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Mémoire portant sur les enjeux de la compétence orale dans l’enseignement du français en lycée professionnel.

Sujet :

Les enjeux de la compétence orale dans l’enseignement du français en lycée professionnel

Problématique

En quoi l’utilisation de l’oral comme objet d’apprentissage en classe de terminale bac pro peut-il permettre à ces élèves en contact avec le monde professionnel, de prendre conscience des enjeux de la maîtrise de leur propre langue et de les rendre ainsi acteurs de leurs paroles.

Introduction

Etant professeur de Lettres/Histoire en lycée professionnel, je suis en charge de l’enseignement du français à des élèves en classe de 2nde, de 1ère et de terminale Bac pro. Il s’agit de ma deuxième année à ce titre et je découvre des élèves très hétérogènes que ce soit en termes de niveau scolaire ou d’attitude et de comportement. Les classes bac pro sont des classes préparant les élèves à un cheminement professionnel tout de suite après l’obtention de leur diplôme. Les classes dont je suis responsable sont composées, en majorité, de jeunes qui n’ont pas adhéré au système scolaire et ont choisi cette voie pour assurer leur vie professionnelle future. Elle alterne cours et pratiques en entreprises, ce qui permet de découvrir le monde du travail.

Les élèves auxquels j’enseigne le français sont en échec avec cette discipline, notamment avec l’orthographe et la grammaire. Ils montrent une certaine réticence envers le français. Certains élèves ont un registre non inclus dans le registre courant. Leur vocabulaire est pauvre ou lacunaire, traduisant une ignorance des règles syntaxiques. Certains d’entre eux en sont conscients tandis que d’autres ne sont pas attentifs aux véritables problèmes qu’ils rencontrent à l’oral. Ils se contentent du fait que tant que leurs interlocuteurs comprennent ce qu’ils veulent dire, c’est l’essentiel, le reste n’est qu’accessoire.

Je suis donc confrontée depuis l’année dernière, d’une part à un manque de civilité, à des erreurs de français, à un développement lacunaire, à une parole sans épaisseur, qui manque de pertinence, souvent désorganisée, et d’autre part à une parole vivante, spontanée, intempestive. Mes élèves sont en effet très volubiles. Le problème est donc double: en plus des difficultés à manier le langage oral, ils ne savent ni s’écouter, ni se respecter. A ce propos, il est intéressant de constater que je retrouve ce portrait de mes élèves, croqué à grands traits, dans le récent ouvrage du sociologue spécialiste des lycées professionnels, Aziz Jellab : « Pour beaucoup, la particularité de l’enseignement professionnel est son public. En effet, les élèves orientés dans la voie professionnelle le sont majoritairement par défaut, en raison de leurs résultats dans les enseignements généraux au collège, ou parce qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment la langue française. Déjà en 1945, les programmes mentionnent les difficultés des élèves et la nécessité de les réconcilier avec l’école (…). J’ai peu à peu pris conscience que la matière français était un révélateur d’échecs successifs et de souffrance : être stigmatisé parce (…) qu’on n’ose pas parler touche au plus profond de soi  (…) »[1]. J’ajouterais que, dans ce contexte, la socialisation prend de plus en plus le pas sur l’enseignement.

A partir de ces premières réflexions, il me semble que l’enjeu de la maîtrise de l’oral apparaît particulièrement décisif pour compenser diverses lacunes d’abord, plus généralement pour la réussite scolaire – et plus tard socio-professionnelle – de mes élèves. Ainsi, émergent les questions autour desquelles mon travail de professeur de Lettres en LP pourrait s’organiser: est-ce que j’accorde une réelle importance à l’apprentissage de l’oral? Effectivement, les enseignants de Lettres ont tous à cœur l’apprentissage de l’écrit, mais continuons-nous à « apprendre à parler » à nos lycéens ?

Plus précisément, comment puis-je aider mes élèves à se doter de compétences orales qui leur permettront de faire face à la diversité des situations de communication aussi bien en tant qu’élèves – je pense notamment à l’oral de contrôle en français durant l’année de terminale[2] – que dans leur vie d’adultes – passer un entretien d’embauche ou gérer un conflit, par exemple – et de citoyens – entre autres, affirmer son point de vue dans une démarche de dialogue et de respect de celui d’autrui. Un véritable travail sur les divers aspects de l’oral contribuerait-il à la construction personnelle et sociale des élèves?

De tels problèmes avec l’oral pourraient résulter de lacunes au sein de l’enseignement ou de la réception de celui-ci depuis l’enfance. Quelles qu’en soient l’origine, l’état des lieux de la recherche sur l’usage, l’apprentissage et l’utilité de l’oral, que ce soit à l’école ou au lycée professionnel, est vaste. Elle témoigne de l’importance de l’oral en milieu scolaire en le faisant apparaître comme un vecteur de réussite scolaire : « L’aisance à l’oral, la facilité de communiquer, d’argumenter à l’oral est un facteur essentiel de la réussite sociale et professionnelle, alors que l’inverse explique bien des échecs»[3]. Ainsi, un échec à l’oral peut conduire à un échec scolaire ou professionnel. L’oral est une voie d’expression, il permet de s’exprimer, d’échanger ou encore de se faire comprendre et de comprendre en même temps.

C’est un vecteur de communication tout aussi indispensable aux élèves à l’école qu’à ceux qui choisissent la voie professionnelle. L’oral se définit souvent suivant son opposition à l’écrit. Il induit des compétences spécifiques relatives à la « linguistique (connaissances phonologiques,  morphologiques  et  syntaxiques)[4] »  et  à la communication  « (règles discursives,  psychologiques,  culturelles  et  sociales  qui  régissent  l’utilisation  de  la parole en fonction des contextes) ». De nombreuses capacités sont donc mobilisées pour l’efficience de l’oral, à savoir l’écoute et la parole.

En sa qualité d’outil, d’objet et de moyen de communication, l’oral ne peut être indissociable de l’apprentissage ni de l’écrit. Cependant, la langue écrite et la langue orale sont en opposition, comme le souligne Montelle (2005) : «Orale, la langue vit et s’adapte; écrite, elle est figée, inanimée, latente, et c’est la parole qui lui redonne vite sens en l’actualisant »[5]. L’oral valorise donc l’écrit. L’enseignement fait état d’un oral moins présent et moins utilisé que l’écrit. L’apprentissage favorise l’écrit et semble délaisser l’oral, que ce soit dans l’enseignement ou dans la pratique simple de la langue.

Dans ce contexte, nous constatons que même au niveau de l’enseignement, l’oral semble biaisé, voire même sous-estimé. Jusque dans les années 60, les Instructions Officielles du Ministère de l’Education Nationale n’intègrent pas le terme « oral »[6] Une évolution a été aperçue en 1970, notamment au sein du Plan de rénovation de l’enseignement du français en France, dans tous les pays francophones et dans certains pays européens : « l’objet de l’enseignement du français (…) est l’usage et le développement des moyens linguistiques de la communication ; il s’agit de rendre l’enfant capable de s’exprimer oralement (…) et capable de comprendre ce qui est dit (…)»[7].

Actuellement, l’enseignement de l’oral connaît plus d’amélioration dans les lycées professionnels. Une épreuve orale est même incluse au sein du bac pro. Pour autant, ces évolutions ne suffisent pas à nous assurer que l’oral est devenu, plus qu’une compétence que nos élèves doivent acquérir en cours de français, une compétence transversale dont toutes les disciplines ont la responsabilité de leur faire maîtriser. Pour aller plus loin dans la réflexion, l’oral ne pourrait-il pas devenir une discipline à part entière ? C’est-à-dire au sens moderne que lui prête le dictionnaire, « une branche de la connaissance »[8], une matière enseignable ?

Cependant, le but de l’oral est de permettre aux apprenants « de  développer  des  compétences langagières qui leur seront utiles dans la vie personnelle ou professionnelle, ils doivent avoir la capacité de transposer dans différents domaines d’activité les savoirs acquis.[9] » L’enseignement de l’oral doit donc être centré et dirigé vers l’apprenant, ce qui conduit à une évaluation du rôle et de l’intervention de l’enseignant. J’ai ainsi réalisé que mon enseignement de l’oral devait être repensé. En effet, l’oral n’est pas seulement un vecteur d’apprentissage, un « medium d’enseignement » pour reprendre les termes de Lafontaine,  professeure de didactique du français à l’Université du Québec et spécialiste de l’enseignement de l’oral en français langue première au secondaire[10]. Or, il me semble que depuis mes débuts en lycée professionnel, j’utilise fréquemment l’oral comme moyen d’apprentissage, ce qui est nécessaire mais pas suffisant puisque ce type d’oral n’est pas du tout pris en charge par les élèves. D’où la cause principale de leur désintérêt, de leur démotivation, de leur manque d’écoute ou de leur participation intempestive impossible à cadrer. Dans ces conditions, il est difficile d’espérer que les pensées se construisent et que les élèves deviennent autonomes dans leurs rapports sociaux.

Ainsi, je prévois, à travers une expérimentation, de parvenir à un enseignement plus adapté afin que mes élèves puissent évoluer et s’approprier l’oral, le leur et celui d’autrui. J’envisage, pour ce faire, de réaliser un échange direct avec eux pour discuter des dimensions enseignables de l’oral. Changer ma pédagogie est, pour moi, le meilleur moyen d’y parvenir. J’en suis donc venue à penser que le mode d’enseignement de l’oral doit être réévalué. J’ai alors choisi la problématique suivante: En quoi l’utilisation de l’oral comme objet d’apprentissage en classe de terminale Bac pro peut-il permettre à ces élèves en contact avec le monde professionnel, de prendre conscience des enjeux de la maîtrise de leur propre langue et de les rendre ainsi acteurs de leurs paroles?  Selon moi, ces élèves ne sont pas conscients des enjeux de la maîtrise de l’oral. Ils en ignorent la portée qui est immédiate mais aussi à long terme, surtout pour leur carrière professionnelle. Leur révéler ces enjeux, les délivrer de leur ignorance à ce propos et des nombreux préjugés qu’ils ont vis-à-vis de l’oral, font partie de mes objectifs.

Ce changement de pédagogie est le centre de mon expérimentation. Si je ne change pas, les élèves ne changeront pas : une certaine conception pédagogique conduit les enseignants de français à privilégier l’étude du code de la langue – plutôt écrite d’ailleurs – au détriment des activités de communication. Or, d’une part, la maîtrise de la langue n’est pas une compétence propre à la discipline du français mais une compétence transversale qui doit se construire dans toutes les disciplines et qui est nécessaire à l’acquisition d’une culture générale. D’autre part, il me semble qu’on ne peut pas se résoudre à réduire la langue à un code car elle constitue également une vision du monde, une histoire, une culture, que chacune des différentes personnalités de la classe, devrait pouvoir s’approprier en même temps que la langue. Celle-ci a donc une fonction d’intégration dans la société puisqu’elle fait partie de l’identité d’une personne : nous nous affirmons par la langue que nous parlons et par les relations que nous entretenons avec cette langue.

Par conséquent, il m’a paru nécessaire d’émettre trois hypothèses de travail que je me propose de vérifier tout au long de ce mémoire :

1°Si je prends en compte les spécificités de la langue orale dans mon enseignement, en accordant autant d’importance aux activités de communication qu’à l’étude d’un code en lien avec ces activités, alors je permettrais aux élèves d’accéder à une compréhension progressive du fonctionnement de leur langue, afin qu’ils puissent mieux se l’approprier.

2° Si je perçois les jeunes uniquement comme de futurs professionnels, ils ne feront pas d’effort pour s’impliquer dans l’apprentissage du français, dont ils persisteront à ne pas en voir l’intérêt pour leur avenir. En revanche, si je les considère avant tout comme des personnes capables de réfléchir seule et en groupe, de porter une parole qui compte, alors je pourrais favoriser leur plaisir d’apprendre à dire, de dire et de se dire.

3° L’image est omniprésente dans l’univers quotidien des élèves qui vivent avec les écrans. Si j’utilise le cinéma mettant en scène le langage, comme support pour favoriser leur intérêt et leur permettre de prendre de la distance par rapport à leur apprentissage du français, alors ils prendraient conscience que la maîtrise de la langue orale n’est pas seulement une exigence scolaire spécifique aux disciplines littéraires, ni aux examens de fin d’année, mais un atout nécessaire à leur intégration sociale.

Pour résoudre cette problématique, nous diviserons ce mémoire en deux parties distinctes. La première sera constituée d’un éclairage théorique centré sur l’état de la recherche en didactique et sur un état des lieux en classe. Dans un premier temps, nous aborderons l’état de la recherche en didactique de l’oral dans l’enseignement (en lycée professionnel) et les principaux problèmes qu’il rencontre. Nous nous attacherons au caractère à la fois incomplet, incompris et sous-estimé de cet enseignement-apprentissage ; à l’incompréhension des jeunes face à la valeur de l’oral ; à son importance dans l’enseignement et aux enjeux de sa maîtrise. Ensuite, nous ferons un examen de l’état des lieux en classe. Cette section centrée sur les démarches et leurs analyses exposera les constats sur lesquels ce mémoire et l’expérimentation qu’il présente se fondent, la description de la classe « laboratoire », les démarches et le déroulement de l’expérimentation et des analyses.

La partie pratique sera consacrée aux résultats de l’expérimentation et aux pistes et perspectives qui en découleront. Nous exposerons d’abord les résultats du questionnaire de lancement destiné à mieux comprendre les rapports que les élèves entretiennent avec leur langue à l’oral, nous réaliserons ensuite une interprétation de ceux-ci, avant de présenter les apports du questionnaire et de l’expérimentation chez les élèves. Ensuite, nous proposerons des pistes de résolution, avant d’ouvrir des perspectives. Il est important de souligner que l’expérimentation a été menée dans le cadre de l’objet d’étude « La Parole en spectacle » du programme de français de terminale Bac pro. Deux séquences ont été élaborées : un atelier « réapprendre à communiquer » et une activité sur la communication orale autour du film L’Esquive, d’A. Kéchiche[11]. Ces deux séquences ont donné lieu à une prise de parole des élèves incités à produire et à dire des textes ou des discours devant leurs camarades. Les prestations orales ont été évaluées tout au long de l’expérimentation par leurs pairs et selon une grille de critères établie par toute la classe.

  1. Partie théorique : Etat de la recherche en didactique et état des lieux en classe

 

  1. Etat de la recherche en didactique de l’oral dans l’enseignement (en lycée professionnel) et les principaux problèmes

 

  1. Un enseignement incomplet, incompris et sous-estimé

 

  • Des enseignants plus portés vers la lecture et l’écrit que l’oral

Dans un premier temps, nous allons nous épancher sur la revue de littérature qui traite de l’oral dans l’enseignement (en lycée professionnel) et les principaux problèmes qu’il rencontre. Celle-ci nous éclaire sur un fait : l’enseignement de l’oral est incomplet, incompris et sous-estimé. A l’origine de ce dernier : les enseignants qui se tournent plus vers l’écrit et la lecture que l’oral. L’écrit est précisément plus puissant que l’oral, didactiquement parlant. Les enseignants le « vénèrent » presque même plus que l’oral. Les enseignants, au même titre que les étudiants et les autres intervenants dans le milieu scolaire songent à la lecture et à l’écriture dès qu’il est question de maîtrise de la langue[12]. Montelle (2008) ajoute pourtant deux autres variables inconsidérées qui peuvent être « une autre manière de considérer le langage : l’écoute et la parole[13] » C’est par la parole que l’oral se forme et l’écoute permet de le valoriser, d’en prendre conscience, de le comprendre, de l’entendre, etc.

Cependant, les enseignants dont nous parlons ici ne tiennent pas compte d’un fait : historiquement, la langue (englobant l’oral et la parole) est bien plus ancienne que l’écriture. Elle a été utilisée depuis des millénaires et préalablement avant l’apparition tardive de l’écriture dont l’utilité première a été celle d’une trace nécessaire en vue d’établir des contrats commerciaux.[14] L’écriture que l’on définit par opposition à l’oral n’en est pas seulement l’opposée, mais aussi sa matérialisation. Puisque la parole est une pensée extériorisée, l’écriture est la trace solide, la preuve de cette pensée. L’oral et l’écrit sont donc deux éléments indissociables qui entretiennent un rapport indéfini. L’écrit permet de garder une trace de l’oral et à l’inverse, l’oral est la sonorisation de l’écrit. Cette sonorisation se fait lorsque l’on parle ou lorsque l’on lit.

L’importance de l’oral en général et dans l’enseignement en particulier est inférieure à celle de l’écrit. Montelle (2008) parle d’une prise d’importance primordiale de la langue écrite survenue avec la généralisation de l’enseignement, en précisant que l’écrit en question était d’abord le latin et non le français.[15] Cette époque a marqué le déclin de l’oral qui a été relégué au rang de « contes de bonnes femmes pour petits enfants » (ce sont plus précisément les récits oraux qui étaient pourtant la source de culture unique du peuple). Les récits oraux ont perdu leurs fonctions et leurs pouvoirs et les cours dans le milieu scolaire sont désormais centrés sur le lire/écrire au détriment de l’écouter/parler[16].

Cette infériorité de l’oral se manifeste également par le fait qu’il est considéré comme moins noble que l’écrit. Ce rôle, l’oral l’a endossé pendant trop longtemps, ce qui lui confère plus de difficultés que l’écrit. Les enseignants développent une certaine méfiance envers l’oral, une méfiance qui se développe grâce à divers facteurs : « Difficilement perceptible ou saisissable, son caractère évanescent, qui ne laisse aucune trace, n’est pas fait pour nous rassurer, on s’en méfie même. Ce sont certainement les principales raisons pour lesquelles, bien souvent, l’oral échappe aux enseignants, aux élèves et à l’école en général.[17] » Cela amène les enseignants à se concentrer sur l’écrit et sur une certaine forme d’oral : la lecture. La lecture sert d’oral aux enseignants qui s’en servent pour faire parler leurs élèves ou pour les faire participer, que ce soit en suscitant leur volontariat ou en les désignant en cours. Nous décelons pourtant une grande différence entre lecture et oral (au sens strict) puisque la lecture peut uniquement se manifester à travers l’acte de lire tandis que l’oral est une action spontanée qui permet l’échange. L’oral renvoie à la communication et à l’échange tandis que la lecture peut se résumer au simple fait de lire sans l’intention d’approfondir, sauf en cas de consignes visant le contraire.

  • Des préjugés relatifs à l’oral

Outre le fait que l’oral ne soit pas souvent utilisé pour lui-même en classe parce qu’il est plus difficile à cerner et à évaluer que l’écrit, il fait également l’objet de nombreux préjugés. En effet, voici les trois préjugés les plus ancrés dans les mentalités et dont nous avons pu faire le constat au sein du LP où nous sommes en poste, grâce à divers échanges avec le personnel de l’équipe éducative, les familles lors de rencontres parents-professeurs et les élèves eux-mêmes. Par la suite, la lecture de l’ouvrage Maîtriser l’oral[18] les a confirmés. D’abord, on a communément tendance à associer l’oral à un stade primitif de socialisation quasiment inné. Or, pour l’élève qui passe la majeure partie de son temps à l’école, il est plutôt le lieu d’une socialisation en cours d’acquisition, très loin d’être sur le point de s’achever. La compétence orale n’est donc pas plus innée ni plus facile à acquérir que la compétence écrite (voir point n4, mag « oser l’oral » p.17).

Ensuite, tous les élèves ne trouvent pas chez eux les échanges verbaux qui pourraient favoriser le développement des savoir-faire nécessaires à l’oral, comme par exemple «poser les bonnes questions » ou « écouter avec bienveillance »[19]. Enfin, on voit souvent apparaître sur les livrets scolaires, des appréciations qui peuvent ne pas faire sens non seulement pour les familles mais surtout pour les élèves ; nous-mêmes, enseignants, prenons-nous réellement conscience de ce que nous écrivons sur les bulletins ? : « Bonne participation orale, poursuivez ainsi ! », « Intervient régulièrement à l’oral, continuez vos efforts! » ou, à l’inverse, les deux extrêmes : « Trop de bavardages ! Elève ayant une bonne énergie mais qui ne l’utilise pas toujours à bon escient », « Elève réservé/discret qui gagnerait à se manifester davantage à l’oral ». Comment doit-on comprendre ces annotations?

