L’optimisation du patrimoine privé du chef d’entreprise par l’optimisation de son outil professionnel
L’optimisation du patrimoine privé du chef d’entreprise par l’optimisation de son outil professionnel.
Introduction
La liberté d’entreprendre est une liberté reconnue par la déclaration fondamentale des droits de l’homme. Chaque individu peut entreprendre pour lui-même afin de subvenir à ses besoins et créer sa propre entreprise. Mais l’entreprise n’est pas essentielle seulement pour l’entrepreneur ou le chef d’entreprise. L’entreprise est devenue le moteur de la croissance économique d’un pays, le point focal de l’économie moderne.
Mais qu’est ce que l’entreprise ? Saisir cette notion n’est pas aisé, comme le souligne François Terré[1]. L’entreprise est avant tout une organisation[2]. A l’instar du fonds de commerce[3] qui est sans doute le point focal de l’entreprise, l’entreprise ou la clientèle du fonds de commerce ne peut se concevoir sans organisation.
L’entreprise est une entité, l’entreprise est une cellule économique qui regroupe « facteurs humains et matériels organisés en vue de la production et de l’échange des biens et des services »[4].
Nous ne pouvons ignorer que l’entreprise est avant tout un concept commercial. Il s’agit d’une activité économique de production et de transformation, de distribution de biens et de services. L’activité professionnelle, mais surtout économique, est au cœur de la notion d’entreprise.
L’entreprise se caractérise dés lors par ses trois constituants, les moyens humains, les moyens matériels et les moyens financiers. L’optimisation de l’entreprise se fait par l’optimisation de ces trois constituants.
L’organisation de l’entreprise dépend des choix de leurs concepteurs. L’entreprise peut s’organiser en société entre plusieurs personnes décidant de mettre en commun leurs apports et leurs efforts afin d’arriver à un but commun. L’entreprise peut également être l’initiative d’une seule personne, sous la forme d’une entreprise individuelle, ou encore d’une société unipersonnelle.
Le choix n’est pas anodin. Si la législation française actuelle a tenu d’organiser plusieurs formes possible de l’entreprenariat, c’est qu’à chacun sa vision, à chacun ses possibilités et à chacun son but. L’entrepreneur doit être à même de faire son choix, et le bon choix. En effet, à travers son outil professionnel, le chef d’entreprise pourra optimiser son patrimoine privé.
Mais qu’est ce que l’outil professionnel ? L’outil professionnel de l’entrepreneur est les biens dont il dispose et qu’il met au service de son activité. L’outil professionnel de l’entrepreneur est son entreprise, sa société, ses biens qu’il met en œuvre pour ses activités professionnelles.
Professionnel, ce terme est le plus souvent opposé au consommateur. Il est également rapproché le plus souvent du commerçant. Mais le professionnel n’est pas que commerçant. Le professionnel est celui qui exerce un métier de façon habituelle, métier qui en est la source de ses revenus. Ainsi, les avocats, les médecins, qui sont des métiers libéraux, sont des professionnels.
Le terme professionnel est toujours accolé à un autre terme, activité. L’article L-526-6 du code de commerce[5] reconnait par exemple que l’entrepreneur peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine. De cette prescription, nous pouvons en déduire que l’entrepreneur est celui qui exerce une activité professionnelle. Inversement, avoir une activité professionnelle, c’est être entrepreneur.
L’activité professionnelle s’exerce sur un outil professionnel, que l’on soit de profession libérale ou de profession commerciale. La profession libérale a comme outil professionnel son fonds, fonds constitué de personnels, ainsi que de biens et de matériels dévolus à l’activité. Le médecin a comme outil professionnel son cabinet de consultation, avec ses employés, ses matériels et équipements, formant un tout.
L’entreprise ne peut être que l’outil professionnel de l’entrepreneur. L’entreprise est le moyen qui représente le revenu de l’entrepreneur. En cela, l’entreprise est organisée en moyens humains, moyens financiers et en moyens matériels. L’ensemble de ces moyens forme un tout qui se regroupe au sein de l’entreprise.
