L’impact du marketing sensoriel sur le comportement du consommateur : Du marketing sensoriel au marketing olfactif
Partie1: Revue de littérature:
du marketing sensoriel au marketing olfactif
Le Marketing est un domaine où l’innovation est presque une obligation. Le vendeur doit absolument convaincre le client potentiel d’acheter ses produits. Il fait appel à tous les sens pour stimuler un réflexe d’achat chez le consommateur. La vue, l’ouïe, le toucher, le goût ont été utilisés depuis longtemps. Par contre, l’exploitation de l’odorat est assez récente. Le marketing olfactif est donc une innovation. La littérature sur le sujet n’est pas aussi pléthorique que les ouvrages sur le marketing sensoriel relatif aux autres sens. Les travaux de Virginie Maille ont permis de faire le point sur les avancées des recherches sur le marketing olfactif.
Le marketing olfactif est encore à une phase d’expérimentation. Aucune formule idéale ou stratégie-type n’a été reconnue mais le fait est que cette discipline nouvelle s’inscrit de plus en plus dans la tendance du marketing sensoriel. L’intérêt des chercheurs et parti d’un constat de plus en plus partagé : pour vendre des produits, il faut mettre ces derniers dans un environnement qui fait appel aux cinq sens du consommateur. Les auteurs de l’ouvrage clé Le marketing olfactif[1] admettent que « la consommation est plus affective et le consommateur, devenu polysensoriel, est désormais à la recherche de stimulations sensorielles et émotionnelles lors de ses expériences de consommation». Barbet et al. estiment que l’acte d’achat et de consommation ne peut plus être considéré comme un acte purement rationnel.
Le consommateur a donc tendance à acheter par plaisir. Le vendeur et le distributeur seraient obligés à séduire les clients en tenant compte de cette nouvelle habitude de consommation. L’odorat est un sens qui provoque un plaisir. Selon Laure Jacquemier, il transporte les individus-percevant dans un monde où la rationalité s’estompe au profit de la dimension hédonique. La première porte ouverte sur le marketing sensoriel a été un article de Kotler (1973) présentant l’influence de l’environnement physique du point de vente sur la démarche du consommateur. Il a affirmé que l’atmosphère du lieu de vente est un moyen stratégique important pour les distributeurs. « La création d’un environnement d’achat produisant des effets émotionnels spécifiques chez l’individu, tels que le plaisir ou l’excitation, susceptibles d’augmenter sa probabilité d’achat ».
1- Le marketing sensoriel du point de vente
Bien qu’il soit une discipline relativement nouvelle, le marketing sensoriel fait déjà l’unanimité chez les professionnels. Les premiers retours d’expérience font état d’une augmentation du chiffre d’affaires entre 10 et 30% liée à la méthode qui combine les different sens du consommateur. Grâce au marketing sensoriel, le client est accueilli dans un environnement de confort et dans une ambiance suggestive propice à l’achat. L’atmosphère sur le point de vente capte le consommateur qui vit une experience sensorielle agréable.
Le marketing sensoriel part du postulat qu’un consommateur est enclin à passer plus de temps et à dépenser plus d’argent dans un lieu où il se sent bien, stimulé par une musique, une odeur ou une ambiance générale agréable. Dans la même logique, il a tendance à se tourner vers des produits dont la consommation est censée lui procurer ce sentiment de bien-être.
1.1Définition
La definition du marketing sensoriel est très récente car les études sur ce domaine s’est développé à partir de l’an 2002. Le marketing sensoriel est un « ensemble de variables d’actions contrôlées par le producteur et/ou le distributeur pour créer autour du produit ou du service une atmosphère multisensorielle spécifique, soit à travers les caractéristiques du produit lui-même, soit à travers la communication en sa faveur, soit à travers l’environnement du produit au point de vente »[2].
Le marketing sensoriel est une branche spécifique du marketing. Il privilégie les cinq sens pour attirer le client. Le marketing dans sa forme traditionnelle a pour habitude de privilégier la vue et le toucher. Le gout n’intervient que pour les produits alimentaires. L’odorat et l’ouïe sont moins exploités. La sollicitation des cinq sens permet de provoquer chez le client des émotions particulières. Les consommateurs stimulés sont intégrés dans l’ambiance ou l’environnement du point de vente. Ils sont présents autour du produit ou du service.
Ce marketing de l’émotion sort des sentiers battus du marketing traditionnel qui serait trop rationnel dans le cadre du marché actuel. Il est utilisé quand l’offre est très importante et qu’il faut au vendeur démarquer son produit par rapport à ceux des concurrents. Le produit a alors un signe distinctif qui est une information sensorielle. Il est présenté dans une atmosphère particulière qui réaffirme cette démarcation.
Dans l’ouvrage Le marketing sensoriel, les auteurs affirment que l’acte d’achat n’est plus purement rationnel. « La consommation est plus affective et le consommateur, devenu polysensoriel, est désormais à la recherche de stimulations sensorielles et émotionnelles lors de ses expériences de consommation ». Idéalement, le produit est présenté dans un environnement où peuvent intervenir les cinq sens du consommateur. Faire appel à tous les sens a pour objectif de faire à ce que l’acte d’achat soit un plaisir. Le bien-être du moment sur le lieu de vente encourage théoriquement le consommateur à rester plus longtemps et à dépenser de l’argent. La nature des produits qu’il achète n’est pas étrangère au bien-être qui l’anime à l’instant.
Le marketing sensoriel se pratique sur le lieu de vente, dans le magasin. Il se définit comme le fait d’utiliser des facteurs d’ambiance faisant intervenir les cinq sens dans le but de susciter chez le client ou consommateur une réaction favorable à l’achat. Une musique douce ou rythmée, des senteurs agréables, des objets que l’on peut toucher, une ambiance olfactive, des couleurs vives ou apaisantes… le choix et les possibilités sont très larges.
Connaître et influencer les réactions du consommateur ont été des objectifs dès le départ. Le marketing sensoriel s’appuie sur la psychologie environnementale dont le principe est basé sur l’impact qu’a l’environnement sur l’individu. Ce contexte qui l’entoure a une incidence sur son humeur. L’individu aura différentes types de réactions. Les réactions affectives renseignent sur son état de détente. Les réactions cognitives laissent transparaître ses pensées. Les réactions comportementales déterminent sa réaction physique.
Le marketing sensoriel du point de vente a pour objet la manière avec laquelle le client s’adapte et réagit à l’environnement physique du magasin. Au début, on a fait appel à cette discipline pour étudier la perception des produits par les consommateurs. La technique et le savoir qui accompagnent le marketing sensoriel ont mis du temps à être vulgarisés. Entre temps, la gestion de l’ambiance du point de vente va se faire par une démarche intuitive. Pourtant, la sollicitation des palettes sensorielles est devenue très fréquente, permettant des expériences de consommation originales.
Cette démarche commerciale permet de séduire le consommateur réconforté dans son bien-être. Elle intègre la perception humaine comme élément de stratégie. Le marketing sensoriel est donc basé sur les expériences vécu par l’individu. Il mise sur l’adéquation entre les produits et les attentes du consommateur. Ce produit est valorisé par l’environnement où il est présenté aux clients.
La genèse du marketing sensoriel remonte dans les années 1940-1950. A l’époque, l’analyse sensorielle avait pour but d’étudier en profondeur les comportements du consommateur. Dans les années 1980, l’importance accordée à l’émotion a démontré son impact sur le comportement du consommateur et le processus de décision d’achat. Dans les années 2000, le marketing sensoriel paraît comme une évidence. Pour se démarquer des autres, un point de vente doit offrir un environnement permettant de donner des attributs symboliques aux produits. Ces derniers sont en effet de plus en plus standardisés, en particulier en ce qui concerne les attributs tangibles et fonctionnels.
Le marketing sensoriel renforce les attributs de différentiation d’un produit et clarifie son positionnement sur le marché. Les nouveaux attributs du produit sont de l’ordre affectif et symbolique. Des critères esthétiques et immatériels sont désormais considérés. Le consommateur a un nouveau mode de consommation. Des produits censés être plus sensoriels ont été créés afin que le consommateur puisse développer une identité polysensorielle.
Cet appel aux sens est une stratégie visant à faire face au comportement raisonné et prudent des consommateurs qui ont besoin d’être persuadés avant d’acheter. Bien que prudent de nature, le client a besoin de divertissement et éprouve des émotions. Selon Graillot (1998), le consommateur aspire à « des aventures, de la nouveauté, des expériences, des excitations, des émotions pour s’évader, rêver et pour rompre, fuir et oublier la monotonie de sa vie quotidienne, ses soucis ».
1.2 L’étude des cinq sens
Dans son évolution, le marketing sensoriel a étudié les cinq sens afin de comprendre leur fonctionnement et de mesurer leur impact.
