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Mémoire portant sur la limitation des risques psychosociaux par la communication interne au travail.

Quel rôle peut jouer la communication interne pour limiter les RPS (risques psychosociaux) au travail ? 

Introduction 

La communication est d’une importance majeure pour la société, l’entreprise et les travailleurs. La communication organisationnelle renvoie à toutes les formes d’interactions entre les différentes parties au sein de l’entreprise (Alemanno et Cabedoche, 2011 : 26). La communication peut être interne ou externe. Elle influence les différentes pensées des acteurs internes et externes à l’entreprise concernant les activités de celle-ci (Rabatel, 2009 : 43). Il n’est donc pas étonnant que les communications d’entreprise se trouvent au cœur même de toutes les stratégies de l’entreprise. Mais la communication est également complexe et ses effets sur l’entreprise et les employés sont très diverses. Notre étude ne peut pas prétendre analyser ces différentes facettes de la communication d’entreprise et encore moins, de rapporter tous ses impacts sur le management des ressources humaines. Aussi, notre analyse va uniquement se porter sur la communication interne de l’entreprise et ses conséquences sur la vie au travail. 

Au fil des années en effet, la vie des employés au travail a connu de profonds changements. Le rythme et les charges de travail se sont intensifiés. L’émergence de nouvelles technologies de l’information et de la communication a rendu plus difficile la séparation entre la vie professionnelle et la vie familiale. La gestion des activités et le maintien de l’employabilité des travailleurs constituent des enjeux majeurs pour les entreprises actuelles (Stenfors et al., 2013 : 1). L’intensification du travail et les changements au niveau de modes de réalisation de travail s’est accompagnée aussi de l’émergence de plusieurs troubles de la santé dont les risques psychosociaux au travail (RPS). Depuis 2007, des actions et des initiatives ont été menées par les pouvoirs publics pour comprendre les causes, les enjeux des RPS pour les employés, pour les employeurs et pour la société en général, puis de mettre en œuvre des actions permettant de les contrôler

Vu l’ampleur qu’a pris les RPS sur les entreprises actuelles, il semble intéressant de déterminer toutes les démarches permettant de l’éradiquer ou tout au moins, de les limiter ou de réduire leurs impacts sur les différents acteurs concernés. Pour notre part, nous tentons de répondre à la question suivante : « Quel rôle peut jouer la communication interne pour limiter les risques psychosociaux au travail ? » L’objectif de notre étude est de comprendre d’une part, les différents apports de la communication interne sur la vie de l’entreprise et la vie des employés au travail. D’autre part, elle tente aussi de déterminer les liens entre la communication interne et la capacité de l’entreprise à limiter les RPS. Comme les stratégies de communication varient d’une organisation à une autre, nous avons décidé de faire une étude de cas, permettant de mettre en valeur, les stratégies adoptées par les entreprises et leurs impacts sur les RPS de leurs employés. Deux entreprises ont été choisies pour faire l’objet de cette étude : France Télécom, une entreprise de télécommunication implantée dans plusieurs pays dans le monde entier, et Google, le moteur de recherche ayant plusieurs bureaux dans de nombreux pays. Notre étude se divise en deux parties distinctes. La première partie est allouée à la revue de la littérature. Dans cette partie, la notion de RPS au même titre que l’implication de la communication interne de l’entreprise dans la résolution de ce problème vont être analysés. Puis, la deuxième partie va porter sur l’étude des cas de France Télécom et de Google, suivie d’une comparaison entre les résultats des deux parties. A la fin de la deuxième partie, des recommandations seront émises.

Partie 1. La notion de RPS et l’implication de la communication interne

  • La notion de risques psychosociaux (RPS)
  • Définition des RPS et leurs manifestations au travail

Dans la notion de risque psychosocial (RPS), deux termes sont assemblées : risque et psychosocial. Selon le dictionnaire français Larousse, le risque désigne la « possibilité, probabilité d’un fait, d’un évènement considéré comme un mal ou un dommage » ou encore, un « danger, inconvénient plus ou moins probable auquel on est exposé ». Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), le risque peut être compris comme étant un « danger éventuel, plus ou moins prévisible, inhérent à une situation ou à une activité » ou une « éventualité d’un évènement futur, incertain ou d’un terme indéterminé, ne dépendant pas exclusivement de la volonté des parties et pouvant causer la perte d’un objet ou tout autre dommage ». Dans ces quatre définitions du risque avancées par Larousse et CNRTL, il existe des similitudes : l’incertitude du fait d’une part, et le danger d’autre part. Le terme risque renvoie alors à un fait qui peut survenir à un moment imprévu, sans que la personne ne puisse agir. Ce fait imprévu va nuire à la personne. Mais le CNRTL souligne deux facteurs importants, à l’origine du risque : l’activité et la situation.

Puis, il y a la notion de psychosocial,  adjectif désignant selon le CNRTL, ce qui est « relatif à l’interaction entre les faits psychologiques et les faits sociaux ; qui relève de la psychologie ». Le Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour sa part, a tenté de donner une définition à la notion de RPS en faisant une synthèse des acceptions des risques et des manifestations des risques psychosociaux. Ainsi, la définition qu’il donne du RPS montre les différents aspects de ce RPS en disant : « Sous l’entité RPS, on entend stress mais aussi violences internes (harcèlement moral, harcèlement sexuel) et violence externes (exercées par des personnes extérieures à l’entreprise à l’encontre des salariés) ». L’INRS complète cette définition donné par le Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en disant que « Les risques psychosociaux correspondent à des situations de travail où sont présents, combinés ou non :

  • Du stress : déséquilibre entre la perception qu’une personne à des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ; 
  • Des violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés : harcèlement moral ou sexuel, conflits exacerbés entre des personnes ou entre des équipes ; 
  • Des violences externes commises sur des salariés par des personnes externes à l’entreprise (insultes, menaces, agressions…) ».

Si la définition du Ministère a insisté sur les manifestations des RPS, pour l’INRS, les RPS est une situation de travail. Ces divergences mettent en évidence la complexité de saisir et de définir de manière claire la notion de RPS.

Pour le Ministère de la Réforme et de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique (2014) l’acceptation de la notion de RPS est le stress au travail. Et pourtant, ceci constitue une des nombreuses facettes du trouble. Dans cette optique, il lui semble plus approprié de parler des RPS comme étant « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ». Cette définition avancée par le Ministère insiste sur la finalité des RPS qu’est l’impact sur la santé mentale de l’individu ainsi que sur sa santé physique. Cela permet d’englober sous la désignation de RPS, différentes manifestations tels que le mal-être, la souffrance au travail, les incivilités des travailleurs, l’agressivité, etc.

Pioché-Roques (2016 : 27) souligne le fait que les RPS sont des faits découlant des conditions de travail et c’est au niveau du lieu de travail qu’ils se manifestent, par le biais de maladies mentales. Mais la notion même de psychosocial,  souligne l’importance non seulement des conditions de travail, mais surtout, de la qualité des relations sociales dans ce lieu. Les RPS sont des résultantes des failles au niveau des interactions entre les collègues de travail. Dans ce cadre, le RPS ne peut pas être appréhendé comme étant un simple risque professionnel. Ce dernier en effet, est plus souvent associé aux risques classiques inhérents à l’hygiène et aux mesures de sécurités quant aux manipulations de produits chimiques ou de matériels sophistiqués pouvant conduire à des accidents par exemple.

Lerouge cité par Jourdan et al. (2010 : 16) nie la conception des RPS comme étant de simples stress ou des harcèlements, car pour lui, ce ne sont que de faibles manifestations des RPS. Pour lui, le RPS correspond à « une nouvelle catégorie de risques associés aux phénomènes de transformation du travail, liés à l’intensification, à la précarisation, aux nouvelles organisations d’entreprise et à l’introduction de nouvelles technologies ». Il faut retenir cependant, que si les RPS découlent de facteurs collectifs, ce trouble ne peut être évalué qu’au niveau individuel (Pioché-Roques, 2016 : 27). Le RPS se réfère aux troubles psychiques des employés, mais il peut aussi désigner les risques associés au travail, pouvant être d’ordre mental, physique et social.

Les RPS peuvent également se manifester à travers la fatigue de l’employé. La fatigue peut atteindre tout individu qui exerce des efforts physiques ou mentaux. Dans ce cas, elle peut être évitée ou réparée en faisant un repos. Mais la fatigue découlant des RPS ne peut pas être réparé à travers le sommeil. Il s’agit d’une manifestation de conditions de vie malsaines au travail (Lhuilier, 2010 : 15). Dans d’autres cas, la manifestation la plus évidente et la plus fréquentes des RPS est le stress lié aux activités professionnelles. Parfois, des travailleurs au sein des entreprises confondent le stress aux RPS (Kortum et al., 2010 : 229). Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, cité par Bué et al. (2008 : 49), le stress correspond au « déséquilibre entre la perception d’une personne à des contraintes que lui impose sont environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Cette acception tend a parler du stress comme de la résultante des contraintes de l’environnement professionnel sur la perception de l’employé concernant ses ressources et sa capacité à faire face à ces différentes contraintes. Il semblerait donc que l’individu va être stressé lorsqu’il pense qu’il ne dispose pas d’assez de ressources pour faire face aux menaces qui pèsent sur l’environnement de travail.

En somme, les RPS peuvent donc se manifester de différentes manière ce qui a poussé Aravis (2010) à affirmer que « Le terme « risques psychosociaux » désigne d’abord un ensemble de « troubles » de la santé, qui peuvent concerner aussi bien les dimensions physique et psychologique, que les aspects comportementaux et sociaux. Les « troubles psychosociaux » recouvrent donc une variété de symptômes, et de mots pour les nommer : stress, harcèlement, souffrance, mal-être, violence, problèmes relationnels, dépression, épuisement professionnel ».

  • Les origines des RPS en entreprise

Plusieurs facteurs sont à l’origine des RPS dans le domaine professionnel. Il y a tout d’abord, le type de travail, les pratiques managériales adoptées par l’employeur, les demandes et les exigences du poste et les ressources mises à la disposition des employés. Les impacts d’un de ces facteurs peuvent entraîner le RPS, mais il n’est pas rare que plusieurs facteurs interagissent pour causer ce risque chez les travailleurs (Bailey et al., 2014 : 101). Les RPS peuvent être les résultantes d’une inadaptation aux changements au niveau des conditions de travail, parfois, d’une surcharge de travail, ou des conflits de valeurs au sein de l’organisation (Jourdan et al., 2010 : 37).

L’environnement, les conditions ainsi que les relations au travail constituent les principaux facteurs influençant l’augmentation des RPS chez les employés (Pioché – Roques, 2016 : 26 – 27). Les conditions de travail se réfèrent aussi bien à la quantité de travail que l’individu doit fournir en une journée, mais également, à tous les efforts que l’individu doit faire pour accomplir sa mission. Puis, il y a l’environnement de travail et les différentes organisations qui conditionnent la réalisation du travail. Ces dernières années, la société est témoin de l’intensification du travail et d’un profond changement au niveau de l’organisation du travail. A cela s’ajoute la complexité du travail aujourd’hui. Les entreprises ne sont plus seulement à l’affût de personnes qui puissent faire un travail de routine, mais qui puissent fournir des suggestions, des conseils. Les employés sont amenés à s’investir à fond dans leur travail. Mais dans ce cadre, nombreux sont ceux qui se plaignent de courir ou de travailler sans parvenir pour autant à faire quelque chose de concret ni d’atteindre les objectifs à fond.

Les conditions de travail peuvent également englober l’équilibre entre les efforts fournis par les employés et la récompense qu’il perçoit en retour. Plus il a un sentiment d’injustice organisationnelle, et plus il est exposé à des RPS. Outre à cela, il y a son autonomie au travail. Plus il est autonome et plus il n’a pas le sentiment de servitude qui pourrait le lasser. Parmi les conditions de travail les plus cités comme affectant la qualité de vie au travail des employés et pouvant entraîner leurs RPS, il y a la charge de travail et le temps accordé aux employés pour l’accomplir, les exigences émotionnelles de chaque poste, et les caractères de l’employé lui-même. Alors que certains sont plus enclins à faire face à de nombreuses difficultés, d’autres par contre sont plus vulnérables. L’organisation du travail est au cœur des troubles qui peuvent conduire à des RPS. L’organisation se réfère aux horaires de travail qui peuvent pousser l’employé à travailler au-delà de la limite fixée par la norme, les rythmes de travail, etc. (Bué et al., 2008 : 46).

Le sentiment de détérioration des relations au travail contribue à l’isolement professionnel au stress et finalement au RPS. Le sentiment d’isolement peut être une simple perception par le travailleur de ne pas obtenir le soutien de leurs pairs au travail. Dans ce cas, il pense qu’il est le seul à affronter le travail, sans pouvoir compter sur d’autres personnes pour le soutenir. Les RPS surviennent lorsque les demandes des employeurs ne sont pas satisfaites par le profil du travailleur. Ce dernier va alors fournir des efforts excessifs pour tenter de répondre à ces demandes, ce qui va provoquer chez lui une fatigue et les RPS. Ces derniers arrivent quand l’employé doit surpasser ses capacités et ses ressources pour mener à bien son travail.

