Mémoire portant sur la non-linéarité dans les livres-jeux à l’épreuve des critères de la textualité.
MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME DE
La non-linéarité dans les livres-jeux à l’épreuve des critères de la textualité
Présenté par :
Année Universitaire :
INTRODUCTION
Les linguistes et autres spécialistes du langage, ont longtemps considéré la phrase comme la plus « haute construction analysable ». La phrase qui peut être définie comme étant : « La l’unité de communication minimale par laquelle un locuteur (ou scripteur) adresse un message à un auditeur (ou lecteur). »
En grammaire, cette phrase est vue comme un tout autonome, qui regroupe des unités syntaxiques unifiées selon des types de relations plus ou moins complexes appelés subordination, coordination ou juxtaposition.
Ce n’est que depuis les années 1960, aux balbutiements de la linguistique textuelle que certains linguistes tels Jacobson s’accordent à penser qu’il est nécessaire d’aller au-delà de la phrase. “La linguistique n’a pas avancé scientifiquement au-delà de la phrase complexe :c’est le phénomène linguistique le plus long qui ait été scientifiquement exploré.” Pourtant, un texte n’est pas un “simple arrangement de phrases”. Un texte est plus qu’un simple arrangement de phrases, en ce sens, pour Jean-François Jeandillou, « L’idée même d’une analyse implique que le texte puisse se décomposer en éléments constitutifs, et que ces éléments soient mis en relation les uns aux autres.» (Jeandillou, 2006 : Introduction).
En effet, du fait des objectifs qu’il poursuit, la spontanéité n’est pas l’élément qui préside les constructions de phrases, ces dernières sont généralement formulées dans la plus grande prudence, et dans la plus grande attention, ce qui explique la richesse didactique et littéraire de ses contenus. Etant même conçus pour véhiculer des messages, la phrase s’avère être le meilleur instrument d’étude littéraire qu’il soit.
Aussi, cette richesse didactique des continuités de phrases fait qu’elles représentent des supports d’analyse intéressants du fait de leur haut niveau de littérature.
L’enchainement de phrases est en premier temps une communication. Communication dans le sens où c’est via les phrases que peuvent se transmettre les idées, le point de vue. C’est donc via une analyse des phrases, des textes (analyses textuelles), que l’on puisse développer et comprendre le sens d’un texte. Un sens qui se perçoit généralement par sa linéarité.
D’un autre côté, on peut constater actuellement l’émergence et la propagation d’un genre littéraire nouveau : les livres-jeux. Les livres-jeuxpossèdentune structure bienparticulièrebaséesurune progression de type non-linéaire. En effet, contrairement à unlivreordinairedanslequel la lecture se fait linéairement de page en page, le parcours des livres-jeuxs’effectue sous forme de renvoisversd’autresparagraphes au gré des choix du lecteur-joueur. Il s’agitdonc de textes qui suscitent la participation du lecteur.
Aussi, les livres jeux sont essentiellement caractérisés par leur structure non linéaire, alors que, comme tous les autres genres littéraires, ils essaient de conserver et d’affirmer leur textualité. Alors que ce sont deux exigences qui semblent être contradictoires.
Les constats suivants peuvent être affirmés :
1) Pour l’heure, malgré la particularité qu’est la non-linéarité des livres-jeux, fort est de constater que peu d’études semblent s’être intéressées de près à la question de leur analyse textuelle.
2) Ces livres-jeux relèvent pourtant d’une construction atypique, soumise à une double contrainte, ils doivent effectivement obéir tant aux règles de la linguistique qu’à celles du ludique. On retrouve par ailleurs ces mêmes contraintes dans le domaine de l’écriture des scénarios de jeux-vidéo.
Ce genre littéraire a connu son âge d’or dans les années 1980. Il fut souvent décrié, parfois classé dans la paralittérature, la littérature étant garante d’érudition et d’un certain esthétisme selon nos normes.
S’adressant initialement à un public jeune, il a su s’adapter par la suite à d’autres profils de lecteurs. Ces livres qui à leur début étaient dénués de règles du jeu, ont évolué pour satisfaire les besoins d’une société de loisir toujours en quête de nouveaux divertissements. Fort de ce succès, l’industrie du livre a rapidement exploité le filon, éditant en peu de temps un grand nombre de livres de qualités inégales.
Les livres-jeux ont par la suite connu un déclin et ne prétendent qu’à une place plus marginale aujourd’hui. Malgré tout, certains d’entre eux sont encore réédités, d’autres sont adaptés en jeux vidéo2, voire en applications pour tablettes et smartphones. Ce genre littéraire semble aussi intéresser les écrivains en herbes, puisque nombre de logiciels d’aide à leur rédaction sont distribués sur internet.
Justement, la question problématique qui se pose est celle de savoir : Comment les livres-jeux, reconnus pour leur structure non linéaire, parviennent-ils à affirmer leur textualité ?
Trois hypothèses seront à démontrer dans le cadre de cette étude :
-Les livres jeux sont soumis aux principes de la progression non linéaire
-Les représentations non linéaires peuvent faire obstacle à la textualité
-Les livres jeux, même dans leur progression non linéaires, parviennent à maintenir leur textualité.
Afin de démontrer ces hypothèses, l’étude sera axée vers deux points principaux :
-La première partie de l’étude fera office de partie théorique qui abordera les concepts de non linéarité et de textualité
-La deuxième partie du mémoire empruntera une démarche pragmatique et mettra un accent sur les livres jeux, notamment les stratégies de maintien de la textualité dans les livres jeux.
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE – Approche conceptuelle : la non linéarité et la textualité 6
2 – Les critères de la textualité 7
d- La progression thématique 9
2 – Objectifs recherchés par la non linéarité 17
3- Signes distinctifs de la non linéarité 18
C – Formulation du problème et intérêt de l’étude : La non linéarité face à la textualité 20
1 – Quand les représentations non linéaires font obstacle à la textualité 20
-Démontrer la logique de continuité de la narration indépendamment de celle du texte 21
DEUXIEME PARTIE – Etude des livres jeux : le maintien de la textualité dans la non linéarité 26
A – Particularités des livres jeux 27
1 – Un ensemble de structures de type non linéaire 27
a – Le renvoi systématique à des paragraphes 27
b – L’importance de la participation du lecteur dans les livres jeux 30
3 – Les cibles des livres jeux 33
-La compréhension du système de jeu dans le livre 33
-L’envie, le courage et la volonté de lire 37
-Le jeu et la participation au choix du destin du héros 38
B – Etude pratique de la non linéarité dans les livres jeux 39
-La fragmentation du livre en paragraphes 39
-Le renvoi systématique à des paragraphes avec possibilité d’option de choix chez le lecteur 41
-Le livre jeu, une para-littérature 45
-Les livres jeux sont-ils un texte qui respectent les critères de la textualité ? 46
1 – Le codage alphabétique des livres jeux : confirmation de la textualité 46
2-Respect de la continuité et interdépendance entre les paragraphes dans les livres jeux 46
3 – La cohésion et les liens de continuité repérés à l’intérieur des paragraphes 49
4 – La cohérence à l’intérieur des textes : signe de textualité dans une progression non linéaire 50
PREMIERE PARTIE – Approche conceptuelle : la non linéarité et la textualité
A – La textualité
1 – Définition
La textualité peut être définie comme étant ensemble de textes d’une période donnée, expression écrite dans un lieu, un contexte. Le mot texte, un mot qui a été rarement définie d’une manière précise et claire, alors qu’il a été utilisé fréquemment dans le cadre de la linguistique et des études littéraires. En effet, certains auteurs estiment que le texte se limite uniquement au niveau du discours écrit, alors que d’autres étendent sa définition au trans-sémiotique (texte musical et filmique).
Selon Adam, un texte « est une structure hiérarchique complexe comprenant n séquences-elliptiques ou complètes de même type ou de types différents. », une suite configurationnellement orientée d’unités (propositions) séquentiellement liées et progressant vers une fin.
Aussi, le texte est une chaine linguistique parlée ou écrite formant une unité communicationnelle. A cet effet, Franck Cobby a affirmé que : « Le langage représente le moteur des relations humaines. Tout individu, de quelque condition qu’il soit, est pris dans un réseau d’interactions médiatisées par le langage. Mais, si les hommes interagissent par le langage, ils ne se comprennent ou ne se méprennent que par le fait du discours.
A travers les médias, les relations interpersonnelles ou socioprofessionnelles, nous interagissons en laissant constamment des traces linguistiques qui échappent aux modèles traditionnels d’interprétation des faits de communication.
Ces traces langagières insaisissables, a priori, constituent la preuve que ce qui est dit, du point de vue de la communication, n’est pas nécessairement ce qui est suggéré en regard du discours.
Le discours est une pratique finalisée ancrée dans un contexte sociohistorique. Sa compréhension ou interprétation passe par la connaissance de ses modes d’articulation et de dérivation. On ne peut pas faire économie de ce savoir sous peine d’avoir à chercher l’essentiel de la communication langagière là où il n’est pas. »
Selon Austin et Searle, un texte est un acte de langage qu’on peut décomposer en trois actes fondamentaux: un acte de référence, un acte de prédication, un acte illocutionnaire. En d’autres termes, un texte est un acte de langage au moyen duquel :
- on parle de quelque chose (référence);
- pour en dire quelque chose (prédication);
- afin de communiquer avec quelqu’un dans une intention spécifique (illocution).
