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L’INTERNATIONALISATION DES SOCIÉTÉS DE GESTION ET DE LA GESTION D’ACTIFS

L’INTERNATIONALISATION DES SOCIÉTÉS DE GESTION ET DE LA GESTION D’ACTIFS

 

 

 

L’internationalisation des sociétés de gestion et de la gestion d’actifs répond à un souci d’optimisation de la fiscalité du portefeuille à gérer. D’une façon générale, les intéressés poursuivent trois objectifs :

  • la création d’un outil de capitalisation exonéré d’impôt, ou faiblement imposé ;
  • la réduction de l’impôt sur la fortune, par le jeu du plafonnement ;
  • ou bien encore une moindre visibilité de leur patrimoine.

 

Les deux premiers objectifs, souvent concomitants, étaient, avant la loi de finances pour 1999, liés aux possibilités d’accumuler des revenus dans des pays dont le régime fiscal est privilégié, en franchise d’impôt dans notre pays tant qu’ils n’étaient pas redistribués. Mais, si cette stratégie n’était pas couplée avec celle d’un transfert ultérieur du domicile fiscal hors de France, il ne s’agissait, au fond, que d’un report d’imposition puisque l’impôt sur le revenu était nécessairement dû dans notre pays soit en cas de distribution des revenus soit en cas de réalisation de plus-values de cession.

 

L’avantage lié au report de l’imposition dans le temps, joint à la réduction de l’impôt sur la fortune dans la mesure où le plafond d’imposition était plus vite atteint (plafonnement supprimé puis réintroduit à compter de l’ISF 2013, au taux de 75 %), a cependant paru suffisamment significatif pour que des stratégies diverses se mettent en place dans ce domaine.

 

Ces pratiques ont amené le législateur à réagir dans le cadre de la loi de finances pour 1999 par l’introduction d’un dispositif analogue à celui de l’article 209 B du CGI, par lequel les revenus accumulés dans certaines structures étrangères bénéficiant de régimes fiscaux de faveur sont, dans certaines conditions, réimposés en France, même en l’absence de distribution.

 

Compte tenu de ce texte, applicable depuis le 1er janvier 1999, il est aujourd’hui plus difficile d’utiliser les sociétés étrangères de gestion de portefeuille. On essaiera d’en cerner les contours en examinant les avantages fiscaux proposés par certaines législations étrangères, les contraintes suscités par leur utilisation, et, enfin, le dispositif anti-abus codifié à l’article 123 bis du CGI.

 

 

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  1. AVANTAGES FISCAUX PROPOSES PAR CERTAINES LEGISLATIONS ETRANGERES

 

Afin de répondre aux objectifs cités plus haut, la question immédiate, avant toute autre, consiste à déterminer dans quels pays la société peut être Les pays le plus souvent envisagés à ces fins sont les paradis fiscaux classiques ; mais la constitution, dans certains pays européens, de sociétés qui bénéficient, en raison des règles locales, d’un traitement fiscal privilégié peut permettre de réaliser le même objectif.

 

  1. Les paradis fiscaux classiques

 

On peut imaginer une grande variété de territoires qui pourraient répondre aux caractéristiques nécessaires : Jersey, Guernesey, l’île de Man, le Liechtenstein, Curaçao et Saint-Martin, les Bermudes, etc. Tous les paradis fiscaux « classiques » peuvent ainsi être des lieux de création d’une société écran ou relais, sous réserve d’en mesurer les contraintes d’utilisation.

 

Ces pays présentent des caractéristiques communes, dont les principales sont les suivantes :

  • absence ou très faible niveau d’imposition ;
  • absence de contrôle des changes ;
  • facilité et extrême rapidité de création de sociétés ;
  • sécurité politique et économique.

