical, prescrit par le Code noir, est en effet mal observé. Toute faute est châtiée impitoyablement et la fuite est assimilée à un crime.

Pour une fuite, le Code noir a minutieusement prévu les supplices : « le fugitif – celui que les auteurs du temps nomment « le Nègre marron » – doit avoir les oreilles coupées et être marqué à l’épaule ; la seconde fois, il aura le jarret coupé et sera marqué à l’autre épaule, et la troisième fois il sera condamné à la peine de mort. »

Parfois, le suicide d’un Noir provient d’une incoercible nostalgie du pays natal. Les planteurs n’aiment pas ce genre de situation  dont la répétition dégénère souvent en épidémie et ceci va engendrer leur faillite. En conséquence,  il faut éradiquer ce goût de la mort en faisant appel aux divinités ancestrales. La croyance des noirs est que l’esprit est vivant et libre quand le corps est mort.

Le nouveau cadre de vie de l’Africain est l’habitation. Les Africains sont réduits en servitude aux colonies. L’habitation est une vaste exploitation. Elle est définie comme un monde clos rythmé par le travail et la discipline. Pour l’esclave, au-delà de l’habitation s’ouvre le monde de la liberté.

Pour pouvoir se marier, l’esclave doit obtenir l’accord de son maître. Ses progénitures vont être la propriété du maître de la mère.

En matière civile, le droit de propriété est enlevé à l’esclave alors il ne peut pas léguer d’héritage à ses descendants.

Réellement, le code Noir ne fut jamais appliqué dans son intégralité.

 

A la fin du XVIII e siècle, à l’âge de 27 ans, Pélage entre dans la Milice des gens de couleur. Dans le 1er Bataillon de Chasseurs de la Martinique, il est enrôlé comme fusilier composé. Ce bataillon est composé presque exclusivement de gens de couleurs et de noirs et commandé par Bellegarde.

 

Sa nomination en grade de sergent s’est faite après trois mois de service. Il est nommé sergent, le premier avril 1793.

 

Pour Léo Elisabeth, Magloire Pelage serait un neveu de Louis Callixte dit L’Enclume. Comme lui, l’Enclume était natif du Lamentin et a servi de lieutenant à Louis Bellegarde.

L’Enclume qui est alors capitaine des Gardes nationales est tuée lors de l’assaut du Morne Vert-Pré contre les royalistes. Daney recueillant la tradition sur place, affirme qu’il n’a été que blessé et ce n’est que quelques jours après qu’il est mort, au Lamentin.

 

Lacour précise que Pélage s’est blessé à la cuisse aux côtés de L’Enclume. C’est en récompense que Rochambeau élève Pélage au rang de lieutenant dans la Compagnie de chasseurs.

 

 

 

  • De l’esclave au citoyen
  1. L’abolitionnisme au XIXe siècle

L’abolition de l’esclavage s’est faite en deux temps. La première abolition a été proclamée le 4 Février 1794 (le débat à la Convention en l’an II). La seconde a été proclamée le 27 Avril 1848 (un débat à l’Assemblée national constituante le 1er Décembre 1848).

En métropole, Nantes, Le Havre, La Rochelle et Bordeaux sont les ports de l’Atlantique ainsi que les principaux bénéficiaires du trafic des nègres.

Dans ces villes, bon nombres de négociants ont amassé des fortunes considérables grâce au système colonial.

A la fin du XVIIIe siècle, ces différents bénéficiaires du système deviennent un groupe de pression influent en métropole. Pour défendre leur intérêt, ils seront un frein puissant à l’heure des mouvements en faveur de l’abolition de l’esclavage.

Du fait de l’appartenance de la Martinique aux Anglais, l’abolition de l’esclavage, votée par la Convention le 4 février 1794, reste sans effet à la Madinina.

L’année 1848, dans toutes les colonies françaises, est marquée par la signature  du décret d’abolition de l’esclavage.

La société des amis noirs ainsi que des humanistes tels que l’Abbé Grégoire ont fait pression pour que la convention proclame l’abolition de l’esclavage.

La majeure partie des Blancs pense que la survie de la colonie se repose sur un régime inégalitaire ignorant la séparation des pouvoirs et le système représentatif. Les blancs,  par la charte de 1814, ont obtenu le rétablissement provisoire des institutions de l’Ancien Régime. Sans précipitation, ces mêmes colons sont amenés par le gouvernement de Restauration à accepter le droit commun.

En 1794, la Convention redonna la liberté aux esclaves, mais domination Britannique  sur la Martinique empêche l’application du décret.