Les causes et les résultantes des facteurs induisant les RPS sont complexes. Ainsi, le Ministère de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique a schématisé comme suit ces rapports de causes-effets :

Figure 1 : Les causes et les conséquences des risques psychosociaux (source : http://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/publications/coll_les_essentiels/RPS-Plaquette-RPS-2014.pdf

Sur cette figure, nous constatons que l’origine des RPS est constituée par l’organisation du travail, les relations sociales, les conditions de travail, le management, etc. Ces différents facteurs conditionnement le fonctionnement du service. Quand le service fonctionne, les activités devant être accomplies par le service sont réalisées. Mais quand il y a de fortes pressions, les travailleurs ressentent des troubles psycho-sociaux qui vont se manifester par le mal-être, la souffrance au travail, au stress, aux harcèlements, aux violences internes et externes et au burnout. 

Si aucune mesure n’est prise (représentée sur la figure par les facteurs de régulation), alors les conséquences directes se feront sentir au niveau de l’individu. Ce dernier va présenter des troubles somatiques divers tels que les troubles neurologiques et psychiatriques, psychosomatiques, cardiovasculaires, digestifs et métaboliques, TMS, addiction, idées suicidaires, etc. Du côté du service, il y aura une baisse de la qualité du service, une perte d’efficacité, une augmentation de l’absentéisme, des accidents matériels et des accidents du travail, etc.

Mais il existe également des facteurs indirects qui augmentent les RPS : les caractéristiques du pays lui-même. Les contrôles des conditions de travail et la politique permettant de réduire les mauvaises conditions de vie par exemple, sont régulièrement réalisés dans les pays industrialisés. Mais dans les pays pauvres, ces contrôles sont irréguliers, voire même inexistants, résultant en une exposition des employés à des risques physiques et matériels ainsi qu’à des surcharges de travail ou des harcèlements moraux. De plus, les pays pauvres ne disposent pas de stratégies permettant de faire face à une augmentation des RPS (Kortum et al., 2010 : 226). En d’autres termes, ce sont les dispositifs de prévention des RPS qui conditionnent la faculté des entreprises à diminuer les risques encourus par leurs employés.

  • Les impacts des RPS 
  • Les impacts sur l’individu

Les RPS impacte directement sur la santé mentale et physique de l’individu et à un stress chronique. Les RPS sont à l’origine du burnout et peuvent pousser les employés à se suicider dans leurs lieux de travail. Les RPS sont à l’origine de troubles comportementaux se manifestant souvent par une agressivité physique ou psychique que l’individu exerce sur ses subordonnées. Sur le plan physique, l’individu peut souffrir de troubles cardiovasculaires, de troubles musculosquelettiques (TMS), etc. (Jourdan et al., 2010 : 26). Dans certains cas, les RPS provoquent chez les employés des désordres et des stress post-traumatique. Or, cela est associé aussi à une réduction de l’estime de soi chez les victimes des RPS (Steffgen, 2008 : 289). Les RPS augmentent les risques de maladies cardiovasculaires chez les employés. Ces maladies s’accompagnent souvent de facteurs de risques comme l’hypertension, l’augmentation du taux de cholestérol dans le sang et le diabète

La dépression, souvent retrouvée chez les personnes sujettes à des RPS, est source de déséquilibre dans la vie de famille. Nombreux sont les couples comptant au moins une personne dépressive qui se séparent. La vie de famille se trouve ainsi brisée. Outre à cela, suite à cette dépression, l’individu peut également présenter d’autres maladies plus graves encore telles les infarctus du myocarde, le cancer. Les personnes ayant atteint un niveau élevé de dépression sont susceptibles de mourir (Netterstrøm et al., 2008 : 119).

Les dépressions résultent des demandes du travail qui dépassent les moyens à la disposition du travailleur. La méta-analyse de Netterstrøm et al. (2008 : 125 – 126) montre l’acheminement des différents facteurs de RPS sur l’état de santé et plus particulièrement, sur la dépression de l’individu. La surcharge de travail se traduisant par un excès au niveau des jours et des heures travaillés conduit à l’augmentation de la dépression des employés. De même, les violences et les menaces perçus par les employés provoquent aussi leur dépression. 

Les RPS modifient les rapports entre l’individu et son travail. Alors qu’au début, il est probable que l’individu ait intégré l’organisation pour des raisons personnelles, il est susceptible de ne plus trouver en elle, ce qu’il cherchait au départ. Les RPS sont sources de désengagement de l’individu. Ce dernier, après avoir subi cette expérience négative est capable de quitter l’entreprise et de se lancer dans une activité pouvant être complètement différente de ce qu’il faisait au sein de l’entreprise initiale. Parfois même, il peut faire un travail qui ne rejoint pas sa formation initiale. En d’autres termes, les RPS poussent l’employé à trouver de nouveaux emplois ou encore, de nouvelles entreprises (Steffgen, 2008 : 289).

Les RPS se manifestent aussi par les stress. Ces derniers ne constituent pas en soi, des maladies, mais signalent par contre, des troubles chez l’individu stressé. Les impacts du stress peuvent s’installer à long termes. Parmi ces impacts négatifs se trouvent par exemple, des pertes de mémoire, des inflammations, des TMS, l’hypertension, le développement de maladie cardiovasculaire. Ces derniers causent des maladies, des déséquilibres et parfois même, la mort chez les travailleurs. En effet, devant le facteur de stress, l’individu va mobiliser toute son énergie pour s’adapter à l’agression de l’environnement professionnel. S’il ne parvient pas à surmonter la situation, alors il va entrer dans un état pathologique appelé l’épuisement dans lequel, l’individu ne dispose plus de moyens pour se défendre devant le facteur de stress.

Les études de l’observatoire Cegos (2015) a montré que 56% des salariés pensent subir un stress régulier dans leur travail, contre 73% chez les managers. 83% des salariés qui pensent subir des stress réguliers disent que leur niveau de stress est susceptible d’impacter négativement sur leur santé. Mais ce taux est moins fort chez les managers (66%). En France, le stress est à l’origine d’une dépense de 1,6 milliards d’euros par an. Selon l’OMS, la France se place à la troisième place des pays où les employés comptent le plus grand nombre de dépressions en lien avec le travail. Les consultations médicales permettent de désigner le stress comme étant à l’origine de la grande majorité des troubles qui attaquent les employés. Pourtant, les employés tendent souvent à dissimuler leurs stress devant le médecin.

Le stress au travail conduit souvent les employés à négliger leur état de santé. Par exemple, de nombreux stressés essaient de résoudre leur problème à travers les cigarettes et l’alcool. Et pourtant, ces deux facteurs renforcent les effets négatifs des RPS sur les employés et conduisent parfois à leur mort prématurée (Kortum et al., 2010 : 233). Ceux qui parviennent à surmonter cette épreuve ont souvent une image négative de leur travail surtout, sur leur santé. En effet, de nombreux employés atteints de RPS pensent que leur travail est mauvais pour leur santé. Ils sont donc plus enclins à éprouver une souffrance au travail, à se désengager, à être démotivés et enfin, à prendre des arrêts maladies en un an (Bué et al., 2008 : 52). Les impacts des RPS sont résumés dans le tableau suivant :

Tableau 1 : Les impacts des RPS sur la santé des employés (source : Kortum et al., 2010 : 230 ; traduction libre)

Thèmes  Impacts sur la santé
Santé physique Problème cardiaque et au niveau de la circulation

Problèmes gastro-intestinaux

Troubles musculosquelettiques

Migraines

Symptômes dermatologiques et respiratoires

Déséquilibres et blessures

Diabètes

Ulcères

Certains cancers

Santé mentale Dépression, anxiété et problèmes émotionnels

Suicides et comportements suicidaires

Troubles mentaux (en général)

Comportements en opposition à la santé Addiction à des stupéfiants

Fumer des cigarettes

Obésité 

Stress et autres résultats sur la santé Santé physique et mentale (interactions)

Fatigues et troubles du sommeil (physique et mental)

Le tableau ci-dessus nous montre que les RPS exposent aux employés à quatre catégories d’impacts sur la santé. La première est la santé physique regroupant toutes les maladies susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de l’employé. La deuxième est la santé mentale qui rassemble les troubles et les maladies affectant la santé de l’individu et pouvant modifier son comportement jusqu’à le pousser à se suicider. La troisième catégorie se réfère aux comportements en opposition à la santé c’est-à-dire, que les individus atteints de RPS tendent plus à adopter des comportements qui aggravent leur état. Et enfin, il y le stress et d’autres impacts sur la santé. Il est à noter que la santé physique et mentale interagissent. Il est impossible de séparer les deux puisque les maladies physiques entraînent une maladie mentale et les trouble mentaux conduisent à des souffrances physiques. Or, tous ces faits sont à l’origine de troubles de sommeil et de fatigue.

Les RPS sont sources de fatigue mentale qui, à son tour, renforce la fatigue physique. Il s’agit d’un cercle vicieux dans lequel, l’employé a souvent du mal à surmonter (Lhuilier, 2010 : 15). Le burnout est principalement rencontré chez de nombreux employés atteints de RPS. Le burnout ne se manifeste pas uniquement par une fatigue physique, mais également, une fatigue émotionnelle, une dépersonnalisation et du cynisme envers les autres. Les personnes atteintes de RPS et ressentant du burnout tendent à être insensibles aux malheurs des autres (Carod – Artal et Vázquez – Cabrera, 2013 : 16 – 17). 

Ce sont aussi des personnes très enclines à ne plus s’engager dans leur travail. Elles sont traquées par l’idée de ne pas s’accomplir dans leur travail. La fatigue émotionnelle suite au burnout impacte sur la vie privée de l’individu et sur ses relations aussi bien dans l’environnement familial que professionnel. Ils n’échangent pas beaucoup avec les autres, ce qui provoque une altération de ses relations avec les membres de son équipe, ses collègues et enfin sur le reste du personnel (Carod – Artal et Vázquez – Cabrera, 2013 : 16 – 17). En d’autres termes, les RPS n’affectent pas uniquement la santé de l’individu, mais détruit aussi, ses relations sociales et cause sa souffrance aussi bien dans le milieu professionnel que dans le milieu privé. Ces souffrances et désordre découlent principalement des impacts des RPS sur l’isolement de l’individu.

  • Les impacts sur l’employeur

Quand l’état de santé de l’employé est touché, il est évident que sa productivité au travail va diminuer. Dans certains cas, les employés quittent leurs lieux de travail. Ainsi pour l’employeur, le RPS va de pair avec turnover. L’entreprise devra alors faire face à une révision de son style de management et à sa stratégie de maintien des employés à l’emploi (Pioché-Roques, 2016 : 27). Il a été constaté en effet, que les employés enclins à rester au niveau d’une entreprise sont ceux qui sont engagés dans leur travail. Or, les RPS sont source de désengagement des employés et de conflits entre les employés. Il est probable que de tels comportements puissent conduire à la réduction de la performance de l’entreprise.

Le RPS est associé aux départs des employés et par conséquent, à la désorganisation au sein de l’entreprise. Comme les employés sujets à des violences sont susceptibles de devenir agressifs, les RPS sont donc à l’origine de la détérioration du climat social au sein de l’entreprise. En effet, les employés qui ressentent du mal-être s’isolent ou n’entretiennent pas des liens sociaux avec leurs pairs. Les liens sont donc rompus entre les collègues et la hiérarchie.

Les RPS sont sources de pertes de journées devant être travaillées. Il a été constaté par exemple, que plus de 40 millions de journées de travail sont perdus  chaque année au Royaume – Uni à cause des désordres liés aux stress des employés. Aux Etats-Unis, les entreprises enregistrent 550 millions de jours de travail perdus à cause du stress et de l’absentéisme des employés (Kortum et al., 2010 : 234). Les entreprises enregistrent une perte de jours devant être travaillés, cinq fois supérieurs chez les employés que chez les personnes non dépressives (Netterstrøm et al., 2008 : 119). Pour les entreprises le stress coûte 3% à 4% de leurs chiffres d’affaires (Pauly et Viers, 2008 : 26). Parmi les dépenses liées aux RPS se trouvent également les dépenses de santé associées à la Sécurité Sociale.  

