L’ORTHOPHONIE AU SERVICE DE L’ENSEIGNEMENT DES JEUNES DEFICIENTS AUDITIFS
L’ORTHOPHONIE AU SERVICE DE L’ENSEIGNEMENT DES JEUNES DEFICIENTS AUDITIFS |
Introduction
I] La situation de départ
- Mon parcours professionnel
- Parcours
- Projet professionnel
- Ma thématique professionnelle
- Mon choix de thème
- Les problèmes rencontrés
- La problématique choisie
- Le métier d’orthophoniste
1- qu’est-ce que l’orthophonie ?
2- la formation pour accéder au métier
3- la VAE ou Validation des Acquis de l’Expérience
4- le métier d’orthophoniste
- D) L’utilité de l’accompagnement par un intervenant spécialisé en surdité et d’une prise en charge orthophonique.
1- approches scientifique et physiologique de l’audition
2- approche socio-culturelle du problème de surdité
3- Les différents modes de communication.
4- problèmes connexes à la surdité
II] Exemples de mes intervention professionnelles
- dans un SSEFIS
- L’environnement institutionnel
- L’environnement professionnel
- A l’institut des Jeunes Sourds de Bourg La Reine
- L’environnement institutionnel
- L’environnement professionnel
III] L’accompagnement à l’enseignement des jeunes déficients auditifs grâce à l’orthophonie
- La psychologie orthophonique au service des jeunes déficients auditifs
- la composante psychique du langage
- les mécanismes psychologiques en jeu dans la relation enseignant spécialisé/jeunes déficients auditifs
- orthophonie, enseignement et psychothérapie
- La place de l’orthophonie face aux autres métiers voisins
- orthophonistes et psychothérapeutes
- la singularisation du métier d’orthophoniste
- L’accompagnement éducatif des jeunes déficients auditifs
- Les difficultés rencontrés par les jeunes déficients auditifs dans l’apprentissage technique
- Les difficultés rencontrés par l’enseignant technique spécialisé en orthophonie
- Les méthodes d’intervention du professionnel en orthophonie chez les jeunes déficients auditifs
- La difficile conciliation entre la pédagogie générale et la pédagogie spécialisée
Conclusion
Bibliographie
INTRODUCTION
Je travaille depuis plusieurs années déjà avec les enfants atteints de surdité. En 2012 déjà, mon mémoire de Licence professionnelle était consacré au problème de la surdité chez les jeunes déficients auditifs. Mon thème de Licence professionnelle « Intervenants spécialisés dans le domaine de la surdité » portait spécifiquement sur « Le projet professionnel des jeunes sourds ».
Il s’agissait alors dans le cadre de ce mémoire de Licence d’aider les jeunes sourds âgés de 16 à 25 ans à élaborer un projet professionnel viable et de voir quelles seraient les fonctions et compétences indispensables chez l’intervenant/accompagnant spécialisé.
Exerçant aujourd’hui le métier de Professeur d’enseignement pour jeunes déficients auditifs auprès du SSEFS à Toulon (Service de Soutien à l’Education Familiale et Scolaire), je me suis donc tout naturellement interessé au thème de l’orthophonie impliquée au service de l’enseignement.
Mon thème de validation des Acquis de l’Expérience est donc encore une fois issu de ma pratique professionnelle.
Le thème de l’orthophonie au service de l’enseignement, et plus spécifiquement de l’enseignement technique qui était autrefois mon domaine d’action, m’a amené à poser la problématique suivante : Comment l’orthophonie peut-elle accompagner le dispositif d’enseignement des jeunes déficients auditifs ?
Dans une première partie, j’évoque la situation de départ, en retraçant mon parcours ainsi que mon projet professionnel, pour ensuite aborder ma thématique professionnelle ; à ce stade, il s’agira de parler du choix du thème, des problèmes rencontrés dans le cadre de la problématique choisie. Je compte également aborder dans une sous-partie spécifique tout ce qui a trait au métier d’orthophoniste. Enfin, il sera indispensable d’examiner l’utilité de l’accompagnement par un intervenant spécialisé en surdité et d’une prise en charge orthophonique.
Dans une seconde partie, je compte focaliser sur mes interventions professionnelles, et donc mes expériences vécues, pour apporter un éclaircissement pratique à l’utilité de l’orthophonie dans le cadre de l’enseignement. J’expliciterais mes deux principales interventions : la première dans un SSEFIS, puis la seconde à l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg la Reine.
Enfin, dans une troisième partie, nous verrons de quelle manière l’orthophonie accompagne l’enseignement des jeunes déficients auditifs. J’y parlerai notamment de la psychologie orthophonique, de la place de l’orthophonie face aux autres métiers voisins, et enfin des méthodes concrètes d’accompagnement éducatif des jeunes déficients auditifs et des difficultés que ceux-ci rencontrent lors de l’apprentissage.
I] La situation de départ
- Mon parcours professionnel
- Parcours
Mon parcours est jalonné de plusieurs formations qui ont chacune, de près ou de loin, un lien avec le monde de la surdité.
Tout d’abord, j’ai eu l’occasion de m’immerger dans le monde de la communication dans les années 1980, plus précisément entre 1981 et 1986. A l’issue de ma formation en Communication, j’ai pu obtenir le diplôme dit DESC ou Diplôme d’Etudes Supérieures en Communication, à niveau Bac + 3.
Cette formation en communication allait devenir une des pierres angulaires de mon futur travail d’orthophoniste et d’enseignant spécialisée auprès des jeunes déficients auditifs.
En effet, dans le travail d’orthophoniste et d’enseignant spécialisée, il est un besoin pressant : celui de comprendre et de transmettre. Cette compréhension et cette transmission exigent un travail méthodique, surtout lorsqu’on se trouve en interaction avec de jeunes enfants, voire en bas âge. Nous aurons l’occasion de revenir plus en détails sur ce problème de communication dans le métier d’orthophoniste.
Puis, c’est en l’an 2000 que j’ai véritablement pu entamer ma formation et mon immersion dans un autre monde de communication, avec ses propres modes de communication, celui de la surdité.
Entre avril et octobre de l’année 2000, j’ai intégré l’EFLS ou Ecole Française de Langue des Signes. Cette formation diplômante a donné lieu à la délivrance d’un Certificat d’aptitude. La formation comprenait huit niveaux et devait être validée en fin de cursus, par un stage dans un établissement accueillant de jeunes sourds.
Cette formation auprès de l’EFLS m’a permis de faire le premier rattachement entre le domaine de la communication que j’avais jadis étudié et le nouveau monde de la surdité qui s’offrait à moi.
En 2002, je décide de suivre une formation dénommée « SURDUS » à Lyon. Cette formation à vocation pédagogique avait deux objectifs : d’une part, faire connaître les notions autour de la pédagogie spécifique des enfants en déficience auditive ; d’autre part, enseigner aux futurs formateurs la façon de transmettre le savoir et d’identifier les compétences de l’élève sourd.
Dans sa méthodologie pratique, cette formation pédagogique se propose d’enseigner la langue des signes comme vecteur de transmission et de vérification de la compréhension des apprentissages par l’élève.
Cette formation, très pratique, m’a permis notamment de maîtriser la reformulation en langue des signes effectuée par les élèves atteints de forme de surdité, et de traduire cela en Français écrit. Elle m’a permis également de revisiter ou de ré-inventer le vocabulaire technique en ce sens que j’attribuais des codes à certains mots techniques qui n’existaient pas en langue des signes.
Le mois de Décembre de l’année 2003 fut pour moi l’occasion de suivre une formation pratique en matière de surdité de l’enfant. Ce fut auprès du docteur Matha ORL.
Durant cette formation, nous avons pu approfondir la physiologie de l’audition. Il s’agissait de comprendre comment fonctionne l’oreille, sur le plan externe mais surtout interne. L’étude de la physiologie de l’audition comprenait notamment l’étude de la vibration, de la variation de la pression de l’air, mais également du déplacement du son.
Un autre objectif de cette formation consistait d’autre part à mieux appréhender les différents types et niveaux de surdité ainsi que leurs origines.
Par exemple, on distingue généralement trois types de surdité : les surdités de transmission, les surdités de perception, et enfin les surdités génétiques.
Grâce à cette formation, il m’a été donné de savoir que le cas de surdité de transmission concerne les atteintes à l’oreille externe dont par exemple otite externe, traumatisme, ou malformation ; la surdité de transmission concerne également les cas d’atteinte à l’oreille moyenne pouvant comprendre une perforation des tympans, un blocage des osselets, ou encore aplasies d’oreille.
Quant aux cas de surdité de perception, il s’agit le plus souvent d’atteintes à l’oreille interne ou des voies auditives centrales dues par exemple à un traumatisme sonore, mécanique, ou pressionnel.
Enfin, à l’occasion de cette formation, nous avons pu diagnostiquer des cas de surdité génétique ; les manifestations en sont multiples, mais les cas les plus évocateurs sont par exemple le syndrome de Usher qui est associé à des troubles de la vue, le syndrome de Waardenbrurg dont les signes cliniques sont une surdité profonde associée à une dépigmentation, voire une décoloration des cheveux etc.
Un autre objectif de la formation consistait également à envisager et connaître les différents traitements possibles, face aux divers types de surdité. En général, on procédait d’abord à des tests auditifs de type audiogramme, tympanogramme, mesure du seuil de réflexe stapédien ; ensuite, nous envisagions ensemble le type de rééducation adéquat, autant que faire se peut. Et c’est là qu’entre en jeu l’orthophonie parmi les méthodes de prise en charge possible.
Cette formation m’a été bénéfique en bien des points puisqu’elle m’a permis entre autres de connaître l’origine de la surdité de mes élèves, ce qui permet par voie de conséquence de mieux appréhender leur niveau de compréhension de la langue française. Par exemple, le niveau de compréhension du Français n’est pas le même selon qu’il s’agisse de cas de surdité de transmission, de surdité de perception ou de surdité génétique.
Ce faisant, une fois ce premier pas franchi, j’étais alors en mesure d’envisager la prise en charge adéquate grâce à l’orthophonie, grâce aux méthodes de récupération auditive, et d’améliorer également ma méthode de communication vis-à-vis des élèves.
En janvier 2004, une nouvelle étape de ma formation s’ouvre : il s’agit d’une formation pédagogique de huit jours auprès de Monsieur Courbier, de l’Education Nationale. Cette formation s’inscrit dans le cadre de l’initiative de l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg la Reine, dans lequel je travaille depuis novembre 2000 à ce jour.
L’Institut organise donc chaque année des formations pédagogiques de différents organismes, et cela pour pallier la suppression de l’ancienne formation dénommée « Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Professeur de l’Enseignement Technique aux Déficients Auditifs ».
Parmi les objectifs de la formation, il fallait savoir préparer une séance composée de plusieurs séquences selon l’objectif du cours, et selon le référentiel choisi.
La préparation technique des séances de cours tenait à trois éléments :
- tout d’abord, savoir s’informer : cela impliquait de devoir distinguer les diverses parties d’un référentiel, d’organiser et de mettre en relation les compétences et les savoirs.
- Ensuite, réaliser : cette deuxième phase implique de construire une grille d’évaluation grâce au référentiel trouvé dans la première étape.
- Enfin, il fallait savoir rendre compte : Rendre compte signifiait alors élaborer une fiche contrat, grâce au référentiel, cette fiche devant comprendre l’évaluation de trois compétences et/ou savoirs au minimum, et la fiche devant également intégrer un compte-rendu des objectifs de la séance.
Cette formation pédagogique m’a permis d’une part, d’affiner ma méthodologie d’apprentissage afin que l’élève soit un acteur à part entière de son propre apprentissage, ce qui m’évitait de systématiser les cours magistraux.
D’autre part, cela m’a permis de mieux m’organiser par rapport à mon travail en classe, tout particulièrement en ce qui concerne une meilleure utilisation des supports d’enseignement.
En somme, ladite formation a renforcé mes acquis pédagogiques, mon assurance vis-à-vis des élèves, mais également mes techniques de communication vis-à-vis d’eux.
En avril 2004, j’ai eu l’opportunité de suivre une formation de 3 jours auprès de Marta Torres, Professeur spécialisé en Sciences de l’Education et Chercheur Associé au CRESAS. Cette formation concernant les Pratiques en éducation précoce au sein du Centre de Formation FISAF.
Un des objectifs de la formation était de comprendre les mécanismes d’apprentissage et de communication chez des enfants sourds âgés de moins de quatre ans. Les méthodes alors utilisées étaient des séquences filmées, des jeux, des phases d’observation…
Quant au matériel utilisé pour les supports de séquences, on utilisait par exemple des cartons, des briques plastiques, de l’eau, bref des objets de textures, de couleurs et de formes différentes…
Le deuxième objectif de la formation consistait à comprendre le mécanisme de développement des compétences cognitives et de communication chez ces jeunes enfants.