Des dépenses croissantes sont exigées pour l’amélioration du sort des esclaves alors que le sucre perd le tiers de sa valeur.

Au début du XIXe siècle, la traite des Noirs est interdite par les Britanniques mais la France n’a pas suivi.

Au XIXe siècle, ce sont les esclaves eux-mêmes qui ont mené la lutte contre l’esclavage dans tous les pays comme Jamaïque, Martinique, Cuba, Honduras, États-Unis. Mais dans les colonies françaises, c’est Victor Schœlcher, député de la Martinique et de la Guadeloupe,  qui a contribué à l’adoption du décret sur l’abolition de l’esclavage le 27 avril 1848.

Malgré l’abolition de l’esclavage, cette pratique a néanmoins continué sur l’île jusqu’en 1946 mais d’une autre façon, avec le Code de l’indigénat.

Issu de la bourgeoisie parisienne, Victor Schœlcher  a repris l’entreprise familiale. Il se lie au mouvement romantique. Dès 1829, Il a effectué de nombreux voyages notamment aux Amériques, aux Caraïbes, puis en Afrique.

Durant ces voyages, il a constaté et a analysé les réalités de l’esclavage qu’il dénonce dans ses ouvrages. La seule solution dont il est persuadé est une abolition complète et immédiate de l’esclavage.

 

En 1830, alors que le parlement britannique n’a pas encore voté l’émancipation, alors que le Congrès de Vienne avait incité en vain les nations participantes à réprimer la traite négrière encore pratiquée depuis leurs ports depuis quinze ans déjà, une répression du trafic négrier à l’échelle « universelle » était préconisait par Schœlcher et une suppression progressive de l’esclavage.

En cela, il est sur les marches des hommes célèbres comme Condorcet, Mirabeau, l’abbé Grégoire, William Wilberforce, Thomas Clarkson ou Morenas.

Concernant l’esclavage toutefois, une fois la source de la traite négrière tarie par d’efficaces mesures d’interdiction des esclaves mèneraient selon lui à l’extinction de l’esclavage.

En France, les partisans de la suppression de l’esclavage affichaient de la prudence, celle notamment, de la Société Française pour l’Abolition de l’Esclavage qui ne se prononça que tardivement, en 1847, en faveur d’une émancipation immédiate des esclaves.

En 1844, Victor Schœlcher entreprend alors la dénonciation de l’élaboration en France d’un racisme pseudo-scientifique qui tend à démontrer l’infériorité des Noirs après qu’il devient membre de la Société d’ethnographie de Paris.

 

Par la suite, il a fait des investissements dans la Société française pour l’abolition de l’esclavage au sein duquel il a obtenu de nombreux témoignages dénonçant l’acquittement par la justice des sévices des colons, qu’il rend public en 1847.

 

Après la révolution de février 1848, il signe alors le décret d’abolition immédiate de l’esclavage le 27 avril 1848 dans toutes les colonies et possessions françaises quand il est nommé au poste de sous secrétaire d’Etat aux colonies.

 

  1. l’empreinte de l’esclavage sur la société Martiniquaise

 

A- la mentalité

 

a- . Sur la conception de la société

Aujourd’hui encore, les Martiniquais se réfèrent facilement à une société organisée en couches sociales antagonistes basée sur l’utilitarisme, le mépris, l’exclusion réciproque, en ce qui concerne la place dans l’économie et la production : les blancs métros – venus de France –, les « blancs pays » enracinés depuis quelques générations, les mulâtres, les noirs, les syro-libanais… Les rapports sont empreints de brutalité latente dans les paroles et les gestes, reflet de la violence enfouie mais  neutralisée par le sentiment d’un accord à réaliser peu à peu au cours des siècles. L’ancienne relation maître- esclave provoque chez ce dernier une réaction de revendication et de protestation, la volonté d’effacer l’humiliant mépris ; cette réaction induit aussi des attitudes très dignes de prise en charge de son pays et de son avenir, le souci de se valoriser par son savoir, par une qualification professionnelle, sinon par un apparaître pas toujours de bon aloi. Chez le maître, le souvenir de la période esclavagiste n’a pas complètement éteint une nostalgie d’un passé de privilèges dont il ne dispose plus. L’égalité républicaine est parfois difficilement aceptée

b- La conception de la loi

Pendant deux siècles, la loi réglant les rapports des individus et des groupes fut le Code Noir (1665. Au lieu de l’égalité et du respect, le Code noir entérinait la discrimination. Pour contourner la situation humiliante, il n’y avait  que la révolte : le refus d’une société basée sur l’esclavage et d’une loi immorale, la fuite (le « marronage »), le mensonge (officiel) ou l’obéissance feinte. Aujourd’hui encore, on constate des difficultés à intégrer l’impératif moral d’une société qui doit vivre ensemble. La loi n’est pas un repère d’humanisation. Ceci se traduit par la difficulté à s’engager dans une parole donnée dans le travail comme dans le mariage. La confiance ne s’installe pas et certains Martiniquais préfèrent intégrer des groupes de cadres sûrs comme l’armée, l’administration ou des groupes de type sectaire.