Plusieurs critères permettent d’apprécier la textualité.
2 – Les critères de la textualité
Au niveau de la linguistique textuelle, les critères de la textualité définis par Slakta déterminent ce qui constitue un texte. Selon lui la textualité peut être caractérisée par les quatre critères que sont: la cohérence, la cohésion, la progression thématique et la séquentialité. Certaines études à l’instar de celle de Mohammed Alkhatib qui déplore souvent un manque de cohérence dans les rédactions des élèves, mettent en exergue l’importance de ces critères.
a- La cohérence
Le critère de la cohérence implique l’organisation logique de la pensée dans le but de transmettre au lecteur une vision globale, selon Jean Michel Adam. A cet effet, il a précisé que : « Tout texte – et chacune des phrases qui le constituent – possède, d’une part, des éléments référentiels récurrents présupposés connus (par le co(n)texte), qui assurent la cohésion de l’ensemble, et, d’autre part, des éléments posés comme nouveaux, porteurs de l’expansion et de la dynamique de la progression informative. »
La cohérence s’apprécie essentiellement au vu de la dépendance entre les phrases qui composent le texte, notamment au niveau de :
- L’unité thématique : un texte cohérent est un texte qui sait transmettre efficacement une information compréhensible du niveau du lecteur
- La non-contradiction : le texte jugé cohérent est un texte qui affirme des idées rationnelles, qui respectent une certaine cohérence des idées, sans qu’aucune contradiction ne puisse être relevée.
- La relation : le texte cohérent est un texte qui respecte une certaine logique, interrelation entre les termes qu’il évoque.
En réalité, c’est la cohérence qui garantit la pertinence du cours de l’action dans un livre. Sperber et Wilson ont même développé la théorie de la pertinence. Ils ont défini la pertinence de la manière suivante : « Lorsque des informations anciennes et nouvelles en rapport entre elles sont utilisées conjointement en tant que prémisses dans un processus d’inférence, elles engendrent d’autres informations nouvelles, des informations qui n’auraient pu être inférées sans cette combinaison de prémisses anciennes et nouvelles. Quand le traitement d’informations nouvelles donne lieu à un tel effet de multiplication, ces informations sont pertinentes. Plus l’effet de multiplication est grand, plus grande est la pertinence ».
La théorie de la pertinence s’inscrit dans le cadre du principe selon lequel il y a une certaine économie dans la communication par le langage. L’objectif étant de ne dire que ce qui est pertinent. Ce principe de la pertinence a été introduit pour la première fois par le philosophe Paul Grice qui a été réputé pour la classification de la communication en deux camps : le sens naturel et le sens non-naturel. La même théorie de la pertinence a été plus tard développée par Oswald Ducrot (Dire et ne pas dire, 1972).
Ensuite, ce sera Dan Sperber, philosophe et anthropologue français, et Deirdre Wilson, linguiste britannique, qui ont apporté de plus amples précisions sur cette théorie de la pertinence, en rejoignant les types de communication préconisés par Grice. Cette théorie de la pertinence se base alors sur le fait que l’objectif primordial de la communication humaine est de reconnaître, grâce à un effort coopératif, l’intention communicative de l’interlocuteur. Et, dans cet effort, face aux différents sens accessibles d’un texte, le lecteur va sélectionner celui qui engendrera un maximum d’effets face à un minimum d’effort. Le livre doit alors être pertinent, pour être facilement compréhensible, et pour que le message soit facilement saisissable du niveau du lecteur. Mais pour être pertinent, il faut être cohérent, la cohérence est alors le pilier même de la pertinence.
b- La cohésion
La cohésion est vue comme étantle regroupement des structures linguistiques permettant de tracer les liens à l’intérieur et entre les phrasescomposant un texte. Charaudeau&Maingueneau(2002) définissent la cohésion comme étant : « l’ensemble des moyens linguistiques qui assurent les liens intra- et interphastiques permettant à un énoncé oral ou écrit d’apparaître comme un texte. ».
Trois types de phénomènes permettent d’apprécier la cohésion dans un texte: référentiation, ellipse et connexité.
- La référentiation est un système de renvoi, en d’autres termes, c’est via ce procédé quel’auteur renvoie le lecteur à un objet du monde extérieur. La référence peut être anaphorique ou déictique.
- L’ellipse se baseessentiellement sur l’économie d’information dans l’énoncé.
- La connexité s’apprécie comme étant : les relations linguistiquementmarquées entre énoncés.
c- La séquentialité
Selon Adam, la séquence « peut être définie comme une structure », ou « un réseau relationnel hiérarchique », « une entité relativement autonome, dotée d’une organisation interne qui lui est propre et donc en relation de dépendance/indépendance avec l’ensemble plus vaste dont elle fait partie » (1992 : 28).
Tout texte est de plein droit une « structure séquentielle » qui regroupe plusieurs séquences, dont voici les divers types :
Séquence | Objectif | Marques | Structure |
Dialogale | Interagir | Marqueurs d’énonciation | Ouverture/Interaction/Clôture |
Narrative | Raconter | Marqueurs spatio-temporels | EtatInitial/Complication/Dynamique/ Dénouement /Etat final
(schéma actantiel ?) |
Explicative | Faire comprendre | Relateurs de cause à effet | Définition/cause/Manifestation/conséquence |
Argumentative | Convaincre | Connecteurs argumentatifs | Thèse/Antithèse/Synthèse |
Informative | Faire savoir | Marqueurs spatio-temporels | Qui?Quoi?Quand?Où?Pourquoi?Comment? |
Descriptive | Présenter | organisateurs spatiaux | Division en parties et sous parties |
d- La progression thématique
Tout texte est formé de deux constituants permettant de formuler l’information à transmettre au lecteur : le thème et le propos. La progression thématique n’est autre que l’articulation entre le thème avec le propos.
On note divers types de progressions thématiques dont la progression à thème constant, la progression linéaire, la progression à thème divisé, la progression à distance, la progression pragmatique.
- Progression à thème constant :dans ce type de progression, le thème reste le même et est donc inchangé en passant d’un énoncé à une autre. Exemple : Mon fils est âgé de douze ans. Il étudie à l’école publique.
(Th1 + Prop1. Th1+Prop2)
- Progression linéaire : dans la progression linéaire, le propos devient thème à son tour en passant d’un énoncé à une autre. Exemple : Ma fille travaille à la Banque. Une Banque située en Amérique du Nord.
{Th1 + Prop1. (Th2=Prop1)+Prop2}
- La progression à distance : elle rend compte de la réactivation d’un thème perdu de vue dans le déploiement du texte. Ex : L’égoïsme est un vilain défaut. Un défaut qui n’épargne ni les jeunes ni les vieux. Mais l’égoïsme peut être aussi une qualité dans certains cas.
B – La non linéarité
Un texte peut être constitué de plusieurs discontinuités qui peuvent affecter sa linéarité. Ces discontinuités peuvent être de deux principaux types : marginale ou structurelle lorsqu’elle affecte la structure même du texte. Telle classification de la discontinuité en discontinuités marginales et structurelles permet de déterminer deux régimes de textualité différents : le régime de textualité linéaire et le régime de textualité tabulaire.
En effet, la linéarité se caractérise par une progression continue depuis le début vers la fin. Ce qui fait que relation d’ordre est entièrement respectée, dans le cadre de la succession des éléments du texte, l’auteur a instauré un ordre chronologique bien établi pour que le lecteur puisse comprendre le déroulement de l’histoire. Si le lecteur ne respecte pas cette linéarité préétablie (annoncée dans le sommaire), il ne sera pas en mesure de comprendre l’histoire.
Pourtant, dans la linéarité tabulaire, la situation est entièrement différente. En effet, il n’y a pas d’ordre chronologique préétablie par l’auteur (pas de sommaire donc dans la plupart des textes non linéaires), dans le sens où il n’y a pas, dans la présentation, de début, de milieu ni de fin.
Par exemple, on peut qualifier comme tabulaires les textes qui comprennent de modules plus petits, qui peuvent être sémiotiquement hétérogènes mais à dominante linguistique, et dont la combinaison forme un texte. A titre illustratif, on peut citer les hyperstructures journalistiques, les recueils littéraires (de poèmes, de contes, de nouvelles), les recettes de cuisine, et les livres jeux.
Mais force est de constater que les deux termes tabularité et de linéarité ne sont pas l’apanage exclusif des textes respectivement tabulaires et linéaires. Ceci car, il est possible de rencontrer des cas de discontinuités dans des textes linéaires. De même, tout texte tabulaire peut regorger une certaine linéarité, chacun de ses modules pris isolément étant organisé de façon linéaire.
1 – Définition
Par principe, un texte doit se conformer au principe de la linéarité. En vertu de ce principe, l’orientation d’un texte suit la norme d’une logique séquentielle unique de ses unités.
-La linéarité
La linéarité est le caractère de ce qui est linéaire. La linéarité en littérature rejoint l’idée de la linéarité en mathématiques. Par exemple, dans le schéma ci-dessous, on peut voir un graphe linéaire :
La ligne droite bleue dans le schéma ci-dessous peut être qualifiée de « linéaire ». Et, comme dans les mathématiques, la linéarité, en littérature est donc un enchainement de textes qui est cohérent, qui montre une certaine continuité, et qui a un début et une fin.