Tandis que les premières sont assez vagues, imprécises ou peu pertinentes, on n’apprend pas plus au bavard comment passer de cette parole qui est « l’objet de notre constante réprobation (…), cette parole qui ne parle pas » à « cette parole sérieuse et où parle l’esprit de sérieux »[20]  qu’au silencieux à « oser l’oral », pour reprendre le titre du dossier du numéro 400 de la revue Cahiers pédagogiques[21]. De plus, l’exemple de la dernière appréciation ne constitue-t-il pas une critique peu constructive de la personnalité de l’élève ? Faut-il en déduire que le silence est un défaut, qu’il traduit son inattention en classe, son incompréhension face à une question, une consigne ou un exercice ? Ou plus encore, qu’il révèle ses difficultés scolaires ?  Ce n’est pas aussi simple, mais l’élève peut imaginer que son professeur lui a attribué l’étiquette « muet » ce qui peut le démotiver, lui faire perdre confiance en lui. Participer davantage ou utiliser sa parole à bon escient, oui, mais comment ? A quel moment? Que dire? Les camarades ne vont-ils pas se moquer ? Qui, ce que l’élève a à dire, intéressera-t-il, à part peut-être l’enseignant ?

Alors quand on parle d’oral en classe, il s’agit en général pour l’élève de lever la main pour signaler à l’enseignant qui vient de poser une question à toute la classe, que lui, il sait, qu’il est capable de résoudre le problème posé et de donner au professeur ce qu’il attend, ce qui lui permet de faire bonne impression, voire d’obtenir une bonne note. Mais encore faut-il attendre que l’enseignant lui accorde la parole. En somme, l’oral est un outil méconnu de l’élève et de l’enseignant et qui dépend de leur intervention respective. L’élève est en quelque sorte sonné par la peur de la prise de parole du fait d’un manque de pédagogie adéquate. La faute revient ici à l’enseignant qui ne sait pas organiser et mettre en valeur l’enseignement de l’oral ou motiver ses élèves pour qu’ils osent s’exprimer à l’oral en dépit des nombreux préjugés qu’ils partagent entre eux et avec leur enseignant.

Face à ce fait, une deuxième réflexion s’impose: il serait intéressant, d’après la perception que les élèves ont de l’oral, de leur en faire comprendre enfin les véritables enjeux en réception et en production, non seulement sur le plan scolaire mais aussi au niveau social et professionnel, puisqu’il s’agit de lycéens déjà confrontés au monde du travail. Cette compréhension pourrait nous permettre de chasser ensemble nos idées reçues, d’en finir avec les malentendus qui ne jouent pas en faveur d’un climat de classe propice aux apprentissages et de faire en sorte que les élèves soient acteurs de leur apprentissage, celui d’une prise de parole responsable pour pallier aux diverses difficultés scolaires qu’ils rencontrent depuis longtemps, mais surtout pour soigner ce mutisme ou l’utilisation anarchique de la parole.

  • Des enseignants qui comprennent mal l’oral

Cette section semble indiquer la responsabilité des enseignants dans l’enseignement incomplet de l’oral. Cette responsabilité est caractéristique de tous les niveaux d’enseignement : les enseignants ne comprennent pas l’oral dès les niveaux de base (à l’école primaire). Or, ces niveaux servent de base à tout l’apprentissage et les enseignants à l’école primaire jouent un rôle crucial puisqu’ils font découvrir aux élèves l’utilité et la portée de tout l’enseignement. Ils sont en charge de leur éveil mais aussi de l’éveil de leurs connaissances et de leur faculté à savoir distinguer ce qui, dans les études, est utile et précieux pour l’avenir et ce qui vaut la peine d’être approfondi. Si les enseignants ne sont donc pas capables de comprendre l’oral à ce stade, la suite logique incarnera des élèves qui ne comprennent pas l’oral jusqu’à la fin de leurs études. Bien entendu, cette situation peut changer si les enseignants dans les niveaux supérieurs tels que le lycée rattrapent ces lacunes et permettent aux enfants de renouer avec l’oral ou de quasiment le découvrir. Or, il se peut que ces enseignants de niveau supérieur ne comprennent pas non plus l’oral, ce qui ne résout pas le cas de ces enfants.

Cette incompréhension de l’oral est en relation avec sa dimension affective et donc avec l’état d’âme des enseignants mais aussi des élèves. Chiriac (2013) le confirme : « Du reste, comme l’apprentissage et l’évaluation de l’oral touchent à la dimension ‘affective’ de la personne qui s’exprime, les enseignants estiment qu’ils n’ont  pas les outils appropriés et ils se limitent souvent à des critères sommatifs figés dans  une  grille  sans  activités  formatives  préalables[22]. » Ainsi, nous assistons à un enseignement incompris de l’oral tant par celui qui enseigne que celui qui reçoit son enseignement. Celui qui enseigne met en place une pédagogie inadéquate car il n’a pas reçu ou n’a pas suivi une formation qui s’y réfère tandis que celui qui reçoit reçoit « dans le vide » parce qu’il ne peut pas comprendre les fondements ni les apports de cette pédagogie.

La pratique didactique des enseignants est une preuve matérielle de l’incompréhension de l’oral et leur mode d’enseignement en est affecté. Chiriac (2013) le confirme en confrontant les propos des enseignants qui reflètent leur pédagogie omettant l’oral ou lui attribuant une place moindre : « « Il  n’est  pas  besoin  de  travailler  l’oral,  c’est naturel,  ça  sort  tout  seul. » ;  « L’oral  est  moins  rigoureux  que  l’écrit,  pourquoi  s’y attarder ? » ; « J’ai  pas de temps pour le  bavardage  dans ma classe. » ;  « L’oral est trop teinté d’émotivité, ça crée des problèmes de gestion dans ma classe.  » ; « L’oral c’est de l’écrit bien parlé : si je leur enseigne à bien écrire, mes apprenants parleront beaucoup mieux ensuite ! ». » Ces paroles illustrent nos propres propos dans les lignes précédentes : l’oral est sous-estimé face à l’écrit, il est lié à la dimension affective –ici par l’émotion-.

Du reste, nous découvrons que les enseignants ont un préjugé que nous n’avons pas abordé tout à l’heure : celui de considérer que l’oral est « naturel » et qu’il « sort tout seul », une opinion sans doute confortée par le fait que l’acte de parole se fait de manière spontanée et se développe durant la petite enfance. Ici, nous distinguons un manque de distinction entre simple parole en général et oral en enseignement. L’auteur met aussi en évidence une mise en relation que nous qualifierons de fausse ou de mal appropriée entre l’oral et l’écrit : les enseignants pensent que l’écrit favorise l’oral. Ceci nous renvoie à la notion d’oral scolaire ou de français scolaire[23]qui met en évidence un manque de discernement entre l’oral et l’oral dans le milieu scolaire et qui amène certains enseignants à n’enseigner qu’un langage oral composé de vocabulaires scolaires, parfois limités à l’écrit ou au discours poli et courtois, sans tenir compte des autres discours utilisables. Le résultat montre des élèves qui ne savent se servir que d’un seul discours, qui ne sont donc pas riches en parole, et qui ne savent pas distinguer les discours entre eux ni les circonstances durant lesquels il faut les utiliser respectivement.

Tout porte donc à croire que la responsabilité tourne autour des enseignants, mais les entités supérieures ne sont pas non plus à exclure. En effet, leur ignorance et incompréhension vis-à-vis de l’oral sont alimentées par des faits plus complexes qu’il faut rechercher plus loin. Lopez (2008) en fait mention et attribue la responsabilité aux entités supérieures chargées de la formation et de la mise en place des pratiques de classe : « Les exemples que nous avons permettent de dire que l’oral tel qu’il est proposé est mal compris par les enseignants eux-mêmes mal formés et que les pratiques de classe lui accordent que peu de place.[24] » Mais rien ne nous prouve qu’une formation visant à promouvoir et à faire comprendre l’oral aux enseignants est dispensée par les établissements scolaires, de même que rien ne nous prouve non plus qu’elle leur est proposée mais qu’étant facultative, chacun décide de la suivre ou non, selon ses envies. En somme, nous rejoignons l’avis de Lopez (2008) qui constate que l’oral n’est pas un apprentissage « véritablement légitimé aux yeux des professeurs » et qu’il « ne participe pas à la définition des contours de la discipline français au LP encore largement centré sur la lecture et l’écriture jusqu’en 1985.[25] » Mais comme nous allons le voir plus bas, l’oral au LP changera après cette date.

  1. Des jeunes qui ne comprennent pas la valeur de l’oral

 

  • Le français parlé sous-estimé par les élèves

Nous avons évoqué précédemment le cas des enseignants qui comprennent mal l’oral. La logique des choses veut que cette incompréhension se transmette aux élèves puisqu’elle génère une mauvaise pédagogie ou une absence de pédagogie. Cela conduit à une méconnaissance ou à une incompréhension de la valeur de l’oral par les élèves. Les enseignants déclenchent ce désintérêt envers l’oral et cette incompréhension de sa valeur chez les élèves par leur mode d’enseignement qui est lui-même empreint de désintérêt et d’incompréhension pour l’oral.

Le parlé en classe est loin d’être valorisé par les enseignants et donc loin d’avoir de la valeur pour les élèves. L’histoire de l’oral scolaire et quelques pratiques actuelles nous enseignent que les établissements scolaires partagent cette responsabilité aux côtés des enseignants. Charmeux (1996) parle d’un oral non enseigné mais aussi répréhensible à l’école, en référence au bavardage considéré comme étant un défaut majeur pour un élève et à l’écoute et au silence qui sont les qualités même du bon élève.[26] Chanfrault-Duchet (2011) cite en exemple l’histoire de l’école de J.Ferry qui, centrée sur l’écrit, s’est en quelque sorte liguée contre l’oralité qu’elle associait à la culture populaire et qu’elle dénigrait au profit de l’écrit (littérature et écriture) qu’elle qualifiait de « Vecteur de la Raison ».[27]

Mais en approfondissant, nous nous rendons compte que le problème n’est pas uniquement scolaire, mais aussi familial. Ce manque de compréhension n’est donc pas récent mais survient dès la petite enfance, notamment au sein de la famille. Montelle (2008) évoque l’importance de la parole parentale : « C’est bien la parole entendue qui détermine le devenir des enfants[28] ». Cela signifie que les compétences scolaires -orales- des enfants dépendent de la manière dont leurs parents leur parlent ou parlent en général. Ce sont les parents qui, par leur langage, conditionnent la linguistique des enfants en classe et leur réussite ou échec scolaire.

Les actions, inactions et influences de ces trois acteurs (enseignants, établissements scolaires et famille) contribuent toutes au désintérêt envers l’oral manifesté par les élèves. En effet, ils sont liés du fait que l’oral devrait, normalement, se développer en premier lieu dans le cadre familial (langage parental, par exemple) pour ensuite être approfondi dans le milieu scolaire (par les enseignants). Or, nous constatons une certaine « discrimination » au sein des établissements, une discrimination liée à la classe sociale. Pour faire court, Vygotski (1997) a repris les hypothèses de chercheurs tels que Bourdieu et Passeron (1970) et Barnstein (1975) pour mettre en évidence une corrélation entre langage, milieu familial et réussite scolaire.[29] Ces auteurs soulignent un fait majeur : certains élèves ont peu de chance de réussir à l’école car ils ne possèdent pas, dans leur milieu familial, un code linguistique commun à celui que l’école priorise. Bourdieu et Passeron (1970), dans leur ouvrage intitulé La reproduction, évoquent une réussite et un échec scolaire basés sur la sociolinguistique. L’école, en reproduisant la culture de la classe dominante, met en place un enseignement favorisant les classes sociales aisées au détriment des classes sociales défavorisées.

En d’autres termes, les enfants des classes favorisés sont avantagés car leur linguistique s’apparente à celle enseignée par l’école tandis que ceux des classes défavorisées sont plus sujets à l’échec scolaire du fait d’un langage éloigné de celui de l’établissement. Les études de Barnstein (1975) qui, chronologiquement, suivent celles de Bourdieu et Passeron, ne s’éloignent pas de ce constat. Cet auteur, dans son ouvrage Langage et classes sociales. Codes linguistiques et contrôle social, met en exergue une liaison entre le bain linguistique dans lequel un enfant s’immerge dès ses premiers mois et son adaptation scolaire et soutient l’existence de deux codes linguistiques dont le code élaboré propre aux familles de niveau socioculturel élevé, enseigné dans les écoles, et le code restreint propre aux familles socio culturellement démunies, ce qui explique l’inégalité des chances de réussite scolaire des enfants issus de cette classe face à la classe sociale favorisée.

Néanmoins, Montelle (2008) ne considère pas l’aspect social comme étant unanimement déterminant puisque certains parents de haut rang social peuvent avoir un langage pauvre, accablant ou chargé de paroles négatives tandis que certains parents d’un milieu défavorisé peuvent avoir un langage tout à fait soutenu. Mais comme ces auteurs, il soutient l’importance de l’influence du langage familial sur l’élève et sa scolarité, mais aussi son comportement à l’école :

Un gosse élevé dans un milieu bruyant, avec le son de la télé poussé à fond, des vociférations, des paroles agressives, adopte un ton criard et les hurlements sont naturels pour lui. Il provoque immédiatement des attitudes de rejet de la part des enseignants et de ses camarades de classe, ce qui va l’amener à durcir encore sa parole et provoquera un isolement difficile à vivre. D’où, indiscipline, rejet de l’étude, insolences, violences… Tout au contraire, un enfant qui s’exprime d’une voix douce et qui connaît les formules de la politesse trouvera immédiatement une place de choix dans la classe[30].

Ainsi, l’incompréhension de la valeur de l’oral s’installe dès l’enfance, et les élèves ne comprennent pas que l’oral est un critère de construction identitaire et sociale (on reconnaît un élève instruit, un cadre dans une entreprise, une personnalité importante, etc. par le choix du langage qu’il utilise qui est souvent le langage soutenu, symbole de sa bonne éducation, de son intelligence, de sa politesse), qu’il permet de se distinguer des autres (une personne sérieuse ou instruite se distingue d’une personne peu instruite par son élocution, ses choix de mots et son vocabulaire, son maintien, bref, son oralité l’élève au-dessus des autres car il dispose d’une maîtrise de soi et de sa langue), que telle ou telle situation exige tel ou tel registre, etc. La plupart du temps, c’est parce que cela ne leur est pas enseigné. Mais il se peut aussi que les enseignants se focalisent dessus mais que ce sont les élèves qui ne reçoivent pas cet enseignement et ne le comprennent pas. Cela peut être expliqué par le fait que les élèves n’ont jamais compris l’oral, auquel cas la didactique n’est pas appropriée à leur situation, ou par le fait qu’ils sont paresseux à l’idée d’apprendre quelque chose qu’ils jugent comme étant tout à fait nouveau alors qu’il a toujours été présent. L’enseignement doit donc être centré sur l’élève que l’enseignant doit d’abord étudier et comprendre. Il ne doit pas enseigner l’oral pour réaliser son devoir et suivre la pédagogie indiquée, mais pour forger des citoyens doués en parole.

  • Des élèves « fâchés » avec l’oral

D’une telle incompréhension résulte une attitude désinvolte, désintéressée voire-même agressive envers l’oral. Non seulement les élèves ne le comprennent pas, mais ils finissent même par ne pas l’aimer. Le manque d’interaction avec l’oral, de pratique et de didactique de différenciation entre les plusieurs formes d’oral, les types de registre, etc. rendent difficile l’apprentissage de l’oral et créent des élèves butés et renfrognés face à la perspective d’apprendre quelque chose avec lequel ils ne se sont pas familiarisés durant leurs années scolaires antérieures. Ainsi, ils ne perçoivent pas l’oral comme un objet d’apprentissage à part entière et considèrent même comme une perte de temps son enseignement. Le rôle des enseignants est donc de permettre aux élèves de renouer avec cet oral avec lequel ils sont fâchés.

Cette situation est générée par des difficultés à cerner les enjeux de la maîtrise de l’oral. Leur en faire prendre conscience devrait donc être la pratique didactique par excellence des enseignants, surtout face à des élèves en bac pro aux caractéristiques bien particulières : élèves difficiles et en situation difficile[31]. Le fait qu’ils soient fâchés avec l’oral se traduit par leur manque de maîtrise de cette discipline, leur manque d’intérêt, les nombreuses fautes qu’ils font en oral, etc., des fautes que nous verrons plus bas dans notre mémoire.

  • La relation entre l’oral et l’écrit

Notre revue de littérature établit un lien crucial entre l’oral et l’écrit. D’une part, nous observons un enseignement et donc un apprentissage basé sur la mise en relation constante entre l’oral et l’écrit (qui met en évidence une supériorité de l’écrit et une dépendance de l’oral envers celui-ci) et d’autre part, nous assistons à une montée en puissance de l’oral qui ne parvient pourtant pas à s’imposer face à l’écrit. Chiriac (2013) considère l’apprentissage de l’oral comme étant une partie intégrante du processus de la lecture et de l’écriture et s’exprime en ces termes : « L’apprentissage de l’oral oblige donc à un détour pédagogique par l’écrit[32] ». Il s’agit d’une conclusion qu’elle a tirée des recherches d’auteurs tels que Dolz et Scneuwly (1997) qui évoquent un enseignement de  l’oral uniquement possible lorsqu’il est lié à l’écrit ou Garcia-Debanc (1999) qui souligne une analyse possible des dimensions syntaxiques et sémantiques de l’oral grâce aux transcriptions écrites.

Depuis l’introduction de l’oral dans l’enseignement, les pratiques didactiques tournent autour d’une production orale créée à partir d’un recours constant à la production écrite. Les activités orales proposées en classe et dans les lycées le prouvent : lecture à voix haute (à partir d’œuvres écrites), récitations (à partir d’œuvres écrites), exposé verbal ou tenue d’un discours devant la classe (en se servant d’un document écrit à lire ou comme appui), etc. Ces activités, nous les classerons parmi les méthodologies les moins performantes pour enseigner l’oral puisqu’elles ne favorisent pas l’interaction, surtout entre les élèves, mais visent surtout à les faire « participer » sans favoriser une production orale sincère et créée par l’élève lui-même. Elles ne lui permettent donc pas de s’exprimer et d’exprimer ce qu’il pense.

Nous disposons, toutefois, de documents qui se focalisent plus sur la différence entre langue parlée et langue écrite que sur leur relation. Les nouvelles IO en bac pro, par le biais du document « Travailler l’oral » sorti en 2013, mettent l’accent sur cette différence en qualifiant la langue parlée de plus spontanée que la langue écrite.[33] Et contrairement aux idées reçues, la langue parlée nécessite également un travail de la conscience et a un niveau syntaxique tout aussi complexe, au même titre que la langue écrite. Toutes deux sont des productions de la conscience puisque le cerveau doit effectuer un véritable travail de réflexion avant de permettre à la conscience de se livrer que ce soit par écrit ou oralement. Dans les deux cas, on reconnaît toujours une personne intelligente dans le choix des mots qu’elle utilise pour parler ou pour coucher sur papier ses réflexions, et elle doit d’abord solliciter son cerveau et réfléchir à ses futurs propos avant de les émettre.

Pour en revenir aux nouvelles IO, elles offrent un démenti sur l’enseignement de l’oral toujours associé à l’écrit. Pour elles, il existe un continuum oral-écrit et « l’oral n’est pas seulement de l’écrit dégradé.[34] » Elles mettent également en évidence un fait important sur lequel de nombreuses études mériteraient d’être menées : l’enseignement de l’oral ne dépend pas uniquement que du professeur de français, bien qu’il en soit le socle, mais engage aussi toutes les disciplines scolaires existantes car chacune d’elles invite à l’expression des élèves et nécessite un échange enseignant-élève ou élève-élève. Cependant, elles réalisent un constat aussi véridique que frappant : l’oral et l’écrit sont liés du fait que tout se qui se dit peut s’écrire et vice et versa.

