Mémoire portant sur la relation entre la prisonniérisation et la réinsertion sociale.
INTRODUCTION
L’adaptation ou non d’une personne dans son environnement social ainsi que dans le milieu au sein duquel on l’assigne est sous différentes conditions. Toutefois, il existe deux conditions nécessaire à la réussite de l’adaptation sociale, il s’agit de deux conditions totalement complémentaires et qu’il est important de prendre en compte à savoir, d’un côté, les opinions et les valeurs personnelles de l’individu ne doivent pas être en totale contradiction avec celles du milieu dans lequel il vit et d’un autre côté, il faut également que les valeurs qui véhiculent le milieu dans lequel justement l’individu se trouve ne soient pas en contradiction avec les attitudes et les valeurs profondes fondements de sa personnalité. Ainsi, une harmonisation parfaite se crée spontanément permettant à l’individu de s’adapter à son milieu. Cependant, les valeurs sont différentes d’une cadre à un autre, qu’il agisse de celles du milieu ou celles de l’individu en fonction des contextes de leurs fondements. Tel est par exemple le cas pour l’intégration sociale des détenues qui a été depuis longtemps le centre des recherches des différents spécialistes du comportement.
On ne peut nier le fait que la situation physique, psychologique et surtout sociale dans lequel les détenus se trouvent sont complexes, ce qui rend difficile l’étude de leur comportement ainsi que toute forme de généralisation. Les règles du milieu carcéral dans lequel le détenu se trouve sont devenues les premières références à l’intégration sociale. L’isolement, les conditions carcérales, les règles sociales formelles et informelles qui régissent les relations entre les détenus et avec le personnel sont autant de facteurs qui conditionnent les différentes formes d’adaptation carcérale donnant naissance à différents modes de processus d’intégration à l’image de la prisonniérisation, l’atomisation… .
Des processus d’intégration qui influencent d’une manière ou d’une autre la réinsertion sociale de chaque détenu. Le changement de valeur au cours de leur séjour en prison définie par le processus de prisonniérisation et est depuis toujours associé à de nombreux facteurs comme la durée de l’incarcération et l’univers carcéral. Quand à la réinsertion sociale, elle est également devenue une priorité politique et sociale avec la mise en place de différents programmes dans ce sens. Si la prisonniérisation, elle, se définit par des changements de valeurs, des refus, des rejets ou une forme de résistance ; la réinsertion sociale quant à elle, se traduit par la négociation, la coopération ou la participation. La relation entre la prisonniérisation et la réinsertion sociale semble être contradictoire, toutefois, elles ont des effets l’une sur l’autre.
Tel est le but de ce travail qui consiste particulièrement à montrer « la relation entre la prisonniérisation et la réinsertion sociale » en mettant en lumière les rôles de la réinsertion sociale en prison sur la prisonniérisation des détenus.
Afin de mieux comprendre le sujet, le travail est subdivisé en trois grandes parties aussi importantes les unes que les autres.
La première partie sera consacrée à l’étude de la prisonniérisation en débutant par un historique, suivi d’une définition ainsi que les différents facteurs et causes de la prisonniérisation et finalement sa mesure.
La deuxième partie quant à elle, se focalisera sur la réinsertion sociale notamment sa définition et ses objectifs. Elle sera par la suite définie selon les références légales, en mettant en avant les différents piliers qui la constituent et finalement les différents programmes et les voies de réinsertion sociale.
En ce qui concerne la troisième partie, elle se concentrera sur la relation entre la prisonniérisation et la réinsertion sociale en mettant en avant le fait que la réinsertion sociale en prison peut réduire les effets de la prisonniérisation sur les détenus. Dans cette partie sera de ce fait, mis en avant successivement les effets de la prisonniérisation sur les détenus, les effets de la réinsertion sur eux pour conclure avec la relation entre les deux processus. Au final, cette partie sera clôturée par une discussion et une synthèse justement sur la relation entre la prisonniérisation et la réinsertion sociale.
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA PRISONNIERISATION
- Historique
- Définition
- Les facteurs universels de prisonniérisation
- Les causes d’un haut degré de prisonniérisation
- Mesure de la prisonniérisation
- Analyses
- Résultats
DEUXIEME PARTIE : LA REINSERTION SOCIALE
- Définition
- Objectifs
- Cadre juridique
- Le développement de la réinsertion sociale
- Prison et réinsertion
- La réinsertion post-pénitentiaire
- Les piliers de la réinsertion sociale
- Le logement
- L’éducation
- L’emploi
TROISIEME PARTIE : la réinsertion sociale en prison peut réduire les effets de la prisonniérisation sur les détenus.
- Les effets de la prisonniérisation sur les détenus
- Les effets de la réinsertion sociale sur les détenus
- Relation entre réinsertion sociale et prisonniérisation
- Synthèse
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
PREMIERE PARTIE : LA PRISONNIERISATION
- Historique
Pour les personnes qui n’ont pas encore été face à l’univers carcéral, il est toujours difficile de déterminer avec exactitude le comportement des détenus à l’intérieur et à l’extérieur du prison. Toutefois, il est important de souligner que la peur du séjour en prison est pour la plupart des hommes un sentiment incontrôlé dès lors qu’elle s’associe à une privation totale de la liberté. Alors pour les individus qui se trouvent malheureusement dans cette situation, la perte de cette liberté et de s’intégrer dans un univers totalement inconnu entraine déjà une certaine hésitation et un recul qui conduit à un changement de la conception de la vie et surtout du comportement. A partir de là, le comportement des détenus peuvent varier dans un sens ou l’adaptation le choix entre l’adaptation, l’isolement ou la réforme fait pression. Dès lors où les détenus prennent positions sur le chemin et le côté qu’il va prendre, son comportement se trouvera ainsi façonné en fonction des règles informelles et formelles qui existent au sein de cet univers carcéral. De ce fait, chaque détenu faire un choix différent en fonction de ses convictions. C’est justement sur cette idéologie que les différentes recherches sur l’influence du milieu carcéral sur les détenus prennent leurs sources et s’orientent vers les différents facteurs qui conduisent aux différents changements de comportement qui est devenu un passage obligatoire pour les détenus pour survivre dans ce milieu. Parmi des chercheurs se trouve le spécialiste Donald Clemmer (1940) qui s’est fondé justement sur le changement de comportement des détenus au cours de son incarcération et décrivant le phénomène dans son ouvrage intitulé « The Prison Communauty » comme la « Prisonization »[1].
Ainsi, l’auteur qui s’est penché particulièrement sur l’influence du milieu carcéral sur l’individu (détenu) et dans une étude d’un établissement à sécurité maximale a mis en évidence les différents facteurs qui conduisent à la « prisonization » et notamment l’influence de la durée d’incarcération sur cette dernière. Le terme « Prisonniérisation » est né quelques années après et a été émis par Lemire en 1990 qui a repris les études de Clemmer sur le milieu carcéral.
Pourtant, bien que certains chercheurs ont repris les études de Clemmer comme base de leurs recherches, ce dernier a tout de même reçu quelques critiques du fait que son travail ne se basait essentiellement sur les résultats des facteurs universels de prisonniérisation en s’éloignant des leurs réelles origines. Cependant, bien que de nombreux chercheurs aient porté leurs critiques, les différentes recherches qui ont poursuivie ces dernières années n’ont fait en fin de compte que valider cette thèse de Clemmer mais en apportant seulement quelques lumières sur les écarts entre la socialisation et la culture en milieu carcéral.
Par ailleurs, les études récentes sur la question ont défini les différents facteurs de la prisonniérisation en les introduisant dans un contexte plus récent et surtout à travers différents milieux donnant naissance à de nombreux hypothèses mettant l’accent justement sur le rôle de chaque acteur et institution au sein de l’univers carcéral.
De plus le sujet reste délicat donnant une certaine difficulté aux chercheurs d’aboutir à des situations généralisées rendant ainsi les études incomplètes et peu nombreuses comme le montre Rizkalla (1973)[2] en stipulant que « quoi qu’il soit généralement admis dans les milieux intéressés que les longues peines d’emprisonnement ont des effets néfastes sur l’ensemble de la personnalité des détenus, il est frappant de constater que les recherches empiriques à ce sujet sont fort peu nombreuses et souvent contradictoires».