En ce qui concerne la France ne cesse d’augmenter. Une étude de l’Alma Consulting groupe en 2014 a permis de démontrer que les salariés français s’absentent pendant 16,7 jours par an en moyenne. D’autre part, la durée de l’absence a également augmenté. Le nombre d’employés qui s’absentent augmente et ceux qui vont au travail régulièrement tend à diminuer. L’absentéisme au sein de ces organisations viennent principalement de maladies mais entre autres, de conditions de vie au travail jugée pénible pour les employés. 9% des employés qui s’absentent le font pour cause de mauvaises conditions de travail, 7% à cause du manque de reconnaissance. 6% des absences sont dus à un excès au niveau de la charge de travail. Puis, il y a la faille au niveau de l’ambiance et l’absence ou l’insuffisance de soutien de la part de ses supérieurs hiérarchiques qui justifient 4% des absences. Au niveau financier, l’absentéisme causé par les RPS entraîne des coûts supplémentaires pour maintenir l’employé, le remplacer temporairement si besoin est, ce qui impute environ 45 milliards d’euros aux entreprises françaises. A cette somme s’ajoute les coûts indirects relatifs à la prévention des maladies, les cotisations, etc., les entreprises françaises paieraient jusqu’à 60 milliards d’euros. Les détails de ces coûts endossés par les entreprises sont résumés dans les tableaux 2a et 2b :

Tableau 2a : Les coûts directs générés par l’absentéisme au sein des entreprises françaises (source : 7ème baromètre de l’absentéisme d’Alma Consulting Group, 2015, disponible au http://www.ayming.fr/groupe/notre-groupe/actualites-groupe/actu-corporate/news/7eme-barometre-de-labsenteisme-alma-consulting-groupR-2015/

Coûts directs
Coûts de remplacement 3,80%
Perte de valeur ajoutée 1,09%
Coût de maintien de salaire 0,88%
Total coûts directs 5,77%

 

Tableau 2b : Les coûts indirects générés par l’absentéisme au sein des entreprises françaises

Coûts indirects
Coûts de prévention de l’absentéisme 0,59%
Coût de la prévoyance 0,60%
Coûts des cotisations AT/MP (accidents de travail et maladies professionnelles) 1,63%
Total coûts indirects 2,83%

Mais l’entreprise paie également des dépenses liées aux absences et aux maladies dont souffrent leurs employés. Le coût médical des RPS est estimé à 413 millions d’euros, tandis que l’absentéisme provoque une perte de 279 millions d’euros. L’absentéisme  répété chez les entreprises va conduire directement à une désorganisation, mais aussi à une baisse de leur productivité et de leur compétitivité par rapport à celles de leurs concurrentes. La baisse de productivité impacte sur les bénéfices créés par les activités de l’entreprise (Steffgen, 2008 : 289).

Outre à cela, il y a la désorganisation liée à l’absence des employés. A cause de cette désorganisation, les équipes au sein de l’entreprise n’auront plus le même dynamisme et la même compétitivité. Comme résultat, il y a une baisse de qualité perçue directement par les consommateurs et affectant également l’image de l’entreprise (Pauly et Viers, 2008 : 26). Les souffrances des employés interpellent toujours des acteurs externes qu’internes. En admettant par exemple, que les RPS peuvent inciter les employés à avoir des idées suicidaires, voire même à passer à l’acte, l’entreprise ne peut se soustraire à une responsabilité lui procurant une image négative de la part des employés, des consommateurs et des partenaires. Le cas de France Télécom que nous allons développer un peu plus bas pourrait illustrer l’impact des suicides de ses employés sur l’image de l’entreprise. L’image négative de l’entreprise va assurément produire des coûts cachés. Les suicides de leurs employés confrontent les employeurs à des risques juridiques, mais également à la détérioration de leurs images. Cela contraint les entreprises à prévenir les risques pour empêcher toute tentative de suicide (Vialle-Lenoël, 2016 : 8).

D’autre part, les employés qui ressentent une souffrance au travail sont susceptibles de se révolter et de se lancer dans une grève, ce qui va coûter sur la finance de l’entreprise (Lhuilier, 2010 : 13). Pour calmer les employés, les employeurs se trouvent dans l’obligation de mettre en place des moyens de prévention primaire dont l’objectif est d’éliminer tous les facteurs inducteurs de risques au sein de l’organisation. Cela repose d’une part sur la reconsidération de l’organisation et des conditions de travail des employés. Mais nombre d’entre eux s’y opposent vivement d’une part, à cause de la réduction de leurs marges de manœuvres puisque dès le départ, l’organisation et les conditions de vie au travail ont été conçues dans le but d’optimiser la production et de générer plus de profits. D’autre part, les employeurs revendiquent souvent les coûts économiques nécessaires à la mise en place de ces stratégies d’élimination des risques.

Devant l’état de santé de ses employés, les entreprises ont des comptes à rendre à la justice quant à leur responsabilité dans l’atteinte de l’intégrité physique et psychique de leurs employés. Les entreprises qui déclinent leur responsabilité sont susceptibles de poursuite judiciaire. Au cas où l’employeur refuse de prendre des mesures pour prévenir ou tout au moins, de contrôler les facteurs de RPS chez les personnels, il est probable de se trouver au cœur d’un procès. En effet, le code du travail oblige tous les dirigeants d’entreprise à veiller et à préserver la santé physique et mentale de leurs salariés. 

Et selon l’article L. 1152 – 1 de la loi du 17 janvier 2002, « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui a pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Ces différentes obligations juridiques sont renforcées par l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail du 2 juillet 2008. Cet accord souligne la nécessité pour toute entreprise de déterminer des moyens et des outils permettant d’identifier les facteurs de stress et le niveau de stress de leurs employés et d’agir par conséquent.

  • L’implication de la communication interne dans la prévention des RPS
  • Les mesures des RPS en entreprise

Afin de préserver l’intégrité physique et mentale de leurs employés, les entreprises doivent mesurer les différents risques auxquels, ceux-ci sont exposés. Le plus important c’est de pouvoir identifier les risques inhérents au travail et qui, ne peuvent pas être évités. Certes, toute activité comporte des risques, mais ceux-ci sont à réduire autant que faire se peut. Quatre facteurs de tensions et de RPS ont été identifiés comme étant les plus fréquents et ce sont également, ceux qui sont à évaluer principalement : la charge de travail et les moyens dont l’employé dispose pour l’accomplir, les relations de travail, les conflits de valeurs entre l’entreprise et l’employeur, les restructurations et les changements qui s’opèrent au niveau de l’organisation et qui sont susceptibles d’affecter la santé de l’employé.

Dans la plupart des cas, les questionnaires constituent les principaux outils de mesure des RPS chez les travailleurs. Ce sont ces derniers qui répondent aux questionnaires en fonction de leurs ressentis. Parmi ces questionnaires se trouvent par exemple le Job Content Questionnaires (JCQ) conçu par Karasek en 1979 afin de rendre compte des exigences psychologiques et physiques du travail, le soutien social, l’insécurité de l’emploi et l’autonomie de l’employé dans l’accomplissement de sa mission. Mais la version initiale de ce questionnaire doit être mise à jour en fonction du nouveau contexte socioéconomique et de l’évolution des connaissances des employés.

Il existe entre autres, le questionnaire de Siegrist (ERIQ) dont le but est d’évaluer l’effort fourni par l’employé et les récompenses qu’il obtient en retour. Les RPS se produisent en effet quand l’employé perçoit que ses efforts dépassent les récompenses offertes par l’entreprise. Ce questionnaire aborde également le surinvestissement de l’employé dans son travail. Une échelle allant du « tout à fait d’accord » à « pas du tout d’accord » est employé pour évaluer les réponses des interviewés. Puis, il y a le Leymann Inventory of Psychological Territozation (LIPT) et le Negative Acts Questionnaire (NAQ) qui prennent en compte le harcèlement moral subi par les employés.

Le LIPT a été conçu en 1990 par Leymann, H. Le but du questionnaire est de déterminer si l’employé a été exposé à des situations de violence psychologiques au travail pendant un an. A partir d’entretiens, l’auteur a conclu l’existence de 45 situations de violences psychologiques au travail. Il convient alors de déterminer le niveau d’exposition ou la fréquence à laquelle, ces violences se produisent. Par ailleurs, il faut déterminer à travers ce questionnaire les différentes formes de harcèlement et de violence auxquels a été exposé l’individu : empêchement à s’exprimer, isolement de la personne, discréditation de la personne de son poste, déconsidération de l’individu devant ses pairs et comportements portant atteinte à la santé du travailleur.

Le NAQ a pour objectif de déterminer la perception par l’employé de son exposition aux violences et son degré de victimisation dans l’environnement professionnel. Les questions posées dans le cadre du NAQ concernent les comportements des salariés et ne font pas directement allusion aux violences afin que les employés puissent estimer s’ils ont été victimes de violence ou non. Ce n’est qu’à la fin uniquement, que la définition de la violence est mentionnée pour que l’employé puisse juger s’il est victime ou non. Le NAQ permet de recenser les différentes formes de violences perçues par les employés, leur fréquence, intensité et leur prévalence.

Puis, il y a l’enquête Sumer qui consiste à déterminer les expositions professionnelles aux risques des employés. Cette enquête est réalisée par le médecin du travail auprès de quelques employés interviewés au hasard, lors de leur visite médicale périodique. Le niveau d’exposition des employés aux risques organisationnels, physiques, chimiques et biologiques, et enfin, aux risques psychosociaux est déterminé par cette enquête. Plusieurs médecins du travail réalisent les enquêtes auprès d’entreprises de tailles et d’activités diverses. L’évaluation des risques organisationnels se fait à travers le questionnement des employés sur leur situation habituelle de travail pendant l’année (Bué et al., 2008 : 46 – 47). 

Le deuxième type de risques (physiques, chimiques et biologiques est réalisé à partir de questions précises dont les réponses sont retranscrites dans une grille technique. Pour déterminer les types de risques auxquels sont exposés les employés, le médecin fait une synthèse entre les perceptions des employés et les informations qu’il a recueillies sur terrain (concernant l’exposition aux produits chimiques par exemple). Enfin, l’évaluation des risques psychosociaux dépend de la perception du salarié sur ses conditions de travail et sur sont activité en général. Les impressions de l’employés sont évaluées à partir de l’autoquestionnaire intitulé « Votre opinion sur votre situation de travail ». Dans cette démarche, le médecin du travail n’intervient plus. Les réponses obtenues proviennent bien donc des employés et ne sont pas influencées par le médecin. Trois éléments sont principalement considérés lors de l’évaluation de ces risques :

  • La demande des employeurs et l’autonomie de l’employé pour satisfaire cette demande : Cette dimension reprend les activités psychiques de l’employé au travail.
  • Les facteurs susceptibles de provoquer des traumatismes psychiques chez l’employé par exemple, violence au travail, des agressions, etc.
  • La perception de sa santé par l’employé et les relations de celle-ci avec les caractéristiques de l’activité (Bué et al., 2008 : 49)

Les différents questionnaires comportent cependant quelques limites. D’abord, ils ne permettent pas de prévoir les risques de violences et de harcèlements conduisant aux RPS des employés. Ce n’est seulement qu’après les faits que les employés peuvent répondre aux questions. D’autre part, dans la grande majorité des cas, les réponses apportées par les interviewés n’apportent pas toujours de nouveaux éléments. Entre autres, les employés pensent qu’après avoir fourni ces différentes informations, des actions vont être menées pour éviter les risques. Pourtant, ce qu’ils rapportent ne sont pas des faits nouveaux. Ainsi, ils ont été déjà rapportés antérieurement. Toutefois, les organismes mis au courant de ces faits n’ont pas encore adopté une décision efficace aboutissant à des résultats probants. Ainsi, l’enjeu dans le cadre de la mesure des RPS ne devrait pas seulement permettre de déterminer les différentes formes de risques auxquels sont exposés les employés, mais surtout, de les prévenir et d’évaluer leur ampleur dans les différentes organisations afin que celles-ci puissent agir en conséquent.

C’est pour répondre aux besoins de faire un pré-diagnostic qu’une autre approche a été mise en place par Abord de Chatillon et al. (2010). L’outil qu’ils proposent est inspiré du modèle exigences/ressources des employés au sein de l’entreprise. Contrairement aux questionnaires, cet outil exploite les données secondaires de l’entreprise notamment, les données brutes concernant l’absentéisme au sein de l’entreprise, son bilan social, les rapports des médecins du travail, la présence ou non de travailleurs sociaux, les rapports d’activités et les bilans annuels des services, le document unique de prévention des risques, les comptes rendus des réunions paritaires, mais aussi, les résultats des enquêtes menées auprès des employés, etc. Ainsi, l’évaluateur peut se rendre compte des exigences de l’entreprise et des activités ainsi que des ressources à la disposition des employés pour accomplir leurs tâches.