Le troisième objectif se focalisait sur la compréhension de la construction de la pensée.
Bien que relativement courte, cette formation m’a permis d’une part, de comprendre que les jeux permettent très tôt à l’enfant de développer son processus cognitif et linguistique ainsi que les structures mentales nécessaires à son bon développement psychique.
J’ai alors eu l’occasion de développer des supports de travail des plus ludiques, pour favoriser l’apprentissage de mes élèves.
En mars 2005, j’effectue une formation dénommée « L’intégration » auprès de Monsieur DREANO, Consultant et Psychologue Clinicien. Cette formation avait pour but de définir clairement le rôle du Professeur spécialisé, sa place vis-à-vis de l’enseignant « éducation nationale » et sa place auprès des élèves sourds. Il s’agissait également de mettre en place une pédagogie personnalisée en fonction du niveau d’intégration requis. Mais pourquoi l’intégration ? Intégration tout simplement parce que l’enseignant spécialisé doit trouver sa place parmi les élèves et l’enseignant « éducation nationale », et dans la salle de cours.
Cette formation m’a doublement apporté :
- elle m’a permis tout d’abord de faire la synthèse par rapport à certains problèmes que j’ai pu rencontrer autrefois dans mes formations passées : par exemple, je gère mieux la correction des copies, cumulée avec le rythme de classe etc.
- elle m’a en outre permis de trouver ma place au sein de la classe, qui comprend non seulement mes élèves mais également mes collègues de l’éducation nationale. En effet, c’est le processus d’intégration au sein de la classe même qui est en jeu, puisque les élèves doivent voir entre moi et mes collègues de l’éducation nationale une complémentarité telle qu’il n’y ait pas de disparités pédagogiques entre nos méthodes d’enseignement. L’intégration, ce fut également et surtout une leçon d’humilité à mon endroit puisque je devais savoir gérer les ego et travailler de concert avec mes collègues « éducation nationale ».
En avril 2005, j’ai participé à une formation de trois jours dite « Procédure du projet individuel », auprès de Me Fred Gagnoux.
Cette formation avait pour objectif de définir ensemble les objectifs du jeune et de mettre en place les moyens nécessaires pour son projet individuel.
La formation m’a permis d’acquérir certaines méthodes, dont la mise en œuvre au quotidien de la pédagogie proposée dans le projet de l’élève. A l’issue de la formation, j’ai également été en mesure de mettre en relief la problématique du jeune, et d’évaluer son évolution. Enfin, elle m’a permis de mieux me placer face aux attentes de la famille, de l’équipe éducative et pédagogique.
De novembre 2005 à juin 2007, j’ai eu la chance de suivre la formation universitaire « Surdité et Santé Mentale » dispensée par la Faculté de Médecine de l’Université René Descartes Paris V. Cette formation comprenait en tout quatorze modules étalés sur deux ans, et la formation diplômante était de niveau Licence.
En voici les modules :
- Le module 1 était consacré aux généralités sur la surdité.
- Le module 2 aux aspects linguistiques de la langue des signes
- Le module 3 aux sourds congénitaux, épidémiologiques, et à la presbyacousie
- Le module 4 au handicap et au vécu de la différence
- Le module 5 aux méthodes d’apprentissage par rapport aux divers troubles
- Le module 6 aux troubles psychiatriques de l’enfant sourd, à la maltraitance, à la construction de l’identité de l’enfant sourd
- Le module 7 aux troubles névrotiques à la perversion
- Le module 8 à l’abord somatique et l’imagerie technique et médicale
- Le module 9 aux troubles psychotiques
- Le module 10 aux troubles psychologiques de l’enfant sourd
- Le module 11 aux troubles de l’humeur et de l’addiction
- Le module 12 à la psychothérapie biologique et thérapeutique
- Le module 13 aux aspects médico-légaux, de type la capacité et l’incapacité civile
- Le module 14 aux pratiques institutionnelles, et à la psychologie de réseaux
Cette formation a été on ne peut plus enrichissante pour l’orthophoniste que je suis, car d’une part, elle m’a permis de mieux appréhender des troubles mentaux associés à la surdité et d’autre part, elle m’a permis d’améliorer mes interventions et prises en charge grâce à une meilleure compréhension de la construction psychique de l’enfant sourd, de la problématique du handicap évolutif, et de la complexité de la mise en place du langage et de la communication chez ces enfants atteints de surdité. La formation m’a de surcroît rendu apte à gérer les problématiques individuelles de chaque enfant et de prendre du recul sur mes possibilités d’action.
De novembre 2008 à juin 2009, j’ai suivi la formation universitaire en « Audiophonologie et Otologie de l’enfant » auprès de la Faculté Pierre et Marie Curie et l’hôpital Armand Trousseau.
Cette formation portait sur bon nombre de points essentiels concernant l’aspect physiologique de la surdité : il s’agissait entre autres de voir les généralités concernant les surdités de l’enfant, mais également des points très techniques tels que le mécanisme de l’acquisition du langage chez l’enfant, la physiologie de l’audition, l’acoustique et la phonétique, l’anatomie chirurgicale de l’oreille, les pathologies infectieuses de l’oreille etc.
Nous avions également des modules plus spécifiques tels que l’Atelier Chirurgie, le projet individualisé, le langage oral et l’intégration scolaire de l’enfant sourd etc.
Cette formation m’a permis de renforcer mes précédents acquis.
Enfin, en avril 2012, j’ai obtenu mon Attestation de niveau en langues des signes françaises (Niveau 6) , chez Visuel, en Provence Alpes Cotes d’Azur.
Aujourd’hui, je suis Professeur spécialisé pour jeunes déficients auditifs auprès du SSEFIS-SAFEP de Toulon. Je suis entre autres chargé de mettre en place un regroupement Maternelle de 4 à 8 enfants sourds. Je m’occupe de cette section depuis trois ans.
Cette année, j’enseigne au sein du regroupement à des enfants avec une surdité sévère à profonde avec pour la plupart un handicap et/ou troubles associés.
L’après-midi, j’accompagne en « inclusion » scolaire les collégiens et lyçéens déficients auditifs afin de viser une autonomisation progressive en leur apportant les moyens de compensation (techniques et humains) dont ils ont besoin.
- Projet professionnel
Depuis ma Licence professionnelle « Intervenants spécialisés dans le domaine de la surdité : Langue des Signes », mon projet professionnel s’est focalisé sur la surdité chez les jeunes enfants sourds.
Ce projet qui me tient à cœur n’est pas né par hasard. En effet, durant mon long cursus d’apprentissage de l’orthophonie, j’ai eu à maintes fois l’occasion de comprendre que la surdité pose un problème d’autant plus grand qu’elle se produit chez des enfants en bas âge. Or ceux-ci sont en période d’apprentissage.
Se pose alors le problème de l’inadéquation entre les méthodes d’apprentissage « classiques » et le handicap vécu par ces jeunes enfants. En clair, l’apprentissage « éducation nationale » ne convient pas à ces enfants déficients auditifs, non seulement au niveau du contenu pédagogique mais également au niveau des méthodes et des outils d’enseignement.
Les multiples formations que j’ai pu suivre dans mon parcours académique et professionnel m’ont ainsi permis de mieux cerner la problématique des jeunes déficients auditifs : comment l’orthophonie peut-elle accompagner le dispositif d’enseignement des jeunes déficients auditifs ?
Déjà, à l’époque où j’étais enseignante technique à l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg la Reine, je ressentais déjà ce besoin de construire un projet professionnel qui soit orienté autour du mode de transmission du savoir et de partage de celui-ci aux jeunes enfants sourds. Dans ce projet de transmission du savoir, il fallait également prendre en compte les différences pathologiques de chaque élève sourd, puisque chacun d’eux avait un niveau différent de surdité. Il n’y en avait pas deux qui avaient exactement le même niveau de surdité ; chaque cas est unique et mérite une prise en charge personnalisée.
Toutefois, étant donné qu’il y avait plusieurs élèves à gérer et que mon temps d’enseignement était limité et partagé avec un binôme de l’Education Nationale, je ne pouvais vraisemblablement pas consacrer à chacun d’eux une attention de tous les instants. Il fallait ainsi tenter une approche à la fois globalisée et en même temps personnalisée.
Mon projet professionnel a ainsi toujours tenu compte, autant que possible, de la diversité des cas et problèmes de surdité de chaque élève déficient auditif.
L’enseignement aux jeunes déficients auditifs est passionnant à bien des égards : il permet non seulement de leur apporter une aide pédagogique essentielle, en complément de l’enseignement classique « éducation nationale » ; mais il permet également d’humaniser socialement ces jeunes déficients auditifs.
En effet, un problème récurrent est le regard des autres sur les enfants sourds ou malentendants. Ils sont souvent vus par le système éducatif comme des enfants « attardés ».
Mon travail et mon projet professionnel en cours consistent alors à humaniser les jeunes déficients auditifs et changer l’image que les autres ont d’eux.
Le handicap sensoriel que constitue la déficience auditive n’est souvent pas pris en compte à sa juste valeur puisque d’une part, on voit les jeunes déficients auditifs comme des enfants « en retard » ou « attardés » ; d’autre part, le système éducatif, et notamment la pédagogie académique classique, est inadapté à ceux-ci.
Mon projet professionnel a également pour objectif de rétablir l’enfant sourd ou malentendant dans son droit de « personne à part entière » et non de personne simplement handicapée. En effet, la déficience auditive ne doit pas laisser paraître que ces enfants sont moins aptes à vivre socialement que d’autres sans ce handicap.
C’est en ce sens d’ailleurs que je me fixe comme autre objectif l’intégration des ces jeunes déficients auditifs.
L’intégration signifie en clair, le fait de les accompagner dans la construction de leur « devenir citoyen ». Cet accompagnement ne peut se faire sans établir un projet professionnel clair ; aujourd’hui, je suis enseignante dans un SSEFS (Service de Soutien à l’Education Familiale et Scolaire) de Toulon. Le matin, je m’occupe de la section Maternelle, et l’après-midi je suis en soutien scolaire des collégiens et lyçéens déficients auditifs.
Bien que le terme « Intégration » ait disparu de l’appellation « SSEFS » (autrefois SSEFIS ou Service de Soutien à l’Education Familiale et l’Intégration Scolaire), il n’en demeure pas moins des plus importants.
En effet, le travail d’intégration des jeunes élèves déficients auditifs est essentiel pour que ces futurs citoyens puissent plus tard intégrer normalement le secteur professionnel, mais également puissent avoir une vie normale et être considérés sans discrimination de handicap physique.
L’intégration implique nécessairement l’accompagnement. Les jeunes déficients auditifs nécessitent une prise en charge spécifique ; nous devons ainsi les accompagner aussi bien sur la scène professionnelle, sociale que familiale. La collaboration du noyau familial s’avère alors des plus utiles puisqu’il ne faut jamais oublier que mon rôle d’enseignant spécialisé se borne à un accompagnement pédagogique, orthophonique et humain. Ces trois constantes ne peuvent être dissociées dans le métier que je fais.
En tant qu’accompagnant, je me dois à la fois de considérer l’aspect pédagogique de mon activité mais également l’aspect humain ; mon projet professionnel doit alors d’une part, être réalisé en prenant en compte l’aspect technique de l’enseignement, et donc la pédagogie à proprement parler. Ensuite, et surtout, il ne faut pas négliger l’aspect humain de l’accompagnement des jeunes déficients auditifs : en effet, ceux-ci réclament et nécessitent beaucoup d’attention du fait de leur handicap.
L’accompagnateur en intégration que je suis doit donc être à l’écoute de ses élèves car ainsi que nous l’avions dit plus haut, chaque enfant déficient auditif est unique ; chaque cas de surdité étant unique, la prise en charge pédagogique doit être adaptée à chacun tout en étant compatible à toute la classe.
Etre à l’écoute, mais dans quel objectif ? L’écoute et l’attention accordées doivent avoir pour but de cerner au plus près, le désir de l’élève et ses futures ambitions professionnelles.
Le projet professionnel doit également prendre en compte les capacités et les compétences de chaque élève, et c’est pourquoi il faut être non seulement à l’écoute des attentes de chaque élève mais également à l’écoute de leurs difficultés pédagogiques et pratiques. C’est dans cette optique seulement que chaque élève pourra bénéficier d’une orientation professionnelle adaptée à ses besoins.
En effet, il arrive par exemple que certains élèves de la section collège et lycée aient une idée de la formation professionnelle qu’ils envisagent de suivre, sans avoir aucune idée de la perspective professionnelle qui pourrait en découler. Ce problème d’orientation pédagogique et professionnelle peut engendrer des conséquences désastreuses sur la vie future de ces citoyens en devenir.