Outre la durée d’incarcération qui détient le rôle majeur dans la prisonniérisation, d’autres éléments structurels entrent également en jeu notamment la relation entre les détenus, la puissance des règles (formelles et informelles), les différences ethniques et la race, la place des pénitenciers, les sentiments psychologiques et sociales liées à la privation et à l’isolement… .
- Définition
Comme nous avons pu le voir dans le chapitre précédent, la prisonniérisation désigne « l’adaptation à un degré plus ou moins avancé, du folklore, des mœurs des coutumes et de la culture générale du pénitencier »[3]. Cette première définition est le fondement des différentes études postérieures concernant justement la socialisation carcérale et la privation de la liberté. Dans cette notion, il est important de noter que peu importe le temps qu’un détenu passe en prison, un changement de comportement sera toujours observé. Mais la durée du temps passé en prison est un facteur déterminant de ce changement qui va façonner au fil du temps les valeurs mêmes de l’individu, en fonction des normes, des croyances et des règlementations observées et vécus dans l’environnement des détenus. La prisonniérisation entre en jeu « pour désigner l’assimilation du détenu par le milieu carcéral ».
Outre le facteur temps, une fois que l’individu entre en milieu carcéral et s’intègre à son milieu selon ses propres convictions, il doit faire face à une toute autre vision de la vie en société et de la vie elle-même, complètement différente de celle qu’il avait auparavant où la liberté et le choix reste restreint. Devant à tout prix suivre une règlementation au préalablement mise en place sans aucune possibilité de refus, l’individu devient comme un immigrant qui entre dans un nouveau pays forcé de suivre les mœurs et les cultures et la lois qui régissent celui-ci pour pouvoir trouver un terrain d’entente et vivre ou survivre selon les cas tout en acquérant à la volée de nouvelles habitudes et de nouvelles valeurs façonnées justement à la vision imposée par la nouvelle vie. De la même manière, dès lors que l’individu revêt l’habit du détenu, il plonge dans un monde totalement inconnu et austère devant suivre les habitudes et forger une nouvelle personnalité en fonction de la réalité. Une personnalité qui est d’ailleurs susceptible de changer tout au long d’incarcération. C’est justement dans ce sens que Clemmer a défini les différents facteurs universels de prisonniérisation qui sont les influences possibles de changement de comportement des détenus.
Au sein de l’univers carcéral, cependant, le détenu peut prendre différentes directions. Soit il suit les règles pénitentiaires en développant avec les détenus une relation plus ou moins sans encombre et sans conflits avec pour la majorité des cas une forte soumission entre les codétenus ; soit il refuse de les suivre en se tournant vers une forme d’opposition ou de réforme pouvant aller jusqu’à entretenir une relation d’opposition solidaire avec les codétenus ; et finalement, soit il se tourne vers l’isolement en s’effaçant totalement de toute forme de vie communautaire. Bien évidemment dans cette dernière forme de comportement, le détenu essaie de devenir invisible tout en suivant les règles imposées et en évitant toute sorte de relation avec les codétenus qui peuvent engendrer des conflits. D’une manière ou d’une autre, les valeurs, les normes et les croyances se trouvent changés et bouleversés.
La prisonniérisation peut prendre différentes formes mais celle qui la caractérise le plus est l’opposition du détenu. En effet, pour ne pas trop être sous l’allégeance des règles pénitencier et donc du pouvoir du personnel pénitencier, certains détenus préfèrent entretenir une relation solidaire entre eux et mettre en place une règle et un code propre à leur relation. Il s’agit par exemple de l’existence de la hiérarchisation entre les détenus et de son acceptation, des codes de comportements ou de communication comme l’adoption du langage local ou l’argot de prison. La plupart du temps, les codes deviennent une sorte d’abri pour ne pas subir les règles de l’administration pénitentiaire.
Ce qui permet de reprendre la définition de Zingraff (1975) qui stipule que « la prisonniérisation est le degré d’assimilation à la contre-culture carcérale et le genre particulier de rôle social assumé par le détenu[4] ».
De la même manière cette nouvelle règlementation permet de consolider les liens entre les détenus, ce qui est justement une forme d’opposition solidaire. Déjà l’existence de ce code est caractéristique d’une opposition solidaire mais en plus le fait qu’un individu ait le choix de suivre librement ce code va à l’encontre de l’idéologie de la mise en place du milieu carcéral qui a pour objet de faire en sorte que les personnes détenues apprennent à suivre une règle stricte. Ces codes constituent de ce fait les facteurs de prisonniérisation universels évoqué par Clemmer.
- Les facteurs universels de prisonniérisation
Clemmer (1940) a été le premier a mettre en lumière cette notion de facteurs universels de prisonniérisation. En effet, se basant toujours sur le fait que quelques soient les raisons qui ont amenées un individu à intégrer une centre pénitencier et sans tenir compte de la durée de son passage dans ce milieu et l’endroit où il sera incarcéré, le détenu est toujours confronté à l’influence du milieu suite à de nombreux facteurs qui agiront directement ou indirectement sur le comportement et les valeurs personnelles du détenu. Ce sont justement ses facteurs que Clemmer appellent facteurs universels de prisonniérisation.
Les facteurs universels tels décrits par l’auteur sont divisés en quatre grands facteurs :
- Premièrement, il s’agit du « nouveau statut social ». Qu’il le veuille ou non, une fois qu’il a franchi l’univers carcéral, le détenu adopte immédiatement le statut social que l’administration lui impose. Il va faire partie d’un groupe de personnes dominées par qui n’aura aucun droit particulier et sera considéré comme un individu comme tout autre peut importe ses peines. De la même manière, il lui baignera dans un anonymat total et se confondra à la masse, constituée de plusieurs centaines ou de milliers de détenus, notamment en perdant son identité puisque son nom sera changé en numéro et désormais il sera habillé comme tous les autres détenus. Une politique qui va lui priver de sa liberté de la plus petite décision à la plus importante puisqu’à partir de cet instant, à chaque moment de la vie, il sera observé, questionné, et surveillé. Et comme tous les codétenus, il va devoir s’assigner aux règlements de l’administration pénitentiaire et surtout se rendre compte de la toute-puissance du personnel pénitencier et notamment du Directeur.
- Deuxièmement, il s’agit de « nouvelles habitudes de vie ». Comme nous l’avons dit plus haut, le détenu change complètement de cadre de vie et puisqu’il se trouve dans un environnement différent de ce qu’il a vécu jusqu’ici, il doit faire face à de nombreux changements notamment au niveau des habitudes de la vie quotidienne. Tout dans son mode de vie change, le fait de s’habiller avec une tenue imposée, le fait dormir dans une cellule seule ou avec d’autres détenus, le fait de manger seule ou dans une cafétéria toujours à la même table en compagnie d’autres prisonniers sans aucune intimité et très bruyant, les déplacement règlementés et limités à des heures fixes et dont les portes seront ouvertes par des pénitenciers, et surtout le fait de parler avec un langage carcéral complètement différent de ce qu’il utilisait auparavant ou tout aussi limité.
- Troisièmement, il s’agit de « l’hostilité permanent de l’environnement». En effet, il est important de souligner le fait que les centres pénitenciers constituent aujourd’hui un milieu favorisé par la violence. Dans certains milieux carcéraux cette violence fait partie de la vie quotidienne des détenus qu’il s’agisse d’une violence physique de toute forme ou qu’il s’agisse d’une violence mentale et psychologique. C’est pour cette raison qu’il constitue un facteur de prisonniérisation puisqu’il touche directement et quotidiennement le détenu qui ne peut faire confiance à personne et qui doit être en permanence sur ses gardes. Dans ce cas lorsque la violence est présente en permanence le fait de se trouver sous le code des détenus ne constitue plus un abri fiable puisque les choses peuvent changer à tout moment. L’univers carcéral est un monde incertain qui revêtir de nombreuses formes et surtout qui n’est que partiellement contrôlable. Bien qu’il se trouve entre quatre murs à l’abri des dangers du monde extérieur, le monde dans lequel il se trouve est tout aussi dangereux.