Si l’entreprise a une finalité d’ordre économique, elle a également pour finalité de promouvoir le patrimoine de l’entrepreneur. En effet, n’oublions pas que l’initiative de créer une entreprise pour l’entrepreneur a pour finalité de créer une activité professionnelle lucrative source de revenu. Alors, comment développer le patrimoine du chef d’entreprise par l’intermédiaire de son outil professionnel ?
Pour répondre à cette question, nous devons nous tourner vers les trois composantes que nous venons d’évoquer. L’entreprise se caractérise par les moyens humains, les moyens financiers, et les moyens matériels. Les décisions de l’entrepreneur doivent toujours considérer ces composantes. A travers l’optimisation de ces derniers s’optimise les revenus de l’entrepreneur, son patrimoine.
Cette optimisation se joue sur deux étapes et corollairement sur deux choix. En amont, l’entrepreneur doit faire le choix pour la forme de l’entreprise (I). Ce choix est crucial car en dépend le régime appliqué à l’entreprise. Ensuite, l’entrepreneur doit faire le choix au niveau de la rémunération (II), corollairement au premier choix précité.
- L’optimisation par le choix de la forme de l’entreprise
Le choix de la forme de l’entreprise est crucial pour l’entrepreneur. En effet, de ce choix dépend l’évolution de l’entreprise. La finance de l’entreprise dépend de la forme adoptée. L’entrepreneur peut opter pour une forme entrepreneuriale. L’entrepreneur peut effectuer seul l’aventure de l’entreprise, créer une entreprise dans son sens juridique.
Mais l’entrepreneur peut également opter pour une forme sociale, c’est-à-dire créer une société, seul ou avec d’autres entrepreneurs. L’aventure sociétaire est le plus souvent considérée comme la plus appropriée. La première raison invoquée est la fiscalité. La société étant une personne tout à fait à part, une personne morale, la fiscalité de la société est distincte de celle des associés ou des actionnaires.
La société est le choix de mise en commun d’apports de plusieurs personnes qui décident de participer ensemble au profit, mais également et surtout au risque. En effet, le risque accompagne toujours l’aventure sociétaire. Mais cette participation aux risques dépend de la volonté de chaque partie. Ainsi, la participation aux risques diffère qu’il s’agisse par exemple d’une société de personnes ou d’une société de capitaux.
Si la forme d’entreprise a été depuis longtemps critiquée et très peu choisie, elle tend à revenir au devant de la scène actuellement. En effet, avec les multitudes de crises qui se sont succédées depuis ces dernières années, l’entreprise a été proposée comme la solution la plus évidente et la plus appropriée pour la relance de l’économie.
Si l’entreprise est la solution à l’économie, il ne faut pas oublier que jusqu’à maintenant, elle se caractérise par une insécurité et une instabilité. Les efforts doivent être entrepris pour y remédier. Ainsi, en 2010, les travaux préparatoires pour le texte instituant l’EIRL, l’Entreprise individuelle à responsabilité limitée, avait pour mission d’instaurer une sécurité pour l’entreprise en essayant de mettre à jour la notion de patrimoine d’affectation qui manquait tant à l’entreprise française.
« Vous allez entrer dans l’histoire, Monsieur le secrétaire d’État, en créant l’entreprise sans capital, sans patrimoine et sans chiffre d’affaires. Ce que vous proposez aujourd’hui n’est que de la poudre de perlimpinpin : vous prétendez simplifier les dispositifs, mais sans apporter de sécurité à ceux qui créent de l’activité ! »[6]. Ces paroles de De Brosses évoquent bien la situation dans laquelle se trouve l’entreprise, mais surtout l’entrepreneur.