C’est en ce sens que le projet professionnel de l’éducateur spécialisé que je suis doit avoir pour ambition la réussite scolaire des enfants de ma section Maternelle mais surtout des collégiens et lycéens que j’accompagne en intégration scolaire.
Mon rôle d’éducateur spécialisé et d’accompagnateur m’a d’ailleurs valu de ne pas avoir d’appellation fixe auprès de mes confrères, les enseignants « éducation nationale ». Ainsi, à l’époque où je travaillais à l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg la Reine, j’étais qualifiée parfois d’ « interprète », tantôt d’ « auxiliaire de vie », parfois encore de « co-enseignant », ou encore de « professeur spécialisé ».
Ce caractère polyvalent de mes fonctions se retrouve toujours dans mon poste actuel auprès du SSEFS de Toulon.
Dès lors, mon projet professionnel se focalise sur la manière dont l’orthophonie peut contribuer à l’accompagnement pédagogique et humain des jeunes déficients auditifs.
- Ma thématique professionnelle
1- Mon choix de thème
Ma première expérience du monde de la surdité fut en 1979 lorsque ma famille et moi vivions encore au Sénégal. Mon père avait l’habitude de pratiquer la langue des signes avec mes deux cousins éloignés âgés de seize et dix-sept ans. Ces derniers étaient non seulement sourds mais également muets.
La complicité langagière entre mon père et mes cousins sourds muets m’évoquait une forme de communication à laquelle j’étais totalement étrangère. Je jalousais leur complicité et en même temps, cela m’a donné envie d’explorer ce monde qui m’était inconnu mais qui m’était donné de connaître si tant est que j’y mettais du mien.
Depuis ce temps, je n’ai de cesse d’apprendre autour de ce monde de la surdité. Ce qui m’a entre autres fasciné, c’est l’univers gestuel dans lequel baigne les sourds et les sourds muets ; ce langage gestuel renvoie à une forme de communication parallèle qu’il m’a semblé on ne peut plus intéressant d’explorer.
Mon choix de thématique professionnelle s’est donc orienté tout naturellement vers la valorisation des compétences d’orthophoniste dans le processus d’amélioration de l’enseignement des jeunes déficients auditifs, devant à terme les mener vers l’intégration scolaire et professionnelle future.
Ce choix de thème a eu comme visée première de faire valoir aux yeux de tous que la déficience auditive n’est ni une contrainte, ni une malédiction irréversible dont il ne resterait plus qu’à se résigner.
Il a pour objectif de reconstruire l’identité, l’image, et l’intégrité des jeunes déficients auditifs afin de leur garantir un avenir « citoyen » dans lequel ils seront pleinement intégrés.
Mon choix de thème est issu de ma pratique dans le cadre de mon travail actuel au SSEFS de Toulon ; en effet, dans le cadre de mon travail d’enseignante dans un SSEFS de Toulon, je m’occupe d’une part d’une Section Maternelle de huit enfant sourds ; et d’autre part, l’après-midi j’accompagne en intégration scolaire les collégiens et lycéens déficients auditifs.
Ainsi, tandis que mon mémoire de Licence professionnelle « Intervenants spécialisés dans le domaine de la surdité » était axée sur l’élaboration d’un projet professionnel des jeunes sourds âgés de 16 à 25 ans, mon travail actuel entend investiguer le lien de complémentarité qu’il peut y avoir entre des intervenants spécialisés en orthophonie et accessoirement éducateurs spécialisés, et les éducateurs « éducation nationale » ; il nous faut alors voir comment l’orthophonie se met au service de l’enseignement des jeunes enfants atteints de surdité.
2- Les problèmes rencontrés
Les problèmes rencontrés aussi bien lors du choix du thème que lors de la phase de réalisation du projet professionnel ont été nombreux.
Par rapport au choix du thème, il s’avère que c’est un thème pour le moins difficile puisque l’orthophoniste est un professionnel qui ne s’occupe pas que de surdité mais également d’autres domaines tels que la rééducation d’enfants adultes, ou d’enfants atteints de bégaiement, de fente vélo-palatine etc.
Il fallait ainsi circonscrire le thème au rôle de l’orthophoniste et de l’enseignant spécialisé dans la prise en charge de la surdité chez de jeunes enfants scolarisés.
Par rapport au projet professionnel en lui-même, plusieurs problèmes se sont posés : ce sont les problèmes associés à la surdité. Il faut dire que ces problèmes connexes à la surdité affectent de façon non négligeable l’accompagnement à l’intégration des jeunes élèves déficients auditifs.
Par exemple, l’enfant déficient auditif peut manquer d’attention, et surtout d’investissement humain de la part des parents ; ce défaut d’attention et d’investissement des parents peut aggraver les difficultés d’insertion de l’enfant en milieu scolaire, surtout en sachant que l’enseignant spécialisé que je suis, se borne à jouer le rôle d’accompagnateur au développement pédagogique, intellectuel, humain et à l’intégration sociale de leurs enfants déficients auditifs. On peut plus généralement parler de problèmes familiaux et sociaux.
Par ailleurs, il y a également des problèmes d’ordre institutionnel : c’est le cas par exemple lorsque les collégiens et lycéens que j’accompagne en intégration scolaire l’après-midi se rebellent contre le « système » et éprouvent des difficultés à accepter le cadre pédagogique dans lequel ils sont censés s’intégrer.
Mon projet professionnel se doit ainsi de prendre en compte ces données et ces problèmes.
S’il en est ainsi du choix du thème et des problèmes rencontrés, revenons à présent sur la problématique de ce mémoire.
- La problématique choisie
La problématique que j’ai choisie sera formulée ainsi, en ces termes : Comment l’orthophonie peut-elle accompagner le dispositif d’enseignement des jeunes déficients auditifs ?
Cette problématique est née de ma pratique mais a également constitué une suite logique de mon mémoire de Licence professionnelle « Intervenants spécialisés dans le domaine de la surdité ». En effet, la constatation issue de mon mémoire de Licence professionnelle était que l’enseignant spécialisé, que j’étais et que je suis, requiert des compétences réelles mais surtout multiples. Le professionnel de l’accompagnement auprès des jeunes déficients auditifs a donc plusieurs « facettes » et se doit d’avoir plusieurs cordes à son arc.
Découlant de ce constat initial, il appert que l’orthophoniste occupe une place prépondérante dans l’exploration du monde de la surdité. C’est en ce sens que l’enseignant spécialisé que je suis se doit d’intégrer pleinement l’orthophonie parmi mes outils d’enseignement auprès des jeunes déficients auditifs.
A cette occasion, nous pourrons explorer plus en détails le métier d’orthophoniste et ce qu’il recouvre, la formation pour y accéder, etc. Il faudra également voir en quoi l’orthophonie peut constituer un excellent outil d’accompagnement à l’enseignement spécialisé des jeunes déficients auditifs. C’est bien évidemment la question de l’utilité de l’accompagnement par un intervenant spécialisé en surdité et d’une prise en charge orthophonique. Nous examinerons en ce sens les approches scientifique, socio-culturelle et technique du problème de la surdité.
Par ailleurs, nous verrons quelques exemples de mes interventions professionnelles à l’institut des Jeunes Sourds de Bourg la Reine et au SSEFS de Toulon, pour appuyer la question de la compétence multiple requise pour être enseignant spécialisé auprès des jeunes déficients auditifs.
Enfin, nous aborderons concrètement comment se fait l’accompagnement à l’enseignement des jeunes déficients auditifs grâce à l’orthophonie.
- C) Le métier d’orthophoniste
- qu’est-ce que l’orthophonie ?
L’orthophonie consiste dans la prévention, l’évaluation et la prise en charge, le plus tôt possible, de toutes formes de troubles du langage. Cela inclut les troubles de la voix, les troubles de l’articulation, les troubles de la parole, et les troubles connexes à la compréhension du langage écrit et oral et à son expression, peu importe l’origine et la nature du trouble.
On peut dire que l’orthophonie est la science du langage ; et qui dit langage ne signifie pas forcément langage écrit ou oral, mais tout mode de communication oral, écrit ou gestuel. Et c’est ce dernier qui va notamment intéresser l’orthophoniste dans le cadre des jeunes déficients auditifs.
Dans le cadre de la surdité des jeunes élèves de Maternelle et collégiens et lycéens que j’ai en charge au SSEFS de Toulon, le rôle de l’orthophoniste va être de faciliter l’apprentissage grâce à une méthode de communication non verbale, la langue des signes, afin de suppléer les fonctions de langage manquantes.
Un orthophoniste agit la plupart du temps en amont, c’est-à-dire qu’il a pour mission de détecter dès le plus jeune âge les troubles du langage ou de l’audition. Ainsi, le traitement en sera d’autant plus facile et la prise en charge adéquate. Le traitement en question consiste le plus souvent en des actes de rééducation, et non pas véritablement en une prise en charge médicale, sauf cas de surdité pathologiques de sévères à profondes.
Enfin, il faut dire qu’un orthophoniste est un auxiliaire médical et qu’il est soumis de par son statut au Code de la Santé.
2- la formation pour accéder au métier
Il existe une formation initiale dispensée en France par 15 Centres de formation, rattachés aux facultés de Médecine. Cette formation initiale est dispensée durant quatre années d’étude, et comprend 1700 heures d’études théoriques et 1200 heures de stages pratiques.
L’accès à la formation initiale est conditionné à la réussite d’un concours d’entrée étant donné qu’il existe un numerus clausus à chaque enrôlement. Quant à la réussite de la formation initiale, elle est sanctionnée par un mémoire de recherche qu’il faudra soutenir au terme des quatre années d’études.
Le diplôme obtenu à l’issue de la formation initiale est ce qu’on appelle le « Certificat de Capacité d’Orthophoniste » ou CCO. Ce diplôme est délivré conjointement par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé.
- La VAE ou Validation des Acquis de l’Expérience
Aux termes de la loi de Modernisation Sociale N° 2002-73 du 17 janvier 2002, la VAE est un droit. En effet, toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle, en vue de l’acquisition d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification, et ce quels que soient son âge, sa nationalité, son statut et son niveau de formation.
Il existe une condition et une seule : c’est d’avoir à son actif au moins trois années d’expérience, en tant que salarié, non salarié ou même bénévole.
Il est important toutefois de souligner que la VAE n’a pas pour effet ou pour résultat de convertir automatiquement votre expérience en diplôme ; il s’agit plutôt d’une procédure d’évaluation des acquis professionnels suivant un référentiel diplôme.
En rapport à l’orthophonie, pour l’instant, il importe de souligner que la VAE ne permet pas encore d’accéder directement ni à la formation initiale ni à la profession. L’intérêt de la VAE en matière d’orthophonie est donc tout simplement de valoriser la candidature de la personne concernée et par exemple aussi, de la dispenser de la formation théorique, voire même pratique.
- Le métier d’orthophoniste
De plus en plus aujourd’hui, la profession d’orthophoniste tend à se rajeunir et à se féminiser. Ainsi, actuellement, la moyenne d’âge est aux alentours de 43 ans. Quant aux femmes, elles occupent près de 96% de l’effectif des orthophonistes. Et la jeunesse de l’effectif peut d’ailleurs être rapprochée de la féminisation de celui-ci, puisque dans l’effectif global des orthophonistes en activité, les femmes ont en moyenne 41,8 ans tandis que les hommes ont en moyenne 47,7 ans.
Le métier d’orthophoniste implique diverses activités liées au langage et à l’expression orale et écrite, et donc divers types de soins.
En 2002, un décret est paru et celui-ci a redéfini et fait évoluer la nomenclature des actes pris en charge par l’orthophoniste. En effet, ce décret a fait suite au constat des professionnels de l’orthophonie qui est le suivant : la diversité des demandes de prise en charge qui leur sont adressées est en augmentation constante. Parmi les demandes récurrentes et de plus en plus fréquentes, il y a par exemple la prise en charge des sujets jeunes et des enfants nés prématurément qui connaissent quasi-systématiquement des difficultés d’apprentissage ; mais il y a également à l’inverse, la prise en charge des sujets âgés ; mais aussi les cas d’autisme etc.
Ainsi, des champs aussi divers tels que la pédiatrie, l’enseignement spécialisé, la neurologie, ORL, cancérologie, néo-natalité ou encore le vieillissement font appel aux compétences de l’orthophoniste.
Mais le métier d’orthophoniste a toujours fait face à deux problèmes dirimants : le statut et la rémunération qui s’ensuit. En effet, l’orthophoniste peut soit exercer en tant que salarié, soit dans la fonction publique hospitalière ou territoriale, soit encore en tant que libéral.