- Finalement, il s’agit de « la volonté de s’en sortir le plus vite ». La plupart des détenus face aux difficultés qu’ils rencontrent dans ce milieu et surtout en se rendant compte de la valeur de la liberté qu’ils ont perdue, prennent comme objectif d’en finir le plus vite possible et adoptent des comportements plus ou moins passifs en évitant à tout prix les problèmes qui pourront les enfoncer encore plus. Pour y arriver, certains détenus optent pour différentes approches dont principalement le fait de « faire son temps » sans encombre en évitant autant que possible toute forme de conflits. D’autres préfèrent en profiter aux mieux en se concentrant sur l’emploi qu’ils occupent qui leur procurent plus d’avantages et surtout leur permettant de se concentrer sur d’autres choses plus positives et d’oublier le temps.
Selon Clemmer, les facteurs universels sont visibles dans la majorité des centres pénitenciers du monde et notamment ceux de la France. Le monde est conscient de la difficulté de vivre dans ce genre d’endroit et dans certains cas, il s’agit de « survie » étant donné le danger auquel le détenu fait face en permanence. Le danger dont il est question ici ne concerne pas seulement l’atteinte physique mais il s’agit également de l’atteinte morale et psychologique qui est aujourd’hui un facteur important qu’il ne faut pas négliger. Ceci étant, l’un des plus grands facteurs de prisonniérisation est bien entendu le fossé entre les détenus et l’Administration pénitentiaire qui est ici représentée par les agents pénitenciers.
Par ailleurs, ce qui favorise la prisonniérisation n’est pas la différence du milieu carcéral avec le monde extérieur, mais c’est plutôt du fait que ce monde carcéral n’est pas seulement différent car il est en plus rejeté et constitue un monde où les détenus sont complètement isolés de toute forme de relation sociale avec le monde extérieur, isolés de la collectivité.
- Les causes d’un haut degré de prisonniérisation
Bien que les facteurs mentionnés ci-dessus soient dits universels, il est important de souligner que le fait que chaque individu soit différent en termes de valeurs et de personnalité rend difficile la généralisation et l’universalisation des dits facteurs. En effet, Clemmer bien qu’il soit lui-même auteur des facteurs universels a reconnus l’identification d’autres éléments qui doivent être pris en compte et qui sont directement ou indirectement influent sur le comportement des détenus. Pour donner plus d’explication à ses propos, l’auteur a mis en avant d’autres facteurs qui cette fois-ci ne seraient pas universels mais varient pour chaque individu aboutissant par la suite à la variation du degré de prisonniérisation pour chaque détenu. Ses études lui ont cependant permis d’émettre différents facteurs amenant à un plus haut degré de prisonniérisation.
Parmi ces facteurs figure en premier lieu la durée d’incarcération du détenu. En effet, plus le détenu passe du temps en prison, plus il devient favorable à l’influence du milieu carcéral. De cette manière, le temps d’exposition aux facteurs universels énumérés ci-dessus se prolonge avec le prolongement du temps d’emprisonnement. Et il arrive même que le degré de prisonniérisation d’un détenu qui se trouvait au début de son séjour à un degré plus ou moins bas pourrait augmenter au fur et à mesure que le détenu passe du temps en prison.
De la même manière, la personnalité de chaque détenu, plus précisément l’instabilité de la personnalité est également une cause de cette forte prisonniérisation. La majorité des détenus qui succombent à l’influence carcérale et notamment les plus vulnérables sont ceux qui ont une personnalité instable. Du fait que ces derniers ne soient pas en total harmonie avec la vie associative et présentant quelques écarts lors de sa vie antérieure trouvaient en la société carcérale un autre monde qui pouvait répondre à leurs attentes. Ils deviennent de ce fait plus favorables que les autres détenus et engendrent par conséquent un haut degré de prisonniérisation.
Outre la personnalité, l’isolement complet du détenu constitue un facteur favorisant la prisonniérisation. Pour les personnes qui se trouvent dans une situation d’isolement et qui ne sont peu ou plus en relation avec le monde extérieur se sentent délaissées et trouvent refuge auprès de l’univers carcéral. Ces personnes choisissent délibérément de s’adapter à la vie carcérale et surtout aux règles le plus souvent informelles pour chercher un minimum de réconfort auprès des autres détenus favorisant de ce fait le développement de la prisonniérisation. Le détenu qui se trouve dans ce genre de cas s’accroche au code de la prison en manifestant une réelle volonté à intégrer un groupe primaire. C’est également dans cette même catégorie que l’on peut associer d’autres facteurs causant un haut degré de prisonniérisation des détenus dont l’adhésion aveugle à la culture carcérale et surtout la recherche des détenus suivant les mêmes valeurs et ayant les mêmes orientations.
Au final, se trouve le dernier facteur de haut degré de prisonniérisation qui est le manque d’occupation observé au sein des prisons. En effet, force est de constater que malgré les efforts que chaque administration tente d’intégrer dans leurs programmes pour les activités dans les prisons, ces dernières ne sont pas encore suffisantes et pour « passer le temps » dit-on ou justement pour donner un peu de piquant à un quotidien monotone, tout peut devenir l’objet d’un jeu de hasard et aux jeux sexuels du milieu. La volonté du détenu à s’attarder sur ce genre d’activités est également considérée comme un facteur conduisant au développement de la prisonniérisation.
Pour conclure, tous ces facteurs constituent les principaux caractéristiques d’un individu qui peut être le plus influencé par le milieu carcéral. Il va de soit donc que les personnes qui ne subissent pas la prisonniérisation ne présentent pas toutes ces caractéristiques. Ce qui permet de dire qu’une personne qui passe peu de temps en prison et qui a une personnalité stable et qui malgré son séjour dans le centre de détention garde un contact permanent avec ses proches et le monde extérieur, qui ne se trouve dons pas en situation d’isolement complet ne sera pas ou peu influencé par le milieu carcéral. Toutefois, étant donné que ce degré de prisonniérisation est différent pour chaque individu, certains chercheurs ont proposé de la mesurer en fonction justement de tous ces facteurs.
- Mesure de la prisonniérisation
- Analyses
Considérant tous ces facteurs de prisonniérisation, qu’ils soient universels ou individuels, émis précédemment par Clemmer (1940), de nombreux chercheurs ont tenté d’affiner le concept en émettant différentes hypothèses et analyses permettant de la mesurer. Parmi des chercheurs se trouve Wheeler (1961) qui a considéré d’autres éléments pour avancer son approche. En effet, outre le temps passé en prison, le chercheur prend également en compte le temps qui reste pour le détenu à passer en prison. Selon Merton, il s’agit de la « socialisation anticipatoire » (Wheeler 1961). Supposant le fait que la considération du temps restant pour le détenu est également un facteur de prisonniérisation. Plus le temps restant à écouler pour un détenu en prison reste encore important, plus ses motivations et sa personnalité vont devenir favorable au milieu carcéral. Au contraire, l’approche de la fin de l’incarcération peut amener un détenu vers un changement de regard et surtout à s’éloigner de la prisonniérisation. Ainsi la perspective de retrouver la liberté et le retour en société est un facteur important de l’assimilation d’un détenu dans le milieu carcéral.
Pour ses recherches, Wheeler a procédé à une approche par une enquête auprès de détenus et des employés des centres de détentions. Il s’agit de présenter à l’échantillon un questionnaire mettant en avant les différentes situations conflictuelles qui peuvent se présenter dans leur environnement[5]. Chaque individu enquêté devait donc répondre en suivant une échelle allant l’accord à un désaccord total pour chaque situation du questionnaire.