On peut en effet citer plusieurs signes distinctifs de la linéarité :
La présence de connecteurs
Les connecteurs sont souvent utilisés afin de marquer la linéarité des textes. La raison d’être essentielle des connecteurs est de prouver l’existence d’une connexité entre deux unités sémantiques afin de mettre en place un lien « p connex q ». Ces morphèmes assurent alors la linéarisation du texte. La différence est que ces morphèmes ajoutent ou non à cette mission de connexion l’indication de prise en charge énonciative (PdV) et / ou d’orientation argumentative (ORarg).
A cet effet, le nombre d’utilisation des connecteurs dépendent largement des genres de textes. Leurs fonctions varient également selon les types de mise en texte : ils sont plus nombreux dans les textes argumentatifs, dans le sens où ils permettent de mettre en évidence les relations entre les arguments et contre-arguments, entre la thèse propre et la thèse adverse, alors qu’ils ne sont pas aussi requis dans un texte narratif, où la linéarité est déjà presque automatique.
La présence d’organisateurs textuels
En plus des connecteurs, qui justifient la linéarité, on peut également la présence de certains organisateurs textuels qui exercent la fonction dans le balisage des plans de texte.
On peut citer par exemple :
- les organisateurs spatiaux (« à gauche / à droite », « devant / derrière », « (au-) dessus / dessous », « plus loin », « d’un côté / de l’autre », etc.),
- les organisateurs énumératifs, où il faut distinguer entre les simples additifs (« et », « ou », « aussi », « ainsi que », « avec cela », « de même », « également », « en plus »,…)
- les marqueurs d’intégration linéaire qui ouvrent une série (« d’une part », « d’un côté », « d’abord », etc.), signalent sa poursuite (« ensuite », « puis ») ou sa fermeture (« d’autre part », « enfin », « de l’autre », « en conclusion »).
Les textes linéaires sont subdivisés en plusieurs parties :
-corps du texte (qui n’est autre que la succession de mots qui compose le libre, du début à la fin de la narration)
-le péritexte, qui regroupe les marges du texte (titre, nom d’auteur, notes.). Même si ce sont des éléments qui ne figurent pas dans le contenu de l’histoire, Adam estime que le peritexte doit être considéré comme une partie intégrante du texte, comme il l’a affirmé : « il est nécessaire de considérer les éléments péritextuels comme des parties de l’unité complexe texte ».
-La non linéarité
Contrairement au principe de la linéarité, dans le langage mathématique, la non linéarité est un caractère de systèmes qui obéissent à une progression non linéaire, donc qui n’est pas conforme au principe de superposition et de continuité. Aussi, dans la non linéarité, l’assemblage des textes incite à bifurquer à travers un réseau de séquencesmultiples.
Il y a ainsi une différence fondamentale entre la linéarité et la non linéarité. Les schémas suivants expliquent par exemple cette différence nette :
Représentations schématiques de textes linéaires
Les schémas suivants illustrent les types de structures linéaires, on peut y voir une logique claire d’enchainement des idées :
Structure de texte non linéaire
Dans la non linéarité, la continuité des textes ne peut se voir à travers l’aspect physique du texte, comme le montre le schéma suivant :
Dans la progression linéaire, la simplicité de la ligne droite explique l’articulation progressive entre les parties, il y a donc un rapport continu entre le tout et ses parties ou unités constitutives. Ce qui n’est pas le cas dans une structure non linéaire.
Le schéma ci-dessous illustre par exemple un livre non linéaire, où la trajectoire de lecture n’est pas fixe. Dans ce genre d’ouvrage, l’auteur propose une vaste multi linéarité qui incite à une variété de parcours de lecture en fonction des liens proposés :
Dans un texte à progression non linéaire, tous les éléments (rubriques) qui composent le texte peuvent appelés « modules ». Ces éléments jouissent d’une certaine autonomie par rapport à l’ensemble du texte, mais cela n’empêche pas qu’ils entretiennent des relations étroites avec les autres modules contenus dans le livre.
Par exemple, à titre illustratif, on peut citer le livre jeu « Le Marais aux scorpions » suivant, pour cette page unique, on peut relever deux modules : module 2 et module 3, deux modules entièrement indépendantes mais qui sont en relation :
On peut constater à l’heure actuelle l’avènement d’un nouveau mot qui renvoie à la non linéarité : l’hypertexte. L’hypertexte désigne : « un mode d’organisation des documents textuels informatisés caractérisé par l’existence de liens dynamiques entre ses différentes sections. Dans le Web, des mots ou des expressions soulignés ou encore des images indiquent les liens sur lesquels on clique à l’aide de la souris. L’hypertexte laisse le lecteur décider de son cheminement dans le document en fonction de ses besoins ou de ses intérêts, rompant ainsi avec l’approche linéaire où, comme dans un livre ou un film, le concepteur décide de la séquence de consultation du document. Ainsi, deux lecteurs d’un même document hypertexte ne consultent pas nécessairement le même contenu dans le même ordre. »
Ci-dessous par exemple une représentation schématique de l’hypertexte (un mot du texte est expliqué dans un autre endroit, ce qui engendre la non linéarité dans la lecture, vu que le lecteur, pour comprendre le sens du mot doit se référer à un autre endroit, c’est le principe même de l’hypertexte) :
En effet, ce terme ne sera pas abordé dans le cadre de cette étude car les liens hypertextes ne sont utilisés que dans les textes électroniques. Alors que la non linéarité peut se rencontrer tant dans les livres papiers que dans les livres électroniques sur écran.
Mais quelles sont les raisons qui poussent les auteurs à adopter cette technique de non linéarité ?
2 – Objectifs recherchés par la non linéarité
En effet, c’est surtout dans les ouvrages de fiction que se constate la non linéarité, notamment pour les objectifs suivants :
- Entretenir l’esprit de jeu pour le lecteur qui doit alors reconstruire le puzzle au travers des liens hypertextes instaurés par l’auteur
- Susciter la participation du lecteur dans le processus de lecture
- Créer une interaction en instaurant une corrélation entre des éléments non chronologiques
- Démontrer la non-linéarité du destin
- Mettre en exergue les divers points de vue
- Diluer le temps
- Démontrer une modalité de vie contraire à celle de la réalité : satisfaire à la sensation d’infini
La non linéarité est également une technique utilisée par l’éducation comportementaliste (behavioriste) préconisée par BF Skinner en 1958. En effet, c’est une technique d’enseignement dans lequel il est présenté à l’enseigné un petit morceau de l’information, et dans lequel il est invité à répondre à une question après l’avoir compris. Si la réponse est correcte, l’apprenant peut passer au morceau suivant, sinon il sera contraint de revenir à un morceau précédent d’informations et de procéder à partir de là. L’éducation comportementaliste est alors un type d’enseignement programmé, essentiellement basée sur les principes de petits pas, l’auto-stimulation, et une rétroaction immédiate.
A cet effet, l’enseignement n’est pas systématiquement linéaire, mais la linéarité ou la non linéarité du document d’enseignement dépend de la faculté de compréhension de l’enseigné.
Dans ce cas, la non linéarité est utilisée dans un but essentiellement pédagogique, c’est-à-dire afin de susciter la faculté de compréhension de l’apprenant.
3- Signes distinctifs de la non linéarité
La question qui se pose actuellement est celle de savoir : pratiquement, comment peut-on reconnaitre qu’un ouvrage est non linéaire ?
En effet, la réponse est simple, il suffit de se référer au sommaire de l’ouvrage en question. Si l’auteur emploie les systèmes suivants, on peut en déduire qu’il y a pas de linéarité :
-Le système de renvoi de page : si les lecteurs ont généralement l’habitude d’effectuer leurs lectures en parcourant les pages, de haut en bas, puis de gauche à droite, dans la progression non linéaire, cette habitude de lecture est remaniée, révolue. On peut rencontrer en cours de lecture un renvoi à un autre page. C’est un signe de non linéarité.
-Absence de hiérarchie dans les textes : si dans les livres classiques, il existe des repères typographiques ou de mise en page officiellement admis depuis l’invention de l’imprimerie (paragraphes, chapitres etc.), cette hiérarchie est absente dans un ouvrage à progression non linéaire. Le lecteur n’est pas obligé de se plier à la progression du livre pour comprendre l’histoire.
Aussi, si ces éléments sont retrouvés dans les livres jeux, on peut directement conclure que ce livre ne suit pas une logique de linéarité. En effet, on peut également constater cette non linéarité dans les didascalies d’un texte de théâtre, qui, par essence, doit être nécessairement non linéaire. Mais on peut affirmer que la non linéarité dans les livres jeux est spéciale, différente de toutes les autres formes de linéarité. Quelles seraient alors les différences entre la non linéarité des livres jeux et celle des didascalies d’un texte de théâtre ?
-Les didascalies sont nécessaires pour la compréhension du cours de l’histoire, tout comme les modules des textes non linéaires des livres jeux
-Les didascalies sont non linéaires par nécessité, vu que chaque personnage doit détenir le jeu, la mise en scène adaptés à son intervention. Aussi, sans que les spectateurs le veuillent, la non linéarité des didascalies est requise pour une compréhension de l’histoire, la non linéarité des didascalies détermine le jeu de chaque personnage du théâtre. Dans ce sens, la non linéarité est indispensable pour que l’histoire soit compréhensible, le théâtre étant un spectacle, chaque personnage doit intervenir successivement.