Ainsi, les postes dans la fonction publique sont souvent des postes contractuels, mal rémunérés en conséquence. Par ailleurs, le cumul entre exercice libéral et exercice dans la fonction publique étant impossible et interdit, les orthophonistes occupent souvent des postes salariés également mal rémunérés.
Concernant les enfants scolarisés en instituts spécialisés, ce sont souvent les orthophonistes libéraux qui en assurent la prise en charge. Ce qui est le cas par exemple au SSEFS de Toulon.
Ce qui nous intéresse ici présent, c’est le champ d’intervention du métier d’orthophoniste dans le cadre de la rééducation des jeunes déficients auditifs en instituts d’enseignement spécialisé.
- D) L’utilité de l’accompagnement par un intervenant spécialisé en surdité et d’une prise en charge orthophonique
- Approches scientifique et physiologique de l’audition
Le problème de l’audition chez les jeunes enfants du SSEFS de Toulon nécessite une prise en charge orthophonique indéniable. Il est important de souligner que cette prise en charge par cet intervenant spécialisé requiert de prime abord une approche scientifique aux fins de déterminer quel type de pathologie auditive touche chaque enfant.
Ce diagnostic préalable doit être fait par l’orthophoniste avant même d’envisager un traitement adéquat, c’est-à-dire la rééducation qui correspond aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent.
L’orthophoniste en tant qu’intervenant spécialisé doit d’abord identifier dans quel degré de surdité se trouve l’enfant. Il existe en effet plusieurs degrés de surdité : il y a d’abord le stade de la malentendance ; celle-ci comprend la déficience légère (autour de 20 à 40 dB), ensuite la déficience moyenne (entre 40 et 70 dB), puis la déficience sévère (entre 70 et 90 dB) et enfin la déficience profonde (entre 90 et 120 dB). Au-delà, il s’agit d’ores et déjà d’un cas de surdité totale.
Outre les degrés de surdité, il y a les différentes causes de la surdité. Il y a grosso modo les surdités de transmission et les surdités de perception : les premières ont souvent pour cause une ou des lésions de l’oreille moyenne ou de l’oreille externe. Ce type de surdité est réversible et des traitements médicaux ou chirurgicaux existent.
Quant aux surdités de perception, elles sont souvent causées par l’atteinte des voies neurosensorielles de l’audition, à savoir par exemple l’oreille interne ou le nerf auditif.
- Approche socio-culturelle du problème de surdité
Le problème de la surdité, notamment chez les jeunes enfants sourds ou simplement déficients auditifs, peut et doit être appréhendé sur le plan culturel. En effet, il existe dans la rééducation des jeunes déficients auditifs un enjeu culturel qu’on ne peut plus éclipser : c’est l’intégration.
A ce problème d’intégration a précédé celui de la « culture sourde ». Cette notion est apparue vers les années 1970 au Canada, pour signifier une forme d’exception culturelle face à la « culture entendant ».
La culture sourde se veut être la référence culturelle du monde des malentendants ; elle se veut être une culture de l’adaptation, de l’effort et de la différence, dont l’objectif est paradoxalement à terme de viser l’intégration. L’intégration signifierait une disparition des frontières culturelles et sociales entre les malentendants et les entendants.
Pour être à même de comprendre les malentendants et de leur proposer une rééducation adaptée, il est indispensable de comprendre leur culture ; et le problème est qu’ils disposent d’une multi-culture : la culture du pays dans lequel ils ont grandi, la culture sociale dans lequel ils ont évolué, et enfin leur propre culture sourde.
La richesse du « monde sourd » réside donc dans cette pluri-culturalité. Et l’intervenant spécialisé ne peut négliger cet aspect socio-culturel, qui l’amènerait à mieux comprendre les jeunes déficients auditifs.
- Les différents modes de communication
L’intervenant spécialisé qu’est l’orthophoniste est bien évidemment un expert en communication ; celle-ci englobe la communication orale mais également toute forme d’expression gestuelle et physique. Ce qui caractérise l’intervention de l’orthophoniste dans le domaine de la surdité des enfants, c’est le fait que parmi les divers modes de communication dont la langue des signes, il privilégie et donne la part belle, autant que faire se peut, à la rééducation de la parole, donc l’oral.
L’orthophoniste est bien souvent d’ailleurs contre l’utilisation de la langue des signes. Là se trouve en apparence un paradoxe concernant le travail de l’orthophoniste, puisqu’à défaut de s’exprimer correctement oralement, les jeunes déficients auditifs devraient être ré-orientés vers d’autres alternatives de communication, telle que la langue des signes. Nous verrons pourquoi l’orthophoniste réagit de la sorte.
Mais voyons d’abord pourquoi les jeunes déficients auditifs, selon leur degré de surdité, ont du mal à s’exprimer oralement. L’explication provient de ce que sur le plan physiologique, les sourds ne disposent pas de ce qu’on appelle le « retour audio » ou « boucle audio-phonatoire » ; c’est pourquoi la reproduction sonore des mots est quasi-impossible, d’autant plus que certains sons possèdent la même image labiale, ce qui accentue la difficulté de distinguer les phonèmes et donc de les reproduire. Et c’est justement à ce niveau principalement que va intervenir l’orthophoniste en tant qu’intervenant spécialisé.
Dans la pratique, chez les enfants sourds, le fait qu’il n’y ait pas de retour audio altère leur voix, leur élocution, l’articulation est souvent exagérée, la parole hachée etc. Le rôle de l’orthophoniste va alors consister, entre autres, à retravailler les sons, les phonèmes, l’articulation et l’élocution de ces jeunes déficients auditifs ; en amont, son rôle consiste à prévenir, évaluer et traiter aussi précocement que possible par le biais de la rééducation, ces troubles du langage.
Ce n’est qu’accessoirement que l’orthophoniste initiera auprès des enfants sourds une démarche d’apprentissage de forme de communication non verbale, en l’occurrence la langue des signes. La raison en est que l’orthophoniste estime devoir d’abord rééduquer l’enfant atteint de surdité sur le plan du langage qui lui est « naturel », le langage oral ; ce n’est qu’en seconde position, et après constat d’un échec partiel ou d’une réussite partielle seulement de la rééducation de la parole, qu’il initiera d’autres formes de communication non verbale, comme complément rééducatif.
Cette démarche fort louable n’est toutefois pas toujours évidente en pratique puisque certains enfants atteints d’un degré de surdité très profond nécessitent presque toujours l’apprentissage par la langue des signes.
- Problèmes connexes à la surdité
Ainsi que nous venons de le dire, au problème de la surdité chez les jeunes enfants peut se greffer un problème connexe qui est la difficulté d’accès à la langue orale. En effet, l’absence de retour audio est d’autant plus problématique que l’enfant est atteint d’une surdité très sévère ; il n’entend donc pas les modèles phonétiques de la langue parlée autour de lui. Ce problème rend parfois difficile le travail de l’orthophoniste qui s’évertue à rééduquer l’enfant déficient auditif par la parole, son vecteur de communication « naturel ».
Mais une fois cette étape dépassée, c’est-à-dire lorsqu’il faudra se « résigner » à utiliser la LSF (Langue des Signes Française) comme vecteur d’apprentissage et de communication aux enfants déficients auditifs, il est un autre obstacle : c’est que l’enfant appréhendera plus facilement la langue des signes s’il est issu d’un milieu familial « signeur », c’est-à-dire pratiquant déjà auparavant la langue des signes. Ainsi, les enfants atteints de surdité et issu de parents « entendants » auront plus de difficultés à appréhender le langage gestuel étant donné qu’ils ne pourront pas percevoir l’imbrication sonore et l’imprégnation verbale de la langue orale des parents.
Le processus inverse est également de mise puisque les parents « entendants », à leur tour, éprouveront des difficultés à apprivoiser et intégrer la langue des signes, vis-à-vis de leurs enfants déficients auditifs.
II] Exemples de mes interventions professionnelles
- Dans un SSEFS
- L’environnement institutionnel
Le SSEFS/SAFEP de Toulon dans lequel je travaille actuellement dispose d’un organigramme spécifique : à sa tête se trouve un Directeur, assisté d’un Secrétaire de Direction et d’un Chef de Service qui dirige les Services Généraux.
Sur le plan de l’équipe technique, le SSEFS/SAFEP dispose : d’un psychologue, d’un médecin ORL, d’orthophonistes, de psychomotriciennes, d’une assistance sociale, d’enseignants Education Nationale, d’Educateur technique, d’Educatrices spécialisées et enfin d’Enseignants spécialisés tel que moi-même.
Les missions du SSEFS/SAFEP de Toulon se bornent généralement à offrir du soutien scolaire, en milieu ordinaire pour les élèves sourds ; cela comprend les écoles primaires, les maternelles, les collèges et lycées.
- L’environnement professionnel
L’intervention professionnelle que nous prodiguons à travers le SSEFS peut se décomposer en deux : les interventions « en classe » et « hors classe ». Lorsque notre intervention se fait en classe, elle se fait en présence de l’enseignant Education Nationale, et dans ce cas précis, mon rôle est de servir d’interface de communication entre l’enseignant Education Nationale et les jeunes élèves sourds.
Lorsque mon intervention se fait hors classe, il s’agit alors de soutien scolaire individuel ou du moins, en groupe restreint.
Actuellement, mes interventions en classe se font surtout pour des enfants de la section Maternelle, avec un regroupement de 4 à 8 enfants sourds. Je m’occupe de cette section depuis trois années déjà. La plupart de ces enfants ont une surdité sévère à profonde avec pour la plupart un handicap et/ou troubles associés.
Quant à mes interventions hors classe, elles se font notamment pour les collégiens et lycéens que j’accompagne en « inclusion » scolaire, et ce afin de viser une autonomisation progressive en leur apportant les moyens de compensation techniques et humains dont ils ont besoin.
L’accompagnement en inclusion scolaire des adolescents, collégiens et lycées, requiert de savoir et comprendre au préalable le type de soutien voulu par les enseignants des établissements scolaires « ordinaires » ; c’est après seulement que les intervenants spécialisés du SSEFS, dont moi-même, effectuons des séances de travail en vue de répondre efficacement à la demande émise par ces établissements.
Mes missions au sein du SSEFS sont multiples : je participe tout d’abord à l’élaboration et à l’évaluation des besoins, je travaille étroitement avec les enseignants « ordinaires » autour des difficultés et projet professionnel de chaque élève déficient auditif, je travaille à socialiser l’enfant et à lui rendre progressivement son autonomie, j’apporte une aide pédagogique spécifique, individuelle ou en groupe ; il arrive souvent que j’ai en charge l’ensemble des activités concernant la communication, le langage, le soutien pédagogique etc ; j’évalue également les acquis des élèves suivant un référentiel bien précis ; enfin, j’aide à metre en œuvre avec les enseignants Education Nationale le projet personnalisé de chaque élève déficient auditif : c’est ce que nous appelons l’accompagnement au projet professionnel.
- A l’institut des Jeunes Sourds de Bourg La Reine
Entre 2000 et 2010, je me suis occupée de jeunes déficients auditifs au sein de l’Institut des Jeunes Sourds de Bourg La Reine en qualité de Professeur d’enseignement technique. Comme son nom l’indique, cet établissement est spécialisé dans l’accueil des jeunes déficients auditifs dans le but de les former à un métier particulier en fonction de leurs potentialités individuelles. Comme tout établissement, l’institut des Jeunes Sourds disposait d’un environnement institutionnel (1) qui lui était propre et au sein duquel je tenais jusqu’à une place bien définie. Au-delà de cet environnement institutionnel, l’établissement s’était également défini un champ d’intervention bien spécifique relativement à ses objectifs professionnalisant à l’égard des enfants (2) et à travers duquel je m’étais également positionnée de manière bien déterminée…
- L’environnement institutionnel
- L’organigramme de l’institut
- Les principaux collaborateurs de l’établissement
Dans la mission qu’il s’est assigné, l’institut a noué des partenariats étroits avec de nombreux établissements de formation à vocation professionnalisante tels que :
– le Centre de Formation Aide médico-psychologique du 13ème;
-le Centre de Formation Moniteur Educateur (de Montrouge) ;
-le CFA de Pantin ; le CFA Entreposage, Messagerie de Rungis ;
-Le Lycée Professionnel Bac Pro collaborateur d’architecte du 19ème ;
-Le Lycée Professionnel SPFP intégration de groupe, couture flou, BEP option techniques de l’architecture et de l’habitat de Massy ;
-et enfin le Lycée Professionnel SPFP intégration de groupe, BEP carrières sanitaires et sociales (CSS) d’Antony.