  1. L’importance de l’oral dans l’enseignement

 

  • Introduction de l’enseignement de l’oral dans les années 70

Les années 70 marquent un tournant décisif dans l’enseignement du français puisque ce dernier a connu une réforme via le Plan de rénovation de l’enseignement du français qui lui accorde une reconnaissance dans l’enseignement du français dans l’école élémentaire, mais aussi des les niveaux plus élevés, en France, dans les pays francophones et dans les pays européens. Non seulement ce plan s’attache à un enseignement de l’oral, mais il exige aussi des efforts de la part des « maîtres » qui devront désormais être formés, entrer plus en contact avec les parents et les informer[35], etc. Ce plan de rénovation rend compte des enjeux de l’oral et de son importance dans l’enseignement du français en priorisant la communication. Son but est de rendre l’élève capable de s’exprimer oralement et de comprendre ce qui est dit et écrit.

Cette focalisation sur l’oral est expliquée dans ledit plan : les enseignants ont perdu de vue l’objectif susmentionné et se sont adonnés à des pédagogies priorisant les domaines d’études partiels tels que l’orthographe, le vocabulaire, l’écriture, la lecture, la grammaire, etc.[36] Le plan de rénovation est donc un rappel pour les enseignants et les établissements que « l’essentiel de l’enseignement du français doit être l’entraînement à la communication orale et écrite[37] ». Si le plan de rénovation fait constamment référence à la langue écrite et à la langue orale comme premiers moyens de communication, il fait mention d’une priorisation de l’expression orale : « […] le maniement de la langue orale doit être distingué du maniement de la langue écrite, sans exclure les interférences qu’elles comportent nécessairement.[38] ». Pour ce faire, ses auteurs préconisent la considération de la classe comme étant un lieu d’échange entre enseignants et élèves et entre élèves et élèves, au lieu de la considérer comme étant un lieu d’échange entre l’enseignant et les élèves uniquement. Favoriser la prise de parole des élèves via des activités de groupe pour qu’ils puissent parler entre eux ou échanger avec les enseignants est donc la didactique conseillée. Nous constatons, cependant, qu’elle n’est pas unanimement suivie ni appliquée par les enseignants et que l’oral, même actuellement, n’a pas encore pu s’affirmer, surtout face à l’écrit. Par contre, une meilleure considération de l’oral et un enseignement repensé et amélioré par rapport à l’ancien ont été mis en place par les établissements.

  • De l’importance de « Travailler l’oral » en bac pro (nouvelles IO)

Avant d’exposer l’importance de travailler l’oral en bac pro selon les nouvelles IO, réalisons un petit historique des IO pour voir l’évolution de la place accordée à l’oral en français. L’étude des IO depuis 1985, année de la création des baccalauréats professionnels, nous a permis de dégager trois grandes périodes en ce qui concerne la place accordée à l’oral en français. Nous allons les résumer dans le tableau suivant :

1985 : Bien que l’oral occupe une place importante dans le programme officiel, il est « mal compris par les enseignants », donc « les pratiques de classe ne lui accordent que peu de place »[39]. 1995 : Ce n’est que dix ans plus tard qu’un BO[40] parle de « communication » et consacre une rubrique sur les compétences liées à l’oral, dans laquelle il préconise de mettre en place des activités d’apprentissage non seulement en rapport avec le contexte scolaire mais aussi avec les contextes social et professionnel. Il attire également l’attention des enseignants en présentant un tableau des cinq capacités orales que les élèves doivent acquérir au lycée: écouter, exposer, transmettre, participer, animer. 2009 : Année de la rénovation de la voie professionnelle (Bac pro en 3 ans), le nouveau programme de français[41] met clairement l’accent sur une pratique régulière de l’oral en classe de français. En effet, il apparaît fondamental que les élèves de LP construisent et renforcent des compétences langagières orales, par la socialisation, les échanges verbaux et les débats argumentés.

 

Tableau 1. Les trois grandes périodes de l’oral en français

Aujourd’hui, le très récent document Ressources « Travailler l’oral »[42] , qui accompagne le programme de français du nouveau Bac pro, invite explicitement à « entrer dans l’échange oral », la compétence est dite « à part entière » : « (…) écouter, réagir, s’exprimer est une des quatre compétences attendues dans les finalités assignées au programme de français en baccalauréat professionnel. Il convient donc d’appréhender cette compétence dans toutes ses richesses et implications. » L’oral en lycée pro est un programme important au même titre que l’écrit dans l’enseignement du français qui se situe au « cœur des enjeux sociaux et culturels. »[43] Les expressions orale et écrite sont parties intégrantes des nouveaux programmes de bac pro 3 ans sortis en 2009.[44] Lesdits programmes ont pour finalité « entrer dans l’échange oral : écouter, réagir, s’exprimer[45] » et s’étalent sur trois années d’études dont la 2nde, la 1ère et la terminale bac pro. Travailler l’oral en lycée pro commence donc dans les classes inférieures et se termine en terminale pour permettre aux élèves de rattraper leurs lacunes et leur assurer plus de chance de maîtriser l’oral et de le réussir au bac, ce qui ne pourrait pas se faire rapidement vu les difficultés qu’ils ont en oral.

Durant ces trois années, le but est de promouvoir les compétences linguistiques des élèves en lycée pro en mettant au service de l’enseignement de l’oral tous les supports et tous les objets d’étude possibles (La parole en spectacle en est un). Les objectifs dans l’entrée dans l’échange oral varient au fur et à mesure que le niveau hausse (cf. tableau 2.) et s’inscrivent dans la volonté pour le ministère de l’éducation de promouvoir le travail de l’oral, l’outil salvateur qui permettra aux élèves de dompter cette discipline ou du moins de la connaître suffisamment avant d’entrer dans le monde professionnel. Ces trois années d’apprentissage de l’oral et de renforcement des acquis des élèves concernant cette discipline ont pour visée la possibilité d’argumenter, d’écouter et de répondre ou de réagir, bref de communiquer dans les règles de l’art. Il s’agit de « consolider les connaissances des règles de construction de la phrase et d’améliorer la production de discours organisés et cohérents[46] ».

En seconde, l’élève apprend à exprimer à l’oral une opinion recevable pour autrui. Il doit faire

également l’apprentissage de la prise de distance, par exemple en rendant compte d’un événement

d’actualité (Construction de l’information) ou en s’exprimant sur un personnage de fiction (Parcours de

personnages). Dans le domaine de l’analyse, il apprend à mesurer l’impact de la parole et doit prendre

conscience des codes et des usages sociaux du langage.

En première, en exprimant à l’oral ses convictions, son engagement, son désaccord, l’élève apprend à

nuancer sa pensée, à l’enrichir du jugement des autres (Les philosophes des Lumières et le combat

contre l’injustice). Son discours, plus élaboré, doit gagner en cohérence et en conviction grâce à

l’étude et l’appropriation d’un lexique et de structures syntaxiques adaptés. Il fait également

l’apprentissage de l’objectivité à travers l’identification et la reformulation d’idées (L’homme face aux

avancées scientifiques et techniques : enthousiasmes et interrogations).

La classe terminale doit donner l’occasion de la confrontation des valeurs et des opinions dans un

débat argumenté (Identité et diversité). Il ne s’agit plus simplement d’affirmer son point de vue mais

d’apprendre à organiser sa pensée, à être attentif à l’expression de la pensée d’autrui et à enrichir

progressivement sa pensée à travers celle des autres (Au XX

e

siècle, l’homme et son rapport au

monde à travers la littérature et les autres arts).

 

Tableau 2. La progression dans les compétences à entrer dans l’échange oral sur le cycle des trois ans. Source : Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN) (2011). P. 7.

L’étude du tableau ci-dessus nous informe que l’enseignement de l’oral et les compétences attendues durant le cycle de trois ans diffèrent d’un niveau à un autre. Il s’agit d’un apprentissage par étape et les progressions attendues deviennent plus concrètes et plus matures au fur et à mesure que l’élève monte en classe.

En classe de seconde, les objectifs à atteindre restent simples puisqu’ils se résument en la possibilité, pour l’élève, d’apprendre à exprimer son opinion de sorte que les autres puissent la comprendre. Les enjeux deviennent plus complexes en classe de 1ère puisque l’élève n’apprend plus mais se met à l’action. Il s’exprime à l’oral en usant du lexique et de la syntaxe appropriés et expose non seulement ses convictions, mais aussi son engagement et son désaccord. Il ne se prête pas à une seule opinion mais apprend à la diversifier et à y intégrer le jugement des autres. En d’autres termes, il commence à s’affirmer et à affirmer sa position par rapport aux autres tout en considérant la leur, il met en pratique l’apprentissage qu’il a effectué en seconde. La terminale bac pro est une année de synthèse et de mise en pratique de tous les acquis obtenus en 2nde et en 1ère. Ce n’est plus un moment d’expression mais de débat, l’élève doit pouvoir défendre ses opinions et les confronter à celles des autres tout en les enrichissant de celles des autres. En somme, les trois années se résument en l’apprentissage de l’expression orale, en la mise en pratique des acquis via l’expression orale et en l’approfondissement de cette expression orale en ne se contenant pas seulement de s’exprimer mais de débattre.

Il est essentiel de savoir qu’en bac pro, une importance capitale est attribuée à « la dimension langagière de la maîtrise de la langue » (la représentation de l’autre, l’interlocution immédiate ou différée[47]). L’apprentissage du français doit tenir compte des dimensions sociale et culturelle de la langue : « L’objet d’étude La parole en spectacle, à travers l’analyse de l’efficacité des mises en scène et des procédés de l’éloquence, doit donner une claire conscience des codes culturels et des usages sociaux du langage et permettre de mesurer pleinement les pouvoirs de la parole.[48] »

  1. Les enjeux de la maîtrise de l’oral

Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction, la maîtrise de l’oral revêt plusieurs enjeux en lien avec la formation de l’élève et les interactions complexes dont les enjeux sociaux, psychologiques, pédagogiques et professionnels. Montelle (2008) évoque les avantages et nécessités de la maîtrise d’une haute langue orale, car il ne s’agit pas seulement de maîtriser l’oral, mais de maîtriser une haute langue orale qui va au-delà de celui-ci (une forme plus aboutie et plus plus utile dans la vie professionnelle, quotidienne ou encore scolaire). Il évoque une maîtrise indispensable pour :

« -comprendre les propos d’un professeur, d’un savant, d’un homme politique ;

-lire et interpréter les manuels, les textes scientifiques et les œuvres de fiction de qualité ;

-penser et raisonner de façon subtile, de façon à ne pas se laisser guider seulement par ses seules émotions et pulsions.[49] »

Dans cette partie, nous exposerons ces enjeux afin de démontrer l’impact immédiat et à long terme de l’oral dans la vie scolaire et professionnelle des élèves.

  • Les enjeux sociaux et professionnels

L’oral et le social sont indissociables : l’enseignement de l’oral doit donc prendre en compte diverses dimensions sociologiques. Bourdieu souligne l’aspect déterminant des marqueurs sociologiques indispensables dans l’enseignement de l’oral et prouve que son enseignement va bien au-delà de l’exposition de compétences. L’auteur rejoint les fondements de la théorie structuraliste et critique, dans les années 70, le fonctionnement de l’institution scolaire. Pour lui, l’école est un lieu de discrimination sociale, et il se servira de statistiques pour démontrer ses affirmations et montrer qu’elle ne met en place aucune démocratie, contrairement à ce que l’on pense[50]. Les travaux de Bourdieu nous permettent donc de voir de près la relation entre oral et social. Les exemples qu’il choisit illustrent un fait majeur : l’enseignement de l’oral peut être influencé par l’appartenance sociale de l’enseignant ou par d’autres marqueurs sociologiques. Les cours magistraux, par exemple, sont dispensés par des professeurs usant d’un discours au registre de langue et aux références culturelles propres à leur appartenance sociale, ce qui fait que seuls les élèves appartenant à la même classe sociale ou qui se sont longtemps familiarisés avec celle-ci peuvent les comprendre. L’auteur associe pédagogie et culture en ces termes : « Toute action pédagogique est objectivement une violence symbolique en tant qu’imposition, par un pouvoir arbitraire, d’un arbitraire culturel. »[51]

Cet auteur ayant grandement traité des enjeux sociaux de l’enseignement de l’oral, nous allons user de ses théories tout au long de cette sous-section. Il a notamment développé « l’habitus » qui est un ensemble d’habitudes de comportement, de langage et de relation au monde. Ce dernier nous confère une place précise et façonne notre identité. Bien que sa théorie ait connu un grand succès, force est de constater qu’elle reste limitée. Et bien que des liens entre échec scolaire et milieux défavorisés aient été établis et sont surtout confirmés pour les élèves en lycée pro, l’enseignement de l’oral peut venir à bout des déterminismes sociaux de Bourdieu. En effet, en enseignant l’oral, l’enseignant devra être conscient du pouvoir qu’il détient sur ses élèves et accepter le fait qu’ils développent eux-mêmes un certain pouvoir grâce à leur maîtrise de l’oral. Nous pensons également que cela dépend de l’enseignant car lorsqu’il prend en compte les dimensions sociologiques durant son cours et s’il étudie de près le profil de ses élèves, surtout en lycée pro, il saura mettre en place un enseignement plus objectif et approprié à ces derniers et à leurs compétences langagières.

Par ailleurs, l’enseignant doit également garder à l’esprit la considération de l’école en tant que lieu de socialisation par excellence. Celle-ci est favorisée par la langue orale car son enseignement permet de réveiller les capacités relationnelles et communicatives des élèves, des capacités déterminantes en termes de socialisation. Le déterminisme culturel devient un des obstacles qu’il faut avant tout combattre durant l’enseignement de l’oral, mais l’enseignant doit aussi prendre en compte un fait majeur : l’oral permet aux jeunes de s’insérer socialement, lorsqu’une meilleure maîtrise de la communication orale s’installe, d’où l’utilité, pour lui, d’éviter toute discrimination envers les élèves pour permettre cette insertion.

Les enjeux sociaux et professionnels de l’oral sont complémentaires. En effet, Charmeux (1996)[52] considère l’oral comme un critère de distinction sociale prépondérant dans le milieu du travail. Elle soutient le fait qu’en milieu professionnel : « ce ne sont point les apparences, vêtements ou autres aspects superficiels du train de vie, qui permettent de savoir à qui on a affaire, c’est la manière de parler ; des ouvriers comme des cadres supérieurs peuvent porter des Jean’s, avoir une voiture, être propriétaire de leur logement, etc… mais leur parole les caractérise immédiatement ; la syntaxe et le vocabulaire ne trompent pas[53] » Selon elle, le simple fait d’entendre quelqu’un parler permet de caractériser son appartenance sociale ou de distinguer son rang ou sa fonction au sein d’une entreprise. Pour appuyer ses dires, le ministère de l’éducation nationale ajoute qu’« il est important de ne pas confondre langue et variété d’une même langue. La langue varie d’un espace à un autre, d’une communauté socioculturelle à une autre. La façon de s’exprimer varie selon le milieu social ou professionnel du locuteur, selon la situation de communication dans laquelle le locuteur se trouve, selon l’effet visé par le locuteur.[54] » Ainsi, pour se démarquer dans le milieu professionnel, obtenir une évolution de carrière, etc., la manière de s’exprimer à l’oral peut être déterminante dans la mesure où elle permet à autrui de juger de l’intellect du salarié, de son niveau social, de son intelligence, de ses compétences, etc. (mais ne constitue pas pour autant un critère décisif, plutôt un appui).

Cependant, force est de constater, toutefois, qu’il existe, dans le vocabulaire français en usage, des mots utilisés par tous les individus sans exception (dans le registre courant, surtout), qu’importe leur milieu social. Ces mots (chaise, député, etc.) désignent, la plupart du temps, des objets, des lieux, des appellations, ce sont donc des mots communs qui échappent à ce critère de socialisation puisqu’ils ne sont pas remplaçables (du moins pour la plupart). Mais il existe aussi des mots spécifiques à tel ou tel milieu social (les argots de banlieue dans le film L’esquive en font partie et caractérisent le milieu social défavorisé auquel la plupart des personnages appartient).

  • Les enjeux psychologiques

Pour rappel, les élèves en LP sont, en général, des élèves rencontrant des difficultés dans leur milieu familial, des difficultés qu’ils ne savent pas réserver au cadre privé et qu’ils emmènent avec eux à l’école. La plupart d’entre eux viennent d’un milieu défavorisé, la majorité ne disposant pas des bases culturelles et linguistiques nécessaires à la réussite scolaire. Ainsi, ces difficultés influent sur leur investissement à l’école. Le fait de se trouver en plaine phase d’adolescence n’aide pas puisque cela peut les amener à refuser et à renier l’apprentissage et à devenir des sortes de marginaux, une fois leur cursus scolaire achevé. C’est dans ce contexte que la terminale bac pro représente un espoir pour ces élèves qui voient en leur cursus scolaire un garant de leur insertion socioprofessionnelle. Celle-ci doit cependant être « négociée positivement[55] » pour que le sentiment d’échec récurrent et de marginalisation chez ces jeunes ne soit pas renforcé.

L’étude en LP représente donc l’espoir d’une vie et d’un avenir meilleurs pour ces jeunes, que ce soit sur le plan professionnel ou psychologique. Et elle peut être réussie grâce à l’oral. Pour ce faire, l’enseignant de français doit être conscient du rôle crucial qu’il y joue. Il doit mettre en place un apprentissage adéquat capable d’impacter positivement sur l’estime de soi de ses élèves qui peut être très basse, voire-même inexistante. Cette estime de soi est favorisée par les interactions entre élèves et professeurs, entre élèves ou avec le monde extérieur. L’équilibre psychologique des élèves et leur estime de soi peuvent donc être atteints grâce à la maîtrise de l’oral, ce que l’enseignant doit prendre en compte dans son enseignement. Roulet (1991) le confirme en ces termes : « L’oral joue un rôle d’autant plus important qu’il intervient de manière à la fois plus subreptice et plus constante, et donc moins contrôlable que l’écrit, dans la constitution de l’image de soi et dans le développement de la relation à autrui. »[56]

  • Les enjeux pédagogiques

Les échanges verbaux représentent la moitié du temps scolaire. Une part considérable des apprentissages faits par les élèves se déroule donc durant ces derniers. Ceci n’est pas spécifique à la discipline français, mais à toutes les disciplines qui requièrent des échanges verbaux lors d’explications, de réactions, de réponses à des questions posées, etc. Les interactions et dialogues qui en résultent contribuent à la construction des savoirs par les élèves, à leur progression jusqu’à l’accès à une formation professionnelle qualifiante. Elles influent aussi sur leur réussite scolaire. L’oral étant un apprentissage « au service des autres » et à l’ordre des préoccupations de tous les intervenants éducatifs, il faut mettre en place un enseignement plus poussé de celui-ci pour que les élèves puissent surmonter les obstacles et contraintes d’expression auxquels ils font face : enrichir leur lexique, évaluer petit à petit leur évolution grâce à des outils (pédagogiques) spécifiques, etc. Cela favorisera l’accès à la fonction cognitive du langage et fera de l’oral « un instrument d’investigation, de représentation de la réalité, et d’anticipation des événements.[57] »

Pour résumer cette première section dédiée à la revue de littérature sur l’enseignement de l’oral, nous pouvons constater que celui-ci reste inconsidéré ou mal compris par les enseignants, ce qui les conduit à utiliser une pédagogie non appropriée et finit par provoquer, chez les élèves, un désintérêt et une incompréhension de l’oral. Nous pouvons souligner l’effort des autorités de vouloir promouvoir cet enseignement de l’oral et de vouloir lui accorder une meilleure place, via la mise en place de nouveaux référentiels qui incitent, voire même obligent les enseignants à travailler l’oral, surtout en lycée pro (en bac pro). Ils sont tenus d’user d’objets d’étude tels que La parole en spectacle pour éveiller l’attrait des élèves pour l’oral et les faire prendre conscience de ses enjeux afin qu’ils parviennent à le maîtriser. J’ai moi-même appliqué ces recommandations et usé de La parole en spectacle. La partie qui suit entrera plus en détail sur ce sujet, notamment sur les démarches et analyses effectuées dans le cadre de cet objet d’étude.