Pourtant, dans les livres jeux, la non linéarité est un choix, et non pas une nécessité. En d’autres termes, c’est le lecteur qui choisit de ne pas suivre la linéarité de l’histoire, pour se créer du suspens.
C – Formulation du problème et intérêt de l’étude : La non linéarité face à la textualité
L’objectif de ce mémoire est de confronter deux notions qui semblent être contradictoires : la non linéarité et la textualité. En effet, il est admissible que ce qui répond aux critères de la textualité doit être automatiquement ou logiquement linéaire, et que la coexistence de la textualité et de la non linéarité dans un seul ouvrage semble impossible. Ceci car, les représentations non linéaires font généralement obstacle au respect des critères de la textualité (1).
Cette étude essaiera de démontrer le contraire : une progression non linéaire peut bien répondre aux critères de la textualité, et cela grâce à diverses techniques employées par les auteurs (2).
1 – Quand les représentations non linéaires font obstacle à la textualité
Comme expliqué précédemment, un ouvrage répond aux critères de la textualité lorsqu’il est cohérent, continu, séquentiel et répond à une progression thématique logique. Autant de critères qui peuvent être difficilement retrouvables dans une progression non linéaire, pour les raisons suivantes :
-La non linéarité laisse penser qu’il n’y a pas de continuité entre les divers éléments composant le livre, et cela à cause du système de renvoi à d’autres pages ou parties en cours de lecture.
-La non linéarité laisse penser à l’absence de cohérence entre les parties composant le livre. En effet, dès la constatation de l’inexistence d’une hiérarchisation des parties, le lecteur peut penser que chaque partie est indépendante par rapport aux autres, et qu’il n’y a donc pas de cohérence ou de relations de dépendance entre elles
-La non linéarité laisse penser qu’il n’y a pas de progression thématique logique. En effet, on estime généralement qu’un ouvrage est le fruit d’une succession ou d’un enchainement d’idées, présentées d’une manière progressive et continue au lecteur, afin de faciliter la compréhension. En incitant ce dernier à revenir vers une précédente page, ou à sauter directement vers des pages plus avancées laisse penser que l’ouvrage serait compréhensible, même s’il ne sera pas lu entièrement. Ce qui fait que le lecteur, dans ce type d’ouvrage non linéaire, ne croit pas en l’existence d’une progression thématique logique tout au long de l’ouvrage.
Autant de raisons qui justifient qu’il est fortement difficile (voire même impossible selon certains auteurs) ; de respecter les critères de la textualité dans une progression non linéaire. Un obstacle, une doctrine, qui a été entièrement réformée par les nouveaux ouvrages de nos jours, ceci car, désormais, maintenir la textualité dans une progression non linéaire est bien possible.
2 – Comment maintenir la textualité dans une progression non linéaire ? : Étude des stratégies des auteurs pour garantir la textualité dans une progression non linéaire
Le maintien de la textualité dans une progression linéaire est une technique faisable, via le déploiement de certaines techniques bien connues des auteurs professionnels en la matière.
-Démontrer la logique de continuité de la narration indépendamment de celle du texte
La linéarité prônée par plusieurs ouvrages structure et hiérarchise le tout, le contenu général du texte afin de mieux communiquer aux lecteurs les étapes d’une progression à laquelle il doit se plier. Mais force est de constater que cette continuité générale du texte ne doit pas être confondue avec celle de la narration, qui peut être effectuée avec une plus grande liberté et qui se soucie plus de la linéarité ou de la continuité temporelle de l’histoire qu’elle raconte que de celle du texte.
La continuité dans une progression linéaire n’est donc pas celle du texte, mais plutôt celle de l’histoire, de la narration. D’où la possibilité de respecter ce critère de continuité de la textualité, dans le cadre d’une progression non linéaire.
En effet, la continuité du dispositif structurel d’un texte de fiction non linéaire se baserait essentiellement sur le fait que le texte en entier ne se limite pas à une seule ligne narrative continue tout au long de ses unités constitutives, mais s’étend à plusieurs narrations, qui sont alors, entre elles, interdépendantes et continues, même si elles sont éparpillées dans le livre.
La notion de continuité dans une progression non linéaire peut également s’apprécier au niveau du contenu même du livre. En effet, les histoires ou fictions racontées doivent être le reflet de la réalité où il ne devrait pas y avoir une stricte continuité des actions, du fait que les artifices d’ellipse ou d’omission sont indispensables dans l’exposition desdites actions.
La non linéarité serait alors, dans ce cas, un justificatif de la continuité des actions et des fictions dans le livre, et non pas une dérogation à la textualité. Il est donc bien possible de respecter la continuité, un critère primordial de la textualité, malgré l’adoption d’une progression non linéaire.
The Wild Palms (1939) de Faulkner peut être cité comme étant un exemple célèbre des premiers romans ayant adopté la progression non linéaire, tout en insistant sur la continuité et la textualité du contenu. En effet, dans ce roman, il ya une alternance de deux histoires différentes, respectivement « Wild Palms » et « Old Man ».
La photo de couverture suivante ne laisse pourtant pas transparaitre l’existence de deux histoires différentes, le titre reste unique, ce qui prouve que les deux histoires sont continues, complémentaires, et peuvent former un tout unique :
Dans le sommaire du livre, les chapitres pairs sont relatifs à la première histoire, tandis que les chapitres impairs sont relatifs à l’autre. Une alternance qui n’a pas été un blocage au respect de la continuité, de la cohérence entre les histoires, et donc de la textualité.
Il en est de même pour le livre sorcier de la montagne de feu qui est le résultat d’une écriture collaborative entre deux auteurs différents, qui est donc présenté d’une façon non linéaire, mais dont la cohérence et la continuité de l’histoire n’ont jamais été remises en cause.
La photo de couverture ci-dessous montre par exemple la présence de deux auteurs pour ce même et unique livre :
La première moitié de la Montagne a été écrite par Ian Livingstone. Certes, il ne s’agit pas d’un one-true-path, pourtant la linéarité est bien assise : diverses voies sont mises à la disposition du lecteur mais au cours de la lecture, on peut constater que l’auteur a déjà tracé une ligne de conduite bien définie.
La deuxième partie du livre, quant à elle est une œuvre de Steve Jackson. Ces deux écritures sont ralliées dans un seul livre, dans lequel se déroulent alors deux histoires, différentes mais complémentaires, et deux styles d’écritures propres à chaque auteur. On peut ainsi mettre en place une linéarité, une cohérence, une continuité, sur la base d’une constitution a priori non linéaire.
Le livre : le marais aux scorpions, peut être également cité comme exemple. Dans ce livre, il est possible de relire deux fois un même chapitre, (« si vous êtes déjà venu ici, aller directement la ») ou simplement pour un choix gauche droite, si on a été a droite avant et que c’était un cul de sac, on a maintenant l’information qui nous permet de savoir qu’il faut aller a gauche donc en quelque sorte de modification du thème, ce qui prouve que, malgré la non linéarité, on retrouve dans le livre une logique de continuité.
-La transtextualité : une technique de progression non linéaire en conformité avec les critères de textualité
« La textualité organise des systèmes complexes de production de sens dont les rapports de transtextualité. Regroupant la diversité de processus de renvoi inter-textuel, cette notion ouvre le texte à des connections avec d’autres textes, permettant ainsi d’intégrer chaque texte dans un système plus complexe, un réseau de textes. », Maria Augusta Babo
Selon J.D. Bolter, l’intertextualité n’est autre qu’un mouvement vers le dehors du texte, c’est-à-dire un renvoi à l’extérieur du texte, une non linéarité, et non pas une exception à la textualité.
La transtextualité, quant à elle, est un concept littéraire qui a été développé par Gérard Genette. Il a alors défini la transtextualité comme étant « tout ce qui met un texte en relation, manifeste ou secrète, avec un autre texte »
A cet effet, on peut citer que certaines collections de livres jeux sont des suites, on peut garder le même personnage et sa feuille d’aventure d’un livre à l’autre, certaines collections se jouent même à plusieurs avec plusieurs livres différents. Il y a ainsi un mouvement de renvoi d’un personnage à l’extérieur du texte, c’est l’intertextualité entre plusieurs livres d’une même collection.
Les principes de la textualité seront toujours respectés, car les textes, même éparpillés, sont continus, cohérents, respectent la séquentialité. Mais le pont intertextuel est défini par le lecteur lui-même par l’intermédiaire du travail de la lecture. La lecture qui sera de ce fait le dispositif de liaison entre les textes. C’est au lecteur de lire, c’est-à-dire- d’établir le réseau de rapports intertextuels, via une progression non linéaire.
Conformément à cette idée, la transtextualité n’est autre que la confirmation de la textualité dans une progression non linéaire. Encore une fois, il est tout à fait possible de respecter la textualité malgré la non linéarité du texte.