- Ma position au sein de cet environnement institutionnel de l’institut
Entre 2000 et 2010, je suis intervenue à l’institut des Jeunes Sourds de Bourg La Reine comme Professeur d’enseignement technique auprès de la section professionnelle de l’établissement. Dans ce cadre particulier, plusieurs missions m’ont été assignées.
La première concernait notamment la prise en charge de l’ensemble des activités relevant de la communication, du langage, de l’enseignement et du soutien pédagogique.
La seconde avait trait à l’évaluation régulière des acquis des élèves, ainsi que de leur suivi individuel en fonction des résultats de cette évaluation.
L’accompagnement des familles et de leurs progénitures scolarisées au sein de l’établissement constituait également une autre facette des missions qui m’avaient été assignées.
Outre tout cela, ma fiche de poste m’avait également assigné d’autres missions plus génériques telles que la participation aux actions d’intégration des étudiants, ou encore la participation aux réunions institutionnelles de l’établissement etc.
Si telles étaient la description théorique des missions qui devaient m’être assignées au sein de l’institut, concrètement, mon intervention au sein de l’établissement consiste grosso modo à :
-accompagner les élèves afin d’assurer leur intégration dans les classes de secondes et terminales B.E.P du lycée professionnel public de Massy (91). Dans cette optique, concrètement ma mission était de gérer les cours dispensés dans le cadre de ce lycée professionnel en binôme avec un enseignant de l’Education Nationale. Afin de mieux optimiser nos interventions, les cours se faisaient la plupart du temps presque toujours en simultanée, autrement dit, nous partagions à nous deux le tableau afin que les élèves déficients aient l’opportunité d’intégrer plus efficacement les matières très techniques.
Dans le but d’atteindre cet objectif, j’avais d’ailleurs pris à l’époque l’initiative d’élaborer des supports pédagogiques appropriés (documents visuels)…
-Outre cet aspect purement pédagogique, mon intervention concrète au sein de l’établissement de Bourg La Reine consistait également dans l’évaluation mais également et surtout la détection des troubles voisins à ceux déjà identifiés qui se présentaient parfois comme des effets secondaires (mais pas toujours) du trouble principal de l’enfant, et qui pouvaient sérieusement compromettre sa progression dans son apprentissage. Ainsi grâce à cet aspect là de mon intervention, j’ai pu détecter au cours de mon expérience au sein de l’établissement de Bourg La Reine d’autres pathologies graves que les dossiers des élèves n’avaient malheureusement pas pu relever lors de leur intégration dans la section où je travaillais telles que la dyslexie, la dysphasie, la cophose, ou encore le syndrome d’usher…
Parallèlement à cet environnement institutionnel, l’Institut des Jeunes Sourd de Bourg La Reine s’était également assigné un environnement professionnel précis au sein duquel je m’étais également positionné de manière bien déterminée…
(public avec lequel je travaille)
- L’environnement professionnel
2-1 L’objectif avoué de l’institut : l’accompagnement des élèves dans un projet professionnel
Outre le soutien scolaire aux jeunes déficients auditifs, l’un des principaux, si ce n’est le principal objectif de l’institut de Bourg La Reine était la formation et surtout l’accompagnement des élèves dans un projet professionnel. Dans ce cadre particulier, mon rôle s’appréciait sous trois angles bien déterminés :
- Le premier consistait notamment dans le guidage des étudiants dans leur choix de projet : autrement dit, en termes plus concis, un accompagnement en amont de la formation.
- Le second avait trait à l’accompagnement aux fins de validation du diplôme projeté.
- Le troisième enfin consistait à accompagner les jeunes apprentis à s’insérer professionnellement.
Dans le cadre de ces travaux, je me limiterai ici à décrire uniquement le premier angle de la mission qui m’avait été assignée, à savoir « la validation de projets de formation », pour une simple raison : en effet cet aspect là du rôle que l’institut m’avait assigné me semble le plus important eu égard au fait qu’il a constitué le pilier même de mon intervention puisqu’il permettait à l’accompagnateur (moi en l’occurrence) de vérifier que les ressources pédagogiques de l’institut répondaient parfaitement aux attentes des jeunes candidats et ainsi, donc d’éviter un gaspillage d’efforts d’un côté comme de l’autre. Par ailleurs, il serait tout à fait inutile de développer ici tous les autres angles étant donné leur proximité indéniable avec le premier, ce qui n’aurait alors pour effet que de rallonger sans grand intérêt le présent mémoire…
Ainsi donc, dans ce cadre de mission déterminé, nous avons réussi à instaurer une collaboration fructueuse avec le Lycée Gustave Eiffel de Massy (91) dans le but de mettre en place une formation professionnalisante dans le domaine de l’architecture et de l’habitat et qui devait permettre aux étudiants à l’issue de leur cursus de décrocher un Brevet d’Enseignement Professionnel ou BEP.
A ce stade relatif à la validation des projets de formation, les différents objectifs spécifiques et étapes de travail qu’il nous fallait atteindre et réaliser peuvent être résumé succinctement de la manière suivante :
ETAPES | OBJECTIFS SPECIFIQUES |
1)
Evaluation |
Evaluer les motivations et le niveau des candidats |
2)
Sélection |
Sélectionner les candidats potentiels |
3)
Accompagnement |
Accompagner les candidats potentiels à valider (ou non) leur projet de formation |
Il est à préciser ici que ces différentes étapes et objectifs, je les ai réalisés en collaboration avec une autre collègue de l’institut.
Ainsi que je l’ai affirmé dans mon mémoire de Licence professionnel[1], parmi ces trois étapes, l’une des plus essentielles à mon sens était la troisième relative à l’accompagnement pour la simple raison que « cette étape importante demande un positionnement professionnel de la part de l’accompagnateur qui doit à mon sens, articuler pertinemment les figures du ²mentor² et du ²compagnon ²»[2]. Afin de mieux cerner cet aspect des choses, nous avons d’ailleurs pris l’initiative de reproduire ci-dessous le tableau synoptique qui retrace justement, en pratique, les phases de cette étape 3 relative à l’accompagnement ainsi que les objectifs et les actions y corrélatifs :
PHASES DE L’ACCOMPAGNEMENT
(Etape 3) |
OBJECTIFS
(Pourquoi) |
ACTIONS
(Comment) |
A)
Réunion d’information auprès des candidats sélectionnés (1ère partie) |
Positionner la formation professionnelle à venir (objectifs, conditions, finalités…)
|
Organisation de la réunion Planification des contenus de la réunion Planification (qui intervient et pour quelle partie ?) Accueil des participants Intervention exposé
|
B)
Réunion d’information auprès des candidats sélectionnés (2ème partie) |
Permettre à chaque candidat de se faire une idée plus précise des enjeux de formation Permettre au jeune de continuer ou d’arrêter à ce stade
|
Proposer aux participants un échange questions/réponse Intervention : Réponse aux questions
|
C)
Mise en situation de classe professionnelle (accueil sur 3 jours du groupe par des enseignants techniques du lycée professionnel)
|
Permettre à chaque candidat de se confronter avec la réalité de leur formation future. Permettre au jeune de continuer ou d’arrêter à ce stade
|
Prise de contact avec le lycée, les enseignants pour planifier l’action Réunion avec l’enseignante (contenu les jours de situation de classe). Courrier aux familles pour convoquer les enfants Aller au rendez-vous et attendre les participants devant le lycée
Début de classe : Présentation du projet d’insertion aux jeunes « entendants » Interaction entre les deux groupes Traduction des consignes en LSF en situation de classe, de l’enseignant technique Retour « à chaud », enseignants/groupe sourds
|
D)
Retours du groupe de travail sur le vécu des 3 jours en insertion.
|
Permettre à chaque candidat de confronter sa représentation avec le reste du groupe. Permettre au jeune de valider son projet de formation
|
Réunion à froid à l’institution enseignants spécialisés/groupe sourds Intervention : Questions/réponses Retour de cette réunion/ enseignantes spécialisées
|
E)
Réunion avec le jeune et ses parents et les accompagnateurs |
Permettre au jeune d’exprimer lui-même son choix de projet et de formation Permettre aux parents de prendre une décision éclairée Valider ou invalider définitivement le projet de formation
|
Convoquer les parents avec l’enfant Soutien à l’exposé des enfants Intervention : questions/réponses avec les parents Prise en compte de la validation ou l’invalidation du projet
|
Grâce à ces différents aspects de l’accompagnement, j’ai donc pu développer certaines compétences spécifiques dans mon domaine d’intervention dont un panel synoptique a été résumé dans le tableau ci-dessous :
OBJECTIFS D’ACCOMPAGNEMENT | COMPETENCES DEVELOPEES DE L’ACCOMPAGNATEUR
(Techniques/Relationnelles) |
FIGURES |
PHASE A
Permettre à chaque candidat de se faire une idée plus précise des enjeux de formation
|
Définir et exposer les objectifs du projet pour que le jeune puisse réaliser si celui-ci est en adéquation avec son profil
|
« Mentor » :
Proposition cadrée en fonction du dispositif de formation à venir. |
PHASES B à E
Permettre à chaque candidat de se confronter avec la réalité future de la formation
Permettre au jeune de se positionner
Permettre au jeune de confronter sa représentation (par rapport aux exposés et par rapport au groupe).
|
Mettre en place des activités journalières pour la personne et le groupe
Concevoir et animer des actions collectives en lien avec le thème
Capacité à adapter son langage et sa communication
Développer l’écoute active
|
Compagnonnage :
Le jeune est accompagné mais il est maître dans sa décision de poursuivre ou non.
Compagnonnage :
Impulse le jeune à faire évoluer sa représentation grâce aux autres membres du groupe. |
2-2 Mon public cible à l’institut des Jeunes Sourds de Bourg La Reine
Dans cet environnement particulier, mon public cible était les jeunes enfants âgés entre 16 et 20 ans, atteints d’une surdité profonde mais qui avaient pu intégrer la langue des signes. Dans un souci d’efficacité pédagogique, ces derniers étaient immergés au sein d’un environnement ordinaire (une classe ordinaire avec des élèves bien portants) par groupe de 6 ou 8 élèves au maximum. Au total, mon effectif de classe mixte était constitué d’une vingtaine d’élèves.
Afin de respecter la parité, j’organisais mes groupes de sorte à ce que chacun soit composé d’un nombre égal de filles et de garçons atteints d’une surdité profonde (la plupart du temps chaque groupe était composé de trois filles et de trois garçons).
Etant donné l’hétérogénéité de mes classes (notamment au cours de mes deux dernières années à l’institut où j’ai enseigné les techniques de l’architecture et de l’habitat), il m’a fallu m’assurer qu’autant les cours théoriques que les travaux pratiques furent intégrés efficacement et sans disparité par tous les élèves (les sourds comme les biens portants). Pour ce faire, je préparais donc en collaboration avec mon collègue de l’Education Nationale tous les cours théoriques afin de m’assurer que la progression de mon public cible se fisse de manière adaptée à leur handicap. Pour avoir un ordre d’idée des difficultés qui étaient les miennes, il faut avoir en tête par exemple que lors des cours théoriques sur la construction de bâtiments où il fallait faire intégrer à chaque étudiant des concepts hautement techniques comme la construction des fondements d’un bâtiment (des terrassements jusqu’au coulage du béton), il m’a fallu trouver le langage adéquat qui n’avait jamais préexisté jusqu’alors en langue des signes[3]. Pour ce faire, j’ai donc dû inventer et mettre en place une approche pragmatique et parlante pour ces jeunes handicapés : ainsi par exemple pour leur expliquer ce que c’était qu’un béton de propreté qui sert à aplanir le terrain avant la pose de fondations, j’ai eu l’idée de leur apporter une maquette de polystyrène qui illustrait le propos, enduit d’une mousse grise qui était censée représenter lesdites fondations…
S’agissant cette fois-ci des enseignements pratiques, nous nous étions également mis d’accord sur le recours au système du soutien scolaire afin de nous assurer de la bonne intégration du vocabulaire technique ainsi que de l’emploi de l’outillage professionnel en ce qui concernait en particulier les dessins techniques. Par ailleurs, afin de permettre aux élèves de s’imprégner encore davantage de ce dont on leur enseignait dans le cadre de nos matières, nous nous faisions un devoir de les amener fréquemment, au cours des heures d’enseignement pratique, visiter les chantiers afin qu’ils purent appréhender de visu, mais également toucher et comprendre mieux les différents matériaux employés dans leur secteur professionnel.
Lorsqu’aucun chantier n’était disponible, je me faisais un devoir de les emmener dans les magasins de bricolage (de type « Leroy Merlin ») afin qu’ils purent se rendre compte en vrai de la consistance des matériaux qu’on leur expliquait en cours, de leur odeur, de leur prix…bref pour qu’ils purent associer aux concepts abstraits des objets concrets…
Dans le cadre de mon module en particulier, la formation se déroulait sur deux années et chacune d’entre elle se devait d’être validée par un stage de quatre semaines auprès d’un cabinet d’architecte.