La vue
C’est le sens le plus sollicité en marketing car il est stimulé par n’importe quel environnement. Voir et observer un produit ou un point de vente est un réflexe, quelque chose de normal. L’identité visuelle est une notion que pratiquement toutes les entreprises ont intégrée. Les couleurs sont savamment utilisées que ce soit sur les produits ou sur le point de vente. La forme compte aussi au regard du consommateur. Ce dernier s’intéressera à l’aménagement du point de vente.
Dès les années 1950-1960, la vue faisait déjà l’objet d’études approfondies dans le cadre des recherches sur le marketing sensoriel. Par l’identité et la communication visuelles, les marques se sont construit une personnalité. Le design et la couleur sont utilisés pour se différencier de la concurrence. Ils permettent d’être identifié par les consommateurs. Dans la pratique, le marketing visuel consiste à utiliser une couleur sur le produit pour s’identifier à celle-ci. Le rouge de la Ferrari est un exemple. Mieux encore, l’opérateur en télécommunication Orange a fait d’une couleur sa marque.
L’ouïe
Dans les années 1960-1970, le marketing s’est intéressé aux arguments auditifs. La révolution musicale de ces deux décennies a influencé la publicité. La musique est utilisée pour fixer le message dans le souvenir du consommateur. Elle crée une ambiance de détente et de décontraction qui lève tout frein à l’achat. Utilisée dans les magasins et surfaces commerciales, la musique renforce l’identité de l’enseigne. Elle rapproche cette dernière de ses clients.
Le goût
L’évolution du marketing sensoriel l’a amené à développer l’argument du goût dans les années 1970-1980. Cet argument intéresse particulièrement l’industrie agro-alimentaire. Le goût est une qualité intrinsèque au produit. La saveur est l’élément qui fait vendre. Pour toucher les consommateurs, l’industrie devait connaître les goûts des aliments que ceux-ci aiment. La production industrielle est par ailleurs considérée comme nuisible aux qualités gustatives des aliments. Ainsi, un argument centré sur le goût naturel d’un produit ou la saveur d’une recette de grand-mère touche le public.
Les responsables marketing se sont intéressés au goût parce que l’appréciation de la saveur du produit change selon l’âge, les régions, la culture, le sexe. Des boissons destinées aux femmes, des petits gâteaux qui font le bonheur des enfants, un arôme très masculin… les produits ont un goût conformément aux attentes de la cible. Le marketing gustatif est aux aguets car le goût évolue avec le temps et est aussi sujet au phénomène de mode. Les attributs gustatifs est le principal élément de différenciation du produit.
Le toucher
La plupart des produits de consommation sont touchés de la main. L’argument du toucher dans le marketing sensoriel concerne surtout les produits à manipuler que ce soit dans un but d’utilisation courante, ludique ou professionnelle. Le toucher crée une sensation qui indique si le consommateur trouve le produit agréable ou maniable. Des recherches ont été menées pour trouver la matière idéale en tenant compte de certains paramètres comme la dureté, la douceur, la chaleur, l’élasticité, les caractéristiques de la surface… L’évolution technologique a permis de maîtriser ces paramètres.
Le toucher est le contact réel entre le consommateur et le produit, mais aussi avec le point de vente. Difficile d’imaginer un beau fauteuil vendu en vitrine sans qu’il n’y ait la possibilité de le toucher. Même pour l’achat d’une voiture, le fait d’être assis au volant donne une réelle impression de ce que sera la conduite. Les points de vente se sont adaptés à cette envie des consommateurs de toucher ou de palper les produits. Le merchandising est une technique marketing qui permet justement de rendre les produits à portée de main. Le toucher est important dans le marketing sensoriel parce que dans la nature de certaines personnes, le contact physique avec un objet est essentiel.
L’odorat
L’odorat a été considéré longtemps comme le parent pauvre du marketing sensoriel. L’intérêt pour le sens olfactif s’est développé à la fin des années 1980. Considéré comme le plus difficile à maîtriser, il aura fallu attendre le développement des technologies et de nombreuses expérimentations non sans difficultés pour que l’odorat soit en odeur de sainteté auprès des responsables marketing. L’olfaction est un sens à part, sur le plan marketing. Elle se distingue par sa capacité à véhiculer des émotions. Sentir une odeur peut faire remonter des souvenirs et des sensations enfouis dans le subconscient.
Le consommateur est en apparence de moins en moins rationnel quand il s’agit de décider d’acheter un produit. L’acte d’achat est souvent motivé par des paramètres émotionnels et affectifs. La connaissance des réponses émotionnelles permet d’y voir finalement quelque chose de rationnel. Le marketing sensoriel stimule les sens avec méthodes et techniques. Les stimuli visuels, gustatifs, auditifs, tactiles et olfactifs répondent en réalité à des désirs de stimulation ressentis par le consommateur. Le produit et le point de vente sont appréhendés avec les cinq sens. Les émotions ressenties sur le moment par le consommateur influence sa décision d’effectuer un achat.
1.3 Les réponses émotionnelles chez le consommateur
L’étude des émotions chez le consommateur intéresse le marketing dans la mesure où celles-ci peuvent avoir une incidence sur les réactions et les comportements. La réponse émotionnelle est donc au cœur du processus de décision qui mène à l’acte d’achat. Cette influence se fait à l’insu de l’individu qui n’est pas conscient qu’il est en train de décider sous le coup de l’émotion et qu’autrement il aurait agi différemment. L’impact de l’émotion peut être ressenti physiquement. La réaction corporelle a diverses manifestations comme les mimiques au visage, le dérèglement du système respiratoire, une activité électrique du cerveau, les mains moites…
La tâche du marketing sensoriel n’est pas aussi simple que provoquer de l’émotion et des réactions. En effet, la même émotion peut provoquer des réactions différentes sur deux individus. De même, la même personne peut avoir deux réactions opposées à la même émotion à deux moments et situations différents. L’analyse des comportements des consommateurs s’intéresse de plus en plus à la réaction affective face à un stimulus. Le professeur Marc Filser affirme que la considération des états effectifs du consommateur offre au marketing des possibilités dans le domaine opérationnel.
Les travaux de Zajonc (1982) ont permis de démontrer l’interdépendance entre les systèmes cognitifs et affectifs. La prise en compte de l’un est aussi importante que pour l’autre dans l’analyse du comportement du consommateur. Il n’y a pas d’ordre établi selon lequel l’affectif suit le cognitif. L’émotion peut précéder l’information. Cette dernière ne sert pas forcément à la prise de décision. Plus tard, elle justifiera l’achat si c’est nécessaire.
Zajong affirme que les réactions affectives peuvent se déclencher indépendamment du processus cognitif, même dans le cas où le dit processus est absent. Quand l’individu éprouve une émotion, ses systèmes affectifs et cognitifs peuvent être parallèles. Ses préférences – relevant du domaine de l’affectif – sont donc analysée à part. Zajong remet en cause toute dépendance systématique entre la perception et l’émotion. Il estime que les individus ont besoin d’un traitement d’information peu élaboré pour exprimer une réaction affective de manière spontanée. Au contraire, une réaction cognitive nécessite plus d’information.
Derbaix (1975) a été le premier à distinguer le rôle des réactions affectives dans un processus d’achat, relativisant la logique de la primeur donnée aux réactions cognitives. Il soutient que la préférence dépend plus du sujet qui va aimer ou non l’objet tandis que la perception est déterminée par les caractéristiques de l’objet. Derbaix et Pham (1989) soutiennent que les choix réalisés par les consommateurs proviennent des émotions. Avant cette prise en compte des émotions, les travaux de recherche se sont d’abord intéressés au concept de réaction affective.
L’approche affective était liée intrinsèquement à l’approche cognitive. Cette dernière suppose que les individus recherchent volontairement et activement de l’information afin de procéder à un choix. C’est à partir de ses préférences et des objectifs qu’il s’est fixés qu’il entame cette démarche cognitive. Le consommateur lance un processus de traitement de l’information à partir de la mémorisation, de la perception et du raisonnement. La seule place de l’affectif est donc la variable préférence qui influence le processus cognitif.
Holbrook et Hirschman (1982) ont introduit l’approche expérientielle pour appréhender le rôle des dimensions affectives dans l’observation du comportement des consommateurs. Ils établissent que la consommation est une expérience pour un individu. Les réactions affectives sont donc les résultats de cette expérience. L’acte d’achat procure des sentiments et des sensations. Les émotions sont un sous-ensemble des états affectifs qui interviennent afin de comprendre le processus de prise de décision et le comportement du consommateur.
D’après Pieters et Van Raaij (1988), un certain nombre de comportements du consommateur ne trouvent pas d’explications rationnelles, si l’on admet que l’individu n’est pas affecté par ses émotions. Ces auteurs établissent un lien entre aux relations entre l’affectif, le cognitif et le comportement. Allen, Machleit et Schultz Kleine (1992) avancent que les émotions peuvent expliquer certains comportements dans des contextes où des d’autres concepts ne permettent pas de comprendre ce comportement. Une attitude inexpliquée ne peut éclairer sur le sujet.