- Résultats
Ses études ont permis de donner des résultats se présentant à différentes échelles concernant la mesure de la prisonniérisation. Cependant, les premiers résultats constatés concernent le désaccord entre les réponses des détenus les plus prisonnisés avec ceux des pénitenciers. Cette constatation a pu aboutir grâce à l’analyse de certaines situations reflétées par les questionnaires. Tel est le cas par exemple pour les réponses des détenus sur leurs relations avec les pénitenciers notamment en ce qui concerne leurs positions concernant les sanctions émises par les pénitenciers pour des comportements disciplinaires. Pour trois détenus qui ont été questionné seul le troisième a réagi positivement à la situation en défendant les causes du pénitencier qui ne faisait donc que son devoir à ce moment là. Ce genre de réaction a permis d’aboutir à deux hypothèses suivantes notamment d’une part au niveau de l’écart de relation des pénitenciers avec certains détenus qui influençait pour beaucoup sur le comportement et la position des détenus et d’autre part, cette différence d’opinion allant de l’accord vers le désaccord est considéré comme une indice de mesure de prisonniérisation.
Dans son analyse, Wheeler reprend également l’hypothèse initiale de Clemmer en se basant sur le temps passé en prison pour mesurer la prisonniérisation. En effet, ses études ont permi de voir que comme l’a évoqué Clemmer, plus un détenu passe du temps en prison, plus il est susceptible à la prisonniérisation et plus il le temps avance, plus le degré de prisonniérisation augmente. En reprenant toujours la relation des détenus avec les pénitenciers, les résultats des recherches ont montré l’effet de la durée d’incarcération sur l’assimilation du milieu carcérale par le détenu. En d’autres termes, ces résultats indiquent que « la durée de l’incarcération a pour effet la diminution de la conformité des valeurs des détenus avec celles du personnel : dans le cas de la conformité élevée, si le pourcentage atteint les 47% durant les six premiers mois, il diminue de 16% après deux ans. A l’inverse, la faible conformité augmente avec le temps[6] ». De plus, ces recherches ont également permis de connaitre les situations et les sentiments initiaux des détenus vers leur orientation ou non vers la prisonniérisation. En effet, selon le chercheur, les six premiers mois de détention constituent pour e détenu la phase de recherche et d’assimilation pendant laquelle les valeurs et les normes se chevauchent à l’issue de laquelle le détenu fait son choix justement sur la prisonniérisation ou non. C’est également pendant cette période que l’on peut mesurer le degré initial de prisonniérisation de l’individu permettant de voir son évolution au cours de la période d’incarcération.
Dans la dernière partie de son étude, Wheeler a également considéré le temps restant à passer en prison pour le détenu. La perspective de retour à une vie sociale active et la libération sont des facteurs importants. Les mises en situations dans ce contexte ont permis de distinguer dans un premier les trois phases de l’incarcération du détenu dont une phase initiale qui est constituée par les six premiers mois de détention, la phase centrale qui va débuter à la fin des six premiers mois et finalement la phase terminale qui constituent les six derniers mois avant la libération. La mise en place de ces différentes phases a mis l’accent sur l’évolution du degré de prisonniérisation au cours de chaque phase. Tel est le cas décrit précédemment, les six premiers mois constituent la phase de découverte où le degré de prisonniérisation de chaque détenu est découvert et se place dans une échelle. Par la suite, c’est dans la seconde phase que ce degré s’affirme ou change en fonction des réalités en milieu carcéral. Rappelons que plus la durée de cette phase est importante plus le degré de prisonniérisation peut augmenter. Et finalement, la troisième phase constitue une phase décisive au cours de laquelle soit d’une part, le détenu à l’issu d’une perspective de libération choisit de s’orienter vers des objectifs visant à une possibilité de retour vers la culture sociale extérieure mettant tout en œuvre pour y arriver (par exemple en profitant le plus possible des avantages offertes par son emploi au sein du prison et en évitant toute sorte de conflits) ; soit il se renferme vers l’univers carcéral refusant de se confronter de nouveau au monde extérieur, cherchant à maintenir le réconfort qu’il a retrouvé auprès des codétenus augmentant ainsi son degré de prisonniérisation. Pour l’un comme pour l’autre, quelque soit le degré de prisonniérisation rencontré, celle-ci aura toujours une influence (positive ou négative) sur la réinsertion sociale de ce dernier lors de sa libération.
DEUXIEME PARTIE : LA REINSERTION SOCIALE
- Définition
Pour mettre en lumière la notion de réinsertion sociale et l’introduire dans l’univers carcéral, il est primordial d’en dégager quelques éléments de définition. Le terme réinsertion étant pourtant très courant, sons sens reste encore assez inconnu de la plupart des gens de nos jours. Si l’on se réfère au sens du mot « réinsertion », il est issu du mot « insérer » qui signifie « intégrer une personne dans un milieu donné[7] ». ‘Par cette définition, pour qu’une personne puisse être réinséré dans un milieu donné, il faut qu’elle ait déjà été antérieurement inséré dans ce même milieu et dans notre cas, il s’agit d’un domaine très délicat qui concerne le « social ». Définir la réinsertion sociale réside donc une tâche assez floue à partir du moment où la définition de l’ « insertion sociale » est jusqu’à aujourd’hui très subjective et qui est en étroite relation avec un passé ou un vécu et principalement une perception individuelle. Les caractéristiques qui permettent de dire qu’une personne est intégrée ou non dans une société sont très nombreuses pour ne citer par exemple que le niveau d’instruction, la mobilité, l’appartenance ou non aux réseaux de protection sociale … .
Par ailleurs, les nombreuses recherches sur le milieu carcéral ont permis de définir la « réinsertion sociale » comme étant principalement « l’appui donné aux délinquants au moment de leur retour à la société après une période d’incarcération »[8]. Ceci étant caractérisé par une reprise quotidienne de la vie active et une relation sociale et associative stable. En d’autres termes, pour les anciens détenus dont la majorité en France sont désaffilié socialement[9] il s’agit d’une action à la base et ne consiste pas seulement à refamiliariser les détenus avec la vie sociale extérieure mais surtout leur apprendre cette vie en société, la vie avec autrui marqué par le retour de la liberté.
Dans ce sens, la réinsertion sociale peut donc d’une part revêtir plusieurs formes comme la réinsertion culturelle et la réinsertion professionnelle et d’autre part est non seulement de la responsabilité des institutions qui l’introduisent dans les différents programmes nationaux et internationaux mais également de celle des membres de sa famille en termes de soutien. Les acteurs de la réinsertion sociale sont multiples mais quel que soit les efforts fournis par les familles et les institutions, la réussite ou non de la réinsertion d’un détenu revient principalement aux personnes, quel que soit leurs statuts, qui constituent son environnement social et professionnel lors de sa sortie de prison.
- Objectifs
Les objectifs de la réinsertion sociale sont multiples. Toutefois, Ces objectifs sont à priori contradictoires avec l’esprit de la prison qui mise sur l’isolement et le renfermement et dont le principe vise à éloigner les personnes détenus de toutes formes de société antérieure.
C’est justement cette situation qui va rendre difficile la réinsertion sociale et qui va orienter son objectif principal à la lutte contre la récidive. C’est dans cet esprit que va se mettre en place les différents programmes de réinsertion sociale dont l’objectif étant d’agir dès le début de l’incarcération. Car rappelons que dans la plupart des cas, dans leurs vies antérieures les détenus ont eut quelques écarts justement avec la culture collective qui leur a valu leur séjour en prison. Il s’agit donc de concilier l’esprit de la prison avec la réinsertion sociale et c’est dans ce sens que les différents objectifs sont traduits en actions notamment pour faciliter la mise en place de la réinsertion sociale.
Par la suite, l’objectif de la réinsertion sociale devient la diminution du temps passé en prison appuyé par un système judiciaire allant dans ce sens comme l’indiquent les représentants des Nations Unies dans leurs études concernant la réinsertion sociale stipulant que « dans ce sens plus vaste, la réinsertion sociale des délinquants vise également les efforts déployés dès après l’arrestation pour soustraire les intéressés au système de justice pénale et les faire condamner de préférence à une peine de substitution – dont, par exemple, la justice réparatrice ou un traitement adapté. Il s’agit d’appliquer des sanctions de substitution plutôt que de condamner les délinquants à une peine de prison, chaque fois que cela est possible, facilitant ainsi la réinsertion sociale au sein de la communauté, plutôt que de soumettre inutilement les délinquants aux effets délétères et désocialisants de l’incarcération[10]». De la même manière, cette rubrique concerna également la réinsertion post-pénitentiaire renvoyant à une possibilité de liberté conditionnelle qui constitue une période transitive planifiée pour se préparer progressivement au monde extérieur.