Aussi, cette première partie a permis de confronter les deux notions initialement contradictoires, mais qui, finalement, se complètent : la non linéarité et la textualité. Se soumettre aux principes de la textualité, qui sont : la cohérence, la cohésion et la continuité, la séquentialité, la progression thématique, dans une progression non linéaire ne semble pas envisageable. Mais comme la linéarité est actuellement un système littéraire presque révolu pour les livres jeux, respecter ces principes, tout en dérogeant complètement à la linéarité, est une technique déjà répandue chez plusieurs auteurs.
Le cas spécifique des livres jeux sera alors analysé dans la deuxième partie pragmatique.
DEUXIEME PARTIE – Etude des livres jeux : le maintien de la textualité dans la non linéarité
Les livres jeux sont des types de livres dans lesquels le lecteur participe à la fiction, en tant que héros même. C’est un genre littéraire qui a fait son apparition dans les années 70. Mais c’est surtout au cours des années 80 que ce genre a connu son apogée avec Le Sorcier de la Montagne de feu(The Warlock of FiretopMountain), de Steve Jackson et Ian Livingstone, le premier livre jeu le plus célèbre, un livre britannique. Un livre qui a atteint les records de vente en termes de livres jeux, et qui a donc mis a la mode ce nouveau genre.
Rapidement, en 1990, le succès de ce genre littéraire s’est brusquement arrêté, pour reprendre vers les années 2000 lorsque l’éditeur anglais Wizard Books a pris la décision de rééditer les livres les plus connus de la série Défis fantastiques, suivi en 2007 par Gallimard en français.
Ces livres jeux se caractérisent par les adjectifs suivants : le courage, la destinée et la chance. Pour réaliser ces « défis », les livres jeux proposent souvent une structure non linéaire.
La non linéarité est alors inhérent aux livres jeux, et fonde leur particularité (A). Mais cette partie pragmatique essaiera de démontrer comment les livres jeux parviennent-ils à maintenir la textualité dans cette vocation à être non linéaire ? Quelles sont les stratégies adoptées par les auteurs (B).
Pour ce faire, l’analyselimiteramajoritairement son champ de recherche à l’analyse de la collection “choisis ta propreaventure”. Il s’agitd’une des premières séries de livres-jeuxet qui a connu un succèsconsidérablesurtout en outreatlantiquepuisqu’ellecontient en anglaisprès de 185 livres à son actifparu entre 1979 et 1998. Cettesérie de livres-jeux a pour “avantage” de n’avoir pour règles de jeuque des renvois de page en page, se prêtant plus aisément au recours à uneanalyse de la non-linéarité à travers uneméthodevisuelle avec l’outilinformatiqueGraphViz. Celogicielpermet de créerfacilementunereprésentation des liens entre les paragraphes sous forme de graphesorientés (directed-graph). Il permettrad’analyser les différentesformes de non-linéaritérevêtues par ceslivres.
A – Particularités des livres jeux
Les livres jeux sont des genres littéraires présentant de grandes particularités, ceci car, ils ont vocation à être non linéaires, qu’ils doivent rallier des objectifs assez spécifiques, qu’ils s’adressent à des cibles présentant des attentes spécifiques.
1 – Un ensemble de structures de type non linéaire
a – Le renvoi systématique à des paragraphes
Le premier livre jeu le plus célèbre, Le Sorcier de la Montagne de feu (The Warlock of FiretopMountain), issu de la collection « livre dont vous êtes le héros », de Steve Jackson et Ian Livingstone est d’une grande ampleur car totalise 400 paragraphes, tous non linéaires. En effet, par cette non linéarité, les livres jeux proposent alors une diversité d’options au lecteur, qui participe par ce système au choix de sa destinée, selon son degré et son niveau de courage.
C’est justement la non linéarité qui garantit la variété de chemins proposés au lecteur, et plus le livre est linéaire, plus il se rapproche des livres normaux, et n’intéresseront pas alors les cibles car il n’y aura pas d’options de participations au choix de l’option qui mène vers la fin de l’histoire. En effet, ce livre est un One True Path assez linéaire, une seule fin heureuse au paragraphe 400, mais pour y parvenir, le lecteur a le choix entre plusieurs options. A cet effet, on peut constater que l’histoire globale est linéaire, il y a un début unique et une fin unique, mais on peut constater plusieurs non linéarités à l’intérieur même de cette linéarité globale.
La collection « Choisis ta propre aventure » est spécifiquement reconnue pour ce renvoi systématique à des paragraphes, (dans la collection « choisis ta propre aventure », il n’y a pas de paragraphes numérotes mais des renvois de page en page), et donc pour la non linéarité.
Queneau, dans un recueil de poésie, débute par exemple le récit par les mots suivants : « Il y avait une fois trois petits pois vêtus de vert qui dormaient gentiment dans leur cosse », et, dès le début de l’histoire, laisse le choix au lecteur : soit il veut poursuivre l’histoire, soit il décide d’opter pour une fin précipitée. A chaque choix correspond un paragraphe bien déterminé. Et au cours même de l’aventure des petits pois, il donne toujours le choix au lecteur de mettre fin à l’aventure. Voici la représentation schématique de cet enchainement de l’histoire, dans laquelle on peut voir clairement que le lecteur a le pouvoir et la faculté de choisir de lire ou non de poursuivre la lecture :
Dans ce schéma, à la quatrième page, l’auteur annonce que les pois dorment tranquillement. Dès cette quatrième page, le lecteur a le choix, soit il veut poursuivre l’histoire, et donc il va choisir d’aller à la page 5, soit il veut mettre fin à l’histoire et aller de ce fait à la page neuf. La représentation schématique ci-dessous, quant à elle, montre que, à chaque paragraphe, le lecteur a la possibilité de choisir de « se passer » de l’histoire, et d’aller directement à la fin de l’histoire :
Ce type de choix donné au lecteur n’est possible que via un renvoi systématique à d’autres paragraphes ou pages, selon l’orientation de ses choix. Une démonstration pratique de la non linéarité dans les livres jeux. Une non linéarité qui est hautement requise car implique et traduit la participation et l’implication active du lecteur dans le cours de l’histoire.
En effet, le principe de la scénarisation dans le livre jeu est le suivant : « Don’t show or tell, do » (ne montre pas et ne raconte pas, agis). Ce qui fait que la progression de la scénarisation suit un double niveau, qui se présente schématiquement comme suit :
Ce schéma montre que, dans les livres jeux, plus la narration avance (acte 1, acte 2 : progression scénaristique) ; plus l’intensité dramatique doit aussi augmenter. Aussi, si le lecteur souhaite une intensité dramatique plus élevée, il peut avancer sa lecture, et cela ne sera possible que par le biais du système de renvoi de page.
Par exemple, dans les livres de la collection choisis ta propre aventure, cette progression scénaristique est prouvée par le fait que, à chaque fin de module, l’auteur instaure toujours un suspens, un suspens qui sera résolu dans la progression suivante.
b – L’importance de la participation du lecteur dans les livres jeux
Dans les livres jeux, le lecteur n’est pas passif comme dans les romans, il participe activement au déroulement de l’histoire, et prend même la place d’un personnage principal (le lecteur est le héros dans les livres jeux, tel est le principe de base). Les livres jeux doivent être des romans qui vivent et qui fassent vivre le lecteur dans un monde virtuel, il ne doit pas subir mais doit être incité à agir dans le monde créé par l’auteur.
Par exemple, pour la collection « Livre dont vous êtres le héros », cette participation du lecteur se matérialise par l’invitation au remplissage d’une « feuille d’aventure » qu’il doit remplir au fur et à mesure de la lecture, et de l’orientation de ses choix de destin :
2 – Les deux exigences contradictoires des livres jeux : susciter le ludique en respectant les règles linguistiques
Par rapport au niveau de participation du lecteur, et, conformément à la théorie LNS, les livres-jeuxà la fois narratifs et ludiques, mais certains peuvent être plus narratifs ou plus ludiques. En effet :
- certains livres-jeu ne proposent que peu de défis au lecteur incarnant le personnage principal, et se rapprochent donc des romans à plusieurs embranchements possibles ; ils sont « plus livres que jeux », et donc plus narratifs que ludiques
- d’autres livres-jeux, quant à eux, proposent plusieurs défis au lecteur: énigmes, choix stratégiques, … ils sont « plus jeux que livres », et donc plus ludiques que narratifs.
Mais, dans tous les cas, comme les livres jeux s’adressent à des publics spécifiques (les enfants et jeunes, les adolescents et adultes qui aiment l’esprit de jeu), ils doivent être dynamiques pour encourager leur participation.
Ce qui explique l’utilisation du pronom ‘tu’ dans la collection : « choisis ta propre aventure », qui s’adresse principalement à des enfants, et du « vous » dans la collection « livre dont vous êtes le héros » qui s’adresse plutôt à des adultes.
Par exemple, voici un passage d’un livre de la collection « Livre dont vous êtes le héros » qui démontre le vouvoiement utilisé par l’auteur afin de s’adresser à ses lecteurs adolescents et adultes :
Ils doivent être ludiques, mais cela n’empêche pas le fait qu’ils doivent effectuer la narration au service du ludisme. En plus de cela, le design du livre jeu est également un facteur qui influe sur le choix des lecteurs, et sur lequel doit alors travailler l’auteur. Le schéma suivant illustre le concept des récits interactifs préconisé par Stephen Dinehart :
Un livre jeu réussi est donc celui qui sait associer à la fois le ludique et la narration, et narration implique naturellement respect des règles linguistiques.