 

Parmi les « paradis fiscaux », il y a cependant lieu de distinguer deux groupes, ceux qui sont « coopératifs » et ceux qui ne le sont pas ; en effet, depuis le second semestre 2009, la plupart des paradis fiscaux ont dû se résoudre à accepter la « norme OCDE » relative aux échanges de renseignements en matière fiscale, telle qu’elle est contenue dans l’article 26 du modèle de convention fiscale. Cette norme requiert l’échange de renseignements pertinents sur demande dans tous les domaines de la fiscalité en vue de la gestion et de l’application de la législation fiscale nationale, sans condition d’intérêt fiscal national ni de possibilité pour les Etats d’invoquer le secret bancaire à des fins fiscales. Ceux qui n’acceptent pas cette norme sont considérés comme « non coopératifs » et font l’objet de mesures de rétorsion encore plus fortes de la part des autre pays.

 

Dans les « paradis fiscaux », la production de comptes annuels n’est pas toujours obligatoire et la législation sur les sociétés se caractérise, d’une façon générale, par un très grand libéralisme qui permet de créer rapidement, et sans formalités coûteuses, des sociétés simplement domiciliées, c’est-à-dire enregistrées dans le pays considéré, mais n’y ayant que leur siège sans y exercer aucune activité effective. Domiciliées souvent dans une banque, un cabinet d’avocats ou un cabinet d’expertise comptable, elles permettent de fixer les bénéfices dans un pays refuge, ou sont utilisées comme écrans afin de rendre plus difficile le contrôle fiscal en augmentant le nombre des sociétés interposées ou en interdisant les recoupements. Ces sociétés sont généralement entièrement exonérées d’impôts et ne doivent acquitter annuellement que de modestes taxes d’abonnement ou assimilées.

 

Quant à l’anonymat, il est préservé, dans les Etats « non coopératifs », non seulement par les règles relatives au secret mais également par la possibilité de créer des sociétés dont les titres sont au porteur, ou bien encore détenus par des trusts ou des fiducies.

 

 

  1. Constitution de société de gestion d’actifs en Europe

 

En raison, notamment, de l’article 123 bis du CGI, les sociétés constituées dans les « paradis fiscaux » ne sont guère utilisables par les contribuables résidents de France. C’est la raison pour laquelle ceux-ci peuvent se tourner vers des structures plus classiques, à constituer dans certains pays d’Europe.

 

 

  1. Luxembourg

 

Au Luxembourg, il a longtemps existé un régime spécial applicable aux sociétés holdings régies par une loi du 31 juillet 1929 et qui étaient totalement exonérées d’impôt sous réserve de modestes taxes d’abonnement annuelles ; comme ce régime a dû être supprimé en raison de son caractère d’aide d’Etat, un dispositif de substitution a été mis en place par une loi du 11 mai 2007, celui des SPF, « sociétés de gestion de patrimoine familial ».

 

Il s’agit de sociétés de capitaux qui doivent avoir pour objet exclusif l’acquisition, la détention, la gestion et la réalisation d’actifs financiers, à l’exclusion de toute activité commerciale ; leurs actionnaires doivent être des personnes physiques, résidentes ou non du Luxembourg, et agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine familial, ou des entités patrimoniales (trusts, fondations privées ou autres). Ces actionnaires doivent former un cercle restreint d’investisseurs. Les titres d’une SPF ne peuvent faire l’objet d’un placement public ni être cotés.

 

Ces sociétés bénéficient d’une exonération d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur la fortune et d’impôt communal (dans le passé, étaient exclues les sociétés qui recevaient des dividendes en provenance de « paradis fiscaux » mais cette restriction a été supprimée à effet du 1er janvier 2012) ; les redistributions de dividendes par les SPF à leurs propres actionnaires sont exonérées de retenue à la source.

 

Comme les autres sociétés, les SPF ne supportent pas de droit d’apport proportionnel lors de leur constitution, sauf en cas d’apport d’immeubles.

 

Elles ne subissent qu’une taxe d’abonnement annuelle de 0,25 % (avec un minimum de 100 € et un maximum de 125 000 €) ; la taxe d’abonnement est calculée sur une assiette constituée par le montant du capital libéré augmenté des primes d’émission et de la partie des dettes qui excède huit fois le montant du capital libéré augmenté des primes d’émission.