Une sécurité doit être garantie à celui qui crée l’activité. En effet, l’activité de l’entrepreneur sert à l’économie. Elle crée de la richesse, elle crée des avoirs, elle crée de l’emploi. Pourtant, la situation et le cadre de l’entreprise tend à décourager les efforts entrepreneuriaux. Une sécurité et une stabilité se doivent d’être proposées aux initiatives des entrepreneurs.
- La forme d’entreprise individuelle
- L’entreprise individuelle sous sa forme générale
Avant tout propos, l’entreprise individuelle n’est pas à proprement parlé une forme juridique de l’entreprise. Elle se caractérise plutôt par cette absence de forme juridique. La personne physique de l’entrepreneur exerce personnellement l’activité professionnelle. L’entrepreneur réunit les moyens nécessaires, humains, financiers et matériels pour les affecter à son activité professionnelle.
Il n’existe pas de frontière entre le patrimoine de l’entrepreneur et le patrimoine de l’entreprise individuelle. Les deux se confondent. L’entrepreneur supporte toutes les charges de son entreprise, jusque dans son patrimoine personnel ou patrimoine privé.
Mais si l’entreprise individuelle se caractérise par cette absence de forme juridique spécifique, elle est néanmoins assujettie à des règles et normes comptables, à des obligations fiscales et des charges sociales, ainsi que juridiques. L’entreprise, donc l’entrepreneur lui-même, doit honorer les charges des salaires, des allocations familiales et de santé de ses employés, il est assujetti à l’impôt qui est un impôt sur le revenu.
L’entreprise présente un certain nombre d’inconvénient, mais elle n’est pas non plus dénuée de tout avantage.
- Les avantages de l’entreprise individuelle
L’entreprise individuelle est l’expression même de la liberté d’entreprendre. Créer une entreprise est à portée de tous. Si des procédures spécifiques sont jointes à la création d’entreprise, le droit a tenu à les alléger par la loi pour l’initiative économique.
L’entreprise, à l’opposé de la société, n’hérite pas de la personnalité morale. Elle reste une simple entité économique. Les frais de constitution d’une société ne s’appliquent donc pas à la création d’entreprise. L’entrepreneur est allégé des coûts relatifs à la rédaction des statuts. Il est également exonéré des charges afférentes à la constitution du capital, notamment les droits d’enregistrement ou les honoraires d’un commissaire aux apports. La constitution d’une entreprise est très simple.
L’enjeu d’une aventure sociétaire est le pouvoir. Celui qui détient le plus de parts détient le pouvoir. En entreprise individuelle, cet enjeu n’existe pas. L’entrepreneur est le seul maitre. Il détient seul tous les pouvoirs sur son entreprise. L’entrepreneur ne s’embarrasse pas des assemblées générales pour les sociétés, il décide seul de la démarche à suivre pour son entreprise.
En tant que seul maître de l’entreprise, l’entrepreneur individuel hérite de tous les résultats de l’entreprise. Les bénéfices réalisés par l’entreprise entrent dans le patrimoine de l’entrepreneur. Il existe une confusion de patrimoine entre celui de l’entrepreneur et celui de l’entreprise individuelle. Bien évidemment, aux bénéfices doivent être soustraits les charges fiscales, les charges des employés, ainsi que les dettes de l’entreprise.
Les bénéfices de l’entreprise sont les bénéfices de l’entrepreneur. Ce dernier peut affecter la totalité des bénéfices à son usage personnel et privé. Avec les bénéfices de l’entreprise par exemple, l’entrepreneur peut acheter une voiture, une résidence sans qu’il ne soit en aucun cas inquiété d’un abus de biens sociaux.
Cette responsabilité pénale spécifique à l’aventure sociétaire n’existe pas en entreprise individuelle. Les résultats de l’entreprise étant les résultats de l’entrepreneur, ce dernier peut les utiliser à son gré.