c- Le rapport au monde

Durant l’esclavage, la terre est considérée comme le lieu de la damnation, de l’excès productif. Aujourd’hui les Martiniquais ne se sentent pas gestionnaires de ses richesses et responsables de l’avenir de leur pays. L’héritage du passé s’oppose à toute mystique de travail. Le travail n’est pas directement générateur de dignité humaine puisqu’on a empêché l’homme esclave « de négocier son travail comme valeur économique et comme valeur symbolique de sa dignité de créateur ». Plus particulièrement, le travail manuel est considéré par les Martiniquais comme un travail humiliant car c’est celui de l’esclave. Ils préfèrent se tourner vers l’activité tertiaire.

Si l’esclavage a engendré une conception d’une vie sans avenir en acceptant ce qui arrive comme fatalité, malgré tout, elle a également provoqué la conception opposée c’est  à dire celle qui veut se libérer de l’oppression au prix de la révolte. Plusieurs épisodes de l’histoire de la Martinique illustre cette volonté de bâtir.

d- Le rapport à l’autre et à soi-même

Le fonctionnement de la société et l’idéologie conduisait l’esclave à intérioriser son insignifiance humaine. Signe de cette dépréciation de la race, le blanchiment était souvent recherché. A la base de la société esclavagiste, on trouve les relations de domination. Encore aujourd’hui, les rapports sont de suspicion. D’où la difficulté pour ceux qui habitent ces îles à se savoir solidaires d’une histoire. Les tentatives politiques pour créer un parti national (ou nationaliste) se heurtent à cet héritage : les divergences de race, d’intérêt, d’enracinement culturel, sont privilégiées au détriment des éléments d’une histoire commune, même si elle a des taches de sang.

 

L’indignité humaine que fut l’esclavage n’a pu engendrer des résultats positifs : elle portait en elle trop de germes de dégradation d’humanité. Pourtant, à partir de ce qui conduisait à la négation du respect de l’autre, des hommes et des femmes ont su laisser se développer des germes de dignité, de liberté. On peut penser aux « nègres marrons » qui, refusant de se soumettre, prirent la clef des champs ; à ceux et celles qui silencieusement ont cherché à injecter dans leur vie le respect, l’amour, le pardon. Ils ont à leur façon, dans des circonstances tragiques et déstructurantes, cru à la grandeur de l’homme, non point au coin de la cheminée, mais dans un agir poussiéreux, ambigu, marqué d’excès et de faiblesses.

B- la langue

 

En tant que DOM, la langue officielle reconnue juridiquement en Martinique est le Français. Malgré cela, presque toute la population à l’exception des «Métros» qui résident en Martinique de façon temporaire parle le créole.

 

En 2005, quelque 2240 élèves dans 97 classes et 35 écoles dispensaient un enseignement du créole (langue et culture régionale), selon le premier dispositif d’information et de sensibilisation. De plus, 229 élèves dans huit classes et quatre écoles pratiquaient le deuxième dispositif dans lequel le créole est traité au titre de «langue vivante». Bref, 2469 élèves, sur un total de 47 643 élèves du secteur public, suivaient un enseignement du créole, soit environ 5 % de la population scolaire. Malgré ces possibilités, les parents préfèrent de loin l’anglais au créole. L’anglais est une langue internationale auréolée de prestige, ce qui défavorise le créole.