Pour le Ministère de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique (2014) la mesure des RPS est une démarche importante pour prévenir ces risques au sein de la fonction publique. Mais à l’instar de ce qui se passe chez de nombreuses entreprises, il ne suffit plus uniquement de trouver les moyens pour collecter les informations, mais également de déterminer les différents indicateurs pouvant conduire à l’estimation des RPS auxquels, les employés sont soumis. Il s’agit de

  • Taux d’absentéisme pour raison de santé, obtenu à partir du nombre moyen de jours d’absences pour maladie. Ce dernier est le rapport entre le nombre de jours d’arrêts pour maladie et le nombre total d’employés. Lors de la collecte de données, il faut noter cependant, si l’employé est atteint d’une maladie ordinaire, de maladies nécessitant des congés longue durée, de maladies issues d’accidents de travail ou de maladies professionnelle.
  • Le taux de rotation des agents c’est-à-dire, le rapport entre la somme du nombre d’arrivée et de départs d’agents pendant l’année, divisé par deux. La somme qui en résulte est par la suite divisée par l’effectif moyen de l’année.
  • Le taux de visite sur demande au médecin de prévention ce qui correspond au nombre de demande de visite spontanée pour 100 agents.
  • Nombre d’actes de violences physiques envers les personnels. Cette donnée est à manipuler avec beaucoup d’attention pour distinguer, les actes de violences physiques perpétrés par le personnel avec arrêt de travail, par le personnel sans arrêt de travail, provenant des clients avec arrêt de travail et sans arrêt de travail

Ces différents faits montrent qu’il existe de nombreux moyens et outils permettant de mesurer les RPS. Mais il appartient à chaque entreprise de trouver des solutions plus adaptées à ce qu’ils souhaitent évaluer en fonction de leurs caractéristiques.

  • La communication interne comme stratégie GRH

Le département des ressources humaines est le principal sollicité dans le cadre de la prévention des RPS. En effet, ce service a pour mission de mettre en œuvre des stratégies de prévention des RPS et d’amélioration de l’organisation du travail. La gestion des ressources humaines est au centre même de la performance de l’entreprise. Elle déploie plusieurs moyens pour augmenter cette performance. Parmi elles se trouve la communication interne. La communication interne poursuit plusieurs objectifs pouvant être regroupés en trois catégories distinctes : la compréhension des stratégies et du fonctionnement de l’entreprise, la circulation de l’information entre les employés, la confrontation ou l’intermédiation sociale permettant à chacun de retrouver sa place au sein de l’entreprise et enfin, la cohésion de toutes personnes formant l’organisation (Cobut et Donjean, 2015 : 15 – 17).

La communication interne est un appui permettant d’aider l’employeur à installer de nouveaux changements au niveau de l’entreprise. En effet, c’est à travers elle que l’entreprise va informer ses ressources humaines sur les nouvelles normes structurelles et culturelles à adopter. Du côté des employés, la communication interne permet une meilleure compréhension de ce qui se passe et des objectifs des changements, ainsi que leurs possibles répercussions sur leur travail. Ce n’est qu’à travers la compréhension des employés que les employeurs peuvent instaurer ces changements, car les employés seraient plus enclins à s’engager dans les processus de changement. Par ailleurs, c’est une démarche permettant à l’employé de se préparer psychologiquement et physiquement aux différents bouleversements positifs et négatifs induits par ces changements de programmes (Ragusa, 2010 : 22).

La circulation d’informations est cruciale pour l’entreprise dans la mesure où c’est elle qui permet la coordination des activités de chacun. En d’autres termes, la communication interne agit directement sur l’organisation du travail. C’est elle qui conditionne l’efficacité des employés dans l’accomplissement de leurs tâches. Le passage d’une information d’une personne A vers un autre (B) nécessite des échanges ou des discussions entre les deux parties pouvant faire partie d’une seule équipe ou non. Ces échanges déterminent les personnes qui sont amenées à travailler ensemble tout en partageant les savoirs et les expériences. La confrontation ne suppose pas des conflits entre les pairs mais peut également signaler une intermédiation nécessaire aux relations sociales. Or, ces différentes démarches conduisent à la cohésion du groupe (Cobut et Donjean, 2015 : 15 – 17).

Il faut noter cependant, que la communication interne ne peut pas se limiter à la seule information des interlocuteurs. La communication suppose des échanges verbaux ou des lettres (à l’heure actuelle des mails) entre au moins deux personnes. Pour que l’échange soit productif, l’intercompréhension est indispensable. Pour l’entreprise, la communication interne fait partie intégrante des processus de gestion des ressources humaines puisqu’elle conduit à la coopération et à la cohésion du groupe. La communication interne est à la base de la formation d’une équipe et permet de pallier à un problème pouvant entraîner des RPS : l’isolement du travailleur (Zarifian, 2010 : 136 – 137).

Pour l’entreprise, la communication interne est un moyen lui permettant d’attirer les personnels les plus compétents sur le marché du travail. Cela peut se faire de manière formelle via les journaux d’entreprise par exemple, mais également via des moyens informels notamment, les bouches-à-oreilles positifs, les relations des employés qui peuvent devenir des ambassadeurs de l’entreprise auprès des jeunes talents (Malaval et Décaudin, 2012 : 526). Parfois même, les entreprises n’hésitent pas à utiliser le rire comme étant un moyen pour interpeller les personnels et pour faire passer le message. Des notes humoristiques sont intégrées dans les journaux internes. Pour informer leurs employés, les employeurs peuvent mettre à leur disposition des notes de services ou des affichages. Les employeurs peuvent également discuter directement avec leurs collaborateurs lors des réunions (Mejjad, 2010 : 26 – 30).

L’avancée technologique et plus particulièrement, l’arrivée d’Internet a conduit à l’émergence d’une nouvelle forme de mode de communication interne : les réseaux sociaux d’entreprises. A l’ère de la mondialisation, de nombreux grands groupes du monde entier, s’implantent dans de nombreux pays. Et dans ce cadre, les employés qui travaillent pour un même groupe ne peuvent pas se voir, ni se communiquer à moins d’utiliser ces réseaux sociaux d’entreprises. Ces réseaux deviennent alors de nouveaux outils d’expression et d’échanges entre les employés. Tous les employés peuvent augmenter leur visibilité dans ces réseaux tout en se lançant dans une reconnaissance et de plus amples échanges avec leurs pairs à l’autre bout du monde (Galinon – Mélénec, 2010 : 42). Les entreprises favorisent les messageries et l’Intranet permettant de diffuser en temps réels, les nouvelles et de stimuler la réactivité des employés sur la question (Thomas, 2011 : 203).

Vu son importance au sein de l’entreprise, celle-ci doit donc élaborer une stratégie permettant de rendre la communication interne efficiente. Cette stratégie dépend d’une part, des caractéristiques de l’entreprise elle-même notamment, sa taille, ses ressources humaines, etc. Ainsi, de nombreuses entreprises optent pour un audit social afin de déterminer les relations sociales entre les employés et de concevoir par la suite, une stratégie de communication ciblée sur les personnels. L’audit de communication interne constitue une des premières démarches de détermination de la stratégie de communication interne. Ces différents audits permettent d’une part de caractériser les communications ascendantes, descendantes et horizontales. Il revient au directeur des ressources humaines d’établir le plan de communication interne de l’entreprise. Dans certains cas, il peut être aidé par un agent externe expert dans le domaine de la communication interne (Malaval et Décaudin, 2012 : 526 – 527). Les étapes de la structuration du plan de communication interne est résumée dans le tableau suivant :

Tableau 3 : Les différentes étapes de la conception du plan de communication interne (source : http://publications.medef.com/MEDEF-rh/Fiche-pratique-La-communication-interne.pdf

Quelles étapes pour structurer la communication interne ? Questions à se poser Actions à mettre en place
Etape n°1 : diagnostic Quels sont les messages que je veux faire passer ?

Sur quoi portent-ils ?

Consultations de l’équipe dirigeant, des Institutions représentatives du personnel…
Etape n°2 : segmentation A qui s’adressent mes messages (équipe dirigeante, managers, tous les collaborateurs) ? Choisir son cœur de cible

Structurer le message pour chaque cible (pourquoi, comment, quelles conséquences)

Etape n°3 : message Quel support et quand dois-je choisir pour diffuser les informations ? Etablir un plan de communication
Etape n°4 : retour Est-ce que le projet d’entreprise est connu de tous ?

Les actions mises en place sont-elles bien perçues et comprises ?

Les salariés adhèrent-ils au projet d’entreprise ?

Enquête (s) d’opinion

Baromètre (s) de perception

Feedbacks du terrain

  • Les impacts de la communication interne sur les RPS

En permettant la cohésion et l’entraide mutuelle, la communication interne constitue une stratégie RH efficace pour augmenter la performance de l’entreprise. La communication interne est un support pour l’individu dans la mesure où elle lui permet de donner un sens à ses activités, tout en collaborant avec ses pairs. C’est aussi un moyen d’organisation des activités au sein de l’entreprise (Zarifian, 2010 : 144). Or, l’optimisation de l’organisation est à la base même de la résolution des RPS, puisqu’il a été déterminé qu’une mauvaise organisation est inefficiente et contraint l’individu à s’investir beaucoup plus qu’il ne le doit pour répondre aux demandes de l’entreprise. Ainsi, l’élimination des facteurs de RPS passe donc par une bonne communication interne permettant à la fois une bonne coordination des activités, mais aussi une bonne cohésion entre les personnels.

L’isolement professionnel est une des manifestations des RPS. Ce cas se produit lorsque l’individu pense qu’il ne bénéficie plus du soutien de ses pairs et de ses supérieurs hiérarchiques. Dans cette optique, il trouve que le climat social devient tendu et qu’il devient plus facile de s’isoler. Les émotions régissent les comportements de l’individu envers son entourage et contribue de ce fait, à la régulation des activités individuelles et collectives. Les échanges via les réseaux internes d’entreprises constitue d’autres illustrations de la participation de la communication interne dans la cohésion de groupe et dans l’installation d’un environnement professionnel plus motivant (Galinon – Mélénec, 2010 : 43). Vu sous cet angle, les personnes souffrant de RPS doivent donc percevoir que leurs pairs ont fait une démarche pour les soutenir. Cela requiert des échanges entre l’employé et ses collègues. Or, ces échanges ne peuvent avoir lieu sans recourir à la communication interne. Nous pouvons attribuer donc, la résolution des RPS via la cohésion du groupe, qui, elle-même passe par la communication interne.

Nous avons vu que les RPS découlent de la dégradation des relations sociales au sein de l’entreprise et qu’en retour, ils entraînent aussi un isolement social. Lorsque l’employé a le sentiment de ne plus obtenir l’appui de ses pairs et de ses supérieurs hiérarchiques, alors il est capable de s’isoler. Mais cet isolement professionnel n’est qu’une étape pouvant le conduire vers une situation plus grave. Dans ce cas, il serait possible d’aider l’employé en le rassurant par exemple sur le fait que ses supérieurs hiérarchiques et ses pairs sont toujours prêts à le soutenir. Il existe une autre forme de communication interne qui s’avère très indispensable dans l’épanouissement professionnel et dans les relations professionnelles : la reconnaissance. Dans le domaine managérial, les relations entre les employés et leurs cadres se manifestent souvent par l’estime de la personne pour ses qualités et son travail (Heller, 2009 : 98).

La reconnaissance constitue une forme d’accueil et d’acceptation de l’individu au sein de la société, du service et du groupe. Cela illustre son intervention dans le processus de socialisation. Puis à partir de l’estime, de la considération de l’individu par les autres, qu’il va aussi pouvoir commencer son processus de construction identitaire. Puis, c’est à partir de cette reconnaissance également, que l’individu obtient la confirmation de ses qualités sur le plan professionnel. Or, cela est indispensable à la construction des rapports de l’individu à lui-même. C’est un moyen de cultiver chez lui une relation positive à lui-même (Heller, 2009 : 97). Et du point de vue stratégique, les managers peuvent insister sur les qualités réelles ou supposées de leurs subalternes pour les conduire à un comportement de soumission et de performance. En effet, quand l’individu entend les qualités qui lui sont reconnues, il déploie tous ses efforts pour essayer d’honorer cette estime que les autres ont de lui d’où sa prédisposition à s’investir à fond dans ce qu’il fait (Heller, 2009 : 105). Il est envisageable alors que si tous les individus sont reconnus à leurs justes valeurs, leurs groupes peuvent aussi afficher une meilleure performance, tout en les invitant à toujours donner le meilleur d’eux-mêmes quand ils travaillent.

Pour les employés, la communication interne constitue une autre démarche pour résoudre ou tout au moins, pour atténuer leur souffrance au travail. Certaines entreprises n’hésitent pas à dédier un espace de dialogue et à allouer du temps pour écouter leurs employés. Renault par exemple, après 2008, s’est lancée dans la création du jour de dialogue spécialement consacré à l’écoute des employés, de leurs employés afin de mieux les soutenir et les aider dans le cadre professionnel (Alemanno et Cabedoche, 2011 : 35).

Partie 2. Etude de cas

Afin de déterminer les impacts des stratégies de communication interne sur la prévention des RPS, nous allons étudier les cas de deux entreprises totalement différentes tant dans l’image qu’elles véhiculent aux acteurs externes, qu’au niveau du mode de communication interne. Il s’agit d’une part, de France Télécom – Orange, dont le scandale des suicides successives de ses employés a produit une polémique et s’est terminée par des poursuites judiciaires, et Google, une entreprise jugée comme étant très attrayante pour les jeunes talents. Par ailleurs, Fortune rapporte qu’il se  place au premier rang des entreprises où il fait bon de vivre en 2016. L’institut de notation est Great place to Work. Cet institut fait des études au niveau de 45 pays et sur plus de 10 millions de salariés pour déterminer les meilleures entreprises où les employés espèrent travailler.