3 – Les cibles des livres jeux
Les livres jeux n’ont pas de cibles particulières par rapport à l’âge du lecteur. Tous les lecteurs intéressés par l’aventure, le jeu, sont tous ciblés. Mais force est de constater que ces types de lecteurs ont des attentes spécifiques auxquelles les livres jeux doivent nécessairement savoir répondre :
-La compréhension du système de jeu dans le livre
Divertir par l’intermédiaire du livre n’est pas chose facile. Le divertissement implique choix, combat, actions, …Il va alors falloir que l’auteur sache s’exprimer et exprimer les règles de jeu, le système de divertissement dans le livre. Cela nécessite incontestablement une forte capacité de communication avec le lecteur. Et c’est justement ce qui explique la richesse didactique des livres jeux. Le livre jeux doit à la fois relater le phénomène culturel et social, à travers son design, afin de susciter une bonne réception vis-à-vis des cibles :
Diverses techniques sont utilisées par les auteurs pour communiquer efficacement avec les lecteurs de livre jeux. Et force est de constater que tous les mots utilisés ne le sont pas par « pure hasard » mais ont été construits et étudiés par des professionnels littéraires pour transmettre des messages et des idées bien précises, pour atteindre les objectifs recherchés par les livres jeux.
Pour mieux communiquer avec les lecteurs, les livres jeux de la collection « Choisis ta propre aventure » ont plusieurs techniques :
-L’illustration schématique des livres jeux :
Dans le « Cave of Time » de Edward Packard, chaque page contient des illustrations schématiques, afin de susciter l’attention et de favoriser la compréhension de la part du lecteur :
Ici, pour orienter le choix du lecteur, l’auteur illustre les options schématiquement, cela met davantage le lecteur « dans le bain ».
-L’explication du système de jeu en début d’aventure : utilisation de la méthode behavioriste
Le lecteur ne saurait connaitre le fonctionnement général du jeu sans prendre connaissance, au préalable, des tactiques, des règles de jeu, des comportements qu’il doit adopter. La collection « Choisis ta propre aventure » prend alors la peine d’expliquer ces règles en début d’aventure, pour une réelle imprégnation du lecteur au jeu.
Voici un exemple d’explication en début d’aventure pour un livre de cette collection :
Dans la collection « Livre dont vous êtes le héros », l’auteur prend souvent la peine d’expliquer dans le péri texte toutes les règles du jeu, le déroulement du combat, la présentation des personnages acteurs. Cela toujours afin que le lecteur puisse effectivement s’approprier de l’aventure, ces explications constituent également un avant gout pour le lecteur :
Les règles du jeu dans la Collection « Livre dont vous êtes le héros »
Les combats dans la Collection « Livre dont vous êtes le héros »
Cette méthode est une illustration parfaite de l’approche behavioriste, qui fournit des informations, dans le but de former à l’aventure, au fur et à mesure de l’avancement de la lecture et de la compréhension.
-L’envie, le courage et la volonté de lire : l’auteur doit comprendre que le lecteur a besoin d’un style de rédaction et de narration qui lui donne envie de poursuivre l’aventure jusqu’à la fin. A cet effet, c’est la raison pour laquelle les auteurs de livres jeux n’adoptent pas de styles entièrement descriptifs ou entièrement narratifs, ils créent de l’ambiance, du suspense, afin de retenir à chaque fois l’attention du lecteur et son désir de poursuivre la lecture.
Par exemple, dans la collection Livre dont vous êtes le héros, ci-dessous un passage qui montre ce peu de description et de narration, et cette place considérable donnée au suspens :
« Vous vous réveillez en sursaut et en sueur ! Quel cauchemar, jamais encore il n’avait été aussi intense !
Non, cette fois, vous n’avez pas rêvé ! Vous avez battu le monstre, vous l’avez eu ! Combien de fois ne vous étiezvous pas réveillé en pleurant ou en hurlant. Combien de fois votre mère ou votre oncle ne vous ont pas consolé en ces terribles nuits que vous redoutiez. Mais ce soir, c’en est fini… Vous le savez au plus profond de vous-même.
La terreur de votre enfance ne sera plus désormais qu’un lointain souvenir que vous avez réussi à dompter.
Votre total de Noblesse augmente de 1 point, de même que votre total d’Auspex augmente de 2 points.
Notez également le mot de passe vieux souvenirs et rendormez- vous en toute quiétude avant de vous réveiller à l’aube du 33, sauf si vous possédez le mot de passe Catilina, qui vous mène au 101. » (in Effervescence au Palais Royal).
-Le jeu et la participation au choix du destin du héros : l’auteur ne doit pas se limiter à déployer un style de rédaction et de narration respectueux des normes, il doit également savoir les orienter vers le ludique.
Ce sont autant de besoins ressentis par les cibles, que les auteurs de livres jeux essaient de satisfaire via l’adoption d’une progression non linéaire.
B – Etude pratique de la non linéarité dans les livres jeux
Cette partie du mémoire essaiera de déterminer : concrètement, comment se manifeste la non linéarité dans les livres jeux.
-La fragmentation du livre en paragraphes
Les livres jeux de la collection « Choisis ta propre aventure » ne contiennent généralement pas de sommaire, et c’est la traduction de la non linéarité dans cette collection. Ceci car, il n’y a pas de ligne précise à suivre pour l’aventure, c’est le lecteur lui-même qui choisira le chemin qu’il veut emprunter pour poursuivre l’aventure. Un seul livre peut contenir plusieurs aventures, plusieurs options, le lecteur choisira alors l’option qui lui convient le plus. En d’autres termes, il n’y a pas de linéarité prédéterminé, c’est le joueur qui choisit sa propre linéarité, l’auteur instaure de cette façon le suspense et cultive l’esprit de jeu du lecteur.
Par exemple, dans le livre « The Cave of Time », il n’y a pas de sommaire mais dès le début de l’histoire, l’auteur interpelle que : « Do not readthis book staightthroughfrombeginning to end! These pages contain many different adventures you can go on in the Cave of Time.
From time to time as you read along, you will be asked to make d choice. Your choice may lead to success or disaster!
The adventures you take are a result of your choice. You are responsible because you choose! After you make your choice, follow the instructionsto see what happens to you nextRemember-you cannot go back! Think carefully before you make a move! One mistake can be your last . . . or it may lead you to fame and fortune!”
Les instructions diverses contenues dans le livre (plus précisément véhiculées avant le début de l’histoire) laisse transparaitre des traces de behaviorisme. Ce qui prouve que l’auteur ne se limite pas à raconter des histoires, ou à faire jouer les enfants (on note bien ici que la collection choisis ta propre aventure s’adresse principalement à des enfants, par l’usage du pronom « tu »), mais tient également à les éduquer, à leur véhiculer des informations.
Toujours dans le livre the Cave of Time, avant d’entamer l’histoire, l’auteur dévoile petit à petit (behaviorisme) plusieurs informations, qui sont toutes jugées utiles pour le lecteur :
-Les avis des lecteurs et des professeurs sur l’ouvrage
-La façon dont le lecteur doit lire l’histoire
-La justification du nom de la collection
-Le renvoi systématique à des paragraphes avec possibilité d’option de choix chez le lecteur
Dans la rubrique : « Effervescence au palais royal », (SACRIMEN – 1Le Prince Vangorn), le livre est composé de 105 paragraphes, des paragraphes que le lecteur n’est pas censé tous lire. Au niveau de chaque paragraphe, une option est donnée au lecteur, selon le destin qu’il souhaite au personnage qu’il incarne dans l’histoire. Un renvoi à un paragraphe est proposé selon chaque choix, dont voici un exemple :
« Votre sang ne fait qu’un tour : bien que distrait par les charmes de la demoiselle, vous avez encore assez de présence d’esprit pour saisir votre épée (qui ne traîne jamais loin de vous) et vous dresser devant la fenêtre, prêt à toute éventualité. Cependant, votre vigilance n’est pas ce qu’elle aurait été si vous n’aviez pas passé la nuit dernière à boire autant de vin ! Le soleil vous éblouit à présent et vous ne distinguez plus bien l’œil reptilien.
Qu’allez-vous faire en cette fraction de seconde ? Vous fendre immédiatement au 12 et donner un coup d’estoc aveugle en espérant toucher l’œil à travers la vitre ? À moins que vous ne jugiez plus judicieux d’avertir la garde postée au 29 dans le couloir derrière vous ? Ou alors, vous tentez de garder votre calme et vous vous disposez de telle sorte que le soleil ne vous gêne plus, au 40 dans ce cas. »
Dans ce premier paragraphe, le lecteur a déjà le choix entre trois options, et chaque option correspond à un paragraphe bien déterminé. Et ce choix est présent dans tous les paragraphes de l’histoire. Ce qui fait que, à chaque fois, c’est le lecteur qui détermine l’orientation de l’histoire. Voici quelques exemples de choix donnés au lecteur :
-Paragraphe 2 : Consacrer votre soirée à lire toutes les lettres au 74 ? Seulement lire les dernières lettres, dans ce cas, rendez-vous au 88. Mais au lieu de cela, il est encore temps de réviser votre grammaire de myroptiçois pour mieux paraître devant les invités demain. Cela dit, si l’étude ou l’administration vous ennuie, vous pouvez encore lire un livre d’histoire sur Siegfried Ier le Foudroyant ou jouer du luth. Si l’une de ces trois autres actions vous tente, notez-la et rendez-vous au 49.