  1. Etat des lieux en classe : Démarches et analyses

Dans cette partie, je parlerai de l’expérimentation mise en place pour repenser l’enseignement de l’oral : la parole en spectacle. Je commencerai cette partie par exposer les différents constats sur lesquels cette expérimentation se base et qui m’ont conduite à vouloir changer mon angle d’attaque en enseignant les lettres, notamment l’oral.

  1. Les constats sur lesquels le mémoire et l’expérimentation se fondent (issus de la vie scolaire quotidienne des élèves dans la classe dans laquelle j’enseigne)

Comme je l’ai déjà mentionné au tout début de ce mémoire, les élèves en lycée pro auxquels j’enseigne le français depuis deux ans manifestent des difficultés indéniables en oral : ils s’expriment mal ou difficilement, ils ont un vocabulaire pauvre et des problèmes d’élocution et de diction, ils ne savent pas différencier les registres de langue ni comment les utiliser pour telle ou telle circonstance et ont tendance à user de la violence verbale, à être timides ou volubiles lorsqu’ils doivent s’exprimer oralement. Avant de m’étayer sur ces constats, je vais définir les caractéristiques des enfants dans les lycées pro et les origines de leurs difficultés selon Barrié et Massé (2012).

Dans notre revue de littérature, nous avons attribué aux enseignants, aux établissements scolaires et au cadre familial la responsabilité liée aux difficultés des élèves en oral. Il s’agit des élèves en général ; ici, nous évoquerons le cas des élèves en lycée pro qui est légèrement plus différent, tout en restant semblable en grande majorité. En effet, les élèves en lycée pro sont des enfants qui ne s’en sortent pas dans l’enseignement général (ont des mauvaises notes) que ce soit en français ou dans toutes les autres disciplines. Ils voient en la voie professionnelle une meilleure issue pour atteindre le monde professionnel. Barrié et Massé (2012) considèrent ces enfants comme étant des élèves difficiles, en situation difficile et qui ont des difficultés. Selon eux, ces élèves vivent une vie difficile et ne savent pas établir de frontière entre vie courante et vie scolaire. Leur parcours scolaire est donc influencé par leur vie courante de tous les jours, au sein de leur famille ou tout simplement en dehors du cadre scolaire. Les deux auteurs citent également de nombreux obstacles socio-psychologiques qui rendent ces élèves particulièrement difficiles : « séparation parentale ou désengagement familial, mésestime de soi et rapports perturbés au corps, tensions amoureuses, carences financières, écarts d’une culture étrangère à la norme du pays d’accueil… [58]»

Les élèves en bac pro sont donc des enfants à problème, et la famille ou l’estime de soi peuvent en être les principales causes. L’enseignement ou l’enseignant peut aussi causer ces difficultés dans la mesure où la réputation d’un établissement et l’implication psychologique de l’enseignant y contribuent. Nous retrouvons les mêmes causes que celles citées dans la revue de littérature. Les deux auteurs préconisent une prise en compte de ces dernières par les enseignants en cas de difficultés linguistiques. En même temps, ils recommandent à l’enseignant d’être empathique et d’être à l’écoute tout en échangeant avec les élèves en question pour « lever ces blocages psychologiques d’origine socio-culturelle.[59] »

Les difficultés que j’ai constatées du côté de mes élèves ne sont pas éloignées de celles typiques des élèves en lycée pro citées par ces deux auteurs :

Les difficultés des élèves sont en général dues, soit à des problèmes de structuration de la pensée : repérage spatio-temporel défaillant et faculté d’abstraction parfois absente, soit au point de vue lexical, à la pauvreté du langage et à la difficulté à l’adapter à une situation. Ensuite, les difficultés concernent les obstacles linguistiques et langagiers qui sont le plus fréquemment rencontrés par une majorité d’enseignants : erreurs de morpho-syntaxe, erreurs sur les homophones, les paronymes, erreurs d’usage[60]

  • Difficultés d’expression des élèves

Cela fait deux ans que j’enseigne les Lettres en lycée professionnel et je suis en charge des classes de 2nde, de 1ère et de terminale Bac pro. Comme mentionné au début, ces élèves font preuve de difficultés d’expression et sont hétérogènes que ce soit au niveau scolaire ou en termes d’attitude et de comportement. La classe ayant fait l’objet de mon expérimentation est celle de terminale bac pro gestion-administration (BP GA). Je suis confrontée à des élèves qui peuvent se montrer intéressés par le français et qui acceptent de s’exprimer mais de manière tellement difficile que cela me laisse perplexe. Ils n’arrivent pas à trouver les mots justes qui peuvent exprimer leur opinion, ne s’en sortent pas en débat, etc. Ils sont en conflit avec l’orthographe et la grammaire et plus encore avec la littérature, ce qui les rend particulièrement réticents à étudier le français.

  • Pauvreté du vocabulaire

Les difficultés rapportées ci-dessus s’apparentent à un vocabulaire pauvre et très limité. Les élèves ne disposent pas d’un large choix de mots et il se peut qu’ils aient du mal à exprimer correctement ce qu’ils souhaitent dire, faute de mots. Ils peuvent confondre certaines notions ou ne connaissent pas de termes techniques ou appropriés à telle ou telle situation. Résultat, ils parlent seulement pour parler, et leur expression trahit le peu de connaissances en vocabulaire dont ils font preuve. Leur bagage linguistique est constitué de mots courants ou faciles, et dès qu’il s’agit de leur donner un vocabulaire ancien, peu utilisé ou un terme technique, il se peut qu’ils ne le comprennent pas et qu’ils ne peuvent pas en expliquer le sens ou la signification. Certains de mes élèves sont conscients de cette pauvreté en vocabulaire tandis que d’autres se contentent du peu qu’ils ont. Notons, dans cette pauvreté de vocabulaire, l’importance de la « polysémie qui constitue une particularité du langage. Le sens du mot est fondé sur le contexte dans lequel il est placé et lorsque l’enseignant utilise un terme, il peut revêtir différentes significations en fonction de l’instant où il l’emploie.[61] » La polysémie permet donc à l’élève d’étudier le contexte d’une phrase et d’identifier, à partir de celui-ci, le sens d’un mot donné. Un mot peut avoir plusieurs significations en fonction de la phrase ou du contexte, mais le manque de maîtrise de la polysémie peut induire l’élève à une fausse interprétation du sens d’un terme précis. Il s’agit d’un problème majeur en termes de compréhension et d’argumentation. C’est surtout durant les tests ou examens que la polysémie pose problème à ceux qui ne la maîtrisent pas puisqu’ils peuvent faire ce qu’on appelle « hors-sujet ».

  • Problèmes d’élocution et de diction

Leur difficulté d’expression se manifeste également par des problèmes d’élocution et de diction. L’élocution se définit comme la « manière d’articuler les sons ; parole, débit : Défaut d’élocution. » ou la « manière de s’exprimer ; choix et arrangement des mots dans le discours : Élocution savante.[62] » La diction, elle, représente la « manière de parler ; ensemble des règles qui codifient la prononciation d’une langue, considérée d’un point de vue normatif ou esthétique ; élocution.[63] » On a souvent tendance à confondre ces deux notions qui se ressemblent et sont complémentaires mais qui, au fond, sont différentes. Que ce soit à l’oral ou à l’écrit, les règles d’élocution et de diction restent les mêmes et s’appliquent de la même manière. L’élocution et la diction à l’écrit ne sont visibles que lors d’exercices/d’activités spécifiques tels que celui proposé dans le cadre de La parole en spectacle que nous présenterons plus bas. Mais à l’oral, ils sont très palpables et permettent de comprendre les autres et leur permet également de nous comprendre.

Les intonations sont des critères de compréhension du français que ce soit à l’oral ou à l’écrit. L’écrit est plus facile puisque nous pouvons distinguer les syllabes et changer d’intonation au fur et à mesure des ponctuations (hausser le ton lors d’une interrogation, suspendre les mots en présence d’une virgule puis les reprendre, baisser le ton et marquer un arrêt long en présence d’un point, etc.). L’écrit, donc la lecture orale, permet de maîtriser élocution et diction. Toutefois, lorsque ces règles ne sont pas renforcées à l’oral, les élèves peuvent ne pas les connaître et avoir des problèmes, comme c’est le cas de ceux en BP GA.

  • Problèmes de différenciation entre les différents registres de langue

A l’oral comme à l’écrit, il existe différents registres de langue. Je ne vais pas m’étayer sur le sujet puisqu’il s’agit de registres couramment utilisés au quotidien (courant ou familier) ou au milieu professionnel (correct ou soutenu). Ces langages se distinguent par les vocabulaires choisis et autorisés pour chacun d’eux et s’utilisent en fonction de la situation. En classe, il existe trois types de langage que les élèves doivent connaître et qui ne s’éloignent pas de ces registres :

  • Le langage courant (il est usuel, compris par tout le monde et enseigné en classe)
  • Le langage scolaire (il est propre aux enseignants, ils l’emploient notamment pour communiquer les consignes aux élèves : lire, expliquer, apprendre … Il peut faire appels à différentes exigences selon les professeurs,
  • Le langage disciplinaire : il est spécifique à la matière enseignée.[64]

Ces trois langages sont ceux spécifiques à la scolarité : le langage courant est un acquis de l’élève semblable au registre courant, il est censé l’acquérir bien avant l’école et n’est pas forcément enseigné en classe. Le langage scolaire, lui, correspond au langage du maître lorsqu’il donne ses consignes tandis que le langage disciplinaire est spécifique à une discipline donnée, comme le langage littéraire pour la discipline littéraire ou le langage scientifique pour les matières scientifiques telles que les sciences, la physique ou les mathématiques.

Au niveau scolaire, les élèves en bac pro ne savent pas faire la différence entre ces trois langages, mais aussi entre les registres de langue courant, familier ou soutenu. Ils ne savent pas que le registre change en fonction du cadre dans lequel on se situe ou de la situation ou même de la personne avec laquelle on converse : ainsi, on use d’un registre soutenu, en parlant de manière polie et formelle, en présence d’une personne éminente, d’un adulte inconnu, etc. Les enseignants ne les aident pas dans la mesure où leur enseignement se résume, le plus souvent, au langage scolaire. Le langage courant s’utilise au quotidien avec les amis ou entre famille, mais très souvent, les élèves en bac pro ont tendance à n’utiliser que celui-ci ou à le prioriser face aux autres registres, ce qui rend leur conversation souvent désorganisée ou légère.

  • Usage de la violence verbale VS timidité VS volubilité des élèves en situation d’oral

Les conséquences de ces difficultés d’expression à l’oral sont nombreuses, j’en recense pourtant trois qui sont très présentes et méritent de l’attention de ma part en tant que professeur de Lettres/Histoire – de français- :

  • L’usage de la violence verbale :

Le manque de vocabulaire et l’incapacité à choisir des mots justes ou encore un registre approprié conduisent les élèves en terminale BP GA à devenir violents verbalement. Lors de prises de parole en classe, de séances débat ou tout simplement de cours sur l’oral, quand je les incite à prendre parole, je remarque l’usage de mots inappropriés dans le cadre scolaire, des expressions particulièrement violentes pour marquer une envie de se faire remarquer par rapport aux autres ou de se faire entendre ou d’asseoir son opinion, dans un contexte de domination. Les paroles utilisées, dans ce sens, sont vivantes, spontanées ou intempestives. Ils sont grossiers et frisent même l’insulte, ce qui fait qu’ils ne savent ni s’écouter ni se respecter.

  • La timidité

Les élèves qui ne sont pas violents oralement sont, au contraire, timides et renfermés. Ils n’osent pas exprimer leurs idées par honte de leurs lacunes en termes d’oral. Face à un climat de classe parfois désordonné à cause de certains élèves qui manifestent de la violence verbale, certains ont peur de passer pour des « nuls », d’être perçus comme des incapables, ils ont peur d’être charriés par leurs camarades. D’un côté, ils craignent les moqueries et d’un autre, ils se persuadent que rester dans leur coin les évitera de se sentir ridicules ou d’être ridiculisés par les autres. Cette timidité, à mon avis, est aussi cautionnée par le fait que l’enseignant fait figure de « bourreau » pour certains élèves : ils sont persuadés que leur ignorance sera punie, ils décident alors de la cacher. Il s’agit pourtant d’une erreur monumentale, et bien que j’essaie d’instaurer un climat de confiance et d’ouverture à tout le monde, il en existe toujours certains qui se cachent derrière leur timidité. Leur peur peut aussi être due à leur situation en famille : peut-être sont-ils grondés lorsqu’ils commettent des erreurs et instinctivement, ils redoutent aussi d’être punis de la sorte en classe. Cela se classe parmi la difficulté à séparer vie privée et vie scolaire abordée au début de cette section.

  • La volubilité

Certains de mes élèves en terminale BP GA sont volubiles en situation d’oral : ils sont très bavards et parlent pour ne rien dire. Ils veulent à tout prix cacher le fait qu’ils ont des difficultés à l’oral alors ils compensent par des paroles excessives qui peuvent parfois être sans sens ou vouloir dire la même chose. Certains de ces enfants volubiles peuvent aussi être des élèves intelligents qui ont soif de reconnaissance, veulent se distinguer des autres et faire étalage de leur savoir. Certains savent donc s’exprimer et veulent le montrer alors que d’autres veulent le cacher et s’expriment abondamment. Dans tous les cas, j’ai noté une incohérence et une certaine impolitesse chez des élèves qui ne savent pas participer correctement (parlent sans lever la main pour désigner leur envie de s’exprimer ou sans que je leur en ai donné l’autorisation), coupent la parole aux autres ou la monopolisent, etc.

  1. Description de la classe

 

  • Une classe de terminale bac pro gestion/administration composée de 26 élèves

Au sein de mon lycée, 3 grands secteurs font partie de la voie professionnelle et s’ouvrent généralement aux classes de 3ème Prépa Pro (anciennement 3ème DP6): le secteur ASSP-SPVL-CAP ATMFC (filières qui mènent aux domaines professionnels de l’animation, des soins et de l’aide à la personne), le secteur tertiaire (vente-commerce-gestion/administration) au sein duquel la classe observée termine le cycle du bac pro en 3 ans, et le secteur MMV (Métiers de la Mode et des Vêtements).

La terminale BP GA est composée de 26 élèves au total : 16 filles et 10 garçons. Je rejoins mes collègues qui affirment que c’est une classe très hétérogène mais avec laquelle il est très intéressant de travailler, le défi de captiver leur attention à tous en cours de français étant quotidien. Si certains élèves s’approprient à leur rythme les capacités, connaissances et attitudes attendues dans les objets d’étude au programme – et ce ne sont pas forcément ceux qui ont le moins de difficultés langagières, d’autres (ils sont 5) sont complètement égarés, ont besoin de reformulations et surtout qu’on les rassure.

Ces élèves se destinent, pour la plupart, à exercer un métier en lien avec la gestion administrative et les relations commerciales. C’est une classe relativement intéressée par la matière, bien que dispersée parfois, mais qui peut réussir à faire preuve de curiosité et de réflexion. Le groupe est dynamique, fait des efforts de compréhension et d’implication lorsque le cours sort « du cadre habituel » (travail sur tableau blanc interactif, sur des images, du son, sur tous les supports où ils peuvent être un moment spectateurs), notamment lorsqu’il s’agit de donner son opinion sur un sujet ou lors de débats, mais aussi lorsqu’il est question de prolonger une réflexion. Cependant, si les élèves se montrent, dans l’ensemble, intéressés et ont une volonté de bien faire, je ne suis pas certaine que l’effort se poursuive en dehors de la classe (manque évident de travail personnel à la maison, d’autonomie). Pour progresser en français, ils ont besoin d’être ensemble et guidés par le professeur. Quelques élèves m’ont déjà confié qu’ils étaient plus motivés en classe et qu’ils avaient moins le goût de l’effort seuls à la maison.

Le référentiel officiel du bac pro GA souligne qu’au-delà des compétences rédactionnelles obligatoires pour pouvoir assurer les métiers de la gestion administrative, les élèves en bac pro GA doivent aussi posséder des compétences orales relatives aux « relations avec les fournisseurs, les clients, l’équipe, participation voire gestion d’entretiens d’embauche de futurs salariés si affectés au service RH, intermédiaire entre différents pôles ou services, accueil, gestion de conflits internes ou externes…[65] » Ce référentiel fait donc état de la complémentarité de l’oral et de l’écrit pour des métiers liés à l’administration et attestent du fait que l’oral sert avant tout à la communication. Mais il souligne aussi un manque de cours de communication ou d’expressions orales dans ce secteur. Même les situations professionnelles pour lesquelles les enseignants évaluent les élèves en gestion et administration sont écrites et non orales.

Les élèves de ma classe étant particulièrement soucieux de leur avenir professionnel, certains d’entre eux pensent poursuivre en BTS après leur bac. Les compétences langagières, notamment orales, sont très importantes pour les élèves qui souhaitent continuer leurs études après un bac pro, avant d’entrer dans la vie active. Au cours des 3 années de prépa du bac pro GA, les élèves ont acquis les compétences nécessaires pour gérer administrativement les relations commerciales, le personnel, la communication ainsi que la production d’une entreprise, ce qui leur ouvre les portes (sur dossier si pas de mention au bac) de la « voie royale » : le BTS (Brevet de Technicien Supérieur), en général choisi par les BP GA qui veulent un diplôme plus élevé et relativement recherché par les entreprises. La culture générale et les compétences en expression écrite sont importantes, mais une place particulière est accordée aux aptitudes en communication orale en français niveau BTS. Concernant ma classe : sur 26 élèves, 17 ont mentionné dans leur fiche de « vœux » un désir de continuer en BTS, en mars 2015, lors de la période des « Appréciations Post-Bac » (tous leurs enseignants notent une appréciation concernant leur matière, pour chaque élève, où ils font part des qualités (ou non) de l’élève pour le choix de telle orientation post-bac (BTS ou autres : DUT, …). En général, les élèves choisissent un BTS qui correspond à leur profil :

 

  1. Démarches et déroulement de l’expérimentation

 

  • Division en deux groupes de la classe

Jusqu’aux congés de février, j’avais les 3h officielles de cours de français en classe entière avec les TBP GA ; mais à partir de la rentrée (début mars), un changement d’emploi du temps m’a permis de les avoir 1h de plus par semaine en cours d’AP (Accompagnement Individualisé), ce qui a pu me permettre de travailler avec eux en groupes restreints (la classe a été divisée en 2 et de 10h à 12h le jeudi, j’ai pu avoir chaque groupe pour travailler avec eux les enjeux de la compétence orale, étant donné que nous en étions à notre dernier objet d’étude « La Parole en spectacle » et que l’occasion m’était donnée de travailler les expérimentations de mon mémoire). J’avais signalé en début d’année au secrétariat de la direction que je souhaitais avoir cette classe en petits groupes pour mon travail de master 2 mais je n’ai pu les avoir qu’au 2ème semestre car c’était impossible au niveau organisationnel et sur le plan de la compatibilité de l’emploi du temps de la classe et du mien. L’expérimentation s’est donc faite sur les 3 derniers mois de l’année, heureusement que la classe avait déjà effectué son stage de 6 semaines en entreprise au 1er semestre. Naturellement, j’aurais préféré commencer mon travail en petits groupes beaucoup plus tôt dans l’année scolaire, mais il faut savoir anticiper et s’adapter aux imprévus du quotidien, cela fait partie des compétences du métier de professeur (référentiel 2013). En prévision, j’avais donc commencé à travailler sur l’oral avec une classe de CAP petite enfance que j’avais en heures d’AP en français au 1er semestre en petits groupes, mais lors du changement d’emploi du temps de février, ce sont les TBP GA que j’ai eus au lieu des CAP.