Finalement, la réinsertion sociale vise également à un accompagnement moral, éducatif et personnel du détenu pour le préparer au mieux à la reprise de la vie en société lors de sa sortie de prison. Il s’agit de donner aux détenus les moyens (professionnel, éducatif et culturel) d’accéder facilement à cette forme de vie future en introduisant justement certains de ses éléments constitutifs à l’intérieur de la prison comme le recours à l’emploi, les loisirs, les différentes activités éducatives et culturelles … . Par ailleurs, les programmes mis en place dans ce sens visent également à prévoir le récidive en mettant en incluant des programmes exposant des problèmes relatifs à la vie quotidienne notamment différentes formes de violences (physique, morale et psychique), la toxicomanie … en d’autres termes les facteurs qui peuvent être des éléments déviant. En plus, des programmes visent à mettre directement les détenus face au monde dans lequel il va s’intégrer dans le futur par l’intermédiaire des régimes sous-couverts et des congés dont les permissions de sortie. De cette manière, le détenu se prépare en s’adaptant progressivement au genre de vie auquel il va faire face. En font également partie de ces objectifs, le retour à une relation avec autrui qui va d’ailleurs commencer par le renforcement de la relation entre détenus et pénitenciers. Une relation qui s’avère être un problème majeur de tous les centres pénitenciers depuis toujours. Il sera alors plus facile pour les détenus, une fois cet obstacle contourné, d’envisager toute autre relation avec les personnes extérieures. Cependant, le fait d’entretenir une relation avec la famille constitue également une force pour les détenus facilitant les autres relations gardant entretenant ici un esprit de continuité et d’habitude.
- Cadre juridique
La réinsertion sociale est depuis plusieurs années inscrite parmi les priorités des organisations internationales et nationales.
Au niveau international, les organismes ont mis en place de nombreux instruments relatifs justement à l’incarcération et des règles visant à la réinsertion sociale. Ces instruments ont été cependant élaborés tout en maintenant l’idéologie d’une réinsertion sociale pendant la période d’incarcération et dès la sortie de prison. Il s’agit par exemple de l’article 10.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques relatif à l’amendement et le reclassement social des condamnés. De même, l’Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement de détenus (ERM) relative aux buts et à la finalité des peines et des mesures privatives de liberté dont la Règle n°58 stipule que « le but et la raison d’être des peines et mesures privatives de liberté sont en définitive la protection de la société contre le crime et qu’un tel but ne sera atteint que si la période de privation de liberté est mise à profit pour obtenir, dans toute la mesure du possible, que le délinquant, une fois libéré, soit non seulement désireux, mais aussi capable, de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses besoins » ; ainsi que les Règles n°56 à 64 de ce même document portant sur la notion de sécurité, classement, soins et réadaptation.
Il existe cependant à l’échelle internationale, différentes références légales sur lesquelles se basent les programmes de réinsertion sociale, outre ceux déjà mentionnés ci-dessus :
- Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (règle de Beijing, 1958)
- Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo, 1990)
- Manuels de l’ONUDC sur les peines de substitution à l’emprisonnement et la justice réparatrice
- Textes mentionnant les recommandations du Comité des ministres du Conseil de l’Europe
Au niveau national également, la réinsertion sociale est inscrite dans le registre de l’Institution à travers quelques références légales et notamment celle relative à l’action sociale et médico-sociale. La loi du 2 janvier 2002 rénovant justement l’action sociale et médico-sociale est la base de la création des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Social ou les CHRS qui prennent en main les anciens délinquants. De la même manière, des ateliers et des conférences sur la récidive et la situation des anciens détenus ont été mis en place depuis quelques années. La plupart d’entre eux est issue d’une volonté gouvernementale comme le cas de la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive qui s’est déroulé en septembre 2012. Cette conférence a été sous la tutelle de la Ministre de la justice qui a également mis en place une Comité d’organisation de la conférence. La Comité qui se penchera en profondeur sur la question de la dangerosité et de la récidive et elle est également responsable de la synthèse. Ce sera donc à l’issu de cette Conférence et notamment des résultats d’analyse du jury que les décisions du gouvernement se basera pour l’élaboration des objectifs de réinsertion sociale et des programmes y afférents.
- Le développement de la réinsertion sociale
Dans les chapitres précédents, la portée de la réinsertion sociale a été mise en place. Dans le but de mettre en lumière cette notion, il est important de souligner les différentes étapes de cette réinsertion qui comme nous l’avons déjà évoqué ne se limite pas seulement à l’adaptation lors de la sortie de prison puisqu’elle commence généralement dès l’incarcération du détenu. L’idéologie derrière la création de la prison a connu des changements au cours des années et de la même manière, les missions de la réinsertion sociale qui sont en fonction justement de cette idéologie suivent forcément la tendance en se développant. Ce développement met en action tous les acteurs dans l’environnement du détenu à commencer par la prison jusqu’à son environnement professionnel et personnel à sa sortie. Pour que ce développement soit de ce fait visible et efficace il est important qu’il touche principalement l’organisation actuelle qui doit reconnaitre l’existence des écarts entre la réalité carcérale et post-carcérale et l’idéal démocratique mis en place.
- Prison et Réinsertion sociale
La place de la prison ainsi que l’idéologie de sa création sont le reflet d’un système judiciaire démocratique inculqué par les gouvernements successifs. La perception de cette idéologie a pourtant été source de débats entre les acteurs sociaux qui tentent de la relier aux différentes actions sociales étant donné le fait que le milieu carcéral est compris dans la liste de leurs priorités. En effet, du fait que la prison bien qu’elle soit conçue dans un esprit de correction et d’apprentissage à travers la conscientisation est devenu un milieu caractéristique de l’isolement social. Elle n’est de ce fait guère propice à la réinsertion sociale. Certains sociologues se sont donc centré sur la question notamment la relation qui peut exister entre la prison et le développement social à l’image du chercheur Philippe Combessie qui met en avant justement à travers une analyse au cours des années sur le développement du rôle de la prison. C’est dans son ouvrage intitulé « Sociologie de la prison [11]» qu’il démontre l’idéologie initiale de la prison qui est l’enfermement pour régler les risques sociaux. Le concept a dans un premier temps été conçu pour régler le développement important des villes et à l’époque il a été pour les autorités compétentes le moyen le plus rassurant (démocratique et humanitaire) pour garder une certaine notoriété. Toutefois, les conditions de vie dans les prisons ainsi que la conception de la notion d’enfermement et d’isolement social qu’elle engendre devient pesant pour la société et contradictoire justement à l’esprit démocratique. Cette notion est caractérisée par d’autres chercheurs comme Rostaing[12] et Goffman[13] qui introduisent la notion d’« institution totale » pour qualifier la prison.
Ainsi, l’image associée à la prison reste l’enfermement et la désocialisation. Cela étant, le système judiciaire ne pouvant complètement être changé, ce sera donc à la société de s’y adapter et de trouver des moyens efficaces pour que les détenus ne soient plus entièrement effacés socialement. Pour ce faire, il est important de réduire les effets délétères de la prison sur les détenus et en d’autres termes de prévoir la réinsertion dès le début de l’incarcération. Ceci étant appuyé par les ERM pour le traitement des détenus définis par les Nations Unies. Tous les éléments facilitant cette réinsertion sociale au sein des prisons doivent être pris en compte pour garantir sa réussite. Il s’agit par exemple de la régulation et l’amélioration des relations entre les détenus et le personnel, la possibilité de relation avec le monde extérieur pour maintenir les relations existantes et garder en tête ce qui se passe par-dessus les murs. Egalement inscrit dans les règles de l’ONU : « L’atmosphère de la prison, les relations entre prisonniers et personnel, l’ouverture de la prison sur le monde extérieur, l’attitude envers les mesures de sécurité, les soins de santé, les services d’aide psychologique, l’accès à l’éducation, à la formation professionnelle, au travail, aux loisirs et aux sports sont autant de facteurs qui influent sur la réinsertion des délinquants dans la société[14]».