Par ailleurs, le système actuel, tel qu’il est appliqué en Martinique, passe sous silence les difficultés pédagogiques qu’entraîne l’enseignement quasi exclusif de la langue française et l’importation du «moule pédagogique métropolitain». Comme beaucoup d’élèves n’ont pas le français comme langue maternelle, les méthodes pédagogiques en usage peuvent causer des problèmes d’apprentissage, étant donné qu’elles peuvent se révéler inappropriées à des élèves dont le français constitue presque une langue seconde

La question des manuels scolaires peut aussi causer aussi des problèmes d’intégration socioculturelle. En tant que département français d’outre-mer, la Martinique vit une situation de dépendance quasi exclusive de la France, non seulement pour ce qui concerne son système éducatif, mais aussi pour son approvisionnement en manuels et autres documents pédagogiques. Tous les enfants non blancs évoluent dans un milieu naturel et humain tout à fait différent de celui qui est représenté dans les manuels de classe européens et la plupart d’entre eux se perçoivent facilement comme «étrangers dans leur propre pays», surtout quand on sait que les élèves martiniquais apprennent l’histoire de France, non celle de la Martinique. Or, tous ces problèmes ont favorisé un fort taux d’alphabétisme — 7 % à 10 % en Martinique contre 1% en France — et d’illettrisme (incapacité de lire un texte simple), ce qui peut être considéré comme une «honte» pour un département français.

Ce quasi-échec dans l’apprentissage scolaire montre que le système éducatif ne produit pas les effets escomptés. Bien que les programmes officiels autorisent une référence au contexte local, l’usage d’exemples locaux ne permet pas d’inculquer aux élèves les fondements de la culture créole en raison de la dilution qu’elle subit.

Pour ces raisons, l’enseignement actuel ne favoriserait pas la construction identitaire des élèves martiniquais. Au contraire, il favoriserait chez eux des difficultés particulières, car il leur offrirait des modèles avec lesquels ils ne se reconnaissent pas et auxquels ils peuvent difficilement s’identifier.

Les médias et la vie économique

Du côté des médias, la presse écrite en Martinique compte un quotidien francophone, France-Antilles, plusieurs hebdomadaires ou mensuels régionaux complétés par la diffusion des journaux édités en France. Il existe aussi plusieurs journaux en créole (presse populaire). La Société nationale de radio et de télévision pour l’outre-mer retransmet des programmes de France-Télévision, d’Arte et de la Cinquième, et produit des programmes régionaux en français. Comme un peu partout aux Antilles, les stations de radio locales privées témoignent d’une extraordinaire vitalité et diffusent pratiquement toutes leurs émissions en créole; ajoutons que 90 % de la musique diffusée est du zouk et que celui-ci est toujours en créole martiniquais, guadeloupéen, guyanais, haïtien, etc.

En matière d’information, Radio-Martinique diffuse une session d’information  d’une durée de dix minutes en créole.  Le créole est aussi utilisé de manière ponctuelle dans les différents journaux d’information.

Dans le domaine de la vie économique, le français occupe une place importante qu’il partage en partie avec le créole. Dans le monde des entreprises, le créole n’est à peu près pas employé, en revanche,  le créole est généralisé chez les ouvriers et les travailleurs des classes sociales moins favorisées. La publicité en créole reste limitée, car elle est généralement perçue par les commerçants comme peu rentable. L’écoulement des marchandises continue de se faire grâce à la langue française.

Pour conclure, il faut bien admettre que le créole et le français ne sont pas en situation de véritable concurrence, mais en situation de complémentarité.

C- économie

Problème de la terre

 

S’il existe une hérésie dans le cadastre et le POS (Plan d’Occupation des Sols) dans le système français, c’est bien en Martinique. Après l’abolition, les békés restent les principaux propriétaires de terre. Pour l’exploitation ou l’habitat, des lopins de terres les moins fertiles (sans titres de propriété) ont été concédés aux esclaves. Ceux qui n’ont pas cette chance se sont rabattus sur les « 50 pas géométriques » pour y construire des logements  de fortune qui sont la première cible des cyclones. Les « 50 pas géométriques » se situent sur la bordure de la mer et sont propriété de l’État pour des raisons de « défense nationale ».

Ainsi, beaucoup de martiniquais se trouvent sans titre de propriété sur des terres où leurs ancêtres ont vécu depuis des siècles. Ils sont en butte à des menaces d’expulsions ou d’expropriation de la part de l’État ou des propriétaires békés. La question de la terre revêt une importance centrale, pour ne pas dire vitale. Tout projet réellement révolutionnaire ne pourra faire l’impasse sur une profonde et radicale réforme agraire. En attendant, plusieurs luttes se focalisent autour du maintien de quartiers ou de maisons menacés de déguerpissement.

Ces clivages de « castes » ou de langue (le créole pour les békés et les descendants d’esclaves), sans annihiler la lutte des classes, obscurcissent les conditions de son développement.