Par ailleurs, afin de garantir la qualité de mon enseignement, j’ai souvent sollicité l’aide des équipes pluridisciplinaires de l’institut (psychologue, orthophoniste, ophtalmologue etc.) sur le meilleur angle d’attaque dans l’élaboration, avec chaque élève, de leurs projets professionnels. Les parents n’étaient pas non plus en reste puisque nous organisions au cours de chaque année scolaire plusieurs rencontres dans le but d’affiner également avec eux les projets qui seyaient le plus à leurs enfants. Grâce à cette méthode, tous les jeunes enfants qui sont passés dans ma classe au cours de mes sept dernières années au sein l’institut de Bourg La Reine ont tous passé haut la main leurs examens…
Ces nombreuses expériences professionnelles que j’ai eu la chance d’avoir m’ont encore davantage confirmé dans mes convictions sur l’impérieuse nécessité de maîtriser l’orthophonie si l’on souhaite accompagner les jeunes déficients auditifs dans leur apprentissage.
III] L’accompagnement à l’enseignement des jeunes déficients auditifs grâce à l’orthophonie
Si l’on se réfère à sa définition contemporaine, l’orthophonie est une science bien singulière à bien des égards dont l’objectif consiste non seulement à prévenir, évaluer, mais également prendre en charge les différentes pathologies du langage (oral comme écrit) ainsi que les divers troubles y associés ; mais également à inculquer, le cas échéant, aux patients traités d’autres formes de communication non verbale qui permettront à ces derniers d’accéder aux « quatre plans du langage[4] », à l’instar du commun des mortels. C’est au niveau de ce dernier aspect que la discipline doit être intégrée comme un outil fort utile relativement à notre problématique sur l’accompagnement à l’enseignement des jeunes déficients auditifs…En effet, ainsi que nous allons le voir au travers de nos développements, cette dimension spécifique de l’orthophonie offre à l’accompagnateur une perspective inédite pour aider les jeunes élèves atteints de troubles auditifs à accéder efficacement aux connaissances (C). Néanmoins, avant d’aborder ce rôle pragmatique que l’orthophonie pourrait jouer dans l’apprentissage et l’accompagnement des enfants atteints de surdité profonde, il nous faut d’abord comprendre les soubassements théoriques qui justifient précisément le recours à l’orthophonie dans notre hypothèse (A), et mieux comprendre la place préférentielle que la discipline tient dans nos problématiques face aux professions voisines (B).
- La psychologie orthophonique au service des jeunes déficients auditifs
Contrairement à ce que la plupart pense, le langage dispose d’une dimension psychique indéniable (1). Cette constatation nous permettra d’analyser de plus près les mécanismes psychologiques en jeu dans la relation enseignant spécialisé/jeunes déficients auditifs (2).
- la composante psychique du langage
Dérivé étymologiquement parlant du grec « psukeh » (qui signifie littéralement « âme »), l’adjectif « psychique » peut se définir comme étant un qualificatif se rapportant à tout ce qui concerne ou touche de près la vie mentale, bref « l’ensemble des composants relationnels et affectifs du moi »[5]. Appliqué au langage, il peut de prime abord laisser perplexe, et pourtant, à y voir de plus près, rien n’est plus logique. En effet, défini sur le plan scientifique comme étant « la capacité dont est doté chaque être humain normalement constitué, d’apprendre et d’utiliser un ou plusieurs signes verbaux pour communiquer avec ses semblables et se représenter le monde[6] », le langage constitue donc à la fois un outil de manipulation mais aussi, par rémanence, de conception de nos pensées et de nos connaissances. A ce titre, il est donc indéniable qu’il soit associé à notre psyché. Mais croire que celui-ci constituerait sa seule attache serait néanmoins une erreur étant donné qu’il est également plus qu’inéluctable que le phénomène soit aussi rattaché à d’autres dimensions tout aussi importantes : physiologiques (en ce qu’il est le résultat d’une mise en mouvement de différents organes de notre anatomie) ; psychologique (en ce qu’il suppose une activité volontaire de notre pensée) ; ou encore social (en ce qu’il permet d’assurer un moyen de communication entre les hommes). Pour ces différentes raisons, le langage peut donc être abordé sous divers angles ou points (historique, scientifique, linguistique, philosophique etc.), néanmoins, si l’on veut révéler la dimension qui nous intéresse ici, à savoir sa composante psychique, seule une approche du phénomène par le biais de la théorie de la médiation ou TDM se doit d’être envisagée…
- Qu’est-ce que la TDM ?
Elaborée par le linguiste Jean GAGNEPAIN et le neurologue Olivier SABOURAUD, la Théorie de la Médiation ou TDM est un modèle qui permet de révéler les différentes composantes anthropologiques du langage. « Anthropologique » en ce que ledit modèle révèle ce qui distingue l’homme des autres êtres vivants : la culture, c’est-à-dire nous dit ses auteurs « l’ensemble des processus spécifiquement humains » que l’on peut également appeler psychisme. Sur le plan technique, le modèle révèle donc que le langage humain pourrait en fait être disséqué sous quatre plans bien distincts :
- Le premier plan étant celui de la logique concerne l’étude des signes
- Le second étant le plan technique a trait à l’étude de l’outil
- Le troisième c’est le social, il concerne l’étude de la personne
- Enfin, le quatrième plan concerne l’éthique, il touche à l’étude de la norme
- Portée des composantes du langage dans l’optique de la TDM
Afin de mieux comprendre la théorie, revenons sur ces quatre plans qui composent le langage :
Le premier, qui disait-on, touchait à la logique, a trait en pratique à ce qu’on appelle communément la « grammaticalité », autrement dit à la capacité d’abstraction logique de chaque être humain normalement doué de langage. En effet, l’évolution de l’être humain a fait en sorte qu’aujourd’hui, celui-ci ne peut concevoir et structurer son monde, sa réalité qu’au travers des mots. Dans cette optique, chaque mot est donc relatif à tous les autres, afin d’être dans la mesure du possible débarrassé de tout risque « d’impropriété », c’est-à-dire d’avoir précisément trop de sens pour au final ne signifier plus grand chose pour son utilisateur…
Grâce à l’acquisition de la « grammaticalité », une personne acquiert donc une grille d’analyse cognitive qui lui permet désormais de concevoir son monde et sa réalité et non plus uniquement de le percevoir…Sans la « grammaticalité », une personne nous dit GAGNEPAIN devient « aphasique », c’est-à-dire qu’elle ne possède pas la grille d’analyse adéquate qui lui permettrait d’abstraire et donc de catégoriser son monde.
Les enfants qui n’ont toujours pas émergé à la grammaticalité sont quant à eux dits « disphasiques » nous dit GAGNEPAIN. Dans une telle étude de l’émergence à la grammaticalité, la faute nous dit toujours le fondateur de la théorie de la TDM, est un révélateur important chez l’enfant car il nous permet de nous rendre compte que celui-ci est déjà en possession des principes de base et « met en œuvre une analyse logique, même si l’usage en est encore erroné »[7].
Du fait de ses connexions intimes avec la psychée, la grammaticalité révèle donc inéluctablement la composante psychique du langage, une donnée capitale donc pour l’orthophoniste qu’il ne pourra certainement pas laisser de côté dans l’exercice de sa discipline comme nous le verrons plus loin…
La seconde composante du langage selon la TDM est l’écriture. C’est égard à sa dimension bien spécifique qu’elle appartient au plan de la technique nous dit les auteurs de la théorie. L’écriture se conçoit en effet comme « une technicisation du dire »[8], et n’est pas à cet égard spécifiquement lié à la linguistique…
Le troisième registre du langage quant à lui est la « langue ». Par opposition aux autres composantes, la langue doit être appréhendée comme étant l’acquisition d’un usage social. En tant que tel son apprentissage s’ancre dans une dimension relationnelle. En effet, pour apprendre vite et bien une langue, l’enfant doit avant tout s’en imprégner à travers les diverses situations sociales afin d’apprendre les mots de ses interlocuteurs. Dans ce processus d’apprentissage, l’essentiel pour l’enfant c’est ce que les initiés appellent le « décentrement ». En termes simples, le décentrement est le phénomène par lequel l’enfant apprenant à parler arrive psychologiquement, lorsqu’il parle avec ses interlocuteurs, non plus à se représenter le monde à partir de ses propres référentiels mais à partir de ceux de ceux de ses derniers. En accédant à ce stade, l’enfant détient alors la capacité de communiquer de façon adaptive avec son interlocuteur en comprenant que ce qu’il sait de son monde n’est pas forcément accessible à celui-ci et qu’il lui faut parfois se mettre à la place de son vis-à-vis pour arriver à se faire comprendre intelligemment.
De par cette facette du processus du décentrement, la langue contient elle aussi pour une grande part une forme d’abstraction qui là encore révèle la composante psychologique du langage en général. A noter que la pathologie essentielle liée à cette apprentissage et à cette acquisition de la langue est la psychose : de par sa définition, cette pathologie, bien qu’accordant au patient qui en est atteint la grammaticalité, la prive par contre de la faculté d’interagir avec les autres en tant qu’interlocuteur viable. Cliniquement, la psychose peut se décliner sous deux principales formes : la schizophrénie et la paranoïa.
La quatrième dimension du langage enfin concerne ce qu’on appelle le « discours ». Cette dernière composante du phénomène a trait cette fois-ci à la fonction éthique et appétitive du langage : « qu’est-ce que l’enfant s’engage à dire, veut dire, s’autorise à dire? De quelle façon l’enfant s’empare-t-il du langage? »[9]. Ce dernier stade permet donc à l’être humain, ainsi que le suggère ces questionnements, d’acquérir ce que GAGNEPAIN désigne comme « la capacité normative », c’est-à-dire la faculté de se restreindre dans sa relation à l’autre pour une meilleure satisfaction. Notons toutefois qu’une telle capacité de refoulement, lorsqu’elle est trop prégnante peut aboutir à une pathologie d’inhibition grave: la névrose.
Afin d’avoir une vue plus synthétique de ces différents plans de reconstruction du langage, il convient de les résumer au travers d’un petit tableau synoptique :
PLAN | ETUDE | AU NIVEAU
DU LANGAGE |
PATHOLOGIE
TOUCHANT LE LANGAGE |
1- Logique | Du signe | La
grammaticalité
|
L’aphasie, la dysphasie |
2- Technique | De l’outil | L’écriture | L’atechnie |
3- Social | De la personne | La langue | La psychose |
4- Ethique | De la norme | Le discours | La névrose |
Nous pouvons le voir au travers de ces quatre dimensions, le langage a donc sans conteste une composante essentiellement psychologique dont l’orthophoniste ne peut rationnellement pas faire abstraction. Ceci est particulière vrai en ce qui concerne les plan de la logique, du social et de l’éthique.
S’agissant cette fois-ci des pathologies associées à ces divers plans du langage, il est clair que qu’en ce qui concerne celles afférentes à l’acquisition de la grammaticalité sur le plan de la logique, l’orthophoniste est l’intervenant le mieux indiqué pour y remédier.
Pour ce qui est du 2e plan par contre, il est patent que les pathologies y associées (l’atechnie entre autres) nécessitent l’intervention de plusieurs champs de compétence tels que celui de l’orthophoniste, mais également sans doute aussi ceux de l’ergothérapeute ou encore du psychomotricien…
Mais là où le débat reste ouvert nous dit la doctrine c’est au niveau des plans du social et de l’éthique : en effet du fait que ces deux plans font appel à l’échange et au désir de parler, le débat fait rage entre orthophonistes et psychologues sur le fait de dire que ces deux plans intègrent exclusivement ou non le champs de compétence de l’une ou de l’autre discipline.
Aujourd’hui, grâce à la TDM, il a été enfin prouvé que ces deux champs de compétence avaient tous deux leur place dans ces plans du langage et qu’il fallait précisément associer les deux si l’on souhaite remédier à ces pathologies du langage.
- les mécanismes psychologiques en jeu dans la relation enseignant spécialisé/jeunes déficients auditifs
A l’instar de la relation qui s’instaure entre l’orthophoniste et son patient[10], la relation enseignant spécialisé/jeunes déficients auditifs met au jour un certain nombre de mécanismes psychologiques. Parmi ces mécanismes nous nous focaliserons essentiellement ici sur ceux relatifs à ce qu’on appelle en psychanalyse « le transfert, le contre-transfert et l’empathie ».