Ainsi le gouvernement a de son côté pris les dispositions relatives à la bonne réussite de la réinsertion sociale en mettant en place des programmes spécifiques et notamment avec la mise en place des SPIP ou Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation qui ont été crées en 1999. Ces institutions ont un double objectif dont outre la réussite de la réinsertion sociale, celle de la réduction des effets désocialisants de l’incarcération. Les missions de la SPIP sont principalement axées vers le développement socio-culturel en proposant des projets et des activités allant dans ce sens. Ces projets étant élaborés en collaboration avec les centres pénitenciers dont les objectifs seront fixés en fonction des besoins de chaque centre en termes d’animation culturelle. C’est à travers le SPIP que le partenariat entre tous les acteurs publics et privés de la réinsertion sociale se développe et crée une ouverture et une possibilité de retour facile aux détenus vers la société.
- La réinsertion post-pénitentiaire
La réinsertion sociale post-pénitentiaire, autrement dit lors de la sortie de prison, consiste principalement à aider l’ancien détenu à s’intégrer dans un environnement social qui est très différents de ce qu’il a vu en prison. Certes, avant son incarcération, l’ancien détenu a déjà fait face et vécu dans ce genre de société, toutefois, pendant qu’il est resté en prison, la société lui a évolué. Et plus le temps passé en milieu carcéral est important plus il sera difficile pour l’ancien détenu de s’ouvrir vers ce nouveau monde. Il leur faudra quelques mois pour s’y adapter vu le nombre de démarches qu’il doit encore établir pour y arriver. Il s’agit par exemple de retisser des liens avec la famille, de retrouver un logement, un emploi et de également d’atteindre une certaine autonomie. Cette multitude de tâche pourrait s’avéré être un grand obstacle pour lui qui d’autant plus est subit une forte pression psychologique le rendant manifestement très vulnérable à la récidive.
C’est justement dans ce sens que se place la réinsertion sociale qui va constituer un soutien et une aide efficace pour diminuer le risque de récidive. Il est alors du devoir de la société elle-même (les services de probation, la société civile et le grand public) de donner une opportunité à ce genre de personne de se réinventer une vie complètement différente de ce qu’il avait auparavant, une vie meilleure, pleine de perspectives et surtout positive. Ceci étant appuyé par la Règle n° 64 de l’ERM qui stipule que « Le devoir de la société ne cesse pas à la libération d’un détenu. Il faudrait donc disposer d’organismes gouvernementaux ou privés capables d’apporter au détenu libéré une aide post pénitentiaire efficace, tendant à diminuer les préjugés à son égard et lui permettant de se reclasser dans la communauté ».
Au sein de l’univers post-pénitentiaire, toutes les catégories de personnes inscrites dans la société jouent un rôle précis dans la réinsertion sociale. L’Institution par le système judiciaire favorise l’accès à la vie sociale des détenus en diminuant leurs peines en fonction des différentes dispositions post-pénitentiaire inscrites dans un régime de libération anticipée comme la possibilité de liberté conditionnelle et la remise en peine. La société civile quant à elle à travers les différentes associations et les groupes communautaires peuvent offrir des aides en termes de logement, d’emploi ou d’éducation. Quant au grand public, son rôle étant tout d’abord d’éloigner la mauvaise image qu’ils ont de détenus en leur apportant les aides dont ils ont besoin et ce dans tous les domaines possibles. Ceci étant, il est également de la responsabilité des autorités compétentes de sensibiliser le grand public pour effacer cette image négative étant donné le fait que peu importe les crimes dont les détenus sont accusés, une fois qu’ils sont sortis de prison, ils sont considéré comme ayant déjà payé leurs dettes à la société et méritent d’avoir une deuxième chance.
- Les piliers de la réinsertion sociale
La réussite ou non de la réinsertion sociale dépend entièrement de la volonté de chacun de réintégrer justement les détenus au sein de la société qui sont considéré comme des personnes en difficultés une fois hors de la prison. Pour cela, nombreux programmes et les mesures prises pour y arriver, notamment au niveau de l’Institution à travers les programmes de réinsertion sociale mis en place dans les prisons et en dehors des prisons. Que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, la portée de la réinsertion sociale reste la même et il s’agit de la lutte contre le récidive une fois face au monde extérieur. Il va de pair que le programme de réinsertion mise en place dans les prisons se poursuit à l’extérieur notamment relatif aux grands obstacles que les détenus peuvent rencontrer dans l’environnement post-pénitentiaire. Contourner ses obstacles constitue donc les piliers de la réussite de la réinsertion sociale. Il existe trois piliers de la réinsertion sociale dont le logement, l’éducation et l’emploi.
- Le logement
Certes, le logement en lui-même ne constitue pas un problème pour les détenus sauf s’il s’agit du manque de confort que l’espace restreint de la cellule leur procure. Le problème de logement ne se pose donc à priori que lors de la sortie de prison. La plupart des détenus, avant leur incarcération, principalement ceux qui ont purgé une peine assez longue sont totalement démunis des leurs biens antérieurs, y compris le logement. Il est de ce fait important de prévoir un logement pour le jour de la sortie. Ceux qui n’ont pas de familles ou qui sont rejetés par ces derniers se trouvent donc à un obstacle de taille qui pourrait remettre en question les principes qu’ils ont forgé en ce qui concerne la liberté. Le risque de récidive pour ceux qui n’ont pas d’endroit où aller est très élevé par rapport aux autres cas puisque ces derniers ne trouvant pas le confort et le réconfort qu’ils cherchent à travers un foyer regrettent leur cellule. A force d’errer et de passer de statut de délinquant à sans abri, certains anciens-détenus succombent à la récidive (délibérément ou indélibérément) justement pour y retourner. C’est pour empêcher la récidive causée par ce genre de situation que certaines associations et groupes communautaires de la société civile en collaboration avec le gouvernement œuvrent continuellement. Pour cela, ils mettent en place des centres pour les héberger à l’image des CHRS partout en France.
- L’éducation
L’éducation en prison peut prendre de nombreuses formes. D’une part, elle concerne la base de l’éducation elle-même en luttant contre le déficit scolaire en prison. En effet, comme nous avons pu le constater, le taux de défiliation sociale des détenus dans les prisons est très important compte tenu du faible niveau de scolarisation de la majorité d’entre eux. L’objectif principal de la réinsertion sociale touche directement ce système en proposant aux détenus des formations initiales dans différents domaines et qui seront validées par des diplômes de l’Education Nationale. Cette initiative est issue d’une convention entre le Ministère de la justice et celui de l’Education Nationale en 1995 donnant naissance à la mise en place Unités Pédagogiques Régionales (URP) qui dispensent des cours pour cette formation initiale en focntion de la demande des détenus. Cependant, on constate que les demandes pour ce genre de système est très faible du fait du manque de motivation des détenus qui pour la plupart ne jugent pas utiles de se projeter dans une longue formation scolaire. Ils préfèrent donc s’orienter vers des formations professionnelles et on constate une forte concentration de la demande vers cette perspective c’est pour cette raison que le Ministère de l’emploi et de la solidarité offre des formations dans ce sens qui en plus d’être de durée moins importante et ne portant que sur des éléments essentiels sont en plus rémunérés.
D’autre part, l’éducation dans les prisons ne se limite pas à la scolarisation car elle englobe également différents domaines et notamment à travers les actions socio-culturelles et artistiques. Ce programme faisant partie de la priorité dans les prisons étant donné le fait que c’est à travers la culture que l’on peut voir les différentes formes sociales qui existent. Elles peuvent cependant prendre différentes formes dont des séances d’informations et de sensibilisant touchant de nombreux domaines, des activités pour renforcer les connaissances des détenus touchant également différents domaines comme le secourisme ou l’informatique et finalement des séances de mises en pratiques à travers différentes activités artistiques et culturelles comme le théâtre, la musique, les arts plastiques … .