2 L’olfaction & le marketing olfactif
2.1 L’olfaction
L’odeur est un stimulus olfactif. Elle désigne les propriétés d’un objet qui déclenche le sens de l’odorat. De tel objet a un composant odorant qui est une substance chimique. L’olfaction désigne le sens de l’odorat mais aussi l’action de sentir une odeur. L’olfaction est activée par un stimulus auquel l’individu réagit de manière physiologique. Elle peut aussi être une action volontaire qui vise à flairer une odeur en inspirant profondément.
Le sens de l’odorat est déterminé par la combinaison d’odorants et de chémorécepteurs. Il existe environ 400 000 odeurs différentes. C’est une valeur optimale qui est le pendant du nombre de couleurs estimé à 16,7 millions. Les 1000 types de chémorécepteurs permettraient de décomposer une odeur. Vu le nombre de combinaison possible, il s’avère impossible d’effectuer une classification des odeurs.
KATZ[3] estime la possibilité de l’être humain à hauteur de 10 000 odeurs distinctes. Elle explique le processus physiologique : « l’olfaction agit lorsque des molécules odorantes de l’air sont concentrées au fond des fosses nasales où se trouve la muqueuse olfactive. A la surface de cette muqueuse se trouvent des cellules réceptrices extrêmement sensibles, les cils olfactifs, qui vont capturer cette information volatile jusqu’alors chimique pour la transformer en une information électrique sous la forme d’impulsions nerveuses. Cette information est ensuite transmise aux neurones, eux-mêmes reliés directement à la partie du cerveau située juste au-dessus, le bulbe olfactif ».
L’être humain a des possibilités physiques liées à l’odorat. Comme tout attribut humain, celles-ci sont plus développées que chez certains, moins performantes chez d’autres. La première est la possibilité de détecter une odeur. Ensuite, il s’agit de reconnaître cette odeur et de l’associer à un objet. Encore plus évoluée, la capacité de distinguer permet de reconnaître deux odeurs différentes. Le summum de la capacité olfactive est de mesurer une odeur afin d’en comparer l’intensité ou la qualité.
Virginie MAILLE affirme que l’homme est doté de capacités olfactives plus importantes qu’on ne le pense couramment. « On a longtemps prétendu que la place secondaire qu’occupe l’odorat chez l’être humain provenait de l’insuffisance de son appareil olfactif, peu développé en regard d’autres espèces animales. On s’accorde à penser plus volontiers maintenant que l’olfaction a été reléguée à cette place du fait de son assimilation à un sens « animal » et de la pauvreté des possibilités de description des odeurs dans notre langage »[4] .
Le Magnen soutient que « l’être humain possède plus de dix millions de récepteurs olfactifs, ce qui lui permet de détecter des substances odorantes à des concentrations infimes ». Grâce à son sens de l’odorat, un individu peut détecter une odeur. Cette détection commence par l’activation et se termine par la saturation. Le facteur d’échelle est de 1 pour 50. La rapidité de l’activation, le seuil temporel jusqu’à la saturation et l’accoutumance dépend de l’odeur et aussi des facultés olfactives de l’individu. Le sens de l’odorat diminue avec l’âge Il est très développé aux environs de 30-40 ans. Les cas de perte totale de l’odorat sont très rares.
L’odorat a un lien direct avec la psychologie puisqu’elle fait intervenir une zone du cerveau. Le cortex olfactif se trouve dans le système limbique. L’odorat peut déclencher le plaisir, la peur et l’agressivité. Elle intervient aussi dans la formation de la mémoire. Dans d’autres zones du cerveau, l’odeur suscite des émotions et des réactions sont l’impact peut être ressenti physiquement comme la faim ou le désir sexuel. Cité dans l’ouvrage de référence Le marketing olfactif, Philippe MASLO affirme que l’olfaction n’accède pas directement à la conscience, contrairement aux autres sens. « Elle entre dans le cerveau par le système limbique où elle se colore aussitôt d’émotion et œuvre dans l’inconscience de nos goûts et nos inclinaisons »[5]
Tous les individus n’ont pas les mêmes capacités olfactives. La différence provient de sensibilité des capteurs olfactifs de la cavité nasale. Les écarts de perception s’expliquent aussi par la variation du processus d’apprentissage d’une personne à une autre. Certaines personnes, généralement des professionnels, sont amenées à développer leur capacité olfactive. Leurs performances s’apprécient dans leur qualité de discernement dans la reconnaissance, la comparaison et la mesure de l’odeur.
C’est le cas des œnologues qui sont capables de reconnaître le nom et l’âge d’un vin juste en sentant son odeur. Dans certains pays pauvres, des personnes dont des enfants ont pour travail de trier des métaux et d’autres matières dans une décharge. Ils utilisent juste leur capacité olfactive pour les différencier.
Les surdoués du nez ont une capacité de discernement supérieure à la norme humaine. A. Holley explique le mécanisme : « pour commencer les opérations de traitement de l’image, le bulbe reçoit de plusieurs régions du cerveau des messages de contrôle qui lui parviennent par des voies dites centrifuges. Ces voies modulent profondément les réponses des neurones aux odeurs ; elles façonnent donc l’image olfactive. Par leur intermédiaire, l’intérêt du sujet pour l’odeur, son désir ou sa faim peuvent interférer avec la transmission du message »[6].
2.2 Les conclusions des scientifiques
La perception des odeurs est un processus par lequel un individu choisit, organise et interprète des éléments d’information externe. Il se sert de ces stimuli pour construire une image cohérente du monde qui l’entoure. Ce processus de l’olfaction n’a pas encore dévoilé tous ses mystères. De nombreux travaux de recherche ont pour but de démontrer l’influence des stimuli olfactifs. L’étude menée par le professeur Virginie MAILLE (2001)[7] a mis en exergue quelques conclusions émises par les scientifiques.
Les odeurs stimulantes n’ont pas une incidence sur le sujet. Ce dernier réagisse de la même façon en étant soumis à une odeur stimulante ou non. Par contre, l’étude dirigée Morin et Ratneshwar a validé l’existence du lien entre l’odorat et la fabrication de la mémoire. La répétition de la même odeur stimule la mémoire qui l’associe à une image ou une marque. MAILLE a aussi relevé les études qui ont établi l’influence de l’odeur sur les attitudes cognitives des sujets. La difficulté n’est pas résolue quand il s’agit de choisir l’odeur qu’il faut pour être associé à un produit ou un service.
MAILLE insiste sur le rôle de la mémoire dans le processus d’identification d’une odeur. « Les odeurs sont très propices à l’enregistrement d’associations mentales. Involontaires et parfois surprenantes dans la mesure où les informations enregistrées peuvent être totalement indépendantes de l’odeur, ou même, inconscientes, ces associations sont en outre caractérisées par leur persistance dans le temps et leur résistance aux interférences ».
Des études ont aussi démontré la différence de sensibilité des individus en fonction de facteurs personnels. L’influence des odeurs varie selon le profil individuel car la sensibilité olfactive n’est pas la même pour tous. Deux types de facteurs interviennent. D’abord, les facteurs interpersonnels dont le premier est associé au patrimoine génétique, d’après les études de McLeod (1992) citées par KATZ. Certains individus sont sujets à des anomalies partielles transmises par un gène récessif. Leurs facultés olfactives sont alors peu développées ou au contraire très affûtées. L’être humain peut aussi perdre ses facultés naturelles par le tabac.
La culture joue un rôle déterminant dans la perception olfactive. Hirsch (1992), cité par MAILLE, associe la sensibilité aux odeurs à l’influence de l’origine ethnique, la localisation géographique d’origine et la génération à laquelle la personne appartient. Le Professeur Maille fait aussi référence aux travaux de Cain &Pierce mettant en exergue la suprématie des femmes sur les hommes en raison de leur meilleur sens olfactif, leur prédisposition à leur encodage et à leur capacité de mémorisation des odeurs. Les familiarités acquises dans les tâches domestiques et culinaires ont contribué au développement des facultés olfactives des femmes.
Les facteurs intrapersonnels de la sensibilité olfactive se résument à l’âge et aux maladies. Ils sont associés à la détérioration progressive du sens olfactif. Certaines maladies pourraient même provoquer une anosmie complète même si les cas sont rares.
L’odorat est également un sens que les humains utilisent dans ses rapports avec les autres. Il intervient en cas de proximité ou de rencontre. « Au-delà de sa fonction respiratoire, le nez est aussi un organe social qui opère des sélections et détermine des distances entre les individus »[8] explique le philosophe Annick Le GUERER. Le vocabulaire très restreint de l’odorat est enrichi par les métaphores liées à la vie sociale. « Ne pas sentir bien quelque chose » « Ne pas pouvoir sentir quelqu’un », « avoir du nez » sont des expressions qui font référence à l’olfaction.