La moyenne de la classe en français au 1er semestre était de 10,98. Une moyenne un peu fragile mais au 2nd semestre, elle est passée à 12,13. Il est indéniable que cette moyenne reflète une plus grande aisance dans leur travail : ils savaient mieux où ils allaient et pourquoi.

Je travaille avec les élèves dans l’objectif global qu’ils soient plus à l’aise à l’oral comme à l’écrit et réussissent l’épreuve de français au bac (une épreuve facultative). C’est pourquoi ils sont évalués toute l’année en compétences de lecture et d’écriture. Cette année, l’oral a fait l’objet d’une étude et d’une évaluation particulières étant donné le sujet de mon mémoire, et c’est une compétence à ne surtout pas négliger pour la réussite des élèves et pour qu’ils aient confiance en eux.

  • Une experimentation d’une durée de trios mois (de début mars à fin mai 2015)

Il m’est apparu nécessaire de faire étaler la durée de mon expérimentation sur trois mois  étant donné les difficultés de mes élèves et le peu de temps que nous pouvions avoir pour travailler l’oral à chaque séance. Deux questionnaires ont été élaborés durant cette expérimentation, un au tout début pour voir les rapports entretenus par les élèves avec l’oral avant l’expérimentation et un second pour marquer la fin de l’expérimentation, mais aussi pour évaluer son impact et ses apports pour les élèves.

  • Cadre pédagogique: objet d’étude “La Parole en spectacle” du programme de français de terminale bac pro

Karine Raveau, professeur de Lettres/Histoire et formatrice à l’ESPE de Nantes, définit les compétences orales que les élèves en terminale au lycée pro devraient avoir : « Il est attendu des élèves de Terminale qu’ils sachent  mettre en scène leur parole dans un discours, qu’ils soient capables de prendre en compte le point de vue d’autrui et d’entrer en contradiction.[66] » Toujours selon elle, en terminale bac pro, l’oral est une épreuve décisive qui « exige d’être capable d’analyser une œuvre et de la présenter à l’oral[67] » On attend donc de l’élève en terminale bac pro qu’il sache mettre en pratique les trois années d’étude de l’oral depuis la classe de seconde en mêlant analyse d’une œuvre et présentation orale de celle-ci. Pour parvenir à un tel résultat, il est du devoir de l’enseignant de mettre les élèves en situation de pratique orale, et l’auteure conseille de les faire produire un discours argumenté à l’oral sur la base d’une lecture d’une œuvre appropriée. Elle préconise également le travail de groupe par lequel l’enseignant peut évaluer les élèves.

Pour ma part, j’ai intégré devoir de groupe et devoir individuel afin d’analyser les facultés orales des élèves lorsqu’ils travaillent ensemble ou lorsqu’ils se retrouvent en situation de devoir individuel. Dans le cadre du devoir de groupe, j’ai mis en pratique l’objet d’étude « La parole en spectacle » qui répond parfaitement aux critères cités par Raveau (2014) car il « permet  une analyse plus fine des procédés oratoires nécessaires à toute dialectique.[68] » De même, cet objet d’étude est particulièrement recommandé et reconnu comme étant efficace pour l’apprentissage de l’oral : « Tous les objets d’étude peuvent et doivent donc donner l’occasion d’un apprentissage de l’oral même si certains d’entre eux, Des goûts et des couleurs, discutons-en, Les philosophes des Lumières et le combat contre l’injustice ou La parole en spectacle s’y prêtent de manière plus évidente.[69] »

La parole en spectacle est donc un objet d’étude qui a pour procédé et finalité l’étude de l’oral non seulement dans sa dimension enseignable, mais aussi en vertu des codes culturels et des usages sociaux que le langage véhicule. Il permet aux élèves d’étudier une œuvre non seulement dans un but de lecture ou de compréhension, mais surtout d’analyse et de compte-rendu de cette analyse à travers le discours devant un public donné (ici les élèves et moi-même en tant que professeur de Français). Cette analyse se fait à travers des interrogations profondes qui mènent à des discussions, incitent les élèves à réfléchir sérieusement et les enrichissent par de nouveaux faits et surtout de nouvelles connaissances, ou renforcent leurs (pré-)acquis. La parole en spectacle est donc une occasion de s’exprimer sur ce qu’on a appris durant l’expérimentation. Si chaque niveau a son objet d’étude recommandé, La Parole en spectacle est expressément conçue pour la classe de terminale et permet plusieurs productions que nous résumerons dans le tableau ci-dessous :

•Écouter/visionner un discours politique emblématique : impressions générales et analyse des stratégies mises en œuvre pour emporter l’adhésion du public.

•Transposer un discours politique à une autre époque.

•Sur un sujet défini et avec des critères de production négociés, présenter oralement un discours défendant une idée sur un point d’actualité, réaliser un plaidoyer.

•Mettre en voix une prise de position en fonction d’un auditoire et d’un enjeu visés.

•Mettre en voix un extrait de théâtre en suivant un carnet de mise en scène.

•Émettre une opinion contradictoire (joutes oratoires).

•Débattre en un temps restreint sur un thème donné.

•Sur un sujet de société (la construction d’une déchetterie, la consommation d’alcool chez les jeunes, le développement des réseaux sociaux, etc.) rédiger un argumentaire pour chaque parti (pour / contre) et réaliser à l’oral le débat en organisant le rôle de l’animateur en fonction de l’enjeu visé.

•Préparer l’épreuve orale de contrôle : présenter oralement une œuvre ou un groupement de textes, les liens qui l’unissent à l’objet d’étude et dire ce qu’on en a retenu dans sa réflexion personnelle.

 

 

Tableau 3. Pistes pour le travail de l’oral dans l’objet d’étude « La parole en spectacle ». Source : Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN), Travailler l’oral. Ressources pour la voie professionnelle, 2011, p. 10.

Comme son appellation l’indique, La parole en spectacle met en spectacle la parole pour permettre aux élèves de la connaître au-delà du sens « élocutoire » du discours[70]. La parole devient ici l’objet d’étude principal, elle est décortiquée dans tous ses aspects possibles, et quoi de mieux pour permettre un tel travail que le théâtre ou le cinéma qui permettent de mettre en scène la parole. Le théâtre et le cinéma sont des arts qui peuvent très bien être croisés avec la discipline « Français », notamment avec le travail sur l’oral, parce qu’ils permettent aux élèves de travailler en équipe et de travailler sur l’usage des mots qu’on y réalise (interdisciplinarité). Ils mettent en scène des dialogues que les élèves peuvent étudier et dont ils pourront décomposer les composantes autres que les mots car en effet, le fait de s’exprimer ne se limite pas seulement aux mots mais s’étend à la gestuelle, aux signes, aux graphiques, etc.[71] De même, les bacheliers, à travers La parole en spectacle, peuvent déterminer les émotions, informations, etc. véhiculées par chaque parole.

L’art (englobant le cinéma, le théâtre, le dessin, etc.) contribue fortement à la réussite des élèves dans les lycées pro, souligne le n°44 de la Revue en ligne des professeurs de Lettres/Histoire-géo de lycée professionnel Interlignes. Cette dernière affirme que l’inclusion de l’art dans les disciplines telles que le français, l’histoire-géographie, etc. permet un moment d’évasion, de sortir de la routine et d’enseigner aux élèves les enjeux sociaux et culturels de l’enseignement.[72] Les nombreux auteurs de cette revue apportent des témoignages de lycées professionnels qui ont mis en place des objets d’étude incluant l’art, notamment le cinéma et le théâtre, qui ont permis à leurs élèves de renouer avec les études, d’être plus critiques, de s’améliorer dans leurs études, mais aussi de retrouver des attitudes, des comportements, de devenir plus matures, etc.[73][74]

De nombreux auteurs évoquent l’efficience de La parole en spectacle et ses possibles bienfaits sur les élèves, des bienfaits utiles tant dans leur vie scolaire que professionnelle. Lors d’une conférence sur le sujet, Patrick Laudet s’exprime en ces termes : « il  serait  heureux  qu’à  l’occasion  d’une  telle  étude,  nos  lycéens s’approchent  un  peu  du  mystère  de  la  Parole,  qui  ne  se  superpose  pas  toujours exactement  avec  les  productions  langagières  qui  lui  servent  de  truchement […][75] » C’est en prenant conscience de ces bienfaits et de l’adéquation de cet objet d’étude avec le « traitement » des difficultés à l’oral de mes élèves que j’ai décidé de choisir le film « L’esquive » d’Abdellatif Kéchiche (2005) en tant que séquence et support  pédagogique. Ce qui est intéressant de constater, c’est que ce film possède deux dimensions simultanées répondant au critère de l’objet d’étude : le théâtre et le cinéma (la télévision), ce qui en fait l’objet d’expérimentation idéal pour moi et ma classe. Nous discuterons plus amplement de ce film dans la sous-section prévue à cet effet.

  • Déroulement de l’expérimentation

 

  • Elaboration d’un questionnaire sur les rapports que les élèves entretiennent avec l’oral

 

  1. Thèmes du questionnaire :

Notre expérimentation a été effectuée en suivant plusieurs étapes dont la première a été l’élaboration d’un questionnaire de lancement. Celui-ci sert avant tout à brosser les contours des difficultés que les élèves ont en oral, c’est un questionnaire d’éveil qui vise à conduire l’élève à réaliser un travail sur soi pour identifier ses éventuels problèmes en oral, des difficultés dont il s’est déjà rendu compte ou dont il n’a été conscient que grâce à ce questionnaire. Ce dernier a pour but d’évaluer leurs difficultés, d’en connaître la ou les origines, de connaître la position des élèves par rapport à l’oral et de savoir jusqu’où ils ont travaillé l’oral depuis qu’ils ont étudié, de connaître l’apport de l’école dans l’enseignement de l’oral ou encore de savoir s’ils le jugent important pour leur future vie d’adulte ; d’où les thèmes suivants :

  • Existence ou non de difficultés d’expression orale chez les élèves
  • Si oui, en classe ou dans la vie quotidienne ?
  • Causes de ces difficultés
  • Utilité de la maîtrise de la langue orale
  • Les élèves pensent-ils avoir suffisamment travaillé l’oral depuis qu’ils vont à l’école?
  • Le lycée aide-t-il les élèves à progresser à l’oral?
  • Importance de la maîtrise de la langue orale pour la future vie d’adulte des élèves

 

  • Distribution du questionnaire à remplir par les élèves suivant un délai fixé

J’ai élaboré ledit questionnaire conformément à mes constats et à notre troisième et dernier objet d’étude « La parole en spectacle ». Portant sur les rapports entretenus par les élèves avec la langue française à l’oral, il a été distribué aux 26 élèves suivant un délai fixé : il devait être rendu le vendredi 20 février 2015 au plus tard. A noter qu’il est individuel et que l’élève peut garder l’anonymat en le remplissant. Il n’est pas noté.

  • Etude du questionnaire et séance discussion avec les élèves pour des precisions supplémentaires aux réponses

Suite à sa distribution, j’ai consacré du temps aux élèves afin de discuter des thèmes, de la visée et de l’utilité du questionnaire autant pour moi et pour les élèves que pour l’objet d’étude et l’enseignement de l’oral en général. Nous avons étudié le questionnaire ensemble, décortiqué chaque thème pour plus de précisions et pour que les élèves ne se trompent pas dans leurs réponses ou qu’ils puissent savoir enchaîner leurs idées et savoir, par exemple, mettre en exergue les réponses les plus importantes et celles qui le sont moins (en échelonnant leurs réponses à travers l’usage de traits, les premières réponses étant les plus importantes, par exemple).

  1. Analyses

 

  • Élaboration de deux séquences

Dans le cadre de l’expérimentation, j’ai mis en place deux séquences dont la première, intitulée « Réapprendre à communiquer », a été une mise en bouche et un rappel sur la communication tandis que la seconde, « l’atelier de communication autour du film L’Esquive d’A. Kéchiche », a servi à mettre en pratique cette communication.

  • Réapprendre à communiquer
  1. Déroulement de la séance: Construction d’une grille d’évaluation aux principes conformes à l’expérimentation

La séquence « Réapprendre à communiquer oralement » est la séquence inaugurale de l’expérimentation, tournant autour de la problématique suivante : Dans quelle mesure les 1ères paroles agissent déjà sur autrui ? Elle a pour objectif global de caractériser la communication orale dans ses premiers instants : comprendre ce qui est en jeu ; communiquer oralement. Elle s’est déroulée en 9 heures et a été composée de trois séances que nous présenterons dans le tableau suivant :

Séance 1 (séance de lancement) : En quoi l’installation d’un climat favorable est-il nécessaire à toute situation de communication orale ?

 

Objectif : Se rendre compte de ce que signifie maîtriser sa prise de parole et ses échanges avec autrui.

Cadre : l’évaluation au service de la communication : construction d’une grille d’évaluation transversale dont les principes vaudront pour toute prestation orale par la suite, dans d’autres disciplines (exposés,…) et dans la vie sociale et professionnelle.

Durée : 1h

Une discussion avec la classe a permis d’établir collectivement un tableau des compétences de l’orateur et de l’auditeur, grille d’auto-évaluation valable pour toute activité autour de l’oral (cf. Annexe)

 

Séance 2 Qu’est-ce que la communication orale ? Entre mythe et réalité…

 

Séance 2 Qu’est-ce que la communication orale ? Entre mythe et réalité…

Objectif : Faire émerger les représentations des élèves et clarifier ce qu’est la communication orale ; mettre en place tout ce qui y interfère.

Support et justification : Schéma de la communication de Jakobson utilisé comme outil permettant d’éclairer les liens qui se tissent entre l’émetteur, son message et le récepteur (et non utilisé comme une fin en soi). Il met aussi en lumière la nécessité d’apprendre à s’adapter à diverses situations et différentes personnes. Le but est de montrer aux élèves que cette adaptation est source de liberté et de citoyenneté puisqu’elle favorise une communication maîtrisée.

Durée : 2h

Déroulement :

Faire sortir les représentations mentales des élèves sur la communication à l’aide des questions : « qu’est-ce que communiquer ?». Je rebondis ensuite sur les réponses des élèves en orientant le questionnement : « Combien faut-il être pour communiquer ? » ; « Pourquoi vouloir communiquer ? » ; « Ne peut-on communiquer qu’à l’oral ? » La séance se poursuit par la création d’un tableau de 3 colonnes reprenant le schéma de la communication de Jakobson avec les titres « Emetteur, Message et Destinataire ». Puis, je pose cette question avec le schéma sous les yeux de tous : « qu’est-ce qui est susceptible de modifier, de changer mon message à l’oral ? » et j’aide à la reformulation sous forme de questions : « Dans quel but communiquer ? » ; « où se passe la communication ? » ; « Quand se passe la communication ? ». La séance se termine par le visionnage d’un extrait du film film français La Môme (2007), réalisé par Olivier Dahan, avec l’actrice Marion Cotillard. Il s’agit de la séquence où Edith Piaf, qui a déjà été remarquée pour sa voix et son talent de chanteuse, doit impérativement prendre des cours de diction, d’articulation et de « communication » dirons-nous aujourd’hui, avec Raymond Asso, son parolier.

Séance 3 : « Parle, je te dirai qui tu es » ?

 

Séance 3 : « Parle, je te dirai qui tu es » ?

Objectif : Prendre conscience des compétences à développer pour produire un oral performant.

Pré-acquis : A l’issue de la séance 2, les élèves ont désigné la voix et le corps comme étant 2 révélateurs

Durée : 2h

Dans les 3 activités qui suivent, j’ai commencé la première dans le but de rassurer les élèves car s’exprimer devant un public est une mise en danger ; devant leurs camarades de classe, j’ai supposé qu’ils pourraient être déstabilisés bien qu’ils se trouvent dans un petit groupe de 13 ou 12 élèves, je le rappelle ; comme nous l’avons vu précédemment, ce sont des adolescents de 17 ou18 ans et ils sont à un âge où ils ne sont pas à l’aise avec une apparence physique qui, le plus souvent, leur déplaît.

Déroulement :

Phase 1 :

Objectif : Comprendre qu’une émotion, un sentiment, un état d’esprit s’entend dans la voix dès un simple « bonjour » et passe par le corps, au travers de nos gestes, de notre regard ; Maîtriser le lexique des émotions et des sentiments. A la fin de l’activité, je prévois de leur faire admettre que les compétences à travailler concernent d’égale importance la voix et le corps.

Phase 2 :

Objectif : Comprendre que la voix est révélatrice d’un état d’esprit, d’une émotion et aussi du caractère de l’orateur.

Phase 3:

Objectifs : Comprendre que la voix mais aussi l’allure, les gestes, le regard sont révélateurs d’un état d’esprit, d’une émotion et même du caractère de celui qui s’exprime ; définir ce que sont « les gestes parasites ».

 

Tableau 4. Tableau récapitulatif des trois séances de la première séquence.

  1. Objectifs :

La première séquence a pour objectifs principaux l’instauration d’un climat de classe favorable à la communication, la maîtrise de la prise de parole et les échanges avec autrui. Concrètement, à travers les séances, j’ai voulu amener les élèves à comprendre les enjeux de la communication et la nécessité d’un code commun ; à comprendre une situation d’énonciation et son interaction avec la communication ; à saisir ce qui interfère dans la communication et qui modifie le message (s’adapter à son destinataire/interlocuteur/auditoire ; à cerner l’objectif du message/discours) ; à prendre conscience du rôle de la voix et du corps dans la communication orale ; à travailler la maîtrise de la voix et du corps à partir d’exercices tirés du monde du spectacle  et à distinguer communication orale et communication écrite ainsi que la différence des enjeux.

  • Atelier de communication autour du film « L’Esquive » d’A. Kechiche (2005)

 

  1. Déroulement de la séance “orale et interdisciplinaire”: Etude du film « L’Esquive » d’Abdellatiff Kechiche en vue d’une pédagogie preventive

La première séquence étant une séquence préparatoire et de rappel, la seconde séquence « orale et interdisciplinarité » est un approfondissement tournant autour des arts de la représentation (cinéma, théâtre, art visuel) et de la langue orale à travers le film L’esquive, un film qui met en scène le langage. Je l’ai axée autour de la problématique suivante : Dans quelle mesure la mise en scène de nos difficultés à communiquer permet-elle de mieux appréhender les enjeux de la maîtrise de la langue orale dans nos rapports avec autrui et avec soi ?  

La seconde séquence s’est déroulée en 14 heures et a mobilisé les compétences suivantes de la part des élèves :

  • Comprendre comment la mise en scène de la parole contribue à son efficacité
  • Situer la visée d’une parole dans son contexte
  • Analyser une scène de théâtre en saisissant sa dimension scénique

Les attitudes attendues des élèves durant cette séquence sont :

  • Etre conscients des codes culturels et des usages sociaux du langage
  • Mesurer les pouvoirs de la parole
  • Prendre de la distance par rapport à une parole

On peut distinctivement mesurer, à travers ces capacités et attitudes, la différence entre les deux séquences, la première étant plus orientée vers la communication orale et les connaissances autour de cette dernière, et la seconde étant orientée vers les approfondissements et la mise en pratique de ces connaissances. Les connaissances mobilisées durant cette séquence « orale et interdisciplinarité » sont centrées sur les champs artistiques et littéraires : les mises en scène de la parole au cinéma et au théâtre, plus précisément au théâtre dans le cinéma (mise en abyme de la mise en scène du langage) ; les champs linguistiques : lexique de la norme et de l’écart, réutilisation du lexique des émotions (séquence 1), le lexique de la parole et des discours, les procédés de l’éloquence, l’énonciation dans le texte de théâtre ; l’histoire des arts : période XXIème siècle (XVIIIème siècle pour la pièce mise en scène dans le film, Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux) ; les domaines artistiques : « arts du spectacle vivant », « arts du visuel » et les thématiques : « Arts, sociétés, cultures », « Arts, corps, expression ».