- L’emploi
Le troisième pilier de la réinsertion sociale concerne l’emploi. Dedans comme en dehors de la prison, l’accès à l’emploi constitue le principal atout pour les détenus dans sa course pour réapprendre à vivre en société. En effet, l’emploi en elle-même peut revêtir deux formes différentes qu’il soit à l’intérieur de la prison où il est qualifié de travail et à l’extérieur il gardera le nom d’emploi.
En ce qui concerne le « travail » en prison, malgré le fait que le travail n’est plus obligatoire dans les centres pénitenciers depuis 1987, le nombre de détenu qui y participent augmente de plus en plus. Le choix de ses derniers reposent sur la triple perspective que leur offre le travail dont premièrement l’apprentissage d’une vie professionnelle qu’il peuvent poursuivre une fois hors de la prison ; ensuite la rémunération qui est certes minime mais qui leur procure tout même une certaine assurance et une autonomie pour répondre à certains de leurs besoins en prison et une fois à l’extérieur et finalement la possibilité de « passer le temps » et d’être occupé le plus longtemps possible pour ne pas se focaliser justement sur la situation relative à l’incarcération. Il existe cependant trois formes de travail en prison dont le « service général » concernant les activités pour le fonctionnement de l’établissement pénitencier et l’amélioration du cadre de vie carcéral, « la main d’œuvre pénale » qui travaille pour la RIEP (Régie Industrielle des Etablissements Pénitenciers) dans des missions du secteur public et privé et en fin « le travail en concession » qui consiste à faire participer les détenus dans des entreprises compétents pour les employer en tant que détenus.
En ce qui concerne « l’emploi » une fois hors de la prison, il consiste également une forme de la réinsertion sociale qui est encore source de la majorité des récidives. En effet, la stigmatisation des détenus est omniprésente dans le monde professionnel. Nombreux sont ceux qui refusent d’intégrer des anciens détenus dans leur univers en gardant en tête les menaces qu’ils représentent pour la société. C’est justement ce genre de discrimination qui rend favorable les récidives des détenus qui se sentent encore une fois rejetés et déçus de ce monde qu’ils attendaient impatiemment de redécouvrir et dont les vertus ont été maintes fois répétés en prison. Donner accès aux détenus à l’emploi signifie une volonté de réinsertion de la part de la communauté et de la part des anciens détenus. Selon les différentes recherches sur lesquelles se fondent certaines associations de réhabilitation sociale : « l’occupation d’un emploi : – implique un important investissement du temps au quotidien ; – développe une estime de soi positive ; – permet de consolider un réseau social ; – représente une source de revenu essentielle à la vie en société ; – contribue au bon développement de cette société[15] ». Seulement en France, les exigences infligées par la législation concernant la perte du droit civil des anciens détenus ne rendent pas la réinsertion assez délicate surtout pour les autorités responsables qui tentent de trouver un terrain d’entente.
Partout dans le monde et notamment en France, des associations comme le groupe ARES (Association pour la réinsertion économique et sociale) existent et travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement pour prendre en main le devenir professionnel des détenus à commencer par une sensibilisation du grand public concernant justement le droit et le statut des anciens détenus, mais également en leur procurant du travail selon leurs compétences et domaines. Du côté du gouvernement, des mesures ont été également prises dans ce sens avec l’insertion de la réinsertion sociale dans les différents programmes relatifs à l’emploi dont par exemple l’ANPE, la CAF ou les Assedic.
TROISIEME PARTIE : La réinsertion sociale en prison peut réduire les effets de la prisonniérisation sur les détenus.
- Les effets de la prisonniérisation sur les détenus
Nous avons pu voir dans les chapitres précédents les différents facteurs qui conduisent à une prisonniérisation. Et de la même manière, dans la définition même de la prisonniérisation ont constate une certaine emprise de la prison sur l’individu. De là découle cependant les effets de la prisonniérisation sur les détenus qui se présentent sous différents niveaux dont l’instabilité psychologique, le trouble comportementaux, la perte de l’identité et de l’autonomie et surtout l’esprit de rébellion permanent.
L’existence de « clans » dans les prisons contraignent les détenus à choisir entre la sécurité offerte par les codétenus à travers un esprit de solidarité et celle offerte par le personnel Administratif. Les facteurs universels tels décrits par Clemmer (1940) prévoient ce genre de situation comme étant justement la source d’un degré élevé de prisonniérisation, d’autant plus qu’il est plus facile notamment pour ceux qui ont déjà eu des antécédents de délinquance juvénile de choisir un clan qui reste dans leur idéologie. Dans ce sens, les effets de la prisonniérisation sur les détenus sont plus importants et convergent vers cet esprit de rébellion permanent notamment envers les représentants de l’Institution dont les pénitenciers.
Il en est de même pour l’instabilité psychologique qui est un effet important de la prisonniérisation sur les détenus. On ne peut ignorer les mauvaises conditions de vie des détenus dans le milieu carcéral notamment les différentes formes de violences qui entrainent un esprit de soumission à un code entre détenu, à une hiérarchisation forcée et surtout aux harcèlements (sexuel et psychologique). Le danger permanent auquel ils doivent faire face et qui les forces à se soumettre faute de sécurité entraine les détenus à entrer créer leurs propres barrières de sécurité à travers une bulle qui influence beaucoup sur leur développement psychologique. En plus de l’enfermement que la prison reflète, certains détenus se renferment également dans leur bulle pour échapper à la situation.
Et finalement, on peut distinguer la perte de l’autonomie et la soumission engendré par la prisonniérisation. Ce phénomène entraine cependant un haut degré de soumission au niveau des co-détenus qui gardent le principe de hiérarchisation. Mais de la même manière, cette soumission peut également être destinée aux membres du personnel de l’Administration notamment en considérant le Directeur des centres pénitenciers comme étant l’Etre suprême. Dans un cas comme dans l’autre, le détenu perd toute son autonomie et des droits puisque tous ses gestes et même ses pensées seront véhiculés par cette forme de soumission qu’elle soit volontaire ou non.
- Les effets de la réinsertion sociale sur les détenus
Les références légales introduisent la notion de réinsertion sociale à l’intérieur des prisons comme étant une préparation à la vie hors de la prison. Elle commence alors dès lors que le détenu entre dans la sphère carcérale et continue à la sortie de prison. Il se peut que le temps passé en prison soit particulièrement long et certains n’en sortiront sans doute jamais. Ce qui rend justement les missions de la réinsertion sociale très difficile. Pour étudier les effets de ce phénomène, il est important de la mettre en lumière pour les longues peines de prison et pour ceux qui sont condamnés à un emprisonnement à perpétuité.
Il n’est pas facile d’instaurer une réinsertion sociale dans un milieu hostile où la violence règne et surtout l’idéologie est basée sur l’enfermement. Cependant dans les prisons, les objectifs de la réinsertion vise à minimiser justement l’effet de la prisonniérisation et surtout de faire ne sorte que les détenus adhèrent et sont conscients de la volonté qui se cache derrière le choix du système judiciaire concernant justement leur incarcération. Un des outils de la réinsertion sociale consiste à permettre aux détenus de maintenir une relation avec le monde extérieur (avec les familles et les autres structures). De cette manière la réinsertion sociale permet aux détenus de garder un esprit serein, conscient et surtout avec le désir d’être meilleur pour retourner le plus vite possible dans la société. Les détenus profitent positivement de tous les programmes proposés dans ce sens et commencent dors et déjà à préparer la vie future.
Par ailleurs, les mêmes objectifs demeurent pour ceux qui ont écopés d’une peine à perpétuité. Pour ces derniers certes, la perspective d’une future sortie est très faible voire même inexistante, toutefois, les différents programmes de réinsertion sociale leur proposent une issue pour rendre leur vie meilleur. En effet, les condamnés ont également le choix entre se lamenter sur leur sort en coupant le pont avec le monde que ce soit à l’intérieur du prison ou à l’extérieur (isolement, suicide …), soit ils s’adaptent à la vie en prison en considérant celui-ci comme étant leur nouveau foyer. La réinsertion sociale pour ce genre de détenus vise cependant à animer et à positiver la conception de la vie. Ils en profitent pleinement, participent activement à la vie en société et font même en profiter les autres détenus.