Structure de l’économie

 

Elle est typiquement coloniale et complètement extravertie. Ils exportent toute leur production et importent tous les produits consommés. Dans l’agriculture, les principales cultures sont la banane (110 000 tonnes par an), l’ananas et la canne à sucre. La banane a supplanté la canne à sucre comme principale production à cause des contraintes imposées par la France et aussi l’Union européenne. Il ne faut pas concurrencer le sucre de betteraves européen dans un marché mondial très concurrentiel.  La place de l’industrie est faible : agroalimentaires, distillation de rhum (rhumeries), quelques industries légères de biens de consommation. Le haut du pavé est occupé par les services : import-export, tourisme, le BTP, transports (voiliers).

Pour caricaturer, les secteurs économiques sont stratifiés selon les castes. Les békés (à peine 1% de la population, 3600 individus) possèdent l’essentiel des terres, contrôlent 70% de l’exportation de la banane, 40 % de la production de canne à sucre, plusieurs monopoles d’importations. Ils contrôlent aussi 75 % de l’industrie (hors raffineries et hydrocarbures), mais seulement 5% du BTP (secteur pas très noble pour des békés qui ont tous acheté des titres de noblesse). Les coolies dominent les transports tandis que les Asiatiques occupent le créneau de la petite distribution et des pièces détachées automobiles. Le textile est la chasse gardée des libano-syriens. Les professions libérales (avocats, médecins, architectes) reviennent en grande partie aux mulâtres

Les services

Incontestablement, le secteur tertiaire domine l’échiquier économique. Il participe avec un taux record de 82,2 % au PIB et emploie plus de 80 % de la main-d’œuvre essentiellement les descendants d’esclave. Ceci étant, comme dans d’autres domaines, il ne faut pas oublier que l’île est fortement influencée par la France, pays où la filiale agroalimentaire et le secteur du service ont une présence bien marquée.

Le tourisme

Le tourisme en Martinique est intimement lié à la conjoncture économique des années 80.Il a connu un développement très appréciable entre 1980 et 2000, si bien qu’arrivée à la fin de cette période, l’île dénombrait une fréquentation de 500 000 clients/an.Ce chiffre concerne les séjours incluant tout type d’établissement, car l’île bénéficie également du tourisme de croisière qui est évalué à 200-250 000 clients chaque année. Plus de 6 000 entreprises sont concernées par ce marché, ce qui représente 16 % des sociétés recensées. Elles emploient un peu plus de 6 500 personnes (7 % des salariés), dont la très grande majorité répartie dans les segments recruteurs que sont l’hôtellerie traditionnelle et la restauration. Aujourd’hui, son impact sur la dynamique régionale est très important.

 

 

 

 

 

 

Conclusion

En 1946, la Martinique accède au rang de départements, mais l’assimilation politique engagée par le biais de la départementalisation ne s’est pas accompagnée d’une véritable émancipation économique et sociale.

Ce qui fait dire à Aimé Césaire, en 1971 que « la départementalisation, qui devait être l’égalité des droits, ne le fut pas. Le nouveau système est devenu encore plus colonialiste que l’ancien. Peu à peu, il a sécrété ses privilégiés : ceux qui vivent de lui, les fonctionnaires, les grosses sociétés, le ‘lobby’ antillais qui pèse sur le pouvoir ».

 

La transformation de l’économie et de la société martiniquaise, bien que nécessaire en raison de l’effondrement de l’industrie sucrière, s’avéra difficile pour la population qui a dû se rendre à l’évidence: l’ancienne économie basée sur une agriculture d’exportation (banane, rhum et canne à sucre) n’avait plus qu’un avenir fort limité en Martinique. Dorénavant, l’industrie prometteuse, c’est davantage le tourisme et l’industrialisation.

Du côté de l’État français, le recours systématique aux subventions a fini par devenir une «forme d’assistanat perpétuel» dans une île où le taux de chômage avoisine parfois les 35 %. Enfin, en Martinique la problématique identitaire martiniquaise n’a pas été résolue, puisque l’assimilation à la culture européenne, surtout depuis l’intégration à l’Union européenne, s’avère en totale contradiction avec la réalité géostratégique de la Martinique au sein des Antilles. Par ailleurs, depuis plusieurs années, les Martiniquais créolophones s’impliquent davantage dans la gestion de l’île et la nomination d’un «Métro» à un poste-clé ne va plus de soi. À ce sujet, les années quatre-vingt-dix ont été marquées par des grèves dont la revendication principale portait sur l’égalité des traitements entre Blancs et Noirs occupant des postes identiques.

 

 

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