Lorsqu’il enseigne à son jeune auditoire atteint de déficiences auditives, l’enseignant spécialisé est conscient du fait que la capacité d’apprentissage de ses élèves est altérée par les pathologies dont ils sont atteints. Le fait que l’élève ait intégré une classe spécialisée met donc au jour le fait que celui-ci ainsi que ses parents ont voulu requérir l’aide de l’enseignant spécialisé afin que l’élève en question puisse surmonter son handicap dans l’acquisition d’un savoir. Cette situation met alors en place entre l’élève et son enseignant une relation particulière sous-tendue par des relents psychologiques dont nous allons étudier la portée.
2.1 Le transfert et le contre-transfert entre l’élève et son enseignant
En psychanalyse, la notion de transfert « correspond au report des sentiments que le sujet a
éprouvés dans l’enfance à l’égard de ses parents, sur la personnalité de l’analyste ». Le patient nous dit Maëlle BEGUIN[11] « dans cette relation de durée, de confiance, répète sur l’analyste un modèle infantile d’énamoration, révélateur du passé, mais aussi de résistance au récit de ce passé. ».
Le phénomène étant loin d’être à sens unique, l’analyste lui non plus n’est pas insensible aux enjeux qui se sont instaurés entre lui et son patient, ceci eu égard non seulement à sa personnalité propre qui ne peut être détachée qu’on le veuille ou non de sa profession (qui n’est qu’une simple dimension de sa personnalité) mais également « au processus inconscient que le transfert du sujet a induit chez lui [12]» : on parlera alors de « contre-transfert ».
Loin d’être spécifique au phénomène psychanalytique, le transfert et le contre-transfert se rencontrent nous dit le dictionnaire d’orthophonie dans toute relation humaine authentique et a fortiori dans toute relation thérapeutique. A cet égard, la dimension transférentielle sous-tend donc objectivement également la relation enseignant spécialisé/jeunes étudiants déficients auditifs.
Néanmoins, plus que de vouloir en analyser la portée, il s’agira avant tout, et pour paraphraser la position de G. DUBOIS sur le phénomène, d’en reconnaître la place qui doit être le sien dans la dimension inconsciente de la relation enseignant spécialisé/élève afin de pouvoir laisser un champ adéquat à son expression si l’élève en ressent le besoin.
S’agissant en particulier du contre-transfert, il convient de souligner ici que le phénomène est encore plus patent dans l’environnement pédagogique où évolue l’enseignant spécialisé. En effet, des expériences probantes ont pu démontrer que dans un tel environnement, les pédagogues qui plaçaient en certains de leurs élèves une croyance tangible en leurs facultés intellectuelles, purent obtenir effectivement des résultats probants de la part de ces derniers…C’est ce que la doctrine autorisée appelle « l’effet de Rosenthal », en d’autres termes « l’attente de l’expérimentateur peut [en réalité] affecter les résultats de sa recherche[13] ». Appliqué à la relation enseignant spécialisé/étudiants, ce genre de phénomène peut présenter des atouts certains (en ce qu’il incite notamment le sujet à se surpasser pour satisfaire aux attentes de l’enseignant), mais peut comporter également ses inconvénients en ce qu’il instituerait une pression tangible sur la personne du sujet qui pourrait en conséquence ressentir la crainte de décevoir l’enseignant et intégrer ainsi un cercle loin d’être nécessairement vertueux…
De par son mécanisme, le phénomène du contre-transfert peut même aboutir à un autre encore plus fort que l’on dénomme communément « l’empathie ». Selon le dictionnaire d’orthophonie, ce dernier peut en effet se définir comme étant la « capacité d’identification à l’autre qui permet une sorte de communication affective et de compréhension d’autrui. »
Dans cette optique, l’empathie constitue précisément un glissement dangereux vers lequel l’enseignant ne doit pas céder, sa mission ne consistant en effet en aucun cas dans un exercice d’identification à la souffrance de ses élèves, mais bien de rester dans son champ de compétence afin de pouvoir transmettre à ces derniers une connaissance, un savoir. Sous cet angle des choses, seuls le transfert et le contre-transfert sont utiles.
Une telle relation transférentielle, pour pouvoir servir utilement la cause de l’enseignant comme de ses étudiants, requiert du premier, à l’instar de la relation transférentielle qui s’instaure entre le thérapeute et son patient, quatre qualités essentielles[14], à savoir :
v un intérêt authentique pour le sujet et son acceptation en tant que personne à part
entière ;
v une permissivité dans l’expression des sentiments, en dehors de tout jugement moral ;
v la mise en place de limites déterminées que le sujet pourra utiliser pour progresser
dans la conscience de lui-même ;
v l’exclusion de toute forme de coercition, de pression sur l’individu.
- orthophonie, enseignement et psychothérapie
Au regard des analyses que nous venons de mener au travers de la section précédente, il est désormais patent que l’orthophonie, l’enseignement et la psychothérapie suscitent dans leur sillage des phénomènes et des procédés communs. Toutefois, malgré une telle identité, de par les champs de compétence de chacune de ces disciplines, l’usage qui est fait de ces mécanismes diffèrent du tout au tout suivant lesdites disciplines.
Ainsi, si dans la psychothérapie comme l’orthophonie, le transfert et le contre-transfert se réalisent certes tous deux de manière tout à fait spontanée, et peuvent servir aux thérapeutes respectifs des deux disciplines comme tremplin pour faire avancer le sujet traité, il est toutefois à noter que les objectifs spécifiques recherchés au travers de la prise de conscience de ces phénomènes diffèrent du tout au tout selon lesdites disciplines : ainsi pour ce qui est de la psychothérapie, le but est d’aider le patient à résoudre ses problèmes et ses conflits psychiques, le langage ne servant ici que de médiateur au thérapeute pour aider le patient à faire le « ménage » dans ses conflits internes ; dans le cadre de l’orthophonie par contre, ces phénomènes servent de catalyseur à l’orthophoniste pour aider le sujet à accéder au symbolisme du langage (parlé comme écrit) : l’objectif premier reste donc ici le langage, son amélioration ou tout simplement son acquisition.
A l’instar de ces deux disciplines, l’enseignement se base lui aussi sur les mêmes mécanismes psychologiques de transfert et de contre-transfert. Mais là aussi, les objectifs sont totalement différents : il s’agira de transmettre à l’élève un savoir, une connaissance par le biais nécessaire du médiateur qu’est là encore le langage.
On s’en rend ici bien compte, chacune de ses disciplines ne sauraient donc s’affirmer comme étant auto-suffisantes les unes des autres :
L’orthophonie parce que le langage suscite ainsi que nous l’avons vu une composante psychique de par les rapports à autrui et à l’environnement immédiat et non immédiat de celui qui en est le sujet ;
La psychothérapie parce qu’ainsi qu’a pu le démontrer la théorie de la médiation, le langage se décomposant en quatre plans distincts sous-tendus par divers mécanismes qui ne dépendent pas uniquement de la psychée ;
Et enfin l’enseignement parce qu’encore une fois de par ses objectifs, cette discipline reste dépendante de deux premières.
Devant ces constatations, comment faire alors la part des choses dans l’appréhension des problématiques pédagogiques qui nous intéresse ? Autrement dit et en ce qui nous concerne, quelle peut être la place de l’orthophonie face au métier voisin dans l’appréhension précisément du milieu pédagogique de l’enfant ?
- La place de l’orthophonie face aux autres métiers voisins
- orthophonistes et psychothérapeutes
Toute profession s’appréhende difficilement par sa seule définition légale[15]. En réalité, la difficulté réside dans l’assignation de ses limites d’intervention. Pour ce qui est de l’orthophonie, si cette constatation fut jadis une réalité, aujourd’hui, grâce notamment à l’avènement de la théorie de la médiation, nous disposons enfin d’une grille d’analyse viable qui nous permet de nous rappeler à juste titre que ce qui est important dans la définition d’une discipline c’est justement l’identification de ses limites de compétence. « C’est dans un système complexe d’oppositions que se crée la définition d’une réalité, quelle qu’elle soit » nous dit M. BEGUIN. Pour dire les choses plus simplement, il faut donc tout simplement être conscient qu’en ce qui nous concerne du moins, l’orthophoniste n’est en aucun cas un psychothérapeute, ni un psychomotricien, ni un ergothérapeute, ni un éducateur, ni un neuropsychologue…
Cette appréhension des choses explique sans nul doute le fait que dans les services hospitaliers, le rôle de chaque intervenant fait souvent l’objet d’une discussion élargie avec les autres eu égard précisément à cette proximité des disciplines aujourd’hui. C’est ainsi par exemple qu’après concertation, l’orthophoniste pourra par exemple être sollicitée par le psychothérapeute qui suit de près l’enfant. Une telle synergie ne peut d’ailleurs qu’être bénéfique à chacune des professions puisqu’elle leur permet de mieux connaître les aspects de l’autre. Mais elle l’est également sans conteste pour le sujet traité étant donné qu’elle contribue à mieux cerner les divers aspects des problématiques mis au jour, et permet ainsi une prise en charge plus efficiente.
Dans l’appréhension de leur métier, la plupart des orthophonistes reconnaissent leurs limites et le nécessaire passage de relai à un psychothérapeute dans deux cas[16] précis :
- Le premier lorsqu’ils ont conscience que des troubles d’ordre psychologiques entravent l’apprentissage du langage oral ou écrit du sujet. La recommandation par l’orthophoniste de l’intervention du psychothérapeute vise alors à réduire voire éliminer ses troubles digressifs afin de permettre au sujet de se concentrer sur le processus d’acquisition du langage.
- La seconde hypothèse se pose lorsque l’orthophoniste se rend compte que le sujet a développé des troubles psychologiques consécutivement aux troubles du langage qui lui sont inhérents. Ainsi par exemple, des troubles comme la dyslexie pourront entraîner chez celui qui en est atteint certaines inhibitions qui peuvent conduire à une perte d’estime de soi. Dans un tel cas, la psychothérapie pourra alors jouer pleinement son rôle afin de faire accepter son état au sujet pour qu’il puisse enfin se focaliser sur la manière de corriger ses troubles du langage.
Dans ces différents cas, il importera toutefois que l’orthophoniste et le psychothérapeute travaille en synergie, notamment que le premier indique précisément au second les obstacles qui empêchent le sujet d’avancer, afin que la prise en charge soit efficace sur les deux plans.
Mais si la théorie semble facile, en pratique, comment donc l’orthophoniste pourra-t-il et devra-t-il en venir à la conclusion qu’une prise en charge psychothérapique est indispensable à son patient ? D’après les enquêtes[17], divers indices révélateurs peuvent être pris en compte dans une telle démarche tels que le comportement de l’enfant, l’échec ou encore la dimension affective.
- la singularisation du métier d’orthophoniste
Contrairement aux autres disciplines, le métier d’orthophoniste tend à se singulariser pour une principale raison : en effet, outre son aspect purement technique acquis auprès des institutions académiques, la profession, on peut le constater sur le terrain, est tributaire des acquis de celui qui l’exerce. Acquis dans le sens de formations complémentaires, des expériences et même du sens intuitif de celui ou celle qui l’exerce.
A la lumière d’une telle réalité, on peut ainsi comprendre aisément que lorsqu’on leur pose la question, la plupart des orthophonistes répondent qu’ils sont fiers d’affirmer que chacun d’entre eux ont leur propre touche personnelle dans l’appréhension de leur métier. Ainsi, une orthophoniste se plaisait à dire qu’elle « travaillait dans la même vision, la même façon d’être que dans [sa] vie. ».
La place de l’orthophonie face aux métiers voisins étant maintenant précisée, focalisons-nous à présent sur les moyens d’accompagnement éducatif des jeunes déficients auditifs.
- L’accompagnement éducatif des jeunes déficients auditifs
- Les difficultés rencontrées par les jeunes déficients auditifs dans l’apprentissage technique
Plus que toute autre catégorie d’enfants, les jeunes malentendants font face à de multiples difficultés face non seulement à l’apprentissage ordinaire (1-1), mais plus encore lorsqu’un tel apprentissage revêt un caractère technique (1-2).
- Les difficultés « ordinaires » d’apprentissage des jeunes déficients auditifs
L’apprentissage nécessitant l’acquisition d’un moyen de communication langagier, l’une des premières difficultés se présentant au jeune déficient auditif concerne donc malheureusement tout naturellement l’accès au langage parlé et donc a fortiori le langage écrit également.
Cette difficulté d’accès à la langue orale dépend néanmoins du degré de surdité dont est atteint l’enfant : plus la surdité sera grave, et plus les difficultés d’apprentissage de la langue seront latentes. Le principal problème vient du fait que l’enfant sourd n’entend pas du tout les modèles de langue usités dans son entourage. De ce fait, il n’arrivera par conséquent pas à reproduire de lui-même ces modèles langagiers. Pour pouvoir les acquérir, il ne faudra donc pas compter sur l’automaticité de l’apprentissage naturel, mais plutôt sur un apprentissage « artificiel ». Dans cette optique, le langage sans doute le plus accessible à ces enfants est la langue des signes, ceci en fonction néanmoins du degré de surdité dont l’enfant est atteint.