- Relation entre réinsertion sociale et prisonniérisation
Dans le monde de la prison on peut constater deux cas importants : le refus et l’acceptation. En effet, selon les différentes recherches des spécialistes qui se sont penchés sur l’étude du milieu carcéral et principalement de son mode d’assimilation, le choix varie selon les détenus. En ce qui concerne le refus, les travaux de Rostaing (1997)[16] et de Vacheret(2007)[17] reprennent le sujet et l’associe à une forme représentative de prisonniérisation. Ce que Rostaing qualifie de « refus », Vacheret le considère comme « rejet ». Mais l’un comme l’autre supposent à une prisonniérisation et se traduit sous différentes formes notamment les relations conflictuelles avec le personnel, la favorisation de la violence carcérale, le non-respect des règlements qui caractérisent tous le refus de la valeur véhiculée par l’Institution à travers la prison
Quant à l’acceptation, elle constitue une autre facette de la population carcérale. Elle est traduite par Rostaing comme étant une « attitude participative », par Vacheret comme étant la « négociation ». Ces attitudes sont en même temps la clé de la réussite de la réinsertion sociale mais en plus elle est déjà le reflet de sa bonne marche. Les détenus adhèrent de ca fait volontairement ou non aux valeurs inculquées par l’Institution à travers les différentes règlementations. Cette adhésion se traduit en sens inverse par une volonté de participation aux programmes de réinsertion sociale.
- Synthèse
Mais la question se tourne vers la possibilité de cohabitation entre la prisonniérisation et la réinsertion sociale. En effet, cette cohabitation existe vraiment puisqu’il existe une influence réciproque entre elles. La réinsertion agit sur la prisonniérisation avec un degré plus conséquent. Comme nous l’avons pu voir auparavant, ces deux phénomènes sont contradictoires et de ce fait, ils évoluent en sens inverse. Autrement dit, si la prisonniérisation est très développée cela signifie que la réinsertion sociale est très difficile. Et inversement, si la réinsertion sociale réussie, cela signifie que le taux de prisonniérisation est très faible.
Dans un sens plus étroit pourtant, il est important de souligner que la réinsertion sociale réduit les effets de la prisonniérisation sur les détenus. Le fait justement que les détenus acceptent et suivent les valeurs de la prison signifie déjà qu’ils sont conscients de la situation et comptent en profiter positivement. Ils ne sont donc pas très vulnérables à la prisonniérisation. Les relations qu’ils entretiennent avec les autres détenus sont limitées et ils n’adhèrent pas au code des détenus ; de la même manière celles qu’ils entretiennent avec le personnel revêt la forme de négociation. La prisonniérisation en elle-même est irréversible puisque la réinsertion sociale agit sur elle et peut la modifier. Nous l’avons déjà mentionné plus haut que l’un de facteur universel de la prisonniérisation est la longue durée de l’incarcération, plus un détenu passe du temps en prison plus il est favorable à la prisonniérisation. Or, la réinsertion sociale agit également sur ce groupe de détenu qui obtient un taux de réussite de liberté conditionnelle élevée et qui présente le plus faible taux de récidive parmi les anciens détenus. Comme en témoignent les nombreuses recherches sur la question dont celles de Johnson et Grant (2004) qui ont pu démontrer que « le taux de récidive des détenus purgeant une longue peine d’incarcération est très bas, soit un taux de condamnation de 73% pour toute infraction, chiffre qui monte à 89% pour les infractions avec violence[18] ».
CONCLUSION
Malgré les difficultés concrètes qui s’opposent à la réussite de la réinsertion sociale dans les prisons, elle arrive tout de même à percer le mystère du milieu carcéral en intervenant sur les facteurs de prisonniérisation. En effet, à traves ce travail, nous avons pu mettre en lumière les différents effets successifs de la prisonniérisation et de la réinsertion sociale. Les facteurs universels de prisonniérisation sont conséquents en milieu carcéral notamment la durée de l’incarcération est un facteur déterminant d’un haut degré de prisonniérisation. Cela étant, l’assimilation du milieu carcéral se trouve au centre de nombreux débats mais maintiennent une idée de base de la prisonniérisation comme étant un changement de valeurs des détenus.
La réinsertion sociale quand à elle est considérée comme une mesure de lutte contre cette prisonniérisation puisque derrière son principal objectif de lutte contre la récidive se placent de nombreux objectifs auxiliaires qui tendent tout vers ce dernier. La réinsertion sociale est difficile dans la prison vu le poids des facteurs et le degré d’impact des différents phénomènes observés dont la violence, le harcèlement, la soumission … . Toutefois, grâce aux différents programmes et les efforts fournis par les Institutions nationales et internationales dans ce sens, la réinsertion sociale commence à prendre place en agissant sur les trois piliers dont le logement, l’éducation et l’emploi.
Cependant, il ne faut pas oublier le fait que la réinsertion ne se limite pas seulement à la prison car elle vise également à une continuité une fois que le détenu se trouve dans en dehors. Toutefois, on constate également que les effets de la prisonniérisation peuvent suivre le détenu hors de la prison le rendant entièrement non réceptif aux changements que cette vie lui offre. La prisonniérisation influence alors sur le risque de récidive et c’est pour y remédier qu’il est important que la réinsertion sociale se poursuive dans cet environnement.
Cela étant, la réinsertion sociale à l’intérieur de la prison reste le moyen le plus efficace pour réduire l’effet de la prisonniérisation. Les efforts déployés dans cette direction se reflètent au développement de la conception de la prison qui s’éloigne de l’idéologie initiale de la sécurité maximale pour s’orienter progressivement vers le maintien d’un contact régulier avec l’extérieur. Ainsi, la majorité des facteurs de prisonniérisation tendent à se dissoudre ce qui démontre qu’à l’heure actuelle la réinsertion sociale trouve complètement sa place au sein de notre société.
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[1]Clemmer Donald – « The Prison Community » – Rinehart, 1958
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[3] Clemmer Donald – « The Prison Community » – Rinehart, 1958 (page 299)
[4] Zingraff Matthew. T. – « Prisonization as an inhibitor of effective re-socialization” – Criminology, 13, 1975
[5] Vacheret Marion, Guy Lemire – « Anatomie de la prison contemporaine » – Presses de l’université de Montréal – Montréal, 2007 ( page 18)
[6] Vacheret Marion, Guy Lemire – « Anatomie de la prison contemporaine » – Presses de l’université de Montréal – Montréal, 2007 (page 19)
[7] Dictionnaire Larousse
[8] Nations Unies contre la drogue et le crime – « Mesures carcérales et mesure non privatives de liberté. Réinsertion sociale » – Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale – New York, 2008
[9] Nations Unies contre la drogue et le crime – « Mesures carcérales et mesure non privatives de liberté. Réinsertion sociale » – Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale – New York, 2008
[10] Nations Unies contre la drogue et le crime – « Mesures carcérales et mesure non privatives de liberté. Réinsertion sociale » – Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale – New York, 2008
[11] Combessie Philippe – « Sociologie de la prison » – collection Repères, Ed. La Découvertes – Paris, 2001
[12] Rostaing Corrine – « La relation carcérale » – Ed. Presses universitaires de France- Paris, 1997
[13] Goffman Erving – « Asiles » – Ed. de Minuit – Paris, 1968
[14] Nations Unies contre la drogue et le crime – « Mesures carcérales et mesure non privatives de liberté. Réinsertion sociale » – Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale – New York, 2008
[15] Association des services de réhabilitation sociale du Quebec – Site officiel : http://www.asrsq.ca – rubrique Réinsertion Sociale
[16] Rostaing Corrine – « La relation carcérale » – Ed. Presses universitaires de France- Paris, 1997
[17] Vacheret Marion, Guy Lemire – « Anatomie de la prison contemporaine » – Presses de l’université de Montréal – Montréal, 2007
[18] Vacheret Marion, Guy Lemire – « Anatomie de la prison contemporaine » – Presses de l’université de Montréal – Montréal, 2007 ( page 18)
Mémoire de fin d’études de 32 pages.
€24.90