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L’hispanisation des Etats-Unis depuis les années soixante-dix : Une chance ou une menace ?

L’hispanisation des Etats-Unis depuis les années soixante-dix : Une chance ou une menace ?

 

A. Introduction

Depuis la fin du dix-neuvième siècle, l’immigration hispanique est devenue un phénomène grandissant. Jusqu’à ce jour, on note l’existence d’importants courants migratoires qui relient les Etats-Unis au Mexique. Bien que la communauté hispanique soit constituée de nombreuses nationalités, la majorité est formée par la population mexicaine. Il est donc assez courant de noter que la population hispanique est très souvent associée à la population mexicaine dans de nombreux documents.

Les Etats-Unis sont un pays d’immigration et ont redéfini leur identité au fil de l’histoire. Dans leur article « Etats-Unis, vers  une société post-européenne »[1], Philip Golub et Jim Cohen parlent de la croissance des minorités aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, la culture hispanique commence à être perceptible dans le quotidien des étatsuniens en raison notamment de la migration massive. De nombreux auteurs et chercheurs prétendent que l’ampleur de la migration est un phénomène grandissant et constitue une menace pour les Etats-Unis. Cependant, d’autres auteurs contredisent cette hypothèse.

Afin de mieux comprendre l’hispanisation des Etats-Unis, nous allons d’abord voir le contexte de l’étude, parler des généralités, parler de la communauté hispanique aux Etats-Unis et de l’influence hispanique sur les Etats-Unis. Une synthèse en sera issue.

 

B. Description du contexte de l’étude

 

La migration hispanique aux Etats-Unis est un phénomène qui est présent depuis déjà plus d’un siècle. Depuis les années soixante-dix, en raison de divers facteurs, dont essentiellement économiques et politiques, ce phénomène s’amplifie et se trouve à l’origine d’une liaison plus étroite essentiellement entre les pays de l’Amérique latine et les Etats-Unis. Cependant, on assiste toujours à une relation d’interdépendance déséquilibrée.

 

La construction et l’agriculture américaines sont les deux principaux domaines dans lesquels les Hispaniques, notamment les Mexicains, sont présents. Mais en plus de ces domaines, on peut aussi citer les autres services urbains et la restauration. On assiste alors à un côtoiement des identités et à un entretien de relations asymétriques, inégales et parfois conflictuelles. En dépit de ces situations, on ne peut pas dire qu’il y a un choc ouvert sur les cultures, encore moins un réel métissage, bien que Samuel Huntignton associe la migration mexicaine à une menace pour l’identité américaine[2].

 

De nombreux Américains s’appuient sur l’idée que l’hispanisation est une chance pour les grandes villes américaines car elle permet leur revitalisation, principalement Los Angeles (la « capitale du futur ») et certains quartiers défavorisés.

 

Cependant, depuis le 11 septembre 2001, on assiste à un durcissement des conduites et des discours anti-migration. D’une part, il y a la crainte d’une infiltration de terroristes à travers la frontières mexico-américaine et d’autre part, on peut noter la peur d’une invasion mexicaine.

 

Toutefois, on n’assiste pas à un affaiblissement du flot des migrants. De plus, au sud du Rio Bravo/Grande Rio, la classe et l’opinion politique commencent à admettre que le Mexique ne devrait pas être sans ceux qui sont passés al otrolado. Ainsi, le Congrès a autorisé le droit de vote aux Mexicains de l’étranger en 2005.

 

Face à l’immigration continuelle et de plus en plus importante des Hispanique, on peut dire que les Etats-Unis sont fortement imbriqués avec les pays d’origine des immigrants, principalement le Mexique. On peut prétendre que ces pays sont destinés à rester en lien étroit. Il n’est donc pas question d’une situation spécifique ni moins d’une situation temporaire.

 

Figure 1 : Les flux d’immigrants aux Etats-Unis[3]

 

C. Généralités

Un recensement effectué au début de l’an 2000 a montré que 12%[4] de la population américaine est constituée par les Hispaniques, ce qui leur positionne au rang de première minorité. Les Hispaniques deviennent désormais un acteur de grand rôle au sein de la société américaine. En effet, ils constituent un marché de grande ampleur car, d’une part ils sont très recherchés par les entreprises et d’autre part, ils forment un électorat fortement courtisé par les partis politiques.

 

Côté politique, les opportunités d’accès des Hispaniques sont limitées en raison de l’existence de certains obstacles structurels et conjoncturels.