Néanmoins, avant de se résigner à lui inculquer ce modèle de langage non verbal, l’orthophoniste, car c’est bien lui qui intervient à ce stade, tentera par tous les moyens à apprendre tout d’abord au jeune déficient auditif à intégrer par ses propres moyens la langue orale. Dans cette optique, la prise en charge devra se faire le plus tôt possible, le cerveau de l’enfant étant plus malléable dans son jeune âge. A vrai dire, les difficultés des jeunes malentendants proviennent de ce qu’ils n’aient pas un retour audio des sons qu’ils articulent. Le langage intégrant par ailleurs de nombreux phonèmes dont la prononciation labiale est proche n’aidant en rien…Pour toutes ces raisons, les jeunes malentendants ont donc toutes les difficultés du monde à prononcer correctement les différents phonèmes. Il revient alors à l’orthophoniste de les rééduquer adéquatement afin de les aider à acquérir les bases du langage parlé.
Lorsque l’accès à langue parlée est hors d’atteinte, il faudra alors se résigner à apprendre à l’enfant déficient auditif un autre modèle de langage : la langue des signes.
Mais là aussi, tout est loin de se faire naturellement, et plusieurs difficultés peuvent une fois de plus se présenter à l’enfant. En effet, la langue des signes (française) sera d’autant plus facile à intégrer pour l’enfant s’il est né au sein d’une famille « signeur ». En effet, dans une telle hypothèse, son acquisition suivra alors le même schéma que l’apprentissage spontané de la langue orale pour les enfants « entendants », c’est-à-dire par mimétisme de son entourage immédiat. Les choses se compliquent néanmoins si l’enfant malentendant nait au sein d’une famille « entendante » étant donné que son entourage immédiat n’intègre pas ce genre de langage. Dans une telle hypothèse, des relents d’ordre psychologique risquent alors de faire leur apparition et de compliquer davantage les choses chez l’enfant du fait de ce gap de communication affectif avec notamment ses parents.
Les difficultés seront également tangibles au niveau des parents du fait de divers facteurs : le temps, la capacité d’apprendre la langue des signes (que ce soit au niveau financier ou psychologique) , la peur (d’être jugé par l’entourage), le découragement etc.
Outre ces deux catégories de difficultés, une troisième peut également surgir : celle relative au risque d’isolement de l’enfant malentendant eu égard au handicap dont il souffre et à son environnement quotidien différent. Néanmoins, certains doctrinaires ont pu démontrer que cet aspect ne correspond peut être pas toujours à la réalité, sauf peut être à une représentation mentale que les entendants se font des choses…
A ces catégories de difficultés ordinaires s’ajoutent des difficultés spécifiques s’agissant de l’apprentissage technique…
- Les difficultés liées à l’apprentissage technique
Etant donné ses objectifs (l’intégration d’un savoir-faire sous-tendus par des concepts théoriques), l’apprentissage technique offre aux jeunes malentendants des difficultés d’un degré des plus aigus. En effet, malgré leur difficulté déjà latente à combler leur gap avec un monde façonné pour les entendants, ils doivent intégrer des concepts hautement techniques. Tout le défi réside alors là pour l’enseignant spécialisé : trouver un moyen, un modèle schématique pour transmettre à ces jeunes des concepts abstraits et techniques à la fois…L’aide précieuse de l’orthophoniste devient alors nécessaire pour faciliter le transfert de connaissances par le biais d’un nouveau langage technique qu’il faut alors inventer…
- Les difficultés rencontrées par l’enseignant technique spécialisé en orthophonie
Le principal enjeu de l’apprentissage technique étant le transfert d’un savoir technique, l’enseignant technique spécialisé en orthophonie se doit dès lors d’être capable de proposer un accompagnement et un enseignement adapté de qualité : en d’autres mots il faut qu’il sache de quoi il parle avant de prétendre le transmettre à son jeune auditoire. Là réside dès lors toute la problématique pour l’enseignant spécialisé et que l’on pourra résumer de la manière suivante : enseignant spécialisé : quelles fonctions et quelles compétences indispensables ?
Afin d’avoir une meilleure vue d’esprit de la problématique et des centres d’intérêts au confluent desquels se trouvent l’enseignant spécialisé, le plus judicieux est sans doute de résumer les choses à travers le petit schéma suivant[18] :
Pour ma part, la résolution de ces problèmes s’est faite grâce notamment à une adaptation constante : ainsi, lorsque j’enseignais encore à Bourg La Reine, à l’institut des Jeunes Sourds, je rivalisais d’ingéniosité pour trouver le meilleur moyen de transmettre les connaissances théoriques enseignées par le professeur d’architecture et de l’habitat à mon jeune groupe de déficients auditifs : ainsi, il m’arrivait souvent en collaboration avec l’enseignant, de mettre au point des supports visuels tels que les maquettes pour leur faire comprendre les concepts théoriques. Grâce à l’orthophonie, ce genre d’initiatives seraient sans doute d’autant plus aisé pour un enseignant spécialisé en orthophonie, du moment qu’il travaille en synergie avec une équipe pluridisciplinaire…
- Les méthodes d’intervention du professionnel en orthophonie chez les jeunes déficients auditifs
L’apprentissage de la langue doit se faire idéalement le plus précocement possible chez les jeunes déficients auditifs. Une prise en charge dès la maternelle est souhaitable si l’on veut qu’ils acquièrent les procédés communs du langage parlé et écrit, et à défaut, de ceux de la langue des signes. Dans cette optique, les méthodes d’intervention du professionnel en orthophonie peuvent se présenter sous deux formes distinctes :
- La première a trait à ce que l’on appelle une approche intégrée : dans ce cadre, le langage n’est pas à proprement regardé comme l’objet sur lequel l’on travaille, mais simplement le véhicule qui nous permet de partager les connaissances, les découvertes, les idées, les émotions etc. aussi bien dans la vie que dans le cadre scolaire.
- La seconde correspond cette fois-ci à une approche structurée : dans ce cadre, des objectifs ciblés sont travaillés pour eux-mêmes.
Quelle que soit l’approche choisie, des médiateurs qui ont fait leur preuve sont immanquablement utilisés lors des ateliers orthophoniques : parmi ceux-ci l’on recense notamment les divers jeux spécialisés tels « cartasyntax » qui comme son nom l’indique vise à intégrer de façon ludique à l’enfant malentendant les subtilités de la syntaxe.
Mais il y a également les divers recueils pratiques destinés spécifiquement aux enseignants spécialisés tels que celui de « De Gaetano Jean Gilliam » qui aident ces derniers à faire comprendre à leurs jeunes élèves malentendants par des idéo-pictogrammes certaines situations pratiques de la vie comme « aller au supermarché », « faire la cuisine » ou intégre des concepts comme « le temps », « l’espace »…
D’autres encore comme les « cartes de blob » permettent d’inculquer aux enfants déficients auditifs des catégorisations émotionnelles et ainsi leur apprendre à les exprimer oralement ou par les signes selon les cas…
Les ateliers orthophoniques axés sur des techniques spécifiques telles que la DNP (Dynamique Naturelle de la Parole) consistant à reproduire sous forme de gestes les différents sons du langage, contribueront également à donner aux enfants davantage de précision articulatoire.
Enfin, l’utilisation de lotos sonores (tels que celui proposé par des logiciels du type « audiologue » ou encore « le monde sonore d’Otto ») permettront d’inculquer aux enfants dès leur plus jeune âge les processus rudimentaires de la discrimination auditive.
- La difficile conciliation entre la pédagogie générale et la pédagogie spécialisée
Devant ces spécificités de la pédagogie spécialisée, l’on peut comprendre aisément qu’il soit bien difficile aujourd’hui de concilier les préceptes de la pédagogie générale avec ceux qui nous concerne, les contraintes n’étant pas les mêmes. Néanmoins, l’une comme l’autre devrait s’inspirer mutuellement : en effet, même si elle est dite « spécialisée », la pédagogie spécialisée a pour objectifs de transmettre une connaissance, un savoir déterminé envers son auditoire, tout comme l’ambitionne la pédagogie générale. Même si le schéma processuel est donc différent, le postulat de départ reste le même : le transfert de connaissance. Dans cette optique, l’une comme l’autre aurait donc beaucoup à bénéficier de connaître les procédés pédagogiques de son vis-à-vis car le meilleur moyen de situer dans son environnement n’est-il pas d’intégrer précisément les phénomènes opposés comme nous l’explique la théorie de la médiation. Une telle approche pourrait ainsi sans nul doute aider à mieux améliorer encore les modèles pédagogiques respectifs…
Conclusion
Le langage constituant le médiateur privilégié de la catégorisation de son monde et de son environnement par l’homme, son apprentissage et son acquisition constituent un enjeu des plus capital pour les enfants. Cette constatation est encore plus prégnante s’agissant des jeunes enfants atteints de déficience auditive, leur handicap les empêchant en effet d’accéder naturellement à ce médiateur spécifique à l’Homme. L’acquisition du langage étant malgré cette réalité incontournable dans ce processus d’acquisition du savoir, comment dès lors appréhender rationnellement la situation de ces jeunes déficients auditifs ? A cette problématique, nous avons pu démontrer au cours de ce mémoire la place incontournable de l’orthophonie, notamment dans l’accompagnement des missions assignés aux enseignants spécialisés, en ce qu’elle permet notamment de faire la nécessaire jonction entre le monde des entendants et ceux des malentendants…
Bibliographie
-BEGUIN, Maëlle, orthophonie et psychotherapie, questions et limites dans la pratique libérale, mémoire en vue de l’obtention du diplôme de capacité d’orthophoniste, soutenu en 2002 ;
– CAMUS, V. Moriau , Symptôme et parole, mémoire d’orthophonie
-PROVOST, Isabelle, Le Projet Professionnel Des Jeunes Sourds : Elaboration D’un Projet Professionnel Viable Chez Des Jeunes Sourds Ages De 16 A 25 Ans, Quelles Fonctions Et Competences Indispensables Chez L’intervenant/Accompagnant Specialise ?; mémoire en vue de l’obtention de la licence professionnelle : intervenants dans le domaine de la surdité, soutenue le 09 Juillet 2012 ;
-WALLON, La relation thérapeutique et le développement de l’enfant, p.151. ;
– Le nouveau Petit Larousse ;
-Le nouveau Petit Robert ;
– Dictionnaire de psychologie ;
[1] PROVOST, Isabelle, Le Projet Professionnel Des Jeunes Sourds : Elaboration D’un Projet Professionnel Viable Chez Des Jeunes Sourds Ages De 16 A 25 Ans, Quelles Fonctions Et Competences Indispensables Chez L’intervenant/Accompagnant Specialise ?; mémoire en vue de l’obtention de la licence professionnelle : intervenants dans le domaine de la surdité, soutenue le 09 Juillet 2012 ;
[2] Cf. ibid
[3] En effet, comment leur expliquer en langue des signes la distinction qu’il y a par exemple entre des termes ou des expressions aussi techniques que « mur de réfend » et « cloison » ?…
[4] En référence à la théorie de la médiation de J. GAGNEPAIN et d’O. SABOURAUD. Nous reviendrons plus loin sur les tenants et aboutissants de cette théorie…
[5] Le nouveau Petit Robert et Larousse
[6] Dictionnaire de psychologie.
[7] BEGUIN, Maëlle, orthophonie et psychotherapie, questions et limites dans la pratique libérale, mémoire en vue de l’obtention du diplôme de capacité d’orthophoniste, soutenu en 2002.
[8] Cf. ibid
[9] Ibid, Maëlle BEGUIN, p.29
[10] Cf. mémoire de Maëlle BEGUIN, p.35
[11] Cf ibid
[12] Cf. ibid
[13] WALLON, La relation thérapeutique et le développement de l’enfant, p.151.
[14] Symptôme et parole, mémoire d’orthophonie de V. Moriau Camus
[15] Ou encore ce que Maëlle BEGUIN appelle de manière très imagée comme son « décret de compétence ».
[16] Selon l’enquête menée par Maëlle BEGUIN dans son mémoire précité, p.52
[17] Cf. enquêtes sur terrain menées encore une fois par Maëlle BEGUIN dans son mémoire précité.
[18] Schéma tiré de notre mémoire en vue de l’obtention de la licence professionnelle : « intervenants spécialisés dans le domaine de la surdité », soutenu le 09/07/2012
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