  • Le cas de France Télécom
  • Présentation de l’entreprise

Les informations qui sont exploitées ici sont toutes tirées des bilans annuels de l’entreprise de 2006 jusqu’en 2016. L’entreprise France Télécom est une entreprise de télécommunication créée en 1988 et comptant plus de 230 millions de consommateurs dans le monde. Il propose à ses clients (particuliers, professionnels et entreprises) des offres de services dans la téléphonie mobile et fixe, l’accès à Internet ADSL. Dans ses premières années, l’entreprise était une compagnie de service civile opérant uniquement au niveau national et appartenant au gouvernement français. Il détenait alors le monopole pour la vente de service de télécommunication. Puis, avec l’entrée dans la mondialisation, l’entreprise a dû aussi faire face aux changements drastiques des exigences des consommateurs et au nouveau contexte économique qui se présente. C’est dans cette optique que France Télécom a directement ajusté son style managérial une fois qu’elle est devenue un acteur privé (Alemanno et Cabedoche, 2011 : 24). 

Le développement de l’entreprise ne repose pas uniquement sur sa capacité d’innover lui permettant d’avoir des avantages concurrentiels, mais surtout aussi, sur sa capacité à s’implanter et à se développer dans de nombreux pays présentant des croissances rapides. Ainsi, France Télécom est présente en Europe de l’Est, au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique. France Télécom est une entreprise de télécommunication confrontée à une augmentation de la pression concurrentielle. Plusieurs opérateurs se sont en effet développés, ce qui la pousse à adopter de nouvelles stratégies. Parmi elles se trouve le maintien de ses parts de marché en Espagne et au Royaume-Uni. Pour rester compétitif, France Télécom a dû baisser ses tarifs aussi bien au niveau de la téléphonie fixe que la téléphonie mobile. Puis, elle a dû faire des investissements tout en réduisant ses marges de manœuvre. Il est évident alors que la baisse de ses marges de manœuvre couplées à ses dépenses pourraient engendrer la baisse de son chiffre d’affaire.

Pendant la période 2008 – 2009, le groupe comme tant d’autres entreprises dans le monde, s’est heurtée à la crise économique. Comme résultat, les ménages se sont trouvés dans l’obligation de réduire leurs dépenses et leur consommation. D’autre part, ce n’est pas uniquement le niveau de consommation qui a été modifié, mais aussi le comportement des clients. Ces derniers ne parvenaient plus à payer dans les délais impartis, leurs factures, ce qui cause toujours une perte pour l’entreprise. Cela augmente en effet, ses besoins en fonds de roulement et renforce ses impayés.

En cette période de crise, France Télécom a directement réduit ses investissements pour pouvoir survivre au ralentissement économique. De cette manière, elle garde son cash-flow. Par la suite, elle a conçu de nouveaux services tels que les contenus, l’e-santé d’Orange.  A cette même période, France Télécom devait aussi simplifier son organisation et réduire autant que faire se peut ses coûts fixes. Selon le rapport 2006 de l’entreprise, la nouvelle organisation devrait permettre de placer les consommateurs au centre de toutes les activités de l’entreprise et dans ce sens, ils deviennent la priorité des employés. Le contenu du service offert devrait donc être à la hauteur des demandes des consommateurs.

En 2006, l’entreprise a adapté ses ressources humaines afin de répondre à ces objectifs. Le but de la gestion des ressources humaines était donc d’adapter les compétences des employés aux nouveaux enjeux et aux nouvelles attentes des employés et de développer les personnels de manière à ce qu’il puisse accompagner le groupe dans sa transformation. Cette démarche s’est soldé par le départ des employés, la mutation de certains et la mort d’autres. Nous pourrions voir l’évolution des ressources humaines de l’entreprise pour la période comprise en 2008 et 2009 sur le tableau suivant :


Tableau 4 : Répartition par sexe de l’effectif total de France Télécom au 31 décembre 2010 (source : bilan social du groupe, 2010)

Ce tableau nous montre que l’effectif de l’entreprise a fortement diminué de 2008 période jusqu’en 2010. Alors que France Télécom comptait 117 435 employés en 2009, une diminution s’est réalisée en 2009. L’entreprise n’enregistre plus que 110 588 employés soit, une baisse de 6 847 effectifs par rapport à l’an passé. Puis l’année suivante, ce chiffre a également diminué et l’entreprise comptait 107 064 employés. La baisse d’effectif concerne tous les niveaux mais ce sont principalement, les employés du niveau A, puis du niveau B, puis du niveau C qui enregistrent les écarts les plus significatifs. Le niveau A comptait 71 personnes en 2008 et en 2009, seulement 27 personnes ont été recensées. Ce chiffre est passé à 18 en 2010.  Pour le niveau B, France Télécom comptait 2 527 employés en 2008 dans cette catégorie. Mais il a diminué son effectif, ce qui a résulté à l’enregistrement de 2 041 employés en 2009 et de 1 501 employés en 2010. Dans cette évolution, ce sont les hommes qui sont partis. Désormais, ce niveau est présenté uniquement par les femmes. Le niveau D et E sont ceux qui enregistrent une augmentation de leur effectif. Pour le niveau D, l’effectif est passé de 23 814 employés en 2008 pour atteindre 24 059 employés en 2010. En termes de répartition en 

fonction du genre, les deux sexes ont subi une diminution de leurs effectifs. Le nombre de femmes est passé de 44 228 en 2008 à 39 754 en 2010. La même constatation est faite chez les hommes. En 2008, France Télécom comptait 73 207 hommes, mais en 2010, il n’en comptait plus que 67 310. Nous pouvons constater en même temps, que ce sont principalement les hommes qui prédominent au sein de l’entreprise. L’âge de ces employés pour l’année 2010 est présenté sur le tableau X :

Tableau 5 : Evolution de l’âge moyen chez France Télécom en 2010 (source : bilan social du groupe, 2010)

D’une manière générale, par rapport à 2009, l’âge moyen des employés de France Télécom est en légère baisse (47,9 ans en 2010 contre 48 ans en 2009). Les plus jeunes effectifs (âge moyen de 43,13 ans) sont localisés au niveau du niveau E, puis du niveau F dont l’âge moyen est de 47,08 ans. Le niveau A compte les salariés les plus âgés (56,17 ans), suivi par le niveau B (52,60 ans).

  • La communication interne au sein de l’entreprise

L’analyse de la communication interne de France Télécom requiert l’étude de l’évolution de la stratégie managériale et du style de communication adoptée par ses dirigeants avant et après les évènements fatidiques des séries de suicides et de rapporter en même temps, l’évolution de l’environnement dans lequel, l’entreprise s’est développé. A ses débuts, le style managérial de France Télécom avait adopté un style top-management, où la décision revenait aux dirigeants et où les employés n’avaient pas leur mots à dire. Cela permettait d’honorer les seuls objectifs économiques que l’entreprise se fixait à l’époque. C’est dans ce contexte et style managérial que les employés ont travaillé durant des années pour faire fonctionner l’entreprise. Ce style managérial de l’époque semblait à première vue cadrer avec les nouveaux enjeux de la globalisation. Ainsi, les dirigeants de l’entreprise ont pris des décisions sans consultation de leurs collaborateurs. A cela s’ajoute la nécessité de restructuration de l’entreprise pour faire face aux nouvelles demandes, les employés ont été témoin d’une rupture directe et subite avec la conception de l’organisation, telle qu’ils l’avaient toujours pensé. En d’autres termes, il n’y avait pas de communication permettant de préparer les salariés à ce qui allait se passer chez l’entreprise et ces derniers ont été placés devant le fait accompli (Alemanno et Cabedoche, 2011 : 24).

Les dirigeants de France Télécom, à l’occurrence le PDG Didier Lombard a adopté un mode de communication simple et clair, ne laissant place à aucun flou. Mais ce mode de communication interne brutal n’a pas pu rassurer les employés sur leurs sorts. Ainsi, lorsqu’il annonce lors de la réunion des cadres en octobre 2006 la suppression de 22 000 postes suivi de la mobilisation de 14 000 autres en trois ans, les employés se sont trouvés désemparés. Cela démontre que France Télécom ne disposait pas à l’époque d’une méthode de communication interne permettant de satisfaire les besoins de ses collaborateurs. La stratégie de communication interne et externe de l’entreprise semblent inexistantes. 

En interne, les dirigeants ne savaient pas adopter la bonne posture pour annoncer les nouvelles et les nécessités de l’entreprise aux employés. Le département de communication interne n’aidait par les parties prenantes à résoudre l’affaire, croyant que leur rôle se limitait à la diffusion des nouvelles de l’entreprise dans les journaux internes. Par conséquent, lorsque les suicides successifs se sont produits de différentes manières, les journaux externes se sont emparés de l’affaire. Or, cette externalisation de la crise de France Télécom conduit à renforcer le traumatisme des employés. Or, les retombées de cette faille au niveau de la communication se retournent contre l’entreprise elle-même. Dans cette optique, elle devait adopter des stratégies de communication, mais cela s’est fait dans la douleur et elle n’était plus efficace aussi bien pour les employés que pour ses clients (Alemanno et Cabedoche, 2011 : 30 – 31).

  • Les RPS chez les employés

Les employés de France Télécom subissent de nombreux RPS liés au style managérial et aux restructurations mises en place au sein de l’entreprise. France Télécom adopte un management des ressources humaines basées sur le licenciement de plusieurs employés au moins tous les trois ans, le recrutement d’employés multidisciplinaires pour éviter les investissements dans la formation de son capital humain de l’époque, planification de départs volontaires et affectation des employés à d’autres postes. Tout cela est inscrit dans le plan Next pour Nouvelle Expérience de Télécommunication conçu par les dirigeants (Alemanno et Cabedoche, 2011 : 27). Nous pouvons constater que de telles conditions ne sont pas propices pour l’installation d’un climat de travail paisible et adapté pour l’accomplissement personnel de l’individu dans son travail. Chacun est sous pression et stressé. Mais en plus, les concurrences peuvent se renforcer entre les différents employés pour ne pas être affecté ou licencié. Par conséquent, l’environnement de travail n’est pas propice à la cohésion entre les équipes. Pour évaluer l’état de santé et les RPS des employés chez France Télécom, nous nous sommes référés aux nombre de journées d’absence pour maladie et de la durée de ces absences pour maladies comme étant, un indicateur de RPS chez les employés.

Tableau 6 : Nombre de journées d’absence pour maladie chez France Télécom (source : bilan social du groupe en 2010)

Sur ce tableau, nous pouvons constater que le nombre de journées d’absence pour maladie chez France Télécom en 2010 a augmenté par rapport à l’année 2008. Cependant, par rapport à 2009, nous remarquons une baisse. L’entreprise comptait 1 618 326 journées perdues pour arrêt maladies alors qu’elle en enregistre 1 582 387 jours d’absence en 2010. Cela démontre donc, que l’entreprise a mis en place des stratégies permettant de réduire autant que faire se peut les pertes liées aux journées non travaillées pour cause maladie. En fonction de la catégorie, nous constatons que la baisse de journées d’absence a nettement diminué pour le niveau A, passant de 24 967 jours d’absence en 2008 à 3 736 jours d’absences uniquement en 2010. 