 

Seul inconvénient réel de ces sociétés, elles sont exclues du bénéfice des conventions fiscales et des directives européennes.

 

  1. Belgique

 

Il existe en Belgique un très bon régime des sociétés holdings, moins utilisé par les personnes physiques domiciliées en France que le système luxembourgeois mais davantage que le système néerlandais.

 

En ce qui concerne les dividendes reçus de filiales, la Belgique applique la méthode de l’exonération, qui permet d’exclure de la base imposable le montant des dividendes perçus à hauteur de 95 %, à condition, notamment, que les dividendes soient versés au titre d’une participation d’au moins 10 % dans le capital de la filiale, ou que son prix de revient soit d’au moins 2,5 M €, et que la participation soit détenue pendant au moins 12 mois. En outre, la filiale doit être soumise à un régime normal d’imposition dans le pays où elle est constituée ; cette exigence conduit à exclure les dividendes distribués par des filiales établies dans des Etats dont les dispositions de droit commun en matière d’impôt sur les sociétés sont notablement plus avantageuses que celles applicables en Belgique (en pratique, un impôt étranger est notablement plus avantageux si son taux nominal est inférieur à 15 % ou si la charge fiscale effective est inférieure à 15 % ; cette condition est réputée satisfaite en ce qui concerne les dispositions fiscales de droit commun des pays membres de l’Union européenne). Certaines exclusions spécifiques sont cependant prévues.

 

En Belgique, de la même façon qu’aux Pays-Bas ou au Luxembourg, il n’y a pas d’exonération totale d’impôt sur les sociétés ; la société belge de gestion de portefeuille reste passible de l’impôt belge sur ses autres revenus, notamment les intérêts des placements en obligations ou en titres de créance, par exemple.

 

Le dispositif belge de droit commun s’accompagne d’une exonération des plus-values de cession des actions, sans que soit exigée la condition de 10 % ou de 2,5 M €. Par suite, toutes les plus-values réalisées par une société belge ordinaire, lors de la cession de ses participations, ou même de simples placements en actions, sont exonérées d’impôt. Il n’y a pas d’exigence d’un délai minimum de détention, ni de conditions particulières à l’octroi de l’exonération.

 

 

  1. CONTRAINTES LIEES A L’UTILISATION DES SOCIETES DE PORTEFEUILLE DANS LE CADRE D’UNE GESTION PATRIMONIALE

 

 

  1. Multiplication des retenus à la source

 

La création d’une société étrangère, interposée entre la source des revenus et les actionnaires, par hypothèse résidents de France, a nécessairement pour conséquence de multiplier les retenues à la source aux différents stades.

 

Soit, par exemple, une société étrangère dont le capital est investi en actions de sociétés françaises ou étrangères et supposons que les dividendes perçus par la société soient redistribués à un actionnaire résident de France. Il apparaît immédiatement que les mêmes dividendes sont assujettis à deux retenues à la source :

 

  • dans le pays d’origine des revenus, lors de la distribution des dividendes à la société ;
  • dans le pays de constitution de la société, lors de la redistribution de ces mêmes dividendes à l’actionnaire résident de France.

 

A condition que la société soit constituée dans un pays de l’Union européenne, ces frottements fiscaux peuvent toutefois être significativement réduits. Ainsi, une directive du 23 juillet 1990 modifiée par une directive du 22 décembre 2003 (aujourd’hui remplacé par la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011), et très généralement incorporée dans les droits internes des différents pays membres, a prévu une exonération de retenue à la source pour les dividendes versés par une société de capitaux à une société mère européenne qui détient au moins 10 % de son capital. En dehors des directives précitées, des exonérations de retenues à la source peuvent être obtenues sur le fondement des libertés de circulation résultant du droit de l’Union européenne, telles qu’elles sont interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne[1].

[1]  CJCE, 14 déc. 2006, aff. 170/05, 1e ch., Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit.

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