 

– L’émergence politique des Hispaniques a lieu dans un contexte non favorable à l’immigration des latino-américains. Il est utile de préciser que depuis les 90, les Etats-Unis ont mis au point une politique restrictive quant aux flux de migration en provenance du Mexique en particulier. Les législations fédérales sont devenues de plus en plus dures et la frontière est militarisée, ce qui explique une crainte à une « invasion » des Etats-Unis par les Hispaniques.

 

– Depuis les attentats de 2001, une approche sécuritaire relative à l’immigration a été particulièrement développée par le gouvernement des Etats-Unis. Les retombées de cette approche concernent aussi bien les immigrés sans papiers que les immigrés légaux.

 

Côté structurel, les Hispaniques ont un pouvoir politique provenant des opportunités nées par les découpages électoraux.

 

1-Les Hispaniques : la première minorité aux Etats-Unis

 

En l’an 2000, l’introduction de la catégorie « Hispanique » (appelée aussi « Latino ») a permis de prendre conscience de la forte croissance en nombre de cette population ainsi que de son influence dans divers domaines, notamment culturel et économique. Sa croissance en nombre résulte d’une politique d’ouverture et d’une politique de fermeture à l’immigration venant d’Amérique latine. Il est à préciser que les amendements de 1965 à l’Immigration and Nationality ont principalement contribué à la transformation de la nature de l’immigration.

L’IRCA (Immigration Reform and Control Act), en 1986, a procédé à la régularisation de 2,67 millions d’immigrés sans-papiers[5] dont des Haïtiens, des Cubains et un grand nombre de travailleurs agricoles mexicains. Suite à cette période d’ouverture, l’acte de l’immigration sorti en 1990 a fait des Hispaniques le quota le plus élevé entrant aux Etats-Unis. Si, en 1995, le quota annuel avec Cuba a autorisé 20 000 migrants[6], il a aussitôt été modifié en 1996. En effet, la détention des sans-papiers est rendue possible pendant plusieurs mois. Un durcissement des peines et des sanctions a eu lieu suite à ces mesures. Une année plus tard, une amnistie consistant à régulariser le statut de quelques 400 000 Centraméricains a été mise en œuvre.

 

Vers le milieu des années 90, la fermeture en matière d’immigration a abouti à l’ouverture relative du passé en raison de mesures de sécurité extérieure et intérieure. Sur le plan domestique, de nombreux débats ont ravivé la crainte d’une « invasion mexicaine[7] » des Etats-Unis et des Etats du sud-ouest.

Près de 30% de la population californienne est d’origine hispanique. En Californie, la Proposition 187, en 1994, consiste en une abolition provisoire des aides sociales aux immigrants sans papiers. Au parlement, les vives discussions relatives à l’éducation bilingue ont met en évidence les tensions entre positions restrictives et libérales sur l’immigration, légale et illégale. Après ce référendum, les Hispaniques ont rencontré de plus en plus de difficulté à obtenir des visas et des autorisations de réunification familiale. Concernant la sécurité extérieure, les frontières ont été renforcées suite au passage du PatriotAct et des attentats. Il est nécessaire de noter que, depuis 1994, la traversée de la frontière est devenue de plus en plus difficile et dangereuse.

 

La militarisation de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis a provoqué un déplacement des immigrés vers les Etats d’Arizona et du Texas, des zones désertiques dans lesquelles les immigrés périssent d’insolation et de déshydratation[8]. En effet, plus de 2 200 personnes[9] ont été retrouvées mortes en tentant de passer de la frontière. Par ailleurs, le gouvernement des Etats-Unis a rendu systématiques les expulsions des immigrés irréguliers à la frontière.

 

Des répercussions directes relatives à l’immigration légale et illégale venant de l’Amérique latine sont issues des aléas des politiques migratoires. Cependant, la fermeture des frontières n’a pas eu d’impact sur l’augmentation en nombre des Latinos de première et de seconde génération. Les Hispaniques représentent la première minorité des Etats-Unis, avec un nombre atteignant plus de 40 millions de la population totale[10].

 

2- La composition de la population américaine

2-1- Avant 1970 : en 1960

 

Figure 2 : La composition ethnique de la population des États-Unis en 1960[11]

Les Etats-Unis étaient depuis toujours pluriethniques et leur diversité en matière de démographie resta assez limitée pendant plusieurs années. En 1960, c’est la catégorie des Blancs non Hispaniques qui est restée majoritaire car elle composait près de 85% de la population. Toutes les autres catégories étaient minoritaires, à noter que les Afro-Américains représentaient près de 10,8% de la population. Les Hispaniques ne constituait que 3% de la population américaine.