Plusieurs scientifiques se sont intéressés à l’apprentissage de l’odorat ou aux exercices permettant d’aiguiser ses sens. Les auteurs de l’ouvrage Marketing olfactif proposent une définition : « l’apprentissage est un processus d’acquisition d’informations recherché ou subi par un individu et menant à une évolution durable de son comportement basée sur l’expérience »[9].
L’exposition et le contact répétés à une odeur améliorent la capacité de l’individu à la mémoriser et à l’identifier. KATZ favorise le système d’ancrage qui permet à l’être humain de fixer dans sa mémoire une odeur en associant cette dernière à un support (lieu, image, produit, personne). Sa théorie est corroborée par l’expérience de Lyman et Mc Daniel selon laquelle « les meilleurs résultats de reconnaissance sont atteints lorsque l’odeur est associée en même temps à un nom et à une image »[10].
L’odeur peut avoir une signification spécifique par son association avec une information stockée dans la mémoire. Cet élément est pratiquement cognitif mais est avant tout affectif. Il peut provoquer des comportements et a une puissance émotionnelle remarquable. Selon HOLEY, cette association mentale qui fait intervenir la mémoire est au cœur du processus d’identification de l’odeur. MAILLE souligne aussi les propriétés des odeurs que sont la mémorisation, la signification et la connotation hédonique. « Les odeurs pourraient permettre, d’une part une meilleure mémorisation des différents stimuli, et d’autre part marquer ces derniers de leur sens ou de leur agrément »[11]
2.3 Le marketing olfactif
2.3.1 Définition
Le marketing olfactif est une branche du marketing sensoriel qui consiste à utiliser les odeurs à des fins marketing et commercial. Il est appliqué au produit, au point de vente et à la communication. Le but du marketing olfactif est d’attirer le consommateur à acheter à l’aide d’odeur sur le produit. Appliqué dans l’espace de vente par des diffuseurs, il sert à faire perdre au client la notion de temps. L’olfaction fait partie intégrante du nouveau marketing polysensoriel.
L’odorat est même associé à une identité. Il permet à un client de reconnaître une marque grâce au « logolf » ou logo olfactif. Sur un point de vente, le marketing olfactif renforce l’image d’une enseigne par une odeur qui rappelle aux clients son univers ou suggère un univers tout simplement plus agréable. La diffusion des senteurs vise la mémorisation et le plaisir. Elle favorise la qualité de l’expérience client. Ce dernier se sédentarise sur le lieu et a donc tendance à remplir encore plus son panier. Dans cette atmosphère parfumée, des odeurs peuvent être des indices pour le client. Le marketing olfactif rend dans ce sens la circulation dans le magasin plus fluide. Mal utilisé ou à outrance, il peut occasionner une cacophonie olfactive.
La saturation du marché et la nécessité de faire plus d’effort pour inciter le consommateur à l’achat sont à l’origine de ce marketing d’un nouveau genre. L’olfaction a déjà été un argument marketing depuis les années 1950. Elle a permis de différencier un produit en stimulant de l’émotion chez le consommateur. Le marketing olfactif a évolué et ne se contente plus d’être un attribut d’un produit. L’olfaction est au cœur de la stratégie marketing. L’odeur parfumée ne sert pas seulement à cacher une autre odeur désagréable dans un produit. Elle est un argument stratégique visant à cibler et à attirer des clients au même titre que le packaging. L’odeur apporte un caractère agréable à l’utilisation du produit. Elle bénéficie de sa capacité à stimuler l’émotion et le plaisir.
Le marketing olfactif s’intéresse au choix de l’odeur. Le responsable marketing peut mettre en valeur l’odeur naturelle du produit, et le faire sentir aussi sur le packaging ou sur le point de vente dans le cas d’un magasin spécialisé. Il peut choisir d’élaborer et créer artificiellement une odeur spécifique pour le produit ou à diffuser sur le point de vente. Le marketing olfactif exploite à des fins commerciales la capacité des humains, acquise dès la petite enfance, à avoir des souvenirs olfactifs. Le sens de l’odorat a en plus de cela un effet longue durée sur la mémoire. Il peut stimuler l’achat chez le consommateur.
L’odeur fait vendre. Tel est la conviction sur laquelle se repose le marketing olfactif. Ce dernier mise plus sur l’émotivité de l’individu que ses capacités cognitives. Le marketing olfactif place des stimuli dans l’environnement. Attiré et touché émotionnellement par les senteurs du point de vente, le consommateur est influencé dans son comportement. Cette émotivité est déclenchée inconsciemment.
Le marketing olfactif est essentiel pour les produits dont l’odeur constitue le principal attribut. Parfums, produits de beauté, alimentation, boisson ont des atouts olfactifs. Il y a d’autres produits qui n’ont aucun lien direct avec l’odorat mais qui bénéficient du marketing olfactif. Les produits multimédias ou encore des objets de décoration attirent l’attention du consommateur par leur qualité olfactive.
Le marketing olfactif permet d’atteindre plusieurs objectifs. « Les applications intégrant la dimension olfactive se multiplient largement, et les objectifs associés à l’utilisation des odeurs sont divers »[12].Qu’il donne une identité à la marque ou crée un environnement personnalisé pour un point de vente, son but est d’amener le consommateur à acheter.
2.3.2 Les objectifs
Le marketing olfactif a plusieurs objectifs qui sont similaires à ceux du marketing traditionnel.
Attirer l’attention :
Le marketing olfactif permet d’attirer l’attention du consommateur dans le but d’engager ce dernier dans un processus d’achat. Quand elle n’est pas intégrée comme étant un attribut du produit, l’odeur attire le consommateur et le retient dans le magasin. Ses applications récentes sont considérées comme de l’innovation, donc un argument marketing supplémentaire.
Différenciation d’un produit :
Le marketing olfactif renforce le lien odeur-produit afin d’en faire un moyen de différencier le produit auprès des consommateurs. Ledit produit est fabriqué avec des matières spéciales qui ont la particularité de diffuser naturellement ou artificiellement une senteur. L’originalité du produit est un argument de poids pour surprendre et émouvoir le consommateur.
Améliorer l’odeur :
C’est une fonction pratique du marketing olfactif. Une odeur désagréable peut rebuter le consommateur malgré les autres qualités probantes du produit. Il s’agit alors de les masquer sous une autre odeur parfumée et dont le choix vise à attirer le client. Si l’odeur agréable suscite de l’émotion positive, la puanteur peut être un frein à l’achat. Pour certains qui n’ont pas lieu d’être parfumé, l’absence d’odeur est recherché. La caractéristique inodore du produit le différencie des autres de même type mais qui sentent fort ou provoquent un réel désagrément.
Grâce à la technologie, il faut s’attendre à des surprises qui ne manquent pas de toucher les consommateurs : du gasoil parfumé, une peinture inodore… Pour un point de vente où l’odeur est désagréable à cause de la nature même des produits à vendre, la diffusion de parfum d’ambiance est indiquée. Respirer la douceur de l’air marine dans une poissonnerie est plus agréable que l’odeur des poissons.
Créer un univers :
Le marketing olfactif transporte le consommateur dans un univers particulier qui est en rapport avec l’identité du point de vente et la nature des produits à vendre. Un rayon des produits pour le sport d’hiver est drapé dans une atmosphère de neige et de montagne. Une agence de voyage préférera une ambiance exotique qui fait déjà penser au vacancier qu’il est sous le soleil des tropiques. Le marketing olfactif fait ici appel à l’association du stimulus à un souvenir afin de mettre le consommateur dans un état d’émotion.
Créer une signature olfactive :
Le logo olfactif ou « logolf » caractérise une marque ou une enseigne quand il est omniprésent. Dans chaque restaurant d’une même chaîne, le client sera accueilli par une senteur caractéristique en franchissant la porte. Tous les produits d’une marque ont la même senteur. Pour les différencier d’une imitation, il suffit de les sentir. Le logolf est un attribut à part entière du produit à qui il donne de la personnalité. Il est un signe de reconnaissance pour la marque et l’entreprise qui la fabrique.
Le logolf est un concept nouveau et est encore un phénomène de mode. C’est un argument très persuasif pour attirer le consommateur. Il contribue à la mémorisation de la marque, l’odeur ayant un effet à longue durée sur la mémoire. Le logolf est un argument de différenciation par rapport à la concurrence. Utilisable sur divers supports, il est à utiliser dans des lieux publics dans le cadre d’une PLV ou d’un événementiel.
2.3.3 La stratégie marketing olfactif
Le marketing olfactif a besoin d’une stratégie comme le marketing traditionnel. On y retrouve les incontournables segmentation, positionnement et marketing-mix.
La segmentation
Par définition, la segmentation désigne l’identification de groupes distincts de clients qui réagiront de la même façon à l’offre de l’entreprise. Le marketing olfactif est plus adapté à la stratégie différenciée en termes de segmentation. Il peut en effet viser plusieurs marchés en même temps en proposant plusieurs produits adaptés à chaque besoin. L’offre est différente selon les segments. L’odeur est considérée ici comme un attribut du produit. Elle permet donc de différencier un produit des autres sur la même gamme ou ceux de la concurrence.