J’ai choisi trois supports pour cette séquence :

  • Le cinéma :

Sorti en 2004, l’Esquive d’Abdellatif Kéchiche est un film aux frontières du réel -car presque documentaire- et du cinéma. Ce film très vivant met en scène, à son début, des jeunes d’une cité H.L.M. située en banlieue parisienne, plus précisément dans le quartier de Franc-Moisin, en Seine-Saint-Denis, qui veulent se venger d’une cité voisine et se retrouvent, plus tard, à répéter une pièce du 18ème siècle pour le spectacle de fin d’année de leur lycée.[76] Ces jeunes prennent leur rôle très au sérieux, la pièce jouée étant celle du « Jeu de l’amour et du hasard »  de Marivaux (1730). L’initiative vient de leur enseignante de français qui veut montrer aux élèves que « même si on essaie de changer son apparence, au bout du compte, on finit par se retrouver avec ceux qui sont comme nous[77] ».  Les élèves en question, d’un âge moyen de 15 ans, mettent en scène la pièce qui les détache de leurs codes sociaux liés à leur banlieue (langage cru, violence, drogue, etc.) et les transporte vers l’univers de Marivaux parsemé de français écrit au service de l’oral, de bonnes manières, de parfaite élocution, bref, d’un code social tout à fait opposé au leur.

Récompensé par quatre César au Prix Cinéma 2004 de la SACD, le film engage la participation d’acteurs tels qu’Osman Elkharraz (Krimo), Sara Forestier (Lydia), Sabrina Ouzani (Frida), Nanou Benahmou (Nanou), Hafet Ben-Ahmed (Fathi), Aurélie Ganito (Magalie) et Carole Franck (le professeur de français)[78]. Le film convient à l’objet d’étude de par le travail sur le langage qu’on fait à travers la mise en scène de langages contradictoires de banlieue et de Marivaux. Les élèves qui ont un langage très cru avec des expressions limitées et argotiques se retrouvent à travailler un langage correct et bien ordonné qu’ils ne comprennent toujours pas. Leurs défauts en oral rappellent ceux de mes élèves, et mon but est de leur faire prendre conscience de ce fait et des différences entre les registres rencontrés dans le film, d’autant plus que leur âge et celui des personnages du film ne sont très éloignés.

  • Le théâtre :

J’ai choisi, comme second support, un extrait de la comédie de Marivaux « Jeu de l’amour et du hasard » écrite en 1730 et qui est un véritable tremplin pour la compréhension des codes sociaux puisqu’elle met en place des maîtres et des serviteurs qui décident d’échanger leurs rôles en vue de mieux s’observer

  • L’image fixe : le dessin « Grammaire française…Dans le temps, ça servait pour communiquer que nous verrons plus bas. »

Cette seconde séquence s’est déroulée en six séances que nous essaierons de résumer ci-dessous :

Séance 1 : Lecture de l’image mobile, fonction narrative et argumentative

Support : L’Esquive d’Abdellatif Kechiche, 2004, DVD Aventi 2005.

Objectif : Analyse de l’image, perception de l’implicite, reformulation, entrer dans l’échange

Durée : 3h (visionnage du film compris = env.2h)

Phase 1 : Cette 1ère phase a un objectif : celui de vérifier d’une part, la compréhension littérale (fonction narrative) et d’autre part, la faculté de chacun à comprendre une démonstration, à produire une analyse (fonction argumentative). Afin de bien faire entendre aux élèves que l’étude d’un film ne se limite pas au fait de le regarder ni à en donner son avis, j’ai distribué un questionnaire. Ce dernier, une fois expliqué, a alors engagé les élèves dans une lecture active de l’œuvre cinématographique.

Phase 2 : Visionnage du film

Phase 3 : Rappel des règles du débat (une voix après l’autre et lever la main pour signaler sa volonté de s’exprimer). Les élèves ont été divisés en deux groupes. Chaque question du questionnaire a été reprise par un élève qui y a répondu ; ce même élève a cédé la parole à un autre camarade en lui demandant ce qu’il en pensait lui. Chaque membre des deux groupes a ainsi exposé son avis à tour de rôle en essayant de faire avancer la réflexion, en affirmant ou en infirmant les propositions des autres.

Séance 2 : (2h) La 1ère séquence du film ou l’échec de la communication

La séance commence par le visionnage et l’étude de l’altercation entre des jeunes qui commence le film. Puis, on enchaîne sur un essai de transcription du dialogue de la 1ère séquence du film avec les élèves, d’une étude de celle-ci.

Séance 3 : (3h) Quand les mots manquent : la question du vocabulaire

Quand les mots manquent, on ne peut dire ni se dire (dans les 2 sens de l’expression : se dire=dire ce qu’on ressent, expression de soi ; se dire=communiquer oralement, dialoguer, échanger, s’entretenir).

La séance commence par travail d’observation sur l’expression des émotions. Les élèves prennent conscience des lacunes à ce niveau représentées par la pauvreté du vocabulaire, autant pour eux que pour les jeunes personnages du film.

Objectif : identification des problèmes de langue liés au lexique.

Etude de l’image fixe « Grammaire française…Dans le temps, ça servait pour communiquer que nous verrons plus bas. » Dans la continuité de l’éducation à l’image, les élèves ont analysé cette image fixe puis ont essayé de la mettre en lien avec notre objet d’étude (Annexe : travail de réflexion d’un élève)

Séance 4 : (2h) Améliorer la construction des phrases : la grammaire au service de la réflexion et du raisonnement.

La pauvreté de la syntaxe empêche la construction et l’expression d’idées. Dès qu’il s’agit de raisonner sur le texte qu’elles sont en train de jouer, les personnages de Lydia ou Frida attendent du professeur qu’elle clarifie leurs commentaires.

J’ai fait le choix que les élèves se concentrent sur la syntaxe, qui constitue une part non négligeable du programme de bac pro.

Activité de comparaison de 3 extraits courts du film autour de la question : « par quels moyens la grammaire, et en particulier la syntaxe, permet-elle de penser ? »

Séance 5 :(1h) La diction et l’intonation, outils essentiels à la communication

Le film montre bien que l’articulation et l’intonation peuvent nuire ou au contraire servir un énoncé, même dans les conversations courantes. D’autre part, la diction au théâtre révèle la force signifiante d’une parole bien construite, écrite avant d’être dite : c’est de là, en partie, que viennent l’intérêt et l’émotion de la dernière séquence.

Pour commencer, les élèves ont dû expliquer clairement les différences entre : « Il faut manger, les enfants ! » et « Il faut manger les enfants », visuellement à l’écrit puis auditivement à l’oral.

Un exercice d’élocution et de diction a donc été proposé aux élèves (Annexe fiche élève).

Séance 6 : (3h d’évaluation: 1h de travail en groupes, 2h de présentation des exposés) Le langage au cinéma ou un film sur le langage

Objectif : Analyser l’image, parvenir à ordonner un exposé au cours d’un travail collectif, comprendre la nécessité d’employer le niveau de langue en adéquation avec la situation de communication.

 

Tableau 5. Tableau récapitulatif des six séances de la seconde séquence

  1. Objectifs et résultats :

Les objectifs de cette séquence sont multiples. Il s’agit, avant tout, de permettre aux élèves de maîtriser les codes sociaux (vocabulaire, niveaux de langue) à travers l’analyse d’une image en mouvement. Cette maîtrise se fait par l’observation et l’analyse de divers discours pour comprendre et apprendre à mieux adapter leur prise de parole à la situation de communication. En outre, d’autres objectifs y sont associés : le travail sur les différents registres de langue, l’expression des sentiments (prévention de la violence), le travail sur l’élocution et la diction et la prise de conscience qu’il existe des mots précis pour exprimer telle opinion ou tel sentiment (problématique de l’usage de la langue française).

Cette séquence vise à aider les élèves à maîtriser les codes sociaux, en les sensibilisant[79] à la nécessité d’accroître leur connaissance des champs sémantiques et lexicaux ainsi que des niveaux de langue pour mieux adapter leur prise de parole à la situation de communication. La révision des niveaux de langue, l’idée qu’on ne parle pas de la même manière avec un proche ou une personne d’un autre rang sont des connaissances et des attitudes apprises au collège (en 6ème mais de façon très théorique) et qui ont été réactivées dans la séquence 1. En effet, les contraintes de l’orientation post-bac propres à la classe de terminale bac pro, le contact avec le monde du travail que constituent les stages en entreprise et les rapports qui en découlent, demandent une réactualisation et un transfert de ces savoirs : les jeunes doivent pouvoir adapter leur pratique des codes sociaux aux situations auxquelles ils doivent déjà faire face. C’est pourquoi, il semble judicieux d’envisager cette séquence pour clôturer l’année de terminale et juste avant d’entrer en BTS ou de décrocher un premier contrat en entreprise. Evolution hypothèse de travail : si les élèves réussissent à se rendre compte lors de cette expérimentation des véritables enjeux de la compétence orale, qu’il s’agit pour eux d’un atout à ne pas négliger, qu’elle est un véritable vecteur social, professionnel, personnel, voire même intime, alors ils verront un sens à leurs apprentissages, s’y impliqueront et lors de la prochaine situation où ils devront mettre en scène leurs propres paroles (présentation d’un projet devant un groupe, oral d’examen, entretien d’embauche, échange avec des collègues…), ils auront les moyens de transférer leurs savoirs dans d’autres contextes au cours de leur vie.

Comme nous l’avons déjà constaté, en plus des difficultés rencontrées parfois en lecture et en compréhension des textes, les élèves de terminales BP éprouvent de nombreuses lacunes à l’oral (comme à l’écrit) : langue orale approximative, élocution trop rapide, syntaxe mal maîtrisée, vocabulaire inapproprié, orthographe défectueuse. Or, si progresser dans ce domaine implique en premier lieu une prise de conscience, hypothèse que nous allons continuer à vérifier au cours de cette 2ème séquence, alors les élèves reconnaîtront et accepteront que la langue relève de la maîtrise seule d’un code commun qui permet des échanges harmonieux et fructueux.

Cette expérimentation a pour objectif de montrer à travers l’étude du film L’Esquive de Kechiche le rôle de la loi (qui en grammaire se manifeste par la règle) et le sens que peuvent prendre les écarts par rapport à la norme linguistique. Nous tiendrons compte du fait que ces élèves de 17 ans pour la plupart ont désormais une maturité qui leur permet de comprendre les enjeux de la maîtrise de la langue orale dans leur vie sociale, professionnelle et personnelle.

Cette expérimentation, tout en ayant permis un travail sur les niveaux de langue (jugé nécessaire à ce niveau de classe), a eu l’avantage de mettre en abyme les problèmes posés par la maîtrise insuffisante des codes sociaux et la violence qui peut résulter de cette ignorance. En effet, le décalage, comme l’ont suggéré les remarques de certains élèves qui s’étonnent qu’on puisse « parler ainsi » dans un film, entre le langage que des adolescents peuvent employer et ce qui, par ailleurs, est utilisé dans un film, a mis en évidence le nécessaire bon usage de sa propre langue. Ainsi, les élèves ont pu, à travers l’observation et l’analyse d’exemples concrets, comprendre dans leur majorité, que l’emploi d’un niveau de langue est subordonné à une situation de communication dont on ne peut faire abstraction à moins de ne pas être attentif à un élément constitutif de celle-ci. C’est à cette réalité que les jeunes doivent être sensibilisés (concept de pédagogie préventive) : les stages en entreprise de plus en plus longs l’année de terminale bac pro et l’orientation post-bac qui a commencé fin mars les y ont confronté d’une manière plus explicite que lors des divers exercices oraux purement scolaires que j’avais l’habitude de préparer avant mon travail de réflexion et d’expérimentation pour ce mémoire.

  • Participation des élèves aux séquences : les attentes liées à cette participation

 

  • Production et lecture d’un discours par les élèves devant la classe

Les deux séquences m’ont permis d’inciter mes élèves à s’exprimer oralement –et par écrit en même temps- afin de mieux comprendre les règles de la communication et les codes sociaux et culturels associés au langage, de savoir les distinguer et de savoir s’exprimer à l’oral avec un vocabulaire plus amélioré, une gestuelle plus expressive, une meilleure élocution, etc. Dans le cadre de la dernière séance de la seconde séquence, des exposés par groupes de 4 ou 5 ont été organisés, le but étant de produire un discours et de le lire devant l’auditoire composé des élèves et de moi-même.

J’ai réparti les élèves par groupes (selon leurs compétences complémentaires) ; un rapporteur a dû, dès le début, être désigné par le groupe : il a joué le rôle de « rapporteur des conclusions », les autres ayant ajouté des éléments après son intervention, lorsqu’ils le jugeaient nécessaire. Chaque groupe a dû construire une réflexion commune à partir d’une séquence filmique tirée au sort et en s’aidant du questionnaire que j’avais établi seule, de façon à cadrer l’exposé.

Un questionnaire-plan a été fourni :

  • Définition de la situation d’énonciation de chaque scène.
  • Rappel des niveaux de langue employés + analyse de l’effet produit sur le spectateur.
  • Intérêt de la scène pour : le spectateur, le personnage, l’élève.
  • Parallèle éventuel avec une scène de théâtre ou un autre spectacle vivant connu.

La prise de parole a été organisée suivant un tirage au sort. Des séquences filmiques ont été proposées aux élèves lors du tirage au sort (ces séquences seulement ont été à nouveau projetées afin de rafraîchir la mémoire des élèves) :

Groupe 1 (12 élèves : 4 groupes de 3) + Groupe 2 (14 élèves : 2 groupes de 5 et 1 groupe de 4) = 7 groupes nommés A à G.

Sous-groupe A : la scène d’ouverture, la robe (chap.1, 6’29’’)

Sous-groupe B : Lydia au balcon, conversation à la fenêtre (chap.1, 9’)

Sous-groupe C : Répétition entre camarades (chap.2, 12’39’’)

Sous-groupe D : Répétition à l’école (chap.7, 06’48’’)

Sous-groupe E : La scène de la voiture (chap.9, 1h29’14’’)

Sous-groupe F : La représentation (chap.11, 1h49’36’’)

Sous-groupe G : La scène finale, marche au cœur de la cité (chap. 11, 1h56’06)

Le but a été de clore la séquence en réalisant une véritable réflexion collective sur les effets du langage. Chaque groupe a présenté devant l’auditoire que constituaient leurs camarades son exposé. J’ai alors demandé à un volontaire de tenter de faire le bilan de l’effet recherché par le scénariste-réalisateur. Les autres élèves ont ainsi eu les moyens de présenter un éclairage différent. L’intérêt de ce travail sur les topoï théâtraux a été double : j’ai pu introduire quelques notions littéraires et approfondir leur étude du discours oral. Dans cette optique, les effets suivants ont été développés :

  • Effets du langage théâtral, des arts de la mimesis, pouvoir reconnaître la fonction de scènes dans une pièce, dans un film : scènes d’exposition (groupes A, B, C), scènes finales (groupes F, G), scènes de conflits (groupes A, C, D), comiques (groupe E) ; ce travail de réflexion a amené les élèves à compléter leur acquisition des compétences de lecture littéraire et d’histoire des arts.
  • Effets du langage dans la « réalité »: analyser le langage en rapport avec la gestuelle, le non-dit, a informé les élèves sur le caractère primordial de la manipulation (question au programme officiel La Parole en spectacle : « Comment la mise en spectacle de la parole fait-elle naître des émotions (jusqu’à la manipulation) ? », de la maîtrise du langage en fonction des situations de communication.

 

  • Evaluation de leur prestation suivant une grille de critères établie avec toute la classe (en 1ère séquence)

La grille d’auto-évaluation (Séquence 1, séance 1) a été réutilisée dans cette activité. Chaque élève a rempli la partie « orateur » et la partie « auditoire » pour évaluer ses propres compétences dans les 2 postures. J’ai en plus évalué pour chacun les capacités et attitudes au programme dans l’objet d’étude « La Parole en spectacle ». Cette fiche vient conclure un travail sur une œuvre cinématographique. (Annexe : fiche évaluation sommative fin de séquence 2 d’un élève qui montre une certaine évolution depuis le début de cette expérimentation)

  1. Questionnaire de cloture pour savoir si la perception de l’oral des élèves a évolué depuis le questionnaire de lancement

Comme notre expérimentation a débuté par un questionnaire, elle s’est achevée par un questionnaire de clôture portant sur l’évolution des rapports que les élèves entretiennent avec la langue française à l’oral, après en avoir extrait des enjeux pour eux-mêmes et pour leur vie sociale et professionnelle, en cours de français et en heures d’AP, durant environ 3 mois. A noter que les heures d’AP (Accompagnement Personnalisé), sont des heures obligatoires en LP et en lycée. L’AP « est pris dans le temps de l’élève ; sous la forme de 2 heures hebdomadaires, ou plutôt  72 heures annuelles, ce qui laisse une plus grande souplesse.[80] ». L’AP est centrée autour de trois champs de compétences donc l’acquisition de méthodes transversales, la mise (ou remise) en confiance –qui comprend des documents sur le fait de s’exprimer à l’oral- et la construction d’une culture.[81] L’AP consiste à faire prendre conscience aux élèves que « le simple fait de ‘parler’ se suffit pas », que « ce  qui  est  dit  est  important,  mais  la  façon  dont  on  le  dit  est  encore  plus importante »  et que « Savoir dire, c’est  surtout s’adapter à un contexte et à un auditoire [82]» (des pistes étudiées et évaluées dans les deux séquences de l’objet d’étude la parole en spectacle.)

Pour en revenir au questionnaire de clôture, il a été distribué aux élèves et remis au plus tard le vendredi 05 juin 2015. Il comporte cinq questions qui permettent d’évaluer l’évolution des élèves et de voir l’impact de la Parole en spectacle sur eux, dont :

  • Vous êtes-vous mieux rendu compte des moments où vous avez fait un vrai travail sur la langue orale cette année en français ? (Oui/Non/Je ne sais pas)
  • D’après vous, que signifie… (possibilité de donner des exemples): un travail à l’oral/un travail sur l’oral/un travail de l’oral.
  • En cette fin d’année de terminale, estimez-vous avoir progressé dans la compréhension des enjeux de la maîtrise de la langue orale ? voire même amélioré vos compétences dans ce domaine ? (Oui/Non/Je ne sais pas)
  • Si vous avez répondu « oui » à la question 3, votre prise de conscience, voire votre progression dans ce domaine, vous ont-elles aidé dans les cours des autres disciplines ?
  • Pouvez-vous numéroter de 1 à 5 ces compétences en langue française[83], selon l’ordre d’importance que vous leur attribuez (pensez à vos projets personnels et professionnels) ? : ARGUMENTER : Confronter des savoirs et des valeurs pour construire son identité culturelle/ USAGE DE LA LANGUE : Faire des phrases construites et achevées, Bien choisir son lexique/ LIRE : Devenir un lecteur compétent et critique/ PARLER : Entrer dans l’échange oral : écouter, régir, s’exprimer/ ECRIRE : Entrer dans l’échange écrit : Lire, analyser, rédiger.

Les résultats de ce questionnaire seront exposés et discutés dans la dernière partie.

Cette seconde section de la première partie a porté sur l’expérimentation menée dans la classe de terminale BP GA dans le cadre de l’objet d’étude « La parole en spectacle ». Pour résumer, cet objet d’étude « doit s’appuyer sur des études concrètes de situations dans lesquelles la parole est mise en spectacle :

  • analyse de la mise en scène d’une pièce de théâtre,
  • confrontation d’émissions de télévision,
  • observation réfléchie d’un discours politique…[84]»

Les deux séquences réalisées dans le cadre de cet objet d’études ont vu la participation active des élèves et leur a permis de se familiariser avec la notion de communication mais aussi de communiquer entre eux et avec moi. Le bilan des deux séquences est plutôt positif, ce qui me laisse croire que les élèves peuvent s’intéresser à l’oral lorsqu’on l’enseigne non pas comme à des futurs professionnels, mais comme à des élèves qui peuvent prendre conscience de ses enjeux à travers des activités pédagogiques et ludiques à la fois, qui s’apparentent à l’art mais relèvent quand même de l’éducation. Pour terminer mon mémoire, je vais procéder à la présentation des résultats de l’expérimentation et à l’exploration de pistes et perspectives qui en émanent.