Le nombre des catégories ethniques s’est vu largement multiplié, ce qui a été noté lors des recensements du vingtième siècle. Cela a rendu la classification de plus en plus détaillée. Ainsi, un recensement effectué en 2000, d’après les travaux de recherche, a permis de faire la distinction entre une vingtaine de catégories. Ainsi, parmi les asiatiques, on regroupe les Japonais, les Chinois, les Indiens, les Philippins, les Coréens, les Hawaïens, les originaires de l’Ile de Samoa, les Vietnamiens et les autres catégories issues des pays de l’Asie.

 

En 2006, la plupart de la population des Etats-Unis correspond au type connu sous le sigle WASP (White Anglo-saxon Protestants). Au sens originel, cette appellation fait référence au sens originel. Sur les centres de décision économique et politique, sa domination a été presque exclusive. Ainsi, en 2006, ils représentent jusqu’à 67% de la population des Etats-Unis.

 

2-2- En 2006

 

Figure 3 : La répartition ethnique de l’accroissement de la population des Etats-Unis du 1er avril 2000 au 1er juillet 2006[12]

Figure 4: La composition ethnique de la population des Etats-Unis en 2006[13]

2-4- Les prévisions en 2050

La catégorie des Blancs non Hispaniques reste toujours majoritaire depuis de nombreuses décennies. Si la population hispanique comptait près de 42 millions d’habitants en 2005, ce nombre pourrait tripler en 2050 pour atteindre 128 millions[14]. Ainsi, le poids de démographique correspondant doublerait, passant de 14% à 29% entre 2005 et 2050.

 

Ces projections sont obtenues à partir de deux facteurs :

  • les effets des apports migratoires
  • les effets du mouvement naturel pour chaque communauté ethnique

 

En dépit des difficultés économiques rencontrées depuis 2008, le solde migratoire est positif pour les Etats-Unis. En effet, les divers facteurs répulsifs peuvent continuer à fonctionner d’une part, et l’existence des possibilités de migrations réticulaires d’autre part.

[1] COHEN Jim, GOLUB Philip S, « Etats-Unis, vers une société post-européenne », Les Blogs du Diplo, 5 juillet 2011

[2] Samuel Huntington, Qui sommes-nous ? Paris, Odile Jacob, 2004

[3]Gérard-François Dumont – Chiffres PewResearch Center, 2008, réels puis projeté

[4] Emmanuelle Le Texier, 2003,  Latino power ? « L’accès au politique des Latinos aux Etats-Unis ». Les études du CERI

[5] Emmanuelle Le Texier, 2003,  Latino power ? « L’accès au politique des Latinos aux Etats-Unis ». Les études du CERI

[6] Ibid

[7] On trouve couramment l’expression « brown invasion » dans la presse

[8] Entretien avec un officier de patrouille frontalière, 7 novembre 2002, San Diego. Voir J. Nevins, Operation Gatekeeper.  The  Rise  of  the  « Illegal  Alien »  and  the  Making  of  the  US–Mexico  Boundary,  New  York, Routledge,  2002,  et  E.  le  Texier,  « Huelga  de  hambre  en  la  frontera »,  dans  La  Prensa-San  Diego,  13

décembre 2002

[9] Entretien avec un officier de patrouille frontalière, 7 novembre 2002, San Diego. Voir J. Nevins, Operation Gatekeeper.  The  Rise  of  the  « Illegal  Alien »  and  the  Making  of  the  US–Mexico  Boundary,  New  York, Routledge,  2002,  et  E.  le  Texier,  « Huelga  de  hambre  en  la  frontera »,  dans  La  Prensa-San  Diego,  13

décembre 2002

[10] PEW HISPANIC CENTER, Mexican Immigrants: How Many Come, How Many Leave, 22 juillet 2009,

http://www.pewhispanic.org/reports/report.php?ReportID=112

[11] Source : Gérard-François Dumont – chiffres Pew Research Center, 2008

[12] Gérard-François Dumont – chiffres Census bureau

[13]Id.

[14] Jerey S. Passel and D’Vera Cohn, U.S. Population Projections: 2005–2050, Pew Research  Center February 11, 2008

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