La segmentation différenciée permet de pratiquer des prix élevés dans certains segments du marché. C’est pareil avec le marketing olfactif si l’attribut odeur est considéré comme une valeur ajoutée au produit. L’odeur n’est pas forcément différenciatrice au sein de la même marque. Le même attribut olfactif est alors utilisé sur l’ensemble du marché, sur tous les produits de la marque. Le logolf est une marque de différenciation externe. Il n’est pas une valeur ajoutée qui distingue un produit particulier. L’attribut odeur permet d’identifier la marque sur le marché. L’accès aux différents marchés a l’avantage de bénéficier de l’économie d’échelle et donc de baisser les coûts.
L’odeur contribue certainement à la personnalisation de l’entreprise sur le marché. Elle a cependant ses limites puisque la mise en œuvre de l’adaptation du produit à chaque segment possible serait très coûteuse. La segmentation dans le marketing olfactif est donc très restreinte. Elle met en avant les avantages recherchés par les consommateurs et les comportements de ces derniers.
Le positionnement
Le positionnement est essentiel dans la stratégie marketing olfactif ou traditionnel. Selon les auteurs de l’ouvrage Le marketing olfactif, une entreprise qui se positionne cherche à se donner une certaine situation sur le marché et dans l’esprit des consommateurs. Pertinemment choisi, l’odeur est un attribut qui permet de débanaliser le produit d’apporter une valeur ajoutée à la marque. Elle doit donc être cohérente avec le produit et la symbolique de la marque qu’elle doit personnaliser. Selon MAILLE (1999), la congruence entre l’odeur et le produit peut avoir une influence positive sur la réponse cognitive, dans ses dimensions hédoniques, utilitaires et symboliques.
En tant qu’attribut symbolique et affectif, l’odeur consolide le positionnement et différencie le produit de ses concurrents avec une manière originale. Le logo olfactif est un phénomène encore rare. La recherche de l’originalité est toutefois à double tranchant. Si la valeur ajoutée n’est pas comprise par les consommateurs, le produit est rejeté. De plus, l’odeur doit aussi être compatible avec les informations ou les émotions issues des autres sens. La stratégie marketing olfactif n’est pas isolée du marketing sensoriel. « La partition de notre perception en cinq sens est pratique, mais dans la réalité nous percevons en globalité. Les sens s’influencent les uns les autres. Les perceptions olfactives sont modifiées par ce que nous voyons et entendons (et par ce que nous nous attendons à voir et/ou à entendre) »[13].
Le mix-marketing
Selon la définition de Kotler & Dubois, le Marketing mix désigne l’ensemble des outils dont l’entreprise dispose pour atteindre ses objectifs auprès du marché-cible. Il est également connu sous le nom des « 4 P » que sont Produit, Prix, Place (distribution) et Promotion (communication).
L’odeur, ou le parfum, intervient dans la qualité du produit. Elle peut être une option parmi les caractéristiques. Le marketing olfactif s’exprime aussi sur le point de vente. La diffusion d’odeur dans un magasin attire les consommateurs et les met dans une meilleure disposition affective pour acheter. L’utilisation d’une odeur dans un environnement commercial a un objectif marketing clair : attirer et retenir le client dans le magasin. Cette senteur parfumée permet de créer une atmosphère agréable procurant du plaisir et de l’émotion. Elle a pour but d’inciter le consommateur à l’achat.
La diffusion de parfum dans le but de promouvoir une vente peut être surprenante. Un journal à l’odeur de café est censé encourager les lecteurs à le lire. Cette expérience inédite n’a pas été un succès. Les supports publicitaires intègrent des patchs parfumés qui sont des arguments essentiels.
L’utilisation de l’odeur dans le marketing mix réserve quelques incertitudes vu la difficulté de la réalisation. La variation de l’intensité de l’odeur est difficilement contrôlable car des facteurs externes comme la température, l’exposition et même la pression atmosphérique peuvent intervenir. En somme la diffusion de l’odeur dans l’environnement ailleurs que sur le point de vente échappe au contrôle de l’entreprise. Enfin, la sensibilité de l’individu exposé à l’odeur est une variable inconnue.
2.3.4 L’incidence des stimuli olfactifs sur le consommateur
La synthèse réalisée par Maille (2001) a condensé les travaux de recherche sur les effets des stimuli olfactifs sur les réponses du consommateur. La littérature sur le sujet montre que le marketing olfactif intéresse les auteurs selon deux axes principaux : d’une part, les recherches sur les effets des odeurs de produits sur les réactions du consommateur et d’autre part, les recherches sur les effets qu’exercent les senteurs d’ambiance diffusées en magasin sur les réponses affectives, cognitives et conatives du consommateur. Cet intérêt sur les effets des stimuli olfactifs sur le consommateur est récent par rapport à celui porté aux stimuli du marketing sensoriel.
La recherche sur l’incidence des odeurs a avancé quelques résultats intéressants. D’abord, l’influence de la seule présence d’un stimulus olfactif sur un produit a été démontrée. La présence d’une odeur agréable a une influence positive sur l’évaluation des produits (Laird, 1935 ; Cox, 1969). L’influence positive est aussi observée dans la présence d’odeurs environnementales agréables. L’arôme d’ambiance capte l’attention et a une incidence positive sur la mémorisation et l’évaluation des noms de marque (Morrin et Ratneshwar, 2000). Il agit sur les émotions (Daucé, 2000).
Des expériences sur le processus de formation des préférences pour un shampooing ont confirmé l’importance de l’odeur (Knoblich et Schubert, 1989). La diffusion d’une senteur agréable incite le consommateur à visiter le magasin et à passer à l’achat. Elle influence le temps passé en magasin, le temps réel étant plus long que le temps perçu (Spangenberg, Crowley et Henderson, 1996).
Les recherches sur l’incidence des stimuli olfactifs ont, selon MAILLE (2001), privilégié un postulat : les stimuli olfactifs liés aux environnements physiques, aux personnes ou encore aux marchandises peuvent induire des conséquences sur l’individu. Des protocoles ont été élaborés afin de mesurer l’incidence de la présence des stimuli olfactifs sur les réponses du consommateur. Par contre, les chercheurs ne semblent pas intéressés par l’étude de la congruence entre l’odeur et les autres éléments sensoriels qui composent l’environnement du point de vente.
Des psychologues environnementaux ont caressé le thème des effets de la congruence entre senteur ambiante et les autres facteurs du lieu de vente sur les réponses du chaland. Ils définissent l’environnement physique comme une somme de stimuli qui se combinent pour produire des réactions internes, qui à leur tour, engendrent des comportements d’approche (Mehrabian et Russell, 1974).
Si la congruence entre senteurs diffusées et autres éléments de l’enseigne et/ou de la marque est à déterminer, c’est qu’elle a un effet direct sur les réponses du consommateur. La qualité de l’odeur agréable n’a pas l’effet escompté si celle-ci est incongrue. Maille (2005) souligne que « le parfum ambiant d’un magasin peut être agréable mais sans effets, il peut même avoir un effet négatif, du fait de sa signification, incompatible avec l’image de l’enseigne, ou avec les produits qu’elle offre ». Les autres composantes expérientielles du lieu de vente sont donc à prendre en compte avec l’élément olfactif.
D’autres axes secondaires ont été empruntés par les chercheurs dans des études sur les effets des stimuli olfactifs sur les réponses du consommateur. Les différences individuelles dans le domaine olfactif ont été analysées. Les chercheurs ont pris la mesure de leur rôle modérateur dans le processus d’influence des senteurs d’ambiance sur les réactions du chaland (Jacquemier, 2005 ; Maille, 2005). Un même résultat est apparu dans plusieurs recherches : les individus ne réagissent pas de la même manière aux sollicitations olfactives, cela même si les situations sont identiques (Maille, 2001 ; Barbet et al., 1999).
Les conclusions sur le rôle des variables sociodémographiques dans l’influence des stimuli olfactifs sur les réponses du consommateur ne font pas l’unanimité. Les recherches empiriques n’ont pas corroboré l’affirmation de Schubert (1989) selon laquelle les femmes sont plus sensibles aux stimuli olfactif que les hommes.
Quelques études ont été menées sur les caractéristiques olfactives susceptibles d’être à l’origine des influences enregistrées. D’abord, la répétition favorise la mémorisation, c’est aussi vrai pour l’odeur. La diffusion d’une même senteur (versus pas de senteur ou senteur différente) durant les phases d’apprentissage a une incidence sur la mémorisation de noms de marques (Morrin et Ratneshwar, 2000). On n’enregistre pas d’effet significatif d’odeurs dites stimulantes ou relaxantes sur la performance, le stress, la somnolence ou l’irritabilité (Warm, Dember et Parasuraman, 1990)
Est-ce qu’il y a des odeurs plus stimulantes que d’autres. Les chercheurs répondent par le négatif. L’effet des stimuli olfactifs sur le comportement n’est donc différent que selon des cas de figure. L’impact est négatif quand le stimulus d’odeur environnementale est désagréable. L’effet d’odeurs agréables (fortement versus faiblement) est par contre positif dans l’évaluation de l’atmosphère.