  1. Partie pratique. Résultats de l’expérimentation, pistes et perspectives

 

  1. Résultats des questionnaires

 

  1. La majorité des élèves reconnaît avoir des difficultés à s’exprimer oralement

 

  • Questionnaire de lancement:

Au regard des réponses obtenues à la première question, nous remarquons qu’il existe, pour une grande majorité de ces élèves, une certaine conscience de leurs lacunes en matière d’oral : sur 26 élèves, 15 reconnaissent avoir des difficultés, 4 non, 7 ne savent pas. De ce constat, naît, au travers des autres réponses données, le sentiment diffus qu’une meilleure maîtrise de l’oral est peut-être possible dans le cadre de leur cursus scolaire. Cela représente, pour eux, un outil supplémentaire pouvant favoriser leur insertion sociale et professionnelle à venir. Ces résultats viennent conforter l’idée selon laquelle un réel besoin existe chez ces élèves ; une nécessité qui n’est pas franchement exprimée car pour l’exposer clairement, il faudrait avoir les mots pour le dire. Ce besoin se fait pourtant ressentir lorsqu’ils sont invités à réfléchir et à donner leur avis sur leur rapport à l’oral.

Questions Réponses
1. Selon vous, avez-vous des difficultés pour vous exprimer oralement ? (Cochez une seule réponse) Oui : 15 élèves/26

Non : 4

Je ne sais pas : 7

2. Vos difficultés surviennent plutôt en classe ou dans votre vie quotidienne ? (Cochez une seule réponse) En classe : 17

Dans ma vie quotidienne : 0

Les deux : 9

3. Quelle(s) cause(s) attribueriez-vous à ces difficultés vous concernant et/ou concernant vos camarades en général ? La peur de se tromper

La peur de l’autre

Le manque d’intérêt

4. A votre avis, quelle est l’utilité de maîtriser la langue orale ? (3 réponses libres dans l’ordre d’importance que vous leur accordez) parler (avec les amis, la famille, les professeurs), expliquer ce que l’on veut dire, travailler (communiquer avec les collègues et son employeur), atteindre un but (situations d’achat, de demande de renseignements…), répondre en classe ou passer un examen oral, être civilisé.
5. Depuis que vous allez à l’école, pensez-vous avoir suffisamment travaillé l’oral ? (Cochez une seule réponse) Oui : 5

Non : 19

Je ne sais pas : 2

6. Aujourd’hui, pensez-vous que le lycée vous aide à progresser à l’oral ? (Cochez une seule réponse) Oui : 1

Non : 15

Je ne sais pas : 10

7. La maîtrise de la langue orale vous paraît-elle importante pour votre future vie d’adulte ? (Cochez une seule réponse) Oui : 24

Non : 0

Je ne sais pas : 2

 

Tableau 6. Résultats du questionnaire de lancement

  • Questionnaire de clôture :
Questions Réponses
1. Vous êtes-vous mieux rendu compte des moments où vous avez fait un vrai travail sur la langue orale cette année en français ? Oui : 21/26

Non : 2

Je ne sais pas : 3

2. D’après vous, que signifie… (possibilité de donner des exemples): un travail à l’oral/un travail sur l’oral/un travail de l’oral.  

3. En cette fin d’année de terminale, estimez-vous avoir progressé dans la compréhension des enjeux de la maîtrise de la langue orale ? voire même amélioré vos compétences dans ce domaine ? Oui : 19

Non : 1

Je ne sais pas : 6

4. Si vous avez répondu « oui » à la question 3, votre prise de conscience, voire votre progression dans ce domaine, vous ont-elles aidé dans les cours des autres disciplines ? Oui : 20

Non : 1

Je ne sais pas : 5

5. Pouvez-vous numéroter de 1 à 5 ces compétences en langue française, selon l’ordre d’importance que vous  leur attribuez (pensez à vos projets personnels et professionnels) ? : ARGUMENTER : Confronter des savoirs et des valeurs pour construire son identité culturelle/ USAGE DE LA LANGUE : Faire des phrases construites et achevées, Bien choisir son lexique/ LIRE : Devenir un lecteur compétent et critique/ PARLER : Entrer dans l’échange oral : écouter, régir, s’exprimer/ ECRIRE : Entrer dans l’échange écrit : Lire, analyser, rédiger. 1 : Usage de la langue

2       2 : Parler

3: Argumenter

 

Tableau 7. Résultats du questionnaire de clôture

  1. Interprétation des résultats :
  • Questionnaire de lancement :

A l’issue du premier questionnaire, les réponses fournies par les élèves nous informent que la moitié d’entre eux est touchée par les difficultés à l’oral. Globalement, on constate que les élèves ont conscience d’avoir des lacunes à l’oral. Si on approfondit avec eux, ils estiment ces lacunes handicapantes dans leur vie quotidienne, souvent sources de renoncement pour des activités de loisirs, des achats, dans la recherche de stage, dans la participation en classe et dans l’expression en général de ce qu’ils ressentent. Une idée de gêne liée au regard d’autrui transparaît clairement dans les réponses données. En général, on peut remarquer que les élèves ont eu des difficultés à répondre d’une part à la 2ème question, mais d’autre part à y répondre le plus sincèrement possible (on relève à cet effet quelques ratures avec modifications de réponse), ce qui traduit une incapacité à s’interroger soi-même sur ses propres difficultés et ses besoins pour les résoudre. Comme une évidence, les élèves ont en général répondu à cette question en la remettant quasi uniquement dans le contexte scolaire, comme si leurs difficultés à s’exprimer oralement n’avaient lieu presque seulement que dans le cadre de l’Ecole.

Ainsi, on peut se demander ce que leur importe de prendre la parole en cours pour se préparer à la communication du monde des adultes, ou plus spécifiquement de l’univers professionnel, ce que leur importe que les enseignants forment leur pensée pour les préparer à leur vie future, alors que justement leurs réponses montrent que ce futur « proche » fait peur à une majorité d’entre eux. Après la discussion ayant servi à affiner leurs réponses, certains comprennent les enjeux de la compétence orale, ou du moins en ont l’intuition. D’autres en revanche, auraient besoin de formation et d’informations.

En ce qui concernent leurs difficultés à l’oral, la peur de se tromper qu’ils caractérisent comme étant la première cause de ces difficultés s’apparente à la peur de « dire des bêtises » ou de tenir des propos erronés malgré eux (réponse fausse, mal tournée…) Les enfants se focalisent donc sur une éventuelle erreur qui, au lieu d’être perçue comme un moyen de correction et d’évolution, constitue plutôt l’obstacle premier à l’expression orale en classe. Quant à la peur de l’autre, les 26 élèves à l’unanimité la ressentent et ont peur de s’exprimer devant la classe entière. Lorsque l’ambiance est favorable (c’est ce que créent les activités en petits groupes, comme ici en heure d’AP), que les élèves se respectent, qu’ils ne sont l’objet d’aucune moquerie ou de propos dévalorisants de la part de l’enseignant, cette peur s’atténue, voire s’estompe totalement. Le manque d’intérêt est la dernière cause citée, certains élèves considérant comme inutile inutile le fait de s’exprimer en cours. Inutile pour plusieurs raisons : ils n’ont rien à prouver à personne, l’oral est une satisfaction qui concerne plutôt le professeur, ils ne comprennent pas l’intérêt d’une intervention orale qu’elle soit brève et spontanée ou plus longue et préparée.

La discussion avec la classe a révélé que ce qu’ils éprouvent lorsqu’ils prennent la parole peut se classer sous deux formes d’émotions, l’une négative (celle qu’ils ressentent le plus souvent) et l’autre positive (celle qu’ils ressentent à certains moments et que, pour être honnêtes, ils aimeraient ressentir plus souvent, mais ils parlent de cette émotion comme d’une « utopie »). La première émotion, négative, lorsqu’ils considèrent leur prestation mauvaise est de l’ordre de la honte. Ce sentiment peut prendre des formes extrêmes : un élève de mon questionnaire s’est senti nul. D’autres éprouvent de véritables difficultés à s’exprimer. Ils se sentent infériorisés. Leur participation révèle à tous leurs lacunes et leur maladresse. Un devoir écrit est de l’ordre du privé alors qu’une communication est de l’ordre du public. Le professeur, en recherchant avec insistance la participation de tels élèves, peut accentuer les difficultés et générer d’autres problèmes plus graves encore puisqu’il touche à l’image du jeune et à sa construction identitaire. En recherchant la discrétion, l’élève se protège. Abaisser cette protection représente un risque considérable, ce dont l’enseignant doit être conscient. La seconde émotion, positive cette fois, est de l’ordre de la « satisfaction » et du « plaisir ». La différence entre plaisir et satisfaction est importante. Cependant, malgré ces difficultés, La langue orale apparaît prioritairement pour l’ensemble des élèves comme un outil de communication direct et spontané avec un retour immédiat de leur interlocuteur. Il doit être efficace pour permettre l’action. Les oraux scolaires, préparés, de type exposé ne sont absolument pas évoqués même lors de la discussion collective.

En ce qui concerne le travail sur l’oral, Ce qui ressort le plus des réponses est un fort sentiment de ne pas avoir travaillé du tout la compétence orale à l’Ecole jusqu’à aujourd’hui. Les élèves estiment, qu’à l’école, on parle uniquement pour répondre aux questions et que seuls peuvent s’exprimer ceux qui sont dotés d’une rapidité de compréhension. Paradoxalement, ils pensent que si on leur laissait davantage la parole en classe, ils ne sauraient pas forcément en maîtriser l’usage (« ça partirait dans tous les sens ! », selon la formule de Cyrielle). A commencé à naître l’idée que la maîtrise de la langue orale passe aussi par l’écoute des autres. Le lycée professionnel ne semble pas, selon les élèves, complètement leur venir en aide dans le domaine de l’oral. Ils déplorent le fait de ne pas avoir de cours de communication orale. Il ressort une sensation de manque de repères, de connaissance de critères pour savoir ce qui est pris en compte/ce qui est important lors d’une prestation orale, pour savoir également si on améliore ses compétences orales, à quel moment des apprentissages on y travaille, et comment les travailler. Ils ont le sentiment que l’oral à l’Ecole est trop abstrait, littéraire donc inaccessible et perçu comme une entrave à leur développement personnel ; les liens ne sont pas faits entre le scolaire et l’extra-scolaire. Ils estiment enfin qu’il faudrait les laisser parler davantage et ne pas les corriger trop souvent car ils « perdent le fil » de leurs pensées, et se démotivent à le « retrouver ». Enfin, Presque tous les élèves considèrent que l’oral est un élément important de leur future vie d’adulte. Cela est encore plus sensible pour une classe de terminale BP dont c’est la 3ème, voire la 4ème année, qu’ils font l’expérience des stages entreprise, ils ont donc déjà dû être doués assez tôt d’une maturité et d’un sens des responsabilités beaucoup plus importants que dans une classe de terminale générale. Ils disent s’être déjà senti à plusieurs reprises honteux et mal à l’aise de ne pouvoir s’exprimer, poser des questions, se faire comprendre, participer aux discussions des employés, ou de ne pas avoir assez « d’aplomb » et de « répondant » face aux acteurs rencontrés durant leurs stages en entreprises. Emerge alors l’idée du problème du manque de richesse de vocabulaire et de références culturelles, de la confusion des niveaux de langue, de la vivacité d’esprit en matière de compréhension de l’implicite et du second degré.

Nous voyons, à travers cette analyse des réponses, que les difficultés des élèves et leur état d’esprit correspondent à celles que nous avons évoquées dans la revue de littérature et qu’ils ne voient pas l’école ou l’enseignement comme étant une aide au franchissement de ces difficultés. Ce premier questionnaire nous fait donc réfléchir sur le rôle exact de l’école dans l’apprentissage de l’oral, puisque les élèves semblent la considérer comme « inutile » dans ce sens.

  • Questionnaire de cloture

Si le questionnaire de lancement met en évidence les difficultés des élèves à l’oral avant l’expérimentation, le questionnaire de clôture atteste de l’efficacité de la parole en spectacle, notamment des deux séquences que j’ai organisées, dans le but d’améliorer l’oral chez les élèves. Selon l’opinion des élèves, ils semblent avoir davantage pris conscience des travaux effectués sur la maîtrise de la langue orale en classe. Certains ont justifié cela essentiellement parce que j’ai plus systématiquement annoncé les tenants et aboutissants de ces activités et que, des liens, avec des situations « réalistes », puisées dans leur vie quotidienne sociale, ont été créés le plus souvent possible. Ici, l’action et l’implication de l’enseignant sont prouvées comme étant une aide précieuse génératrice de résultats, plus particulièrement de prise de conscience sur les enjeux de l’oral en classe.  Et l’école est mieux considérée qu’au début, il est enfin vu comme étant un contributeur à l’apprentissage de l’oral par les élèves.

Les élèves avouent également avoir amélioré des compétences orales dont les plus citées sont la prise de parole devant un groupe de manière plus aisée et le fait de regarder leur ou les interlocuteurs lorsqu’ils s’adressent à lui ou à eux. En outre, ils affirment avoir amélioré l’écoute d’autrui pour penser leur propos et être prêt à réagir et le fait d’aller au bout de leurs propos pour être le mieux compris possible. Si on fait une comparaison avec le questionnaire de lancement, on peut s’apercevoir que les élèves qui croyaient que le lycée ne les aidait pas à progresser à l’oral (question 6 du questionnaire de lancement : « Sur 26,  1 oui ; 15  non ; 10  ne savent pas ») ont complètement déplacé leur regard ; il en est de même si l’on compare cette question avec la question 3 du questionnaire de lancement, où il leur était demandé de citer des causes qu’ils attribuaient à leurs difficultés à l’oral : la crainte d’être jugé par les autres, la timidité et le manque de confiance en eux, ayant été les réponses les plus spontanées.

Selon la majorité de la classe, les deux domaines dans lesquels une prise de conscience des enjeux de la maîtrise de la langue orale ont pu les aider dans les autres disciplines que le français, sont :

  • Les mises en situation professionnelle (en économie/gestion, leur matière professionnelle principale : jeux de rôle = plus volontaires, plus expressifs)
  • En langue (en anglais : participation orale = moins de timidité, plus de spontanéité et de plaisir à prendre la parole sans avoir peur du regard du professeur et des camarades)

Donc, on peut dire qu’en général un transfert (a pu avoir lieu dans d’autres disciplines (plutôt la matière professionnelle dominante de la classe et les cours d’anglais, dans lesquelles l’expression orale est très importante) avec des enseignants différents, mais dans un temps limité (il faudrait pouvoir faire de la maîtrise des enjeux de l’oral au lycée pro, un véritable projet commun avec l’équipe enseignante, sur une année scolaire pour commencer, mais pourquoi pas sur les 3 années du bac pro). Ce transfert des apprentissages sur la compétence orale s’est fait naturellement selon certains élèves et a été vécu comme beaucoup moins dangereux (ils ont « relativisé », « dédramatisé ») qu’auparavant. En effet, une élève m’a confié dans ses propres mots : « C’était déjà difficile de parler en français, alors s’exprimer en anglais et devant tout le monde, c’était la honte ! »

Si, pour ces jeunes qui se destinent à des métiers où les compétences en lecture et en rédaction sont primordiales, ils les classent généralement dans les deux dernières nécessaires à leur évolution dans la vie sociale et personnelle. En effet, utiliser la langue correctement arrive en 1ère position car, selon eux, il s’agirait des bases à acquérir pour pouvoir lire, écrire et parler correctement, voire même avec aisance. De plus, la plupart disent que la lecture et l’écriture sont des compétences qu’ils travaillent depuis qu’ils sont à l’école, mais paradoxalement, ils avouent ne pas les avoir forcément bien acquises. En revanche, ils s’accordent majoritairement à dire que nous vivons dans une société où l’oral et l’image priment sur l’écrit (le téléphone, Skype et les vidéo-conférences, les vidéos, les photos ; le langage écrit entre eux est oralisé (sms), on préfère discuter de vive voix, ou en instantané sur les réseaux sociaux, plutôt que d’écrire un long email ou une lettre, ce qui ne se fait plus…) et que, même s’ils ne maîtrisent pas totalement la langue orale, pour eux, il s’agit d’une compétence, non plus importante que l’écrit car ils ont conscience de leurs besoins en langue française, mais une compétence qu’ils auraient aimé travailler davantage en qualité et en quantité beaucoup plus tôt dans leur scolarité ; Ils ont conscience que c’est une compétence qui, si elle est bien maîtrisée, procure plus de satisfaction personnelle et d’estime de soi que l’écrit, car on se met en scène, on s’expose plus. C’est ainsi qu’ils justifient la 2ème position de la compétence orale, l’inscrivant immédiatement après la maîtrise de la grammaire et du vocabulaire, avec des interactions dans tous les domaines de leur vie : social, professionnel, amical, amoureux. D’ailleurs, ils associent le plus souvent la compétence « Argumenter » (3ème position) à celle de l’oral.

  1. Les apports du questionnaire et de l’expérimentation chez les élèves 

 

  • Mise en evidence de l’usage vulgaire de la langue comme un affront, une violence

La seconde séquence portant sur le film L’esquive d’A. Kéchiche est un puissant révélateur des difficultés des élèves en terminale BP GA que j’enseigne. Les questionnaires leur ont permis de prendre conscience de leurs difficultés, du moins d’y penser, ce qu’ils n’avaient pas vraiment fait auparavant. Grâce à ce film, ils ont pu voir que le manque de vocabulaire ou le mauvais usage de mots ou les expressions argotiques sont des armes de violence. La langue devient violente et son usage est vulgaire car toute sa beauté disparaît derrière des injures, des fautes, de mauvaises élocutions, etc. Le langage argotique des personnages est en parfaite contradiction avec la langue correcte et soutenue de Marivaux. Elle devient particulièrement violente du fait qu’elle détruit instantanément les oreilles par ses imperfections et qu’elle conduit à l’incompréhension. Mes élèves s’en sont eux-mêmes rendu compte en comprenant que la pauvreté de vocabulaire est le défaut majeur des personnages. Face à un langage aussi l’esthétique de la langue orale lorsqu’elle est dite dans les règles. La comparaison entre le langage argotique et courant des personnages et celui de Marivaux est très intéressante, du point de vue social et culturel. En effet, le langage des personnages en dehors de la scène théâtrale est traducteur de leur origine (surtout du milieu défavorisé) tandis que celui de Marivaux traduit la noblesse de l’oral. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les deux époques racontées sont très éloignées : la première datant de plus de trois siècles (en 1730) et la seconde étant plus actuelle.

  • Prise de conscience des problèmes de langages que les personnages de leur âge rencontrent et de leurs conséquences

Le film a éveillé la conscience des élèves qui se sont rendu compte que des personnages de leur âge peuvent avoir les mêmes problèmes de langage qu’eux. Ils ont également retenu une leçon importante : ces difficultés sont néfastes tant pour leur vie scolaire que sociale et professionnelle, dans le futur. En effet, ils ont vu que les expressions saccadées et presque sans sens car trop répétées, sans conjonctions et complètement irrespectueuses des règles de l’oral, nuisent à la communication. Pour que la compréhension s’installe, il faudrait que les interlocuteurs soient au même niveau langagier : cela se voit dans le film. Pourtant, cela ne suffit pas car les lacunes en vocabulaire empêchent le pouvoir de dire et de se dire et les fautes d’élocution et de diction empêchent la compréhension réciproque car elles modifient intégralement le sens des phrases dites. On n’arrive donc pas à exprimer ce que l’on ressent, comme c’est le cas pour Krimo qui n’arrive pas à exprimer clairement ce qu’il ressent pour Lydia. Les émotions sont également affectées par ces difficultés : elles deviennent confuses et difficiles à partager car on ne peut mettre un mot dessus ni les expliquer clairement, faute de vocabulaires.