Notons en même temps que par rapport à 2009, les résultats de 2010 ne sont pas très probants en ce qui concerne l’état de santé des employés sauf pour ce seul niveau. En effet, une légère augmentation est encore constatée  pour le niveau E par exemple où le nombre de jours d’absence était de 85 175 en 2009 pour atteindre 89 146 en 2010. La même tendance est aussi observée pour le niveau B qui enregistrait 87 917 jours d’absence liés à la maladie, contre 90 200 jours d’absence en 2010. En admettant que plus l’état de santé de l’employé se détériore, plus il est enclin à prendre des congés à longue durée, nous prenons comme indicateur aussi de RPS, la durée des congés pour maladies chez France Télécom

Tableau 7 : Durée des jours d’absences chez France Télécom pour l’année 2010 (source : bilan social de l’entreprise 2010)

2008 2009 2010
Absences de moins de 3 jours Niveau A

Niveau B

Niveau C

Niveau D

Niveau D bis

Niveau E

Niveau F

Niveau G

3 944

1 033

26 265

8 345

4 407

3 330

759

35

4 290

852

24 537

9 437

4 461

3 175

799

25

490

4 741

26 100

10 255

4 746

3 275

740

58

TOTAL 48 118 47 576 50 403
Absences de 3 à 7 jours Niveau A

Niveau B

Niveau C

Niveau D

Niveau D bis

Niveau E

Niveau F

Niveau G

8 557

6 366

96 961

28 965

15 527

10 366

2 682

133

10 015

4 826

97 612

34 157

17 337

11 190

3 159

140

900

11 488

82 972

33 178

14 533

9 524

2 853

187

TOTAL 169 557 178 436 155 634
Absences de 8 à 30 jours Niveau A

Niveau B

Niveau C

Niveau D

Niveau D bis

Niveau E

Niveau F

Niveau G

6 842

12 061

164 291

45 989

28 034

18 481

5 490

373

6 663

8 918

164 534

55 522

29 480

19 604

6 604

467

727

12 510

144 308

56 015

29 786

20 257

6 743

535

TOTAL 281 561 291 792 270 881
Absences de 31 à 90 jours Niveau A

Niveau B

Niveau C

Niveau D

Niveau D bis

Niveau E

Niveau F

Niveau G

4 122

13 712

149 556

48 187

30 603

18 160

5 340

336

3 155

10 853

152 604

53 080

32 929

20 336

6 781

422

594

12 018

139 517

58 920

31 987

20 116

6 101

231

TOTAL 270 016 280 160 269 484
Absences de plus de 90 jours Niveau A

Niveau B

Niveau C

Niveau D

Niveau D bis

Niveau E

Niveau F

Niveau G

1 502

71 666

523 828

98 336

66 043

27 868

6 521

1 013

852

62 468

528 838

114 700

73 833

30 870

8 436

365

1 025

49 443

528 294

129 040

82 143

35 974

9 466

600

TOTAL 796 777 820 362 835 985

Le tableau ci-dessus nous montre que l’absence durant plus de 90 jours est la plus importante chez France Télécom. Outre à cela, cette proportion tend aussi à augmenter dans le temps. Ainsi, nous observons qu’en 2008, 796 777 jours étaient perdus pour les congés de plus de 90 jours. Ce chiffre est passé à 820 362 jours en 2009 et à 835 985 jours en 2010. La durée d’absence de trois jours est la plus faible par rapport aux autres catégories. Pourtant, elle aussi tend à augmenter. En 2008, France Télécom enregistrait 48 118 jours de congés pour maladies, contre 47 576 jours en 2009. Puis, le taux a connu un rebondissement à 50 403 jours de repos pour maladies en 2010. Ces faits pourraient témoigner de mal-être au travail ou tout au moins, de l’exposition des employés à des forts RPS.

Les suicides des employés au sein de France Télécom constituent l’illustration du degré élevé de RPS chez ces employés. En effet, en trois ans, l’entreprise a enregistré 60 suicides dont 35 se sont passés entre 2008 et 2009. Interpellés par ces faits, le procureur a directement lancé une procédure à l’encontre des responsables de l’entreprise afin de déterminer le mode de gestion qu’ils adoptent. Ils ont été poursuivis en justice par la suite pour harcèlement moral. Il faut noter cependant, que ce n’est pas uniquement le mode de communication interne qui est remise en question ici pour expliquer les suicides massives observées au sein de l’entreprise, mais également, le projet de restructuration envisagé par ses dirigeants. Cela passe par le licenciement des anciens employés pour pouvoir en recruter 6 000 autres

Les suicides se sont réalisés en deux temps. 15 suicides ont eu lieu en 2008 avant de reprendre en 2009. S’il est difficile au début de faire le lien direct entre les vagues de suicides et le style de management et de communication interne de l’entreprise, une lettre compromettant de la part du suicidaire marseillais a ouvert une piste pour expliquer les évènements. En effet, un employé a clairement désigné dans sa dernière lettre l’entreprise ainsi qu’il affirme : « Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom. C’est la seule cause. Urgence permanente, surcharge de travail, absence de formation, désorganisation totale de l’entreprise. Management par la terreur ! » Sur cette lettre rédigée juste avant le passage à l’acte de suicide, nous pouvons constater que le mal-être rongeait cet employé et ses ressentis clairement rapportés ici pourraient servir d’indicateurs ou d’informations pour tenir compte du degré avec lequel, il a perçu ces pressions sur son travail. Certains employés se sont immolés, d’autres sont morts de défenestration, de hara-kiri. D’autres se sont donné la mort en se pendant ou en se tirant une balle dans la tête (Alemanno et Cabedoche, 2011 : 30). Le style de management tout entier est ici remis en cause puisqu’il conduit à une mauvaise organisation accompagnée de surcharge de travail, entraînant une fatigue, puis une dépression et des troubles mentaux. 

En nous référant aux projets élaborés par les dirigeants de France Télécom, nous nous apercevons qu’il existe bien un harcèlement moral pouvant expliquer aussi le désespoir de ces employés. En effet, l’entreprise, apparemment sans consultation de toutes les parties prenantes et plus particulièrement, des employés s’est lancé dans l’adoption de mesures drastiques pour licencier 22 000 postes sans pour autant,  tenir rigueur de la situation de ces employés à licencier. La grande majorité d’entre eux ont travaillé pour cette entreprise pendant 20 ans, ce qui signifie déjà un certain attachement à celle-ci. D’autre part, leur moyenne d’âge était de 48 ans. Leur employabilité et leur capacité à s’adapter à de nouvelles situations devait alors être prise en compte. Mais il semblerait que cette décision ne tienne pas compte de tous ces facteurs, d’où le sentiment d’insécurité des employés. Outre la surcharge de travail, les employés doivent donc s’investir peut-être excessivement, pour pouvoir montrer son employabilité. Evidemment, cela s’est fait au détriment de leur état de santé mentale et physique.

Selon Alemanno et Cabedoche (2011 : 26), le suicide des employés de France Télécom traduit non seulement le mal-être des employés, mais également, la désymbolisation du travail et de l’entreprise par ceux-ci. S’ils ont pu travailler plusieurs années au sein de la même entreprise, c’est que les employés ont déjà construit une identité à partir de ce qu’ils font au sein de France Télécom et qu’ils attribuent également un sens à leurs activités. En d’autres termes, ils ont construit des liens avec la société, mais ceux-ci ont été rompus à cause de la faille au niveau de la communication interne, ne permettant pas une préparation aux bouleversements causé par un changement brusque de la structure de l’organisation. Comme résultat, les employés n’ont plus la même image de l’entreprise et le travail a également perdu le sens que les employés lui ont attribué. Quand ce sens se perd, l’employé est déconnecté de son ancien environnement professionnel et il ne trouve plus ses repères. Par conséquent, il n’a plus le sentiment d’appartenir à l’entreprise pour qui, il travaille. Mais outre à cela, il a l’impression d’être traqué dans une zone d’insécurité. Quand le stress devient trop fort, il ne parvient plus à surmonter les difficultés et le suicide constitue pour lui, la dernière option.

Les suicides des employés peuvent aussi témoigner de l’existence d’harcèlement au niveau de l’entreprise. Pour que ces harcèlements conduisent à de tels résultats, trois facteurs doivent être présents : le harceleur, le harcelé et la communauté qui reste silencieuse malgré la constatation du harcèlement moral. Evidemment, ce silence pourrait être directement interprété par le harcelé comme étant un manque de soutien voire même, une complicité contre lui, si bien que ses angoisses augmentent. Lorsqu’il ne parvient plus à faire face à la situation, il ne trouve aucune autre issue qu’au suicide (Alemanno et Cadeboche, 2011 : 33).

  • Le cas de Google
  • Présentation de l’entreprise

L’entreprise Google a été créée en 1998 par Larry Page et Sergey Brin. Elle compte plus de 54 000 salariés répartis dans 70 bureaux implantés dans plus de 40 pays dans le monde. Google est un moteur de recherche offrant des services pour mettre à la disposition des internautes les informations qu’ils recherchent. Cela passe par le recrutement de plusieurs employés appelés aussi googleurs venus du monde entier. Mais pour les réunir dans le cadre d’objectifs et de valeurs communes, Google a développée sa propre culture d’entreprise.

Le but ultime de l’entreprise est de rechercher l’intérêt de l’utilisateur. Il n’est pas uniquement question de mettre à sa disposition des informations, mais aussi de faire en sorte que son expérience soit confortable. La culture de l’excellence est acquise par tous les googleurs. C’est ainsi, qu’il a monté une équipe de recherche dont la mission est de trouver les solutions aux problèmes relatifs à la recherche. Cette dernière ne doit pas s’éterniser sur le moteur de recherche parce que cela dénote une difficulté ou le fait qu’il ne trouve pas ce qu’il cherche. Mais outre à cela, une des caractéristiques de ce moteur de recherche est son ouverture aux capacités des internautes qui font des liens menant à d’autres sites. Elle doit gérer ces masses d’informations et protéger la confidentialité de certaines données. Ces tâches s’effectuent dans toutes les localités propices à l’internaute

En termes de management, le groupe adopte un style libéral. Les décisions ne sont pas prises par les responsables et sont subies par les subalternes. Ces derniers participent activement dans la vie de l’entreprise et dans les prises de décision. Ils peuvent directement parler avec leurs dirigeants. En ce qui concerne le management des ressources humaines, Google recrute les jeunes qui sont très à l’aise avec les nouveaux outils technologiques, mais qui possèdent également des idées innovantes pour faire avancer l’entreprise. Ces très jeunes viennent aider les moins jeunes pour discuter et pour mettre en œuvre des plans d’action.  Le recrutement constitue le pilier de la réussite de Google. Pour l’optimiser environ 400 cadres font des tris par jour et des logiciels sont mis en place pour les gérer. Les candidats retenus doivent parler au moins trois langues.

Les employés de Google reçoivent de nombreux avantages allant du confort de leurs locaux jusqu’aux déjeuners bios qui leurs sont offerts tous les jours. Les employés peuvent être très motivés pour y travailler parce que leurs salaires est supérieur de 12% de ce qui est observé chez les concurrents. Les caractéristiques des googleurs sont résumées sur la figure suivante :

Figure 2 : Caractéristiques des ressources humaines de Google en 2014 (source : http://www.e-works.fr/blog/statistiques-diversite-salaries-google/)

Cette figure montre de prime abord, le déséquilibre dans la composition des employés de Google. La prédominance des hommes (70%) des employés en est l’illustration. Mais ce n’est pas uniquement au niveau du genre qu’il existe des déséquilibres, mais aussi au niveau des postes occupées. En effet, 83% des hommes sont placés dans le domaine de l’ingéniorat, du développement, etc. en d’autres termes, dans les postes stratégiques contre 17% de femmes. Il y a également un déséquilibre au niveau de la composition ethnique. La grande majorité des employés chez Google (61%) sont des Blancs, suivis par des Asiatiques (23%). Les Noirs ne représentent que  2% des Googleurs. Toutefois, l’entreprise a communiqué sa volonté d’améliorer la situation en mettant en œuvre le réseau de femmes regroupant plus de 4 000 salariés chez Google. Ce réseau a pour mission de promouvoir le développement professionnel des femmes. Google a également établi le Women@Google.

  • La communication interne au sein de l’entreprise

La communication interne est promue en inculquant chez les employés le « Google attitude ». Celle-ci se base sur plusieurs principes :

  • L’ouverture supposant le partage d’idées et d’opinions entre les membres du groupe
  • Les échanges : Cette vertu va de pair avec l’esprit d’ouverture car celui-ci déclenche les échanges entre pairs. Les moyens mis à la disposition des employés pour ce faire sont les réunions hebdomadaires et la possibilité pour les employés peu importe leur statut de parler directement à Larry Page, à Sergey ou à d’autres responsables au sein du groupe.
  • La promotion des conversations professionnelles et amicales
  • Le défi dans le cadre du travail : Comme les consommateurs peuvent voir chaque jour de nouveaux concurrents qui se forment et qui sont susceptibles de les attirer plus que Google, les employés de cette entreprise sont dans l’obligation de cultiver cet esprit de défi pour rester le meilleur en son genre et pour satisfaire les attentes des clients. Il faut noter cependant, que ce défi ne doit aucunement être considéré comme étant une pression ou un harcèlement pour les employés. Ils devraient y voir une sorte de jeu.
  • La recherche de l’épanouissement des salariés :  Le secteur d’activité de Google le contraint à recruter des collaborateurs créatifs. Mais en retour, il doit reconnaître les qualités de ses collaborateurs afin que ceux-ci puissent s’accomplir individuellement, dans leur travail. Le but de telles démarches est de faire en sorte que les employés se sentent chez eux et aient un sentiment d’appartenance au groupe. Au mieux, ils vont prendre des décisions comme si l’entreprise leur appartenait.
  • Le dynamisme et la multidisciplinarité : Comme la technologie évolue vite, les employés de Google doivent également faire preuve de beaucoup de dynamisme et de passion. Ils doivent être assez énergiques pour faire face aux différentes situations qui se présentent. Mais comme les points de vue divergent, Google a fait en sorte que sa stratégie de communication interne intègre ses employés qui ont suivi des formations différentes. La différence de culture et de formation est donc devenue pour lui, une autre opportunité à considérer.
  • L’optimisation de l’environnement de travail : Cela requiert la mise en place d’infrastructures spacieuses et confortables mais également saines pour devenir une sorte d’espace de discussion entre les équipes. Il n’est donc pas étonnant que le groupe ait conçu une caféteria, une salle de sport et une salle de réunion où les employés peuvent se réunir et discuter des problèmes ou de se parler tout simplement. La cantine est gratuite et de bonne qualité.
  • Des conditions de travail très libres : Ce n’est pas uniquement à travers des infrastructures physiques que les conditions de travail chez Google sont améliorées. Les employés bénéficient d’une grande liberté. Ils sont libres par exemple d’adopter le code vestimentaire qui leur convient et de travailler dans l’entreprise ou ailleurs, sans qu’il n’y ait de contrainte au niveau des horaires. Ils bénéficient également des mutuelles de santé subventionnées à 100%. L’avenir de l’employé est déjà considéré lors de son recrutement au sein de l’entreprise.