Knasko (1989) a été parmi de ceux qui ont soutenu une hypothèse différente, évoquant un effet selon le type d’odeur. Sa recherche empirique consiste à comparer les jours odorisés et les jours non odorisés pour le premier type d’odeur (fruitée), puis pour le second type d’odeur (épicée) afin de montrer les différences dans les résultats. La portée de sa recherche n’a pas convaincu puisqu’elle a en réalité confirmé une autre hypothèse qui est l’effet de la présence d’une odeur. Chacun des types d’odeurs n’aurait pas été suffisamment observé, en scrutant par exemple l’effet de la senteur fruité sur plusieurs jours.
En 1995, Knasko renouvelle ses expériences et tente de démontrer toujours une hypothèse toujours décalée. Elle conclut en effet que l’effet du type d’odeur est obtenu avec une odeur plaisante et incongruente, la senteur du chewing-gum en l’occurrence. Elle a comparé avec une odeur congruente et désagréable du cuir qui n’a pas eu le même effet. Sa conclusion sort du sentier battu des premières expériences qui ont établi les associations plaisance/congruence et déplaisance/incongruence.
Les travaux de Knasko n’ont pas reçu toute la reconnaissance qu’ils méritent à cause d’une critique principale : la difficulté d’identifier les variables d’influence. Le même reproche a été fait à Hirsh (1995) dans sa conclusion qui nie l’effet de la valence hédonique. L’expérimentation a été faite dans un casino. Parmi deux odeurs plaisantes diffusées dans un casino, seule l’une a produit des effets, c’est-à-dire, a poussé les joueurs à miser de plus grosses sommes d’argent. La présence d’odeur est constatée. La difficulté se trouve dans la définition de la variable active qui a produit les effets.
Sur quoi le stimulus olfactif n’a-t-il pas d’effet. Des chercheurs se sont penchés sur l’absence de certains effets psychologiques qui devraient être provoqués. Cann et Ross (1989) ne constatent aucun effet significatif de l’odeur sur l’humeur de l’individu. Il s’agirait plutôt d’un effet positif recherché. D’autres chercheurs ont établi un effet négatif d’une odeur environnementale déplaisante sur l’humeur (Rotton, 1983 ; Ehrlichman et Bastone, 1991). Maille (1999) constate que l’impact de l’odeur sur l’humeur est non significatif. L’effet serait limité à un éveil du consommateur.
A travers les recherches, la variable active ne s’est avérée évidente que lorsque la congruence l’est. L’odeur est associée de manière spontanée à un produit. C’est la présence même de la senteur congruente qui produit en effet et cela indépendamment du fait que l’odeur soit plaisante ou désagréable. Sinon, la définition des variables et de leurs modalités d’action est toujours problématique. Cela ne remet pas en cause l’hypothèse d’un effet du stimulus olfactif, en particulier dans le cadre d’une diffusion d’arôme sur un point de vente. La capacité d’une odeur à agir sur le comportement du consommateur est un acquis.
La capacité de discernement du consommateur mérite d’être approfondie. Quand celui-ci prend conscience que des senteurs sont volontairement diffusées dans le but de l’influencer et de l’inciter à l’achat, va-t-il jouer le jeu. Ne se sent-il pas manipulé ? La culture marketing étant déjà adoptée par la majorité des consommateurs, identifier une action visant à promouvoir une vente ne choque pas. Par contre, l’effet recherché par le marketing est encore plus difficile à atteindre quand le consommateur a cette lucidité dans l’environnement commercial.
Les recherches menées jusqu’ici se sont basées sur un postulat : le consommateur ne tourne pas le dos au magasin s’il constate la diffusion d’une odeur. Le stimulus olfactif est donc associé à des modèles de comportement du consommateur. Sur le plan théorique, il n’y a pas de doute que l’odeur d’ambiance produit un effet sur les individus en magasin. Le stimulus olfactif est avéré comme un facteur d’influence des comportements du consommateur.
Même si les expérimentations pratiques ne sont pas nombreuses pour que la théorie soit validée par des expériences empiriques, le stimulus olfactif s’avère intéressant sur le plan opérationnel. C’est un procédé à moindre coût – la diffusion d’arôme d’ambiance – mais qui permet d’atteindre des objectifs commerciaux importants comme la fidélisation et l’augmentation des ventes par client.
D’autres acquis sur l’incidence du stimulus olfactif sur le consommateur sont axés sur la cohérence de l’odeur avec les messages perçus par les autres sens (Byrne-Quinn, 1988 ;
Knoblich et Schubert, 1989 ; Bone, Ellen et Shimp, 1991 ; Fiore, 1993). L’influence positive de la congruence de l’odeur a été largement démontrée. La congruence désigne la capacité d’un stimulus à renforcer le sens du message auquel il est associé. L’observation de son niveau a permis de voir combien le stimulus olfactif a un impact sur le consommateur.
Mitchell, Kahn et Knasko (1995) ont démontré que le consommateur prend plus de temps pour choisir son produit en présence d’une odeur ambiante congruente à la catégorie de produits contenus dans un catalogue. Il fait appel à des références personnelles pour motiver son choix, dépassant les informations cognitives. Il est plus à même de choisir une option moins connue en cherchant dans la variété. Bone et Jantrania (1992) se sont eux attelés à démontrer un impact de l’odeur congruente d’un produit sur la réponse évaluative du consommateur à l’égard de ce produit parfumé.
2.4 Odeur d’ambiance et stimuli olfactifs
La variable olfactive participe à l’élaboration d’une atmosphère spécifique au magasin. Kotler (1973-1974) évoque la création d’un environnement d’achat produisant des effets émotionnels spécifiques chez l’individu. Cette atmosphère doit remplir trois fonctions médiatiques. Primo, elle est un médium créateur d’attention. Les senteurs rendent les rayons et tout le magasin plus attractifs. Deuxio, elle est un médium créateur de messages. Le magasin ou l’enseigne communique à ses clients via la diffusion de senteurs. Tertio, elle est un médium créateur de sentiments. L’odeur diffusée déclenche des réactions émotionnelles. L’excitation et le plaisir éprouvés sons susceptibles d’influencer favorablement l’achat. Pour Derbaix (1987), une atmosphère est avant tout une «organisation de l’espace à orientation affective» dans le but de provoquer un sentiment positif comme la joie ou le bien-être.
Les effets des odeurs évoquent globalement les influences. La connaissance des modalités d’un stimulus qui agit de manière efficace sur le consommateur présente plus d’intérêt opérationnel et scientifique. Jean François Lemoine présente cinq modalités liées aux odeurs. Celles-ci ont été sélectionnées comme étant les plus susceptibles de modifier les comportements des individus aux points de vente :
La présence d’une odeur : il s’agit de déterminer si la diffusion de senteurs dans le magasin, quelles qu’elles soient, peuvent influencer le consommateur.
La nature de l’odeur elle-même : quelle senteur produit de l’effet sur les clients, qui leur procure de la détente et les retient dans le magasin.
Le type d’odeur : quel type d’odeur augmente le temps passé ou la somme dépensée. Odeur de fruitée, florale, de bois, de cuir… les types de senteurs ont des influences différentes.
La valence hédonique d’une odeur : est-ce que la présence d’une odeur plaisante dans le magasin augmente les comportements et achats non planifiés. Le degré de plaisance peut produire des effets différents.
La congruence par rapport à la catégorie de produit : la congruence ou la non congruence voulue agit-elle favorablement sur le comportement du consommateur.
3 Les variables individuelles de sensibilité à l’influence des odeurs sur l’individu
Les recherches sur les variables individuelles potentiellement modératrices de l’influence de l’odeur sur l’individu sont bien rares. Quelques variables ont été relevés comme étant des constants. Byrne-Quinn (1988) ont établi que d’autres facteurs individuels tel que l’âge, le niveau d’éducation et de revenu, l’origine géographique, le statut familial peuvent aussi être des variables.
3.1 Le sexe :
Une acuité olfactive un peu plus développée chez la femme que chez les hommes ne soufre pas de contestation. Les explications sont simples : un odorat plus développé, une exposition plus importante aux odeurs dans l’éducation et une évocation de souvenirs plus souvent liés à une odeur. Les recherches (Cain 1982 ; Doty et al., 1984, 1985) n’ont pas déterminé si cette variable est liée à une différence génétique ou à des facteurs de socialisation.