-Paragraphe 4 : Si la porte de votre chambre est restée fermée, rendez- vous immédiatement au 68. Si elle est ouverte, rendez- vous au 84.
-Paragraphe 14 : Si vous avez ordonné au Général de faire surveiller la Reine ou même de déployer le moins d’hommes discrètement, vous pouvez ordonner aux gardes présents dans le Temple d’emprisonner cet homme, au 76. Si vous possédez le mot de passe toge blanche, rendez-vous au 23. Mais il est possible que la rage égare vos pensées et que vous vous trompiez… Si vous préférez ne pas envenimer la situation, rendez-vous alors au 65.
Ce renvoi systématique à d’autres paragraphes est d’autant plus fréquent dans la collection : « Choisis ta propre aventure ».
Par exemple, dans le livre « The cave of Time », presque chaque page contient un renvoi à un autre paragraphe :
-Page 2 et page 3 :
-Page 4 :
-Page 5 :
-Page 6 :
-Page 9 :
En totalité, l’histoire se déroule sur 66 pages, et dans ces 66 pages, on note pas moins de 40 renvois de page. Ce dernier est même systématique, car crée le dynamisme chez le lecteur.
Une autre illustration, dans « La Cage de Fer » (une aventure de Cédric Zampini), on note la présence d’un renvoi vers d’autres paragraphes dans tous les paragraphes, et cela dès le début même de l’histoire. Ci-dessous quelques illustrations :
-Paragraphe 1 : « Il n’y a pas de spectacle plus beau que la contemplation du château de fer, construit aux limites de l’espace, relié à une terre flottante par un large arc-en-ciel, et illuminé par l’éclat d’un soleil pourpre. Voilà votre univers. Voilà où vous êtes né, et où vous êtes resté emprisonné durant toute votre vie. Vous détestez ce château plus que tout au monde, car il est le trône du tyran le plus mégalomane et le plus sanglant de tous les temps. Le Roi Gris. Vous êtes un de ses courtisans depuis un nombre incalculable d’années déjà. Des années consacrées à le flatter en permanence, et à le haïr par derrière d’une haine profonde. Mais aujourd’hui, ça va changer. Vous vous êtes saisi de votre épée et de votre arc. Votre décision est prise. Il est temps d’en finir. Vous arpentez les couloirs du château jusqu’à arriver dans l’immense salle du trône, à son sommet. Vous allez tuer le Roi Gris. Il est en face de vous, droit, devant cinq ou six autres courtisans qui s’empressent de lui faire les plus beaux compliments. Il y a deux gardes de chaque coté de vous. Vous n’avez quasiment aucune chance de survivre. Mais mieux vaut la mort que la souffrance. Qu’allez-vous faire ? Bander votre arc et tirer une flèche sur le Roi (rendez-vous au 12) ou vous approcher pour le transpercer de votre lame (rendez-vous au 95) ».
-Paragraphe 5 : « Vous reprenez votre course. Les terres se rapprochent de plus en plus. Vous apercevez, au fond, un grouillement de petits points noirs. Il vous semble que ce sont des hommes, mais vous n’en êtes pas tout à fait sûr. Une gigantesque boule de foudre illumine soudain l’espace, avant de vous foncer dessus. Si vous possédez une émeraude, rendez-vous au 76. Si vous possédez une clé jaune, rendez-vous au 7. Sinon, allez au 52. »
-Paragraphe 51 : « Grâce au bracelet, vous avez le pouvoir de résister assez longtemps à la chaleur de cette salle. Vous pouvez en profiter pour fouiller une table d’écartèlement au 56 ou bien un bassin d’eau bouillante au 58. »
Ce livre compte en totalité 100 paragraphes, mais 95% des paragraphes contiennent des renvois de pages. Ce qui fait que le renvoi de page est même systématique dans cette collection.
Ce renvoi systématique à des paragraphes démontre concrètement la non linéarité des livres jeux. Mais comment font ces derniers pour maintenir la textualité dans cette progression de plein droit non linéaire ?
C – Le maintien de la textualité dans la non linéarité : étude pragmatique des stratégies des auteurs pour garantir la textualité dans une progression non linéaire
L’analyse de la non linéarité ou de la linéarité fait partie intégrante des études littéraires. Mais cette partie se chargera essentiellement de procéder à des études sémantiques, linguistique et organisation narrative des livres jeux, pour qu’ils puissent garder la textualité face à la linéarité.
En effet, force est de constater que les livres-jeux du fait de l’organisation externe de leurs textes, invitent les spécialistes en littérature à effectuer des études plus approfondies sur le respect des critères de la textualité, puisque les représentations non linéaires semblent faire obstacle à ladite textualité.
-Le livre jeu, une para-littérature
Les livres jeux sont-ils de la vraie littérature ? En effet, le dictionnaire La Rousse de 2005 définit la littérature comme étant « l’ensemble des œuvres écrites ou orales auxquelles on reconnaît une finalité esthétique ». Aussi, le livre jeu est une littérature si c’est une œuvre écrite et orale qui concourt à une finalité esthétique, deux critères qu’il faut alors démontrer.
Il est d’abord incontestable d’affirmer que le livre jeu est une œuvre écrite vu que c’est un livre, élaboré par un auteur.
Quid de la volonté esthétique dans le livre jeu ? Au vu des diverses illustrations que contiennent les livres jeux, on peut confirmer que la volonté esthétique est recherchée par les auteurs. Dans ce cadre, le livre jeu ne serait autre qu’une littérature pour jeunes, pour adolescents et pour enfants. Mais une autre opinion estime que les livres jeux ont essentiellement une vocation commerciale, indépendamment de l’esthétique. Dans ce cas, le caractère de littérature des livres jeux est remis en cause.
Les livres jeux sont-ils un texte ? En effet, la réponse à cette question est cruciale car un livre jeux ne saurait se soumettre aux critères de la textualité s’il n’est pas lui-même un texte, en premier lieu.
Le principe de base est le suivant : un texte est une structure organisée, contrairement à une succession anarchique. L’organisation des livres jeux en paragraphes permet-elle de les qualifier de textes ? La réponse est positive, car peu importe le mode d’organisation, c’est l’organisation elle-même qui compte, ce qui fait que l’organisation en paragraphe est un critère fondamental qui permet de déterminer que les livres jeux sont bien un ensemble de textes.
-Les livres jeux sont-ils un texte qui respectent les critères de la textualité ?
Les livres jeux peuvent être considérés comme étant une vraie littérature si l’enchainement et l’organisation des textes qui les composent respectent les critères de la textualité. Comme expliqué plus haut, le respect de ces critèresnécessite le déploiement de techniques spécifiques pour les auteurs dans le cadre d’une progression non linéaire. Quelles sont alors ces techniques ?
1 – Le codage alphabétique des livres jeux : confirmation de la textualité
« Est dit textuel ce qui procède d’une langue, se transcrit, s’articule en lettres et en mots dans une écriture, par opposition à ce qui relève d’autres médias : les images, les sons ». Dans ce sens, les livres jeux, en tant que livres, et formulés en mots et lettres par leurs auteurs, sont de plein droit textuels. Malgré la présence de décors en sons et images dans les livres jeux, force est de constater que ces derniers sont d’abord et essentiellement des textes.
2-Respect de la continuité et interdépendance entre les paragraphes dans les livres jeux
La continuité et la cohérence, pour les livres jeux, se situent surtout au niveau des paragraphes. Tous les paragraphes, même éloignés les uns des autres (c’est la logique de la non linéarité) sont complémentaires. Ceci car, le lecteur ne saura prendre connaissance de la fin de l’aventure sans engager un choix parmi les diverses sous linéarités proposées par l’auteur. On peut donc affirmer que la linéarité générale est absente, mais elle est substituée par diverses sous linéarités inter-paragraphes. Le schéma suivant en est une illustration :
Ce schéma explique par exemple que tous les chemins mènent vers 2 ou 5, deux finalités possibles pour l’aventure. Mais le lecteur a le choix, pour y arriver, à passer par les paragraphes 3 ou 5. Une interdépendance, cohésion, sous linéarité toujours démontrée par les auteurs dans les livres jeux. L’auteur a fait en sorte que la navigation entre les paragraphes ne permette jamais de revenir sur un paragraphe déjà lu.
Dès fois même, malgré les sous linéarités présentes dans l’organisation des paragraphes, le livre en général est linéaire car une seule fin est proposée au lecteur. Aussi, malgré la diversité des chemins que peut emprunter le lecteur, une seule fin est possible.