- Les inconvénients de l’entreprise individuelle
Le premier inconvénient auquel se heurte l’entreprise individuelle est d’ordre financier. La croissance d’une entreprise individuelle est très difficile. Les possibilités d’une entreprise individuelle sont très limitées. Cette limitation résulte de la forme de l’entreprise même. L’entreprise ne bénéficie pas des mêmes moyens de financements que les sociétés. L’accès au financement se cantonne à l’emprunt. Tout autre moyen doit se faire sous la forme de société.
L’entreprise individuelle ne peut par exemple pas procéder à aucune forme de partenariat. L’entreprise n’ayant pas de personnalité morale, toute initiative repose sur la personne de l’entrepreneur. Tout partenariat pour l’exploitation de l’entreprise doit être précédé d’une transformation en société.
L’entreprise étant intimement liée à la personne de l’entrepreneur, ce dernier supporte toutes les charges générées par l’entreprise, jusqu’à dans son patrimoine personnel. En cas de faillite, tout le patrimoine de l’entrepreneur répondra de toutes les dettes de l’entreprise. Dans ce sens, l’entrepreneur n’est pas le seul touché. Si l’entrepreneur est marié, la faillite touchera également les biens communs des époux.
Sur le plan fiscal, l’entrepreneur supporte tous les impôts que génèrent les résultats de l’entreprise. Néanmoins, avec la consécration de l’autonomie patrimoniale, l’entreprise hérite d’une identité fiscale autonome à celle de l’entrepreneur.
- Les innovations de l’entreprise individuelle
Le principal inconvénient de l’entreprise individuelle est la responsabilité indéfinie de l’entrepreneur. Ce dernier répond de toutes les dettes de l’entreprise, jusqu’à son patrimoine privé. L’innovation a été tirée de l’autonomie de patrimoine relative au droit comptable, au droit social et au droit fiscal. La solution proposée fut l’élargissement de cette autonomie pour arrivée à la notion de patrimoine d’affectation.
Cette solution que le droit allemand a d’ores et déjà pratiquée depuis un certain temps, est l’initiative de Me Jacques Barthelemy[7]. Cette idée a été appuyée par beaucoup, jusqu’aux travaux préparatoires du projet de loi sur l’EURL en 1985[8].
En 2000, la discussion s’intensifie sur la notion de patrimoine d’affectation. L’entreprise individuelle, selon certains, sauvera l’économie française, des mesures doivent être entreprises pour sa sécurité et pour son développement. « L’EIRL est bonne pour la croissance et pour l’emploi puisque l’entrepreneuriat individuel est l’une des réponses à la crise : il s’agit de promouvoir la liberté d’entreprendre par tous les moyens en limitant la prise de risque sans, bien sûr, la faire disparaître. Nous avons respecté à la fois la liberté de choix de l’entrepreneur et l’incitation à entreprendre »[9].
[1] F. Terré, « Les nouvelles formes de l’entreprise », Gaz. Pal. 19 mai 2011, p. 7, I5643.
[2] M. Despax, L’entreprise et le droit, LGDJ, préf. G. Marty, 1957, nos 243 et s.
[3] J. Derrupé, « L’entreprise entre le patrimoine et la personne », in Mélanges dédiés au président Michel Despax, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse
[4] J. Derrupé, op cit
[5] Art L-526-6 C com : « Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine »
[6] F. de Brosses, in Comm. aff.. éco. éco., 9 févr. 2010, séance de 18 h 30, compte-rendu no 42.
[7] Pour une réflexion pionnière en la matière, voir l’étude du CREDA, L’entreprise personnelle, T. 2 : Critique et prospective (sous la dir. d’A. Sayag), Litec, 1981
[8] L’EURL ou des intérêts pratiques et des conséquences théoriques de la société unipersonnelle, JCP éd. E. 1986. 14684 ; JCP éd. G. 1986. I. 3242 ; Les Petites Affiches du 13 mai 1987, no 57, p. 87 et s
[9] Intervention sous le Rapport AN, no 2298.
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