Les travaux de Hirsch et Gay (1991) ont confirmé la supériorité de la femme en matière de faculté olfactive. Lors de multiples expérimentations dans une pièce, l’odeur diffusée avait plus d’effet sur les femmes. Cela signifie aussi que les individus des deux sexes ne réagissent pas de la même manière à une odeur. Il y a des odeurs qui auraient plus d’effet sur les hommes. Ces derniers restent plus longtemps dans les rayons où il y a une présence de senteur épicée.
La différence de sensibilité olfactive entre des individus hommes et femmes a été constatée par Koelega et Koster (1974) sur des stimuli en rapport la sexualité. La connotation sexuelle des stimulations odorantes sont perçues différemment. Comme la différence de sensibilité olfactive est détectable chez des enfants pré-pubères de 9-10 ans, qui n’ont pas encore de sexualité, il est probable que d’autres odeurs qui a une autre fonction stimulante puissent provoquer des réactions différentes chez les hommes et les femmes. L’exemple probant de l’effet de l’odeur du shampoing plus marqué chez la femme que chez l’homme (Knoblich et Schubert, 1989) en atteste. Rooton (1983) a été des rares à ne pas avoir conclu à la qualité du facteur sexe comme étant une variable modératrice de l’influence des odeurs.
3.2 L’âge :
Les chercheurs n’ont pas eu à débattre de la question puisqu’il est acquis que la qualité de l’odorat se détériore avec l’âge (Doty et al., 1984). Les causes de la baisse de la faculté olfactive sont liées à des facteurs physiologiques et cognitifs (Schemper, Voss et Cain, 1981). Cela ne veut pas dire que plus on est jeune plus on a un odorat développé. Les effets de l’apprentissage et la richesse des références cognitives combinés avec les caractéristiques physiologiques de l’individu font que les 30-40 ans ont la meilleure sensibilité olfactive.
3.3 La culture :
La culture de l’individu influence sa prédisposition à percevoir une odeur et à y associer une information. Elle influence la perception olfactive sur le plan qualitatif. Les études de Coenraets et Prévost (1989) font état de la diversité des préférences olfactive en matière de parfum d’ambiance. Les notes florales étant une référence universelle, le choix de l’arôme sont différents selon les pays où les contiennent. La lavande est une note olfactive très prisé par les européens mais qui laisse un asiatique relativement indifférent. La signification cognitive associée à la fleur peut aussi avoir un effet sur la perception de son parfum.
La perception olfactive est intimement liée aux référents culturels de l’individu. Hirsch (1992) estime que la sensibilité aux odeurs chez un individu est affecté des facteurs pouvant influencer sa culture, à savoir l’origine ethnique, la localisation géographique, la génération. La senteur de la mer ne sera pas évoquée de la même manière chez un marseillais (référents port et chaleur), chez un normand (pêche et vague) que chez un parisien (absence de mer). La différence entre génération en matière de culture olfactive est importante.
Les odeurs naturelles sont de moins en moins nombreuses dans un environnement envahi par des odeurs de composition. Les enfants n’ont pas le même référent que leurs parents. L’histoire de vie ou le passé de chaque individu peut aussi influencer la perception d’une odeur quand celle-ci est un ancrage d’un souvenir douloureux. Les personnes ayant vécu connu une enfance malheureuse ont le plus souvent un souvenir des odeurs désagréables et agressives (Divard et Robert-Demontrond, 1997).
3.4 L’éducation
Les facultés olfactives physiologiques sont stimulées par l’apprentissage et l’éducation. La sensibilité aux odeurs ne se développe pas de la même manière chez deux individus. Les personnes qui ont du flair ou du « nez » ont certes des capacités naturelles exceptionnelles mais ces dernières ont été travaillées et entraînées afin de pouvoir différencier les odeurs. Cette éducation olfactive spécialisée le différencie de l’homme ordinaire qui, étant enfant ou adulte, n’a pas été initié à la dénomination des odeurs.
Les objectifs de l’éducation olfactive sont plus hauts pour un professionnel qui a besoin d’une faculté hors normes. Il s’agit de se familiariser avec les stimuli et développer les divers capacités olfactives comme l’identification, la mémorisation, la différenciation, l’association cognitive… La non familiarité des stimuli olfactifs chez les individus est le signe d’un « manque » d’éducation en la matière. L’intégration sensorielle des stimuli olfactifs ne se fait pas naturellement à un certain niveau.
3.5 L’état de l’organisme
Plus que l’état physiologique de l’individu, un paramètre permanent, l’état de l’organisme que l’on entend ici est temporaire et changeant. Il influence la sensibilité aux odeurs en déterminant certaines prédispositions psychologiques et physiques. La senteur de l’air frais de la mer est plus facile à percevoir par un individu qui éprouve une sensation de chaleur. Une personne qui a faim est très sensible à l’odeur des pâtisseries. L’état interne de l’organisme humain peut modifier la sensation (Cabanac, 1971). L’individu est alors sensible à diverses stimulations sensorielles que sont l’odeur mais aussi les saveurs ou la température.
4 Variable modératrice de l’influence de l’odeur sur le consommateur
Quelques recherches sur le marketing olfactif se sont intéressées aux modalités par lesquelles l’odeur agit sur les individus. Pour qu’il y ait perception des senteurs, il faut un niveau de présence objectif de l’odeur eu aussi une capacité olfactive chez l’individu. Gulas et Bloch (1995) ont privilégié comme variables médiatrices clefs les préférences du consommateur pour une odeur et les réponses affectives des individus. Ils affirment que la perception de l’odeur ne signifie pas forcément la reconnaissance de l’odeur. L’individu peut ne pas savoir quelle est la source des senteurs qu’il capte.
A la perception des senteurs se joignent les préférences olfactives de l’individu. Cette combinaison influence ses réponses affectives. Malgré les différences interindividuelles, certains critères de jugement sont partagés par la majorité. Il y a des odeurs qui sont unanimement considérées comme plaisantes ou déplaisantes. Sa préférence olfactive pousse l’individu à avoir un comportement à part.
La préférence olfactive intervient aussi sur la perception des senteurs ambiantes. Un consommateur percevant une odeur qu’il apprécie peut voir son humeur s’améliorer (Gulas et Bloch, 1995). L’humeur présente du consommateur influence l’évaluation des produits (Dube-Rioux, 1990 ; Hill et Gardner, 1987). L’activité olfactive de l’individu est principalement affective (Ehrlichman et Halpern, 1988). L’individu réagit à l’odeur en disant qu’il aime ou n’aime pas.
Les travaux de Holbrook et Hirschman (1982) sur l’expérience de consommation ont mis à jour des variables pouvant justifier des différences interindividuelles dans le processus de prise de décision et dans les comportements. Ces différences se situent au cœur de l’expérience de consommation. Des facteurs internes à l’individu, comme les variables sociodémographiques et certaines dimensions psychologiques amènent le consommateur vers un processus de recherche d’expérience. Le comportement exploratoire et la recherche de sensations éprouvée par l’individu sont susceptibles d’avoir un rôle déterminant dans le processus d’influence des odeurs car ils sont liés au niveau optimal de stimulation.
4.1 Niveau optimal de stimulation
L’être humain a besoin d’être stimulé pour avoir de la motivation dans ses différentes activités. Il cherche cette stimulation de manière instinctive à travers son comportement. Quand il y en a peu, l’organisme veut plus de stimulation. Face à trop de stimulation, il cherche à réduire les stimuli. Le comportement humain est dans ces cas motivé par le désir ou le besoin d’atteindre un niveau satisfaisant de stimulation (Berlyne, 1960 ; Fiske et Maddi, 1961). Il s’agit d’un niveau optimum d’activation ou OSL (Optimal Stimulation Level). L’individu essaie de garder dans la mesure du possible. Sinon, il adopte un comportement qui permet de rétablir ce niveau optimum.
Le niveau d’excitation ne peut être optimal en permanence. C’est d’ailleurs le changement à travers le comportement que le marketing sensoriel en général essaie de provoquer. L’organisme est indifférent à l’environnement quand le niveau d’excitation est faible (Berlyne 1960, 1963, 1974). Pour booster la valeur hédonique, il faut augmenter le potentiel d’excitation. La quête de la stimulation optimale est l’objectif. L’effet positif va s’effondrer après l’atteinte de cet optimum. L’excitation va alors diminuer jusqu’à ce l’organisme ne soit à nouveau indifférent.
Il est difficile de déterminer une moyenne d’un OSL. D’importantes variations individuelles (MacReynolds, 1971) rendent pratiquement impossible de l’évaluer. L’observation du comportement des consommateurs permet d’avoir des signes sur l’évolution du potentiel d’excitation. Dans la phase ascendante, l’odeur aura plus d’influence sur le consommateur. Par contre, dans la phase descendante, cette influence diminue ou pourrait être rejetée.