Google met à la disposition de ses employés des espaces et leur accorde du temps pour faire des échanges. Plusieurs générations coexistent au sein de l’entreprise. Les jeunes générations sont privilégiées pour leur vision du monde, leur enthousiasme, mais également pour leur savoir et leur parfaite maîtrise de la nouvelle technologie par rapport à leurs aînés. Pour autant, l’entreprise ne cherche pas à éliminer les employés plus âgés et moins habiles avec les nouveaux outils au profit des plus jeunes. Elle favorise uniquement les échanges entre les jeunes et les moins jeunes, les habiles et les malhabiles en créant des binômes de jeunes / moins jeunes. Les deux parties deviennent alors interdépendantes et sont amenées à travailler ensemble. 

L’objectif est d’éliminer la considération de l’autre ou de soi-même comme étant le plus habile puisque, les seniors sont plus aptes à prendre du recul par rapport à ce qui est accompli, tandis que les jeunes sont les plus innovants. Mais pour l’un et pour l’autre, la reconnaissance est promue. Les liens sociaux sont aussi favorisés. Google créé des réseaux et des sous-réseaux en fonction de leur affinité. Aucune barrière relative à la hiérarchie, aux frontières géographiques, aux générations et aux différents statuts au sein de l’entreprise ne peuvent empêcher les échanges entre les employés. Les liens permettent entre autres la capitalisation de l’intelligence collective pour la survie de l’espèce. La mise en œuvre du plan de communication interne chez Google nécessite le déploiement de certains outils résumés dans le tableau suivant :

Tableau 8 : Les différents outils de management interne de Google (source : d’après les informations recueillies sur  http://korben.info/les-outils-que-google-utilise-en-interne.html)

Outils  Utilisations 
Google Projects Organisation de toutes les tâches à réaliser chez Google
Google Ideas Forum servant à commenter les idées 

Espace de discussion virtuelle pour faire émerger les idées intéressantes pouvant être intégrées dans le cadre d’une recherche approfondie

Moma  Intranet de Google

Recherche d’informations sur les menus dans la cantine

Présentation des nouveaux employés de la société

Accessibilité rapide et facile vers d’autres outils de communication comme Gmail, Calendar, Talk, blogger, Mailman, Wiki, Googls docs et Spreadsheet

Google expert research Moteur de recherche interne dédié aux employés de Google
Google Docs Recherche d’information classique

La communication chez Google se fait de différentes manières : les communiqués de presse, les bouches à oreilles, les réseaux d’utilisateurs et de développeurs. Les employés peuvent donc s’informer à travers ces réseaux.

  • Les RPS chez les employés

En se basant sur la culture d’entreprise et les différents moyens mis à la disposition des employés pour avoir un environnement de travail paisible et confortable, nous pourrions être amenés à penser que les employés qui y travaillent ne courent aucun risque. Mais environ 40 anciens et employés actuels de Google sont venus témoigner de quelques incidents qui pourraient nuancer cette image très idéalisée de Google. Premièrement, l’entreprise favorise le travail à distance de ses employés avec des horaires très flexibles. Mais ce mode de management conduit aussi à des distanciations entre les membres du groupe. Par conséquent, les employés ne peuvent pas y faire développer leur intelligence émotionnelle. En d’autres termes, le style managérial manque de dimension humaine.

Par la suite, les charges de travail sont conséquentes. En effet, plusieurs employés se plaignent d’un excès dans leur travail. Etant donné qu’il n’existe plus de barrière de temps ou de distance géographique, les employés peuvent recevoir des mails à toute heure de la journée et même pendant les congés et les vacances. Par conséquent, il existe un fort déséquilibre entre la vie professionnelle qui prend le dessus sur la vie privée. Comme conséquence, certains travailleurs divorcent. D’autres éprouvent les syndromes liés aux RPS : fatigue physique, stress, dépression. A cela s’ajoute la très grande taille de l’entreprise qui fait que certains employés ont l’impression de passer inaperçus. Ainsi, pour pouvoir se démarquer des autres, ils doivent s’investir à fond mais cela peut se faire au détriment de leur santé. Certes, les personnes recrutées sont toutes qualifiées, mais il est difficile pour l’employé de retrouver sa place dans une masse d’employés surqualifiés. Outre à cela, les employés qualifiés peuvent occuper des postes peu valorisants pour leur qualification. Et ceux qui y travaillent semblent être coupés du monde.

L’embauche d’employés surqualifiés peut entre autres, induire de l’arrogance chez les personnes qui travaillent pour Google. En effet, selon d’anciens employés, tout le monde chez Google se croit meilleur que leurs pairs, si bien que les compétitions deviennent très agressives. Ainsi, les tentatives pour promouvoir les échanges entre les collègues n’aboutissent pas parce que l’égocentrisme des collègues peut les entraîner à renier tout simplement les idées de l’autre. Dans ce cadre, les idées des autres, n’intéressent personne. Les relations sociales semblent donc être dégradées puisque certains employés ne travaillent pas correctement, ce qui suscite la colère des autres, d’autres, plus particulièrement, les employés titulaires méprisent les salariés temporaires, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’atmosphère de travail

D’autre part, les employés surqualifiés embauchés chez Google se plaignent de s’ennuyer de leur sort. Ces désavantages ne sont pas pour autant suffisants pour les amener à quitter leur travail. Ils restent chez Google dans le but d’obtenir le confort et les avantages qu’ils ne trouveront pas ailleurs. Pourtant, en restant au sein de l’entreprise, ils sont conscients du fait que leur situation ne va pas évoluer. Il a été affirmé en effet, que l’évolution de carrières chez Google s’avère très compliqué, mais les employés restent toujours au sein de cette entreprise. Il y a donc deux faits : la monotonie du travail pour les employés et leur ennui dans leur environnement professionnel. Dans cette optique, nous sommes tentés de penser que c’est le sens même du travail chez Google qui perd son sens. Or, comme nous l’avons vu, la perte de sens, pourrait aussi s’accompagner d’uns désymbolisation du travail par les employés et conduire par conséquent, aux RPS.

Lors de nos analyses, nous n’avons pas pu voir de bilans sociaux pour l’entreprise Google. Ceci pourrait provenir du fait que l’entreprise a acquis une très grande taille et que ces employés sont localisés dans différentes parties du monde, rendant difficile la collecte de données et la réalisation de données. Deuxièmement, l’entreprise ne fait pas d’entretien annuel pour ses employés, ce qui ne nous permet pas d’avoir des données concernant les impressions des employés sur le management d’entreprise. Les employés font leur propre évaluation selon la méthode OKR (objectives and key results). C’est une méthode de communication et d’évaluation accessible à tout le personnel de Google. Elle permet aux employés d’évaluer leur état d’avancement et d’atteinte d’objectifs. Or, les objectifs fixés par les employés sont des objectifs personnels. Pourtant, ce que nous recherchons, c’est de savoir les différentes impressions des employés concernant le style managérial et l’impact de celui-ci sur la vie professionnel et les objectifs personnels des googleurs. Ainsi, il nous semble que cette méthode ne nous permette pas de faire une évaluation de la perception des facteurs de RPS chez les employés de Google.

  • Discussion et recommandations
  • Analyse comparative des stratégies de communication interne chez les entreprises et leurs impacts sur la RPS des employés

Les deux cas que nous avons étudiés dans le cadre de cette étude sont ceux de France Télécom, un opérateur dans le domaine de la télécommunication, et Google, une société spécialisée dans la recherche d’informations. Les deux entreprises affichent de nombreuses différences aussi bien au niveau du style managérial qu’au niveau de la stratégie de communication interne

  • Le style managérial

Pour France Télécom, le management est de style top-down. Les décisions sont prises par les dirigeants sans consultations des employés. Ces derniers sont placés devant les faits accomplis si bien qu’ils ne comprennent pas toujours les causes et les aboutissements des décisions prises par les dirigeants. Ce mode de management est peu valorisant pour l’employé parce qu’il n’est pas reconnu comme étant un acteur majeur ou ayant des aptitudes, des idées à exprimer. Il se contente de suivre les ordres de ses dirigeants. Or, cette image dégradante est un facteur de RPS pour les employés. De telles démarches pourraient être bénéfiques aux dirigeants dans la mesure où elle permet de s’assurer que les employés suivent les lignes directrices de ce qu’ils veulent mettre en place au sein de l’entreprise. Mais du côté des employés, c’est une source de pression et de stress, pouvant conduire à une baisse de la productivité.

Pour Google, le style managérial repose sur la liberté de ses collaborateurs. Les dirigeants consultent les employés qui sont considérés comme étant des personnes ayant toutes les capacités pour élaborer des projets innovants et intéressants pour l’entreprise. Les employés ont même la possibilité de gérer leur horaire de travail, et d’allouer du temps pour élaborer leurs propres projets au sein de l’entreprise. Ce mode de management libéral semble être propice pour développer la créativité des employés de Google. Cependant, c’est également un mode de management qui stimule la distanciation entre les différents membres du groupe. Certes, ils peuvent faire des échanges entre eux, mais ils se considèrent entre eux comme étant des concurrents. Dans la mesure où la boîte n’offre pas beaucoup d’opportunité pour faire évoluer leur carrière et que tout le personnel soit surqualifié, le fait de se distinguer des autres devient une nécessité et une autre source de pression. La distanciation se manifeste entre autres à travers les échanges par mails réalisés par les employés lorsqu’ils travaillent. Mais ce mode de communication manque de dimension humaine.

  • Les failles et les avantages du mode de communication interne chez Google et France Télécom

Le tableau suivant résume les différences entre les stratégies de communication interne chez les deux entreprises étudiées.

Tableau 9 : Comparaison entre la communication interne chez France Télécom et chez Google

France Télécom Google
Objectifs de la communication interne – Informer les employés – Partage d’idées entre les googlers

– Cohésion du groupe, des binômes jeunes/moins jeunes

– Diffusion de la culture d’entreprise

Sens de la communication interne Des dirigeants vers les employés D’un employé à un ou d’autres employé (s)
Outil de communication interne – Journaux internes – Espace de discussion virtuelle

– Intranet des Googlers

– Communiqués de presse

– Réseaux internes

Démarche de communication interne – Echanges verbaux – Echanges verbaux

– Echanges via des mails

-Tchats

Avantages  – Communication formelle

– Information des personnels

– Bon contrôle des informations qui circulent au sein de l’entreprise

– Information des personnels

– Partage d’idées

– Ambiance entre l’équipe

– Information en temps réel

– Possibilité de voir les activités des autres employés

– Sans barrière de temps ou d’espace

– Une plus grande liberté d’expression

Inconvénients  – Communication qui ne rassure pas les employés

– Angoisse des employés

– Barrière de temps et d’espace

– Pas de liberté d’expression des employés

– Pas de cohésion entre les employés

– Autoritarisme : les employés ne réagissent pas aux décisions des employeurs, mais ils en subissent les conséquences

– Communication informelle

– Manque de contrôle des informations qui circulent entre les employés

– Manque de chaleur et de convivialité lors des échanges virtuels

– Plus de barrière entre le domaine professionnel et familial

– Plus de temps réellement pour soi-même

 

A partir de ce bilan, nous pouvons observer que les deux cas étudiés ont des styles managériaux et des plans de communication interne très différents. Pourtant, dans les deux cas, la communication interne comporte toujours des failles. Pour France Télécom, il y a la barrière à l’expression des employés et pour Google, il y a la possible distance entre les employés et une indifférence entre collègues de travail. La question qui se pose est maintenant de savoir les possibles répercussions de ces modes de communication sur les RPS des employés.

  • Les possibles impacts des stratégies de communication interne sur les RPS des employés

C’est à partir de certains indicateurs et des faits rapportés par les employés que nous allons évaluer les impacts réels de ces stratégies de communication interne sur les employés. La communication interne classique partant des dirigeants vers les employés ne parvient pas à rassurer ceux-ci. Nous avons constaté que l’évolution du nombre de jours d’absences pour cause maladie chez France Télécom. Après une légère baisse en 2009, l’augmentation du nombre de repos pour maladies chez les employés de France Télécom reprend. Or, nous tenons à remarquer qu’après la constatation de l’explosion médiatique de l’affaire des suicides des employés et l’impact de celui-ci sur les résultats financiers de l’entreprise, France Télécom a dû ajuster sa stratégie pour calmer la situation et pour réduire les conséquences du drame. 

