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Mémoire portant sur la fiscalité des établissements publics de santé accueillant des personnes dépendantes : Contribution à un mécanisme complexe

« La fiscalité des établissements publics de santé accueillant des personnes dépendantes : Contribution à un mécanisme complexe »

Introduction

Mme Rabin avait dénoncé en octobre 2014 le manque de clarté des règles en matière de fiscalité applicable aux établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD). « De fait, il existe une véritable complexité concernant le non-assujettissement à la TVA pour certaines prestations telles que les soins d’une part, et d’autre part, les prestations exclusivement liées à l’état de dépendance des personnes âgées hébergées qui sont soumises à une TVA à taux réduit.

Certains rapports parlementaires datant de plusieurs années, tels que le rapport n° 3091 du 17 mai 2006 de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale sur le financement des établissements d’hébergement des personnes âgées, pointaient déjà les incohérences du code général des impôts concernant les règles d’assujettissement à la TVA en la matière1.

Concrètement, les règles de calcul entre les prestations donnant lieu ou non à un appel de TVA peuvent donner lieu à une contestation par les services fiscaux des affectations comptables réalisées par les EHPAD, en matière de calcul de chiffres d’affaires soumis à TVA, comme en matière de taxe sur les salaires.

En effet, l’administration fiscale et la jurisprudence ne reconnaissent pas aux EHPAD la possibilité de constituer deux secteurs d’activité distincts, alors que ces établissements fournissent des prestations (de soins : exonérées, et d’hébergement : taxées) qui ne sont pas uniformément soumises à TVA.

Un diagnostic fiscal et comptable exhaustif semble donc indispensable pour clarifier les règles d’exonération applicables aux EHPAD et les pistes éventuelles pour les faire évoluer, à l’heure où le vieillissement de la population devient un enjeu majeur pour les comptes publics »2.

Comment générer ainsi les principes généraux qui guideront l’assujettissement de ces établissements ? Une activité de prise en charge de personnes âgées dépendantes doit être prise en compte dans l’équation. En effet, au-delà d’un service public, la prise en charge de cette souche relève d’un service social qui doit répondre à un sentiment de reconnaissance envers ces personnes. L’assujettissement des activités de l’établissement à la TVA aura sûrement des répercussions sur le prix devant être supporté au final par les personnes âgées. L’avantage fiscal accordé à ces établissements doit profiter au final à ces personnes dépendantes.

Ensuite, l’amendement porte sur les EHPAD publics et privés. Néanmoins, le statut d’établissement public peut avoir des conséquences sur le traitement fiscal de l’établissement de santé. La forte consonance de service public et d’intérêt général dans l’appréciation d’un établissement public induit sur l’assujettissement, notamment à la TVA. En effet, de principe, les activités des établissements publics sont exonérées de ladite taxe lorsqu’elles répondent à un service d’intérêt général. Dans cette optique, la mission des établissements publics de santé relève-t-elle d’un service d’intérêt général, surtout s’agissant de la prise en charge de personnes dépendantes ?

D’un autre côté, cette exonération est limitée par la concurrence. Pour des activités lucratives, le principe est que ces activités sont assujetties à la TVA afin de ne pas générer une distorsion de la concurrence. Cette notion a été débattue à plusieurs reprises au niveau tant national que communautaire. Il en ressort de ces débats que les autres activités qui ne répondent pas aux exigences de l’intérêt général retombent sous le coup de la TVA. Pourtant, comment distinguer les activités qui relèvent de l’intérêt général des autres ? Si la question a été relativement facile à trancher dans l’affaire des plages de St Jorioz, il n’en est pas pour autant dans le cadre des établissements de santé dont les activités peuvent être considérées comme connexes et reliées.

Les préoccupations relevées par l’amendement sont l’existence d’activités différentes au sein de l’EHPAD, d’un côté les prestations de soin qui doivent être exonérées, de l’autre les prestations d’hébergement qui elles, sont soumises à la TVA. Si cette vision peut être objectivement comprise, la réalité est que s’agissant de personnes dépendantes, les soins et l’hébergement sont difficilement dissociables. Les deux activités, bien qu’apparemment différentes, ne peuvent qu’être connexes dans ce dernier cas. Il est alors difficile d’établir la frontière.