Par exemple, dans le livre « La Cage de Fer », on note la présence d’une seule fin pour l’ensemble de l’histoire, malgré les divers renvois de page qui marque la non linéarité :
Dernier paragraphe, paragraphe 100 : « D’un bond, vous quittez l’arc-en-ciel et atterrissez sur une foule de gens, qui vous transportent en grand vainqueur, sans même savoir qui vous êtes. La plupart n’en reviennent pas, eux qui ont toujours été effrayés depuis leur plus tendre enfance par l’arc-en-ciel. Les autres fêtent déjà avec triomphe la fin d’un mythe terrifiant. Mais votre succès est loin d’être total : vous n’avez pas réussi à tuer le Roi Gris. Nul doute que votre ennemi va envoyer tous ses soldats, à dos d’hippogriffes, pour venir vous capturer. Par votre faute, tous les autres courtisans du château ont été assassinés. Mais vous ne pensez plus à tout cela, car maintenant vous êtes libre. Ce que vous venez de faire restera à jamais gravé dans la mémoire du monde. La toute puissance du Roi Gris a vacillée, la révolution est donc pour bientôt… »
En d’autres termes, même si l’ensemble du livre n’est pas linéaire, les paragraphes le sont, car ils sont reliés, en interconnexion, donc cohérents et continus. Un seul texte peut regorger par exemple trois sous linéarités (trois histoires/aventures linéaires), des sous linéarités qui sont cohérentes entre elles.
Mais pour qu’un livre jeu puisse être qualifié de réel livre jeu, il faut qu’il comprenne au moins deux sous linéarités, sinon l’emblème « Choisis ta propre aventure » n’a pas son raison d’être, le livre jeu serait comparable à un roman.
Par exemple, pour le livre « The Cave of Times », le point de départ est le même, toutes les options débutent nécessairement à la page 2 et 3. Mais le choix commence à partir de la page 3. Soit le lecteur décide d’aller à la page 4, soit il décide d’aller à la page 5. Ce qui fait qu’à partir de cette page, il va y avoir deux sous linéarités, qui sont toutefois toutes deux linéaires avec la page 2 et 3. A la fin, on peut détecter 38 façons de finir l’aventure. Ce qui fait qu’il y a alors, au total, 38 sous linéarités dans le livre, selon les options du lecteur.
Autre exemple, dans le livre Le Cerf et le loup, le point de départ est aussi le même, et la non linéarité se démontre à partir de ce premier point de départ :
-Paragraphe 1 : « Les tombées de neige de la nuit ont couvert la terre d’un épais manteau blanc, mais heureusement pour vous et votre monture, la route qui mène à Haxastian a été déblayée sur la majeure partie de son tracé par vos serfs, et nul obstacle ne s’oppose à votre sortie des collines d’Asaltha. Le soleil peine à faire fondre la neige, mais du fait de l’altitude plus basse de la plaine, le couvert neigeux est nettement moins épais et bien plus clairsemé, laissant apparaître de vastes plaques d’herbe tendre. Votre progression sur la piste est rapide, mais le soleil monte peu à peu dans le ciel, et la faim ne tarde guère à vous tenailler l’estomac, tandis qu’un arbre se dresse devant vous, à quelques pas de la route. Si vous voulez vous arrêter à son pied pour vous restaurer, rendez-vous au 43. Si vous préférez avaler en hâte un quignon de pain sans vous arrêter, rendez-vous au 75. »
Le livre contient au total 150 paragraphes, donc 150 sous linéarités. Mais face à ces divers sous linéarités, il n’y a qu’une seule fin à toute l’histoire, toutes les options possibles à l’intérieur du livre conduit à cette fin unique :
-Paragraphe 150 : « Vous faites face à un visage souriant et malicieux, surplombés d’une cascade de cheveux d’un noir de jais et planté de deux yeux verts et rieurs. La belle inconnue qui a hanté tous vos songes, cette nuit, vous regarde d’un air amusé, attendant visiblement que vous lui disiez quelque chose. Vous bafouillez péniblement une invitation, qu’elle accepte de bon coeur ; et vous vous retrouvez bientôt à virevolter sur la piste de danse. Jamais la musique ne vous avait paru si limpide, jamais la nuit si belle, jamais la vie si agréable. La danse ne vous avait jamais particulièrement attiré auparavant, mais ce soir, vous vous sentez des ailes, et un bonheur inouï vous envahit. Est-ce cela, être amoureux ? Vous vous sentez troublé comme jamais, et la rougeur qui marque les joues de votre partenaire vous indique que vous n’êtes pas seul. Le regard de la plupart des personnes présentes se focalise désormais sur vous, mais vous n’en avez cure : vos yeux à vous ne cherchent que les siens. Elle vous serre soudain plus fort, et ses lèvres se tendent vers vous, dans un abandon magnifique.
L’Histoire vacille…
Vous l’embrassez.
L’Histoire bascule. »
Ce qui fait que, globalement, le livre présente une linéarité globale et incontestable, malgré la présence de plusieurs sous linéarités inter paragraphes.
3 – La cohésion et les liens de continuité repérés à l’intérieur des paragraphes
Afin de maintenir la textualité, les auteurs utilisent souvent des « connecteurs » afin de démontrer les liens d’enchainement entre les paragraphes, malgré la non linéarité. Ce qui prouve la continuité sémantique du discours compris dans les paragraphes éloignés.
Paragraphe 103 in « Effervescence au palais royal » : usage du connecteur « aussi »
« L’on raconte les pires histoires de boucherie humaine à propos d’elles. Aussi, vous et votre frère frissonnez ensemble. Votre instinct va décider pour vous de votre sort, quant à votre frère, il anticipera à coup sûr votre réaction au 87, mais il prépare déjà son ghorac à la retraite. ».
Paragraphe 29, « marais aux scorpions » : usage de « Aussi » pour démontrer l’interconnexité
Aussi lui répondez-vous par un mensonge. « Je sersles forces du Bien, assurez-vous. Mais pour l’instant, je voudraissimplement trouver le chemin qui me permettra de sortir duMarais. Je cherche l’un de ces sorciers que l’on appelle lesMaîtres. » Tentez votre Chance. Si vous êtes Chanceux, rendezvousau 185. Si vous êtes Malchanceux, rendez-vous au 378.
« La couronne de la lumière », Paragraphe 51, usage de « aussi » pour démontrer l’interconnexité : « Les deux types de comprimés ont la propriété d’agir presque instantanément, aussi pouvez-vous en avaler un à tout moment, même si vous êtes déjà engagée dans un combat. L’effet des pilules bleues est cumulatif jusqu’à 5 points d’Habileté. »
« La couronne de la lumière », Paragraphe 120, usage de « ainsi » pour démontrer l’interconnexité : « Vous rendez l’âme en sachant que vous avez été trahie, mais vous n’en saurez jamais davantage. Ainsi prend fin votre aventure. »
Dans ces passages, « aussi », « ainsi », désignent l’aboutissement de ce qui précède et traduit également la préparation à ce qui va suivre. Ce qui prouve par exemple la cohésion de ce paragraphe avec le suivant, ou la phrase avec la phrase suivante.
4 – La cohérence à l’intérieur des textes : signe de textualité dans une progression non linéaire
A l’intérieur des livres jeux, on peut noter que diverses désignations peuvent être interprétées comme se référant à un même objet dans l’univers sous-jacent au texte : c’est le phénomène de coréférence, utilisé par les auteurs de livres jeux, afin de prouver leur textualité malgré la progression non linéaire.
CONCLUSION
Dans quelle mesure ces livres sont ils textuels, qu’est ce qui fait un texte?
Qu’entend-on vraiment par non-linéarité? Quels sont les niveaux de non-linéarité d’un livre-jeu?
Quelles sont les stratégies employées par les auteurs pour garantir la textualité. Quel est le prix de telles concessions sur le caractère ludique du jeu? Des règles du jeu peuvent-elles être littéraires?
Autant de questionnements qui ont trouvé leurs réponses dans le cadre de ce mémoire. En effet, ce mémoire de première année de master a pu réaliser une confrontation entre deux notions, celle du texte et celle de la non-linéarité. La première partie du mémoire a donné de amples informations concernant l’approche conceptuelle des deux notions de base de l’étude : la linéarité et la textualité.
Si l’opinion des spécialistes en littérature affirme qu’il est impossible de respecter la textualité dans une progression non linéaire, vue l’interdépendance absolue entre les deux notions, à l’heure actuelle, les auteurs ont déjà pu démontrer le contraire de cette opinion qui a été admise par les spécialistes.
L’analyse de plusieurs livres jeux non linéaires a démontré qu’il est fort possible de respecter tous les critères de la textualité dans une progression non linéaire. La cohérence, la pertinence, la séquentialité, ont été toutes retrouvées dans ces livres jeux, à vocation non linéaire.
Pour la réalisation de la démarche pragmatique, l’analyse s’est majoritairement limité son champ de recherche à la collection “choisis ta propre aventure”. Il s’agit d’une des premières séries de livres-jeux et qui a connu un succès considérable.
Dans un second temps, cette étude a permis de démontrer la thèse selon laquelle en dépit de leur caractère non-linéaire, les livres-jeux parviennent à maintenir leur textualité. Les procédés littéraires et autre mécanismes employés par les auteurs de la collection “choisis ta propre aventure” ont été relevés au cours de cette étude.
Ce travail trouvera son aboutissement en proposant aux futurs créateurs de littérature interactive et autres scénaristes de jeux-vidéo, afin de leur apporter un éclaircissement sur la non-linéarité, ainsi qu’en fournissant aux professeurs des outils concrets pour améliorer la textualité des rédactions de leurs élèves.
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Articles:
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Vincent Mauger
Doctorant en design et cyberculture
Chargé de cours, École des arts visuels, U. Laval
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