La préférence de chaque individu est un paramètre à tenir en compte dans un OSL. Rieunier (2000) conclut que les individus à OSL fort préfèrent un environnement très stimulant, avec la présence de stimuli important. A OSL faible, il choisira un environnement peu stimulant. Cette conception a été démontrée par le comportement de consommateurs dans un environnement où il y a la présence de stimulation sonore. Elle peut être transposée au marketing olfactif en prenant l’OSL comme une variable modératrice de l’influence de l’odeur sur le consommateur.
Sur un point de vente, le but est donc d’avoir un client idéalement stimulé par les senteurs pour que celui-ci passe à l’acte d’achat. Les arômes d’ambiance sont donc supposées être plusieurs, du moins à des niveaux d’intensité différentes pour qu’il y ait cette progression dans le potentiel d’excitation. Le choc olfactif passant en un instant de l’indifférence à un OSL n’est pas probable. En franchissant la porte du magasin, le consommateur perçoit un premier stimulus olfactif. Il en rencontrera d’autres au fur et à mesure qu’il circule dans les rayons. L’influence de l’odeur sur son comportement sera décisive pour l’achat à l’approche de l’OSL et juste après celui-ci.
4.2 Le niveau de recherche de sensation
La sensation ne s’obtient que dans une situation extraordinaire par rapport à l’habitude. On ne vit pas avec les sensations fortes tous les jours à moins d’avoir une vie aussi trépidante qu’exceptionnelle comme les héros de fiction. Il faut donc chercher ces sensations afin d’avoir la chance de les vivre, de les éprouver. Selon Zuckerman (1964, 1971, 1979), les individus qui s’y lancent ont un besoin plus fort que la moyenne de chercher des situations, des activités et des idées qui sont nouvelles, changeantes, complexes. Les qualificatifs les plus significatifs seront « surprenant » et « intense ».
La variable recherche de sensation est liée à d’autres variables. Elle peut expliquer le besoin d’aventure, la recherche de frissons, la quête d’expériences nouvelle, l’ennui, la non-inhibition… Bourgeon et Filser (1994, 1995) ont expérimenté la recherche de sensation dans le domaine du théâtre. Le niveau de recherche de sensation influence le comportement du spectateur. Au niveau faible, ce dernier apprécie la découverte et l’émotion de la pièce. Au niveau fort, il n’est pas à l’aise car le théâtre ne peut lui procurer assez de sensation.
MAILLE (2001) propose quelques hypothèses qui s’appuient sur le modèle de Rieunier (2000), en considérant des niveaux de recherche de sensation différents et susceptibles chacun de provoquer un comportement.
– le niveau de recherche de sensations est modérateur de l’effet de la présence d’odeurs : plus on veut des sensations intenses, plus on perçoit et réagit au stimulus. L’absence sera ressentie par celui qui s’attend à en sentir.
– les consommateurs les plus sensibles à la présence (versus absence) d’odeur sont ceux dont le niveau de recherche de sensations est le plus fort : la sensibilité au stimulus est liée au besoin de sensation. Le sens est plus alerte.
– les consommateurs dont le niveau de recherche de sensations est le plus fort ont une
réponse plus positive à l’égard d’un produit parfumé (versus inodore) qui répond davantage à leurs attentes en termes de stimulations : l’odeur du parfum est un stimulus qui correspond à un besoin de sensation
– le niveau de recherche de sensations est modérateur de l’effet du niveau d’agrément et de congruence de l’odeur : la réaction positive à un agrément de l’odeur est boostée par la recherche de sensations. Le comportement sous l’influence de l’odeur sera décuplé.
– les consommateurs dont le niveau de recherche de sensations est le plus fort sont les plus sensibles aux niveaux d’agrément et de congruence de l’odeur : l’individu accepte facilement une odeur quand il éprouve le besoin de sensation. Le niveau élevé de sa recherche lui pousse à trouver une congruence dans cette odeur contrairement à un individu à faible OSL.
– les consommateurs dont le niveau de recherche de sensations est le plus fort sont plus sensibles aux parfums fortement (versus faiblement) agréables, du fait de leur caractère hédonique : l’odeur agréable qui provoque une réaction de plaisir est une réponse à la recherche de sensation. Cette dernière sera insatisfaite si l’odeur n’est pas agréable.
– les consommateurs dont le niveau de recherche de sensations est le plus fort sont plus sensibles aux parfums fortement (versus faiblement) congruents, du fait de l’imaginaire auquel ils permettent d’accéder : la recherche de sensation influence la capacité cognitive sur un stimulus qui s’avère adapté.
4.3 La tendance au comportement exploratoire ou besoin de stimulation
Le mécanisme de l’OSL consiste à combler l’écart entre le niveau optimal de stimulation et le niveau réel. Ce décalage crée un besoin chez l’individu qui sera influencé dans son comportement car il va privilégier les activités lui permettant d’augmenter le niveau de stimulation. Le besoin de stimulation est donc une variable (Steenkamp et Baumgartner, 1992 ; Giannelloni, 1997) modératrice de l’effet d’un stimulus. Dans le cadre du marketing sensoriel, les travaux de Rieunier (2000) ont permis de comprendre comment le besoin de stimulation affecte l’effet de la musique d’ambiance dans les magasins. L’expérimentation reste à démontrer dans le cas du marketing olfactif. En tout cas, les hypothèses seraient les suivantes :
– les individus ayant un besoin de stimulation faible sont plus incommodés en présence (versus absence) d’une odeur
– les individus ayant un besoin de stimulation fort ont davantage envie de revenir dans le magasin s’ils ont été exposés à une odeur inconnue (versus connue).
Le besoin de stimulation a été abandonné par les chercheurs au profit du comportement exploratoire en raison de la difficulté de prendre en compte de la stimulation réelle. Pour passer de l’un à l’autre, ils sont passés par un constat : plus le besoin caractéristique de stimulation d’un individu est élevé, plus il tend à s’engager dans un comportement exploratoire (Raju, 1981 ; Zuckerman, 1979). Ce comportement trouve plusieurs motivations chez l’individu à fort besoin de stimulation : la curiosité, la prise de risque, la recherche de variété et le comportement innovateur (Raju, 1981 ; Steenkamp et Baumgartner, 1992).
L’exemple du théâtre relevé par Bourgeon (1994 ; Bourgeon et Filser, 1995) met en exergue un lien entre la tendance au comportement exploratoire – motivé par le besoin de stimulation – et l’attitude du spectateur à l’égard du théâtre. Quand le niveau du besoin de stimulation est faible, il est associé à une indifférence marquée à l’égard du théâtre : le sujet trouve la pièce ennuyeuse et sans intérêt. Les évocations du théâtre sont plus élaborées chez les sujets avec un niveau élevé de besoin de stimulation. Les innovateurs à la recherche de variété évoquent le plaisir et la découverte. Ceux qui ont une aversion pour le risque les imiteront et voient le théâtre comme un divertissement.
Appliqué dans le marketing olfactif, le niveau de besoin de stimulation chez les individus est toujours déterminé par le potentiel d’excitation des stimuli doté de caractéristiques spécifiques. Le consommateur à la recherche de stimulation trouvera un stimulus sur un produit parfumé ou dans un magasin où l’on diffuse des senteurs. Plus, l’individu éprouve un besoin de stimulation ou adopte un comportement exploratoire, plus il sera sensible aux odeurs sur les plans cognitif et affectif.
[1] Barbet V., Breese P., Guichard N., Lecoquierre C., Lehu J.-M., Van Heems R. (1999), Le marketing olfactif,
- 98
[2] Filser M. (2003), Le marketing sensoriel : la quête de l’intégration théorique et managériale, Revue française
du marketing, vol 9, nº194, p.6
[3] Katz M., l’influence de l’expertise sur la perception olfactive (1999)
[4] V. Maille (2001), L’influence des stimuli olfactifs sur le comportement du consommateur : un état des recherches, Recherche & Applications en marketing, 16, 2, p. 54
[5] Barbet V., Breese P., Guichard N., Lecoquierre C., Lehu J.-M., Van Heems R. (1999), Le marketing olfactif,
- 135
[6] Holley A. Eloge de l’odorat, 1999
[7]MAILLE, V., L’influence des stimuli olfactifs sur le comportement du consommateur, 2001
[8] Le Guérer A., Les pouvoirs de l’odeur, 1998
[9] Barbet V., Breese P., Guichard N., Lecoquierre C., Lehu J.-M., Van Heems R. (1999), Le marketing olfactif, p. 122
[10] Beguin P. et Costerman J. (1994), Le traitement de l’information olfactive, L’année psychologique, p.94
[11] Maille V. (2001), L’influence des stimuli olfactifs sur le comportement du consommateur : un état des recherches, Recherche & Applications en marketing, vol.16, nº2, p.54
[12] Jacquemier L. (2001), L’étude de la perception des odeurs : Le cas d’une Société de Transport en Commun, Décision Marketing, 22, janvier-avril, p.33
[13] V. Barbet, P. Breese, N. Guichard, C, Lecoquierre, J.-M. Lehu, R. Van Heems (1999), « Le marketing olfactif », pp.219 et 222
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