  1. Les règles classiques d’imposition des établissements publics de santé

Les établissements de santé se caractérisent par leur diversité ; établissements de santé publics, privés, des établissements qui participent ou non à un service public hospitalier, des établissements à court/moyen/long séjour, les établissements se caractérisent également par leur mode de financement.

    1. Nature juridique des établissements publics de santé

Les établissements publics de santé sont des établissements publics. Ils sont dès lors soumis aux principes qui régissent les établissements publics, les conditions d’existence et de création, les modes de gouvernance et de gestion, les modes de financement.

  1. Etablissement public et la personnalité morale de droit public

L’établissement public est une « Personne morale de droit public à vocation spéciale » rattachée à une autre collectivité publique ; État, collectivité territoriale, voire même un établissement public, de laquelle il découle, et soumis au contrôle de tutelle de l’État, l’établissement public résume à lui seul l’histoire du droit administratif français, avec laquelle il se confond. Comme celui-ci, l’établissement public a des origines mystérieuses, encore insuffisamment explorées ; on est dans l’incapacité de pouvoir lui donner une date de naissance. Comme le droit administratif, il y est bien fait allusion dans le Code civil de 1804, mais on devine que le législateur consulaire a employé le mot sans se préoccuper de la chose. Comme pour le droit administratif dans son ensemble, c’est la jurisprudence qui, en dépit des nombreuses lois qui pullulèrent au XXe siècle, a progressivement dégagé les contours de la notion juridique ; et à cette longue quête, le juge judiciaire n’a pas été étranger. Par la suite, les établissements publics ont été inscrits au cœur du processus de développement politique de l’Administration française, de ses structures comme de ses missions.

L’établissement public fut d’abord conçu comme le moule juridique adéquat de gestion des services publics. À tel point que Maurice Hauriou pouvait le définir comme un « service public personnifié »3 et Léon Michoud comme un « service public doué de personnalité »4. Ce qui caractérisait l’établissement public, c’était son caractère « intégré » : « les établissements publics sont des organes de l’administration publique, des rouages de la machine administrative, au même titre que les administrations directement rattachées à l’État »5.

  1. Nature de la personnalité morale

Certains auteurs ont essayé de soutenir que l’établissement public revêtait une nature essentiellement « fondative »6 : dans la lignée de Savigny et de la doctrine allemande, certains ont voulu voir dans l’établissement public, non seulement l’affectation perpétuelle d’un fonds à un but déterminé au moyen de la création d’une personne morale, mais, plus précisément, cette personne morale entièrement dirigée, quant à son but, par la volonté du fondateur. De là découle ce principe que les établissements publics ne devraient jamais être des corporations, des personnes morales dans lesquelles c’est le groupe même des individus qui forme l’organisation assurant la défense de leurs intérêts collectifs.

  1. Entre fondation et corporation

Il y a longtemps que le droit français reconnaît la qualité d’établissement public à des personnes morales de nature corporative. De telles données invitent à considérer à tout le moins que les établissements publics sont, tantôt des fondations, tantôt des corporations7.

2 Mme Rabin devant l’Assemblée nationale 10 octobre 2014,

3 M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public : Sirey, 1933, 12e éd., p. 280

4 Note ss Cass. civ. 21 mars 1899, Congrégation sœurs Saint-Joseph c/ Enregistrement : S. 1899, 1, p. 449

5 Id

6 J.-P. Théron, Recherches sur la notion d’établissement public : Thèse droit, Toulouse, 1975, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit public », t. 123, 1976

7 L. Constans, Le dualisme de la notion de personne morale administrative en droit français : Thèse droit, Bordeaux, 1964, Dalloz, 1966

Mémoire de fin d’études de 358 pages.

24.90

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