Pourtant, cela n’a pas pu empêcher en 2010, de constater encore cette augmentation du nombre de jours de repos pour maladie. Certes, toutes les maladies ne peuvent pas être la résultante d’une mauvaise communication interne ou d’une mauvaise stratégie managériale adoptée par l’entreprise. Cependant, il serait difficile pour nous d’envisager que tous les employés ayant intégré France Télécom aient eu des problèmes de santé avant leur admission au sein de l’entreprise. Nous supposons alors que les conditions de travail interne sont loin de permettre une bonne santé pour l’employé et que les stratégies de communication interne ont été insuffisantes ou inefficaces pour rassurer les employés. Comme résultat, outre les maladies des employés, ceux-ci sont plus enclins à avoir des comportements suicidaires voire même, à passer à l’acte.

Pour Google, le schéma est autre. Il y a une plus grande liberté pour penser, s’exprimer et partager. Par ailleurs, le style managérial adopté par l’entreprise veille à cette liberté et à l’ouverture aux nouvelles idées, aux innovations. Les informations et les ordres ne viennent pas uniquement des dirigeants qui se chargent de les imposer aux employés. Les idées, les informations et les savoirs sont échangés entre les employés. Les jeunes, détenteurs de nouvelles idées et encore ouverts aux nouveautés, avec de nouvelles visions du monde sont capable de faire des échanges aux moins jeunes, qui, certes, ont aussi leur propre savoir, mais ne parviennent pas pour autant à devancer leurs cadets. Comme résultat, l’entreprise se trouve au premier rang des entreprises les plus recherchées par les jeunes diplômés et mettant à l’aise ses employés.

Nous voudrions mentionner cependant, que Google n’a pas fait un bilan social nous permettant d’évaluer l’état de santé de ses employés,  ou d’autres indicateurs de RPS chez les employés. La méthode d’évaluation des employés n’est pas tellement orientée vers l’analyse des besoins et des attentes des employés, de leurs angoisses au bureau ou de leurs souhaits concernant la possibilité d’améliorer l’ambiance au travail. Il nous semble donc déterminer de manière claire les impacts réels de cette stratégie de communication interne adoptée par Google sur les RPS de ses employés. Ainsi, il est probable que le fait de rester chez l’entreprise ne traduit pas un bien-être, ni une fidélité envers celui-ci, mais seulement, une angoisse de perdre tous les avantages qu’offre le fait de travailler chez une entreprise de prestige.

D’autre part, nous avons pu évaluer à partir des propos des anciens employés de Google recueillis, quelques facteurs de RPS chez eux. Il y la pression du travail. Cela est compréhensible vu que chaque jour, de très nombreuses recherches sont lancées sur le moteur de recherche de Google et que celui-ci ne doit pas uniquement se contenter de diffuser les informations dans les différents résultats de recherche, mais aussi de gérer une quantité énormes de données (big data). Google conçoit de nombreux outils innovants permettant d’aider les utilisateurs mais également ses employés à faire leur travail. La liste des outils qu’il a mis en place en interne témoigne de cela. Pourtant, l’Homme doit toujours faire beaucoup d’efforts pour pouvoir manier le plus habilement possible ces outils informatiques afin d’obtenir des résultats probants. Devant de telles charges de travail, il est probable que les employés souffrent de RPS.

Devant de tels faits, le partage d’informations et les échanges entre les employés devraient permettre non seulement de les rassurer mais également de réduire les stress provoqués par la surcharge de travail. Et pourtant, les propos des employés semblent dire le contraire. Les espaces de discussion existent, les moyens de communications sont très divers. Et pourtant, elles ne permettent pas toujours aux employés d’avoir une bonne cohésion. Cela vient du fait que les employés font une compétition entre eux. Dans ce cadre, il existe encore une faille au niveau de la gestion des ressources humaines, ce qui ne permet pas uniquement à la communication interne de créer un environnement de travail favorable au bien-être des employés. Par ailleurs, les employés ont rapporté un des grands désavantages des échanges virtuels : le manque de chaleur, de convivialité durant la discussion. Cela marque une grande différence entre les employés de Google et de France Télécom. Pour l’un, la discussion virtuelle est favorisée alors que pour l’autre, il s’agit surtout de discussion en face-à-face. L’analyse comparative du cas de France Télécom et de Google nous permettent de tirer quelques leçons pour améliorer les impacts positifs de la communication interne sur les RPS des employés.

  • Recommandations 

Favoriser les espaces de discussion physiques

Chez France Télécom, il n’y avait pas d’espace de discussion, ni de temps consacrés à s’exprimer. Les employés doivent allouer leurs temps entièrement à leur travail. Chez Google, les espaces de discussion sont principalement virtuels. Dans les deux cas, les employés ne sont pas satisfaits et l’atmosphère de travail n’est pas améliorée. Il nous semble alors important de consacrer du temps au moins chaque semaine pour laisser aux employés le temps de discuter. Puis, il est essentiel aussi de leur dédier un espace aménagé pour cet effet.

A l’instar de ce que fait Google, l’existence de cantine ou d’espace de détente pourraient aussi favoriser les échanges entre pairs. Les jeux, les activités ludiques réduisent les stress et mettent un peu plus d’ambiance au sein de l’entreprise. Cette ambiance est favorable pour se confier, se divertir entre pair et renforcer par la suite, la cohésion du groupe. C’est pendant ces moments de détente que les employés moins stressés, peuvent aussi élaborer des idées nouvelles et se confier entre eux. L’écoute peut déjà s’avérer très important pour les personnes qui ont un mal-être au travail. Ils se sentent plus soutenus par leurs interlocuteurs. Cela pourrait alors éliminer tout au moins, atténuer les RPS et les pertes pour l’entreprise.

La communication interne devrait s’accompagner d’une amélioration du management des ressources humaines et une meilleure organisation du travail.

Chez France Télécom, le management top-down ne permet pas une liberté d’expression des employés. Chez Google, les employés sont libres de discuter entre eux, mais la charge du travail est lourde et il est plus difficile de manager les employés. Dans les deux cas, les impacts de la communication interne que la réduction des RPS semblent limitées par l’organisation des activités et du style managérial. L’importance de la communication interne dans la cohésion du groupe et dans le management des ressources humaines n’est plus à discuter mais en même temps, il faut optimiser l’organisation de travail de manière à rationnaliser les charges de travail et la coordination des activités entre elles. Cela permet d’une part, de bien utiliser les ressources en temps et en moyens pour améliorer la production. Par ailleurs, c’est aussi un moyen pour donner plus de temps aux employés pour se distraire, se déstresser et discuter entre eux. Les échanges sont ainsi favorisés et les employés évitent les RPS.

Favoriser les échanges entre pairs, et la possibilité de discuter avec les responsables de l’entreprise.

Dans le cas de France Télécom, les employés ne font pas d’échanges entre eux. La communication est faite par les dirigeants aux employés. Les messages contenus dans leurs discours sont plus considérés comme étant des ordres et des contraintes plutôt que des informations et encore moins, du soutien des personnels. Pour Google, les échanges entre pairs sont largement favorisés afin de recueillir de nouvelles idées. D’après ces constatations, nous pourrions dire que les échanges entre pairs sont à optimiser pour permettre de réduire les RPS.

Certes, les échanges entre pairs dans les couloirs, sont des communications informelles. Mais ce sont aussi des discussions plus sincères, permettant de connaître les impressions des employés quant aux décisions prises au sein de l’entreprise, le style de management, etc. Ces échanges informels sont difficiles à contrôler mais pour les employeurs, ces bruits peuvent les aider à adopter la bonne posture devant telle ou telle situation. Les discussions entre pairs permettent d’éviter de susciter chez l’employé l’impression de subir ou d’accomplir uniquement les décisions et les faits. En leur permettant de s’exprimer librement, ils ont l’impression de participer activement à la vie de leur entreprise et de s’engager dans ce qu’ils font pour celle-ci.

Utiliser les remarques des employés pour mener des actions correctives

Chez Google, de nouvelles idées émergent pendant les discussions entre pairs. Pour France Télécom, si les dirigeants et les responsables de la communication ont écouté les plaintes des employés et les revendications syndicales, la situation aurait été moins dramatique. Dans ce cadre, il ne suffit pas uniquement de favoriser la discussion entre pairs ou la liberté d’expression de chaque employé, mais aussi de les écouter et d’en tirer les meilleures idées, les meilleures recommandations.

La communication interne ne devrait pas uniquement être une démarche pour diffuser des informations aux employés, mais également aller dans le sens inverse. Dans ce cas, ce sont les employés qui transmettent de nouvelles idées à leurs responsables. Les idées certes, peuvent être très nombreuses et divergentes, mais c’est la complémentarité entre elles, qui pourrait conduire à de meilleurs résultats. L’écoute des employés permet entre autres de réduire leurs stress et d’augmenter leur estime de soi.

Conclusion 

L’organisation, les conditions, l’environnement du travail ainsi que le fonctionnement de l’entreprise sont à l’origine des RPS chez les employés. Une mauvaise organisation conduit à une surcharge de travail. Le sentiment de ne pas être soutenu par ses responsables ou ses pairs, une ambiance d’animosité entre les équipes, constituent l’illustration des principaux facteurs de RPS au travail. Les RPS peuvent se manifester de différentes manières mais le stress reste le signe le plus connu chez les employés. Les RPS s’accompagnent du mal-être, de souffrance au travail, de harcèlements moraux ou sexuels, de violences sous toutes ses formes et d’épuisement professionnels.

Les RPS ne sont pas sans conséquence aussi bien pour les employés que pour les employeurs. Pour les employés les RPS signent le déclenchement de plusieurs troubles somatiques, neurologiques, mentaux, cardiaques. Les RPS incitent les employés à adopter des comportements déviants et portant de plus en plus atteinte à leur état de santé. Dans certains cas, les employés peuvent même se suicider. Pour les employés, les RPS des employés conduit à des pertes financières considérables. D’abord, un employé malade ne peut pas travailler correctement, ce qui conduit à une baisse de la qualité du service et des produits proposés aux clients. L’absentéisme et les accidents de travail conduisent à des charges supplémentaires. Et l’image de l’entreprise s’en trouve écornée.

Les entreprises se trouvent donc dans l’obligation de mesurer les RPS par le biais d’indicateurs divers et en menant des entretiens auprès des employés ou auprès des médecins de travail. Les entretiens permettent d’évaluer la perception de la souffrance au travail des employés et des sources de ces stress. Mais une fois que le niveau de risque est évalué, l’entreprise prend des mesures pour éviter ou tout au moins, pour limiter les RPS. La communication interne s’impose comme étant un élément essentiel pour ce faire. En effet, elle permet de soutenir les employés, de les rassurer et de les faire adhérer aux décisions prises par les Conseils. En accordant la possibilité de discuter entre pairs, la communication interne est aussi un facteur de cohésion et permet de ce fait à l’individu de se sentir soutenu par son équipe et faisant partie de l’entreprise.

L’étude comparative de la communication interne chez France Télécom et Google permet de mettre en évidence que tout plan de communication interne comporte toujours des failles. D’autre part, elle permet aussi de démontrer que les différentes stratégies de communication interne sont limitées par les styles managériaux adoptés par l’entreprise. La grande liberté d’expression chère à Google par exemple, n’a pas pu compenser la surcharge de travail de ses employés. Dans ce cadre, les discussions ne parviennent plus à assurer le bien-être au travail des employés. Dans cette optique, il est indispensable de mettre en parallèle, des plans de communication interne adaptés à la situation de l’entreprise et de performer les stratégies de gestion des activités au sein de l’entreprise.

A travers cette étude, nous avons pu démontrer que la communication interne est à coupler avec une bonne organisation du travail et l’élaboration de stratégie de management des ressources humaines de l’entreprise pour être efficace. Mais la communication interne devrait aussi renforcer la cohésion des employés au sein d’une même entreprise et permettre l’émergence de nouvelles idées provenant des employés. Elle est également à la base de l’engagement des employés dans leur travail. Mais pour la favoriser, les entreprises sont amenées à mettre en place des espaces de discussion dans l’enceinte de l’entreprise.

Néanmoins, notre étude comporte quelques limites. D’abord, nous n’avons pas pu avoir des indicateurs précis concernant l’état de santé des employés de Google ou la politique de communication interne de celle-ci. Certes, notre analyse se sont basées sur les données recueillies sur le site officiel du groupe et sur les articles de presse. Mais les bilans sociaux ne sont pas existants, ce qui ne nous permet pas de donner des chiffres exacts. D’autre part, notre analyse chez France Télécom s’est limitée à la période 2006 – 2010, car c’est la période qui nous semble le plus marquer une profonde hausse de RPS chez les employés. Or, il nous semble aussi intéressant de suivre l’évolution des stratégies de communication de l’entreprise et l’impact de celui-ci sur les RPS des employés au-delà de 2010. Nous avons montré que l’organisation de travail est source de RPS. Notre étude s’ouvre donc à une autre voie de recherche dont l’objectif est de déterminer les différentes démarches permettant d’améliorer l’organisation de travail dans une entreprise déterminée.

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Mémoire de fin d’études de 56 pages.

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