En termes de prise de conscience, la grille d’auto-évaluation (Séquence 1, séance 1) aurait donné aux élèves, d’après eux, dès le départ, des repères clairs et précis sur les compétences à travailler en tant qu’orateurs mais aussi en tant qu’auditeurs. De plus, le fait qu’ils aient été mis en situation de travailler de manière approfondie la maîtrise de la langue orale – ce qui est relativement « inédit », selon le terme employé par un élève – leur a permis de mieux mémoriser certains aspects de l’oral et de sa maîtrise (notamment les éléments travaillés en communication, comme la communication non-verbale dont ils ont pris conscience des enjeux sur leurs interlocuteurs). Ils se penchent sur des compétences qu’ils n’avaient pas automatiquement et qui sont spontanément liées à un renforcement des compétences orales : l’écoute, les moments de réflexion avant de parler, la nécessité de s’adapter à son interlocuteur et plus généralement à la situation de communication. Cependant, il faut bien se rendre à l’évidence, ils sont en fin d’année de terminale, l’expérimentation a duré environ 3 mois, la maîtrise lexicale et la différenciation des trois niveaux de langue constituent encore une difficulté importante, ce qui peut devenir pour eux une gêne quotidienne. Il faudrait que les professeurs de français et d’autres disciplines, dès l’entrée en 2nde bac pro intègrent plus d’activités lexicales, que les programmes officiels prennent sérieusement en compte cet aspect de l’enseignement, afin que les élèves deviennent pleinement acteurs de leurs paroles et de leurs apprentissages en général.

  1. Solutions proposées
  2. Dialogue entre l’enseignant et la classe
  • Faire prendre conscience aux élèves du travail nécessaire qu’ils doivent faire à l’oral

A l’aboutissement de mon travail, j’ai compris que c’est en centrant ma pédagogie sur les élèves que j’ai pu mettre en place l’expérimentation décrite ici. A la lumière de mes travaux et à leur origine, un fait m’a conduit à abandonner mon ancien enseignement : les élèves ne sont pas conscients de leur mauvaise relation avec l’oral et ne réalisent donc pas, spontanément, sans mes instructions et en dehors des heures de classe, de réflexion sur l’oral ni de travail sur/à/de l’oral. Avant l’expérimentation, l’oral est donc resté un programme scolaire qu’ils craignaient particulièrement et pour lequel ils n’avaient pas grand intérêt. Tout a changé lorsque j’ai décidé de changer de pédagogie, et j’ai su où intervenir avec ces élèves : à la racine de leurs maux. Au lieu de les inciter à travailler plus ou de faire aboutir et de corriger leurs erreurs via des exercices, je me suis rapprochée d’eux dans le but de dialoguer à cœur ouvert sur l’oral.

Je ne voulais pas qu’ils se rendent compte que leur oral était dérisoire par la méthode classique, je les ai incités à réaliser une sorte d’introspection par eux-mêmes pour qu’ils me livrent exactement leurs impressions et difficultés au lieu de les deviner et d’essayer d’y remédier moi-même. Je ne me suis pourtant pas arrêté à ce stade, je les ai engagés dans ma pédagogie, durant les cours et les heures d’AP, pour qu’ils soient eux-mêmes les propres acteurs de leur réussite à l’oral. Nous avons réalisé un travail de groupe dans lequel échanges, écoute, compréhension et expression orale ont émergé et se sont consolidés. A la fin, ces travaux ont porté leurs fruits puisque même leur écrit s’est amélioré : les résultats du bac blanc du 11 mai 2015 montrent des signes d’amélioration à l’écrit qui a aussi concerné cet objet d’étude : 11 ont répondu totalement à ce qui était attendu d’eux (ce qui représente une belle évolution concernant cette partie « rédaction » du bac, toujours difficile pour des élèves de bac pro), à savoir que dans une 1ère partie, ils ont insisté sur le fait que, certes, le dialogue permet d’échanger informations, idées, opinions, confidences, mais que, dans une 2ème partie, se jouent bien d’autres éléments, lors d’un échange : affirmation de soi, désir de se démarquer ou désir de l’emporter sur autrui ; souci de plaire, de montrer son appartenance à un groupe. 9 élèves ont également souligné que le dialogue prend corps non seulement par les mots, mais par tout ce qu’on regroupe sous le terme de « communication non verbale » (gestes, regards, ton…).

  • Les rendre conscients du fait que l’oral n’est pas uniquement un moyen/vecteur d’apprentissage

La prise de conscience a été le moteur de mon expérimentation car elle a permis d’ouvrir les yeux des élèves et les miens en même temps. L’objet d’étude La parole en spectacle a été l’occasion, pour moi, de leur montrer des dimensions -autres que celle de l’apprentissage- de l’oral. Il s’agit des dimensions culturelles et sociales de la parole. Par ce fait, j’ai incité les élèves à effectuer un travail de réflexion sur l’oral, à travers le film l’Esquive, pour qu’ils sachent que l’oral n’est pas seulement un vecteur, ni un moyen d’apprentissage, mais qu’il est aussi un marqueur sociologique, un facteur d’identité sociale et un tenant de la culture. Ils ont compris qu’ils n’en avaient pas besoin juste pour l’école, pour avoir de bonnes notes, etc. Ils ont su que l’oral les suivrait tout au long de leur vie sociale et professionnelle. Ils ont compris que pour des métiers de type rédactionnels auxquels débouche la filière gestion/administration (Gestionnaire administratif, Assistant administratif, Employé administratif, Secrétaire administratif, Assistant de gestion, Gestionnaire commercial, Gestionnaire du personnel, etc.), l’oral joue une place prépondérante puisqu’il assure le côté relationnel et communicatif de ces derniers.

Les points de vue des élèves sur l’oral ont donc été changés : si certains n’en avaient pas particulièrement, ils se sont mis à le considérer d’un tout autre œil. Si d’autres en ont déjà pris conscience, l’expérimentation a confirmé leur pensée et les a conduits à mieux reconsidérer l’oral. A l’issue de la seconde séquence, notamment à la fin du questionnaire de clôture, les élèves ont exprimé cette prise de conscience sur un contexte à la fois privé/personnel, social et professionnel :

Imane : « Quand quelque chose ne va pas avec quelqu’un, il ne faut pas attendre pour se parler, s’expliquer, dire ce qu’on ressent » ; Emilie : « Si j’ai des enfants un jour, je veux pouvoir leur apprendre des choses » ; Fabrice : « Au travail, il faut parler de toute façon, sinon on passe pour un gros nul ! » ; Samantha : « Quand on doit faire quelque chose au travail ou autre, si on n’écoute pas tout ce qu’on nous dit de faire ou si on ne comprend pas, on sera gêné, et on n’y arrivera pas en plus, donc pour être performant il faut écouter et oser poser des questions si on ne comprend pas » ; Dan : « Ceux qui parlent bien, c’est plus clair dans leur tête, il a plus de chance que ça le soit pour les autres aussi ».

Ces exemples illustrent leur prise de conscience quant aux enjeux sociaux, pédagogiques et professionnels de l’oral.

  1. Prise de distance de l’enseignant

La prise de distance de l’enseignant constitue également une technique d’apprentissage que je préconise. En effet, pour aboutir à mes conclusions, j’ai dû prendre du recul pour enfin comprendre et voir qu’il ne faut pas reprocher aux élèves leurs difficultés mais que mon enseignement les creusait et les aidait à s’affirmer. La prise de distance conduit à des réflexions objectives et aident à franchir certains seuils liés à notre personne. Dans mon cas, ils m’ont appris que mon enseignement de l’oral était inapproprié à mes élèves, à leur profil et à leurs difficultés, et que, de ce fait, je devais opérer des changements majeurs, voire-même radicaux, pour que les élèves s’approprient l’oral. Les bilans des deux séquences et les résultats des questionnaires prouvent qu’un véritable changement a eu lieu.

  1. Pistes et perspectives

 

  1. La pédagogie preventive par l’oral selon Christian Montelle: Anticipation des erreurs des élèves au lieu d’y remédier

Selon Christian Montelle, « l’erreur est de laisser tomber l’enfant dans l’échec pour tenter de le sortir de cette misère par des remédiations, qui le considèrent comme un malade alors que souvent il souffre d’un manque affectif, linguistique, cognitif et culturel.[85] » Cette erreur, je l’ai moi-même commise en imposant des exercices à mes élèves pour tenter de combler leurs lacunes sans en connaître l’origine ni la teneur exactes. Cet auteur et linguiste reconnu préconise une pédagogie préventive à laquelle adhèrent Meirieu et Perrenoud, « qui sensibilise, de se demander ce qui manque, dès le départ aux enfants en difficulté et ce qui les empêche de réussir leur scolarité, d’être fâchés avec la langue française.[86] » La pédagogie préventive repose sur une prévention : découvrir la racine du mal pour le combattre, selon moi. En effet, c’est sur la base de cette pédagogie préventive que j’ai conduit mon expérimentation qui est essentiellement faite de celle-ci. Pour ce faire, j’ai incité mes élèves à découvrir les enjeux de la maîtrise de l’oral.

Ainsi, les élèves ont pu, à travers l’observation et l’analyse d’exemples concrets, comprendre dans leur majorité, que l’emploi d’un niveau de langue est subordonné à une situation de communication dont on ne peut faire abstraction à moins de ne pas être attentif à un élément constitutif de celle-ci. C’est à cette réalité que les jeunes doivent être sensibilisés (concept de pédagogie préventive) : les stages en entreprise de plus en plus longs, l’année de terminale bac pro et l’orientation post-bac qui a commencé fin mars les y ont confronté d’une manière plus explicite que lors des divers exercices oraux purement scolaires que j’avais l’habitude de préparer avant mon travail de réflexion et d’expérimentation pour ce mémoire.

Montelle (2005) évoque une erreur au niveau de l’enseignement du français dont je me suis moi aussi rendu compte : « La construction de la parole et des capacités linguistiques orales ne devraient pas être seulement le 1er objectif des classes de maternelle, des cours de langue étrangère, ou des ateliers de théâtre, mais rester une préoccupation majeure tout au long du cursus scolaire et dans toutes les disciplines.[87] » Sous prétexte que la construction de la parole et les capacités linguistiques sont les préoccupations de l’enseignement de base, nous les enseignants, avons tendance à les minimiser et à les considérer comme acquises alors qu’au final, c’est au niveau de celles-ci que les élèves ont le plus de difficultés, et toute pédagogie mise en place qui ne prend pas en compte ce facteur ou en dévie se heurtera toujours à un échec.

Montelle (2005) préconise une mise en pratique continuelle de l’oral, un enseignement discontinu de celui-ci, non à coup de théories, mais surtout de pratiques de l’élève. Il faut l’inciter à parler à chaque séance, il faut LE FAIRE PARLER pour que son oral reste fluide et qu’il n’en perde pas le fil tout au long de sa scolarité, ce qui le conduira à la réussite scolaire et sauvera très certainement sa vie sociale et professionnelle dans le futur. La pédagogie préventive a pour but de redonner à l’oral sa place dans l’enseignement. Elle vise à faire redécouvrir sa propre langue à l’élève, à se la réapproprier, à en découvrir ou redécouvrir les enjeux de sa maîtrise à l’oral, à se réconcilier avec le français et à en finir avec les malentendus. Pour que cet objectif soit assouvi, l’enseignant doit lui faire prendre conscience des enjeux d’une meilleure maîtrise de la parole.

  1. Les compétences du metier d’enseignant de français (Référentiel 2013) mobilisées durant ce travail de recherches et d’expérimentation

Mon travail de recherche et mon expérimentation ont mobilisé diverses compétences du métier d’enseignant de français contenues dans le Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation : Arrêté du 1-7-2013 – J.O. du 18-7-2012 :

  Compétences Indicateurs
Les professeurs et les personnels d’éducation, acteurs du service public d’éducation 1. Faire partager les valeurs de la République Savoir transmettre et faire partager les principes de la vie démocratique ainsi que les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité ; la laïcité ; le refus de toutes les discriminations.
Aider les élèves à développer leur esprit critique, à distinguer les savoirs des opinions ou des croyances, à savoir argumenter et à respecter la pensée des autres.
Les professeurs et les personnels d’éducation, pédagogues et éducateurs au service de la réussite de tous les élèves

 

3. Connaître les élèves et les processus d’apprentissage Connaître les concepts fondamentaux de la psychologie de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte.
Connaître les processus et les mécanismes d’apprentissage, en prenant en compte les apports de la recherche.
Tenir compte des dimensions cognitive, affective et relationnelle de l’enseignement et de l’action éducative
4. Prendre en compte la diversité des élèves Adapter son enseignement et son action éducative à la diversité des élèves.
Travailler avec les personnes ressources en vue de la mise en œuvre du « projet personnalisé de scolarisation » des élèves en situation de handicap.
Déceler les signes du décrochage scolaire afin de prévenir les situations difficiles.
7. Maîtriser la langue française à des fins de communication Utiliser un langage clair et adapté aux différents interlocuteurs rencontrés dans son activité professionnelle.
Intégrer dans son activité l’objectif de maîtrise de la langue orale et écrite par les élèves.
Les professeurs et les personnels d’éducation, acteurs de la communauté éducative 14. S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel Compléter et actualiser ses connaissances scientifiques, didactiques et pédagogiques.
Se tenir informé des acquis de la recherche afin de pouvoir s’engager dans des projets et des démarches d’innovation pédagogique visant à l’amélioration des pratiques.
Réfléchir sur sa pratique – seul et entre pairs – et réinvestir les résultats de sa réflexion dans l’action.
Identifier ses besoins de formation et mettre en œuvre les moyens de développer ses compétences en utilisant les ressources disponibles.

 

Tableau 8. Compétences du métier d’enseignant de français mobilisées durant le mémoire et l’expérimentation. Source : Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation : Arrêté du 1-7-2013 – J.O. du 18-7-2012

Les compétences 7 et 14 ont été particulièrement mobilisées dans le cadre de notre mémoire et de notre expérimentation. D’autres compétences, notamment celles communes à tous les professeurs, ont également été mobilisées. Il s’agit, principalement :

  • Des compétences P 1. Maîtriser les savoirs disciplinaires et leur didactique, P 2. Maîtriser la langue française dans le cadre de son enseignement et P 3. Construire, mettre en oeuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves, exigées des rofesseurs, professionnels porteurs de savoirs et d’une culture commune.
  • Des compétences P 4. Organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élève et P 5. Évaluer les progrès et les acquisitions des élèves attendues des professeurs, praticiens experts des apprentissages.

A noter que les compétences P 2 à P 4 sont celles à acquérir pour les professeurs, en particulier au lycée professionnel.

Conclusion

Au terme de cette analyse, de par ma pratique, j’ai pris conscience qu’il y avait de véritables lacunes au niveau de l’oral en français en bac pro. Cela m’a fait réfléchir à ma façon d’enseigner, de mettre en œuvre les programmes de l’Education Nationale. L’oral n’est pas seulement vecteur d’apprentissage, il est aussi objet, mais cet aspect est très peu utilisé en bac pro, sommes-nous réellement attentifs à ce manque, d’autant plus qu’il est exprimé par les élèves ?

Au cours de ce travail de réflexions et de mises en pratique et de mon expérimentation portant sur l’objet d’étude numéro 3 La parole en spectacle dans une classe de terminale BP GA composée de 26 élèves en difficulté avec l’oral, j’ai mis en pratique plusieurs compétences contenues dans le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation contenant les instructions officielles de juillet 2013. Parmi ces dernières, celles que j’ai le plus explicitement mobilisées sont les compétences « 7. Maîtriser la langue française à des fins de communication » et « 14. S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » qui touchent directement la pédagogie de l’enseignant. Ces compétences ont été mises en pratique et utilisées non seulement pour la rédaction de ce mémoire, mais aussi pour mon expérimentation en tant que professeur de Lettres/Histoire.

L’enseignement de l’oral que ce soit au lycée ou en LP n’est pas évident. Bien que le programme de Français incite les élèves à entrer dans l’échange oral et à exprimer leur conviction ou leur désaccord, etc.[88], l’enseignant ne prend pas forcément en compte ce fait. Pourtant, les faire participer à des échanges oraux en cours permet de les façonner afin qu’ils adhèrent à leurs discours les opinions des autres. Ils deviennent également orateurs dans leur société puisqu’ils osent s’affirmer en exposant leurs points de vue, en manifestant leurs objections, en écoutant et en assimilant les idées des autres, etc. Les élèves assimilent donc les fondements de la communication. Ils comprennent qu’ils parlent à des interlocuteurs, qu’ils émettent des messages qui, lorsqu’ils ne sont pas exprimés suivant le code linguistique adéquat, ne sont pas clairs ni compris par ces derniers. Ils comprennent que leurs arguments doivent être bien ficelés et bien décrits pour qu’il y ait une bonne réception de ceux-ci. Ils sont à la fois orateurs (exposent et soutiennent leur point de vue, écoutent pour pouvoir répondre, etc.) et interlocuteurs (écoutent, répondent, observent, analysent et assimilent, réagissent, etc.)

En LP, l’oral sert à « construire une culture ouverte sur le monde[89]. » Il permet également divers travaux tels que la mémorisation, le travail du corps, l’expressivité, etc. En le pratiquant régulièrement, l’enseignant rend les cours plus vivants et parvient à une plus grande implication des élèves. L’objet d’étude La parole en spectacle en a été une preuve concrète. Une fois qu’elle est bien travaillée, les élèves n’ont plus peur de s’exprimer devant autrui, ils se dotent de capacités argumentatives étudiées durant les cours d’oral en LP et deviennent des citoyens plus affirmés et plus civilisés, en adéquation avec les normes sociales et civiques. Ils deviennent donc meilleurs, psychologiquement (ont une meilleure estime de soi), socialement, scolairement et professionnellement parlant.

J’évaluerai mon expérimentation en reprenant les objectifs initiaux et en faisant une rapide analyse de la situation actuelle. Au préalable, il faut savoir d’une part que l’année scolaire s’achève – donc l’évaluation finale est terminée – et d’autre part, qu’un projet pédagogique dans le domaine de l’oral en lycée professionnel, devrait se conduire sur les 3 années – voire 4 années, si les élèves font une 3ème Prépa Pro – pour en constater et en apprécier les effets à long terme.

Cette expérimentation devait permettre de favoriser le changement de regard que portent mes élèves de terminale sur leurs capacités à progresser à l’oral, à condition de parvenir à leur faire comprendre les enjeux de la maîtrise de leur propre langue. Les situations et les outils mis en place dans ce sens semblent avoir relativement contribué à atteindre cet objectif. Les élèves se sentent plus clairement concernés qu’au début de l’expérimentation par leurs progrès dans ce domaine, et surtout ils sont motivés à évoluer encore. Egalement, ils ont été capables à plusieurs reprises, durant les séquences expérimentées, de repérer les moments et les indicateurs de ces progrès. Ils ont aussi pris conscience qu’ils étaient déjà dotés d’un certain nombre d’outils, mais qu’ils ne faisaient pas toujours les efforts nécessaires pour les utiliser à bon escient. Ils sont capables de s’exprimer plus précisément sur les situations qui leur posent problèmes et prennent conscience que leurs lacunes, si elles ne peuvent être comblées en 3 mois, ne sont pas non plus définitives.

De plus, les élèves ont perçu au fur et à mesure des séances qu’une communication efficace nécessitait de comprendre et de maîtriser les outils de la langue et du para-langage, qu’une communication efficace était ainsi porteuse de réussite, d’insertion dans un groupe.

Le fait d’avoir adapté mes séquences aux spécificités de mes élèves (adolescence et ses enjeux, hétérogénéité des compétences, …) a conduit à favoriser l’atteinte de mon objectif. J’ai en effet orienté ma démarche expérimentale en fonction de la manière dont chaque élève percevait la langue orale mais aussi en fonction de ce qu’il en savait déjà (pré-acquis), ce qui a eu pour effet un intérêt des élèves pour les enjeux de la maîtrise de leur langue à l’oral et l’envie de se l’approprier pour devenir tour à tour acteurs de leurs paroles et spectateurs actifs de celles d’autrui.

Si l’évaluation de cette expérimentation est assez positive dans sa globalité, certains de ses aspects ont posé question lors de sa mise en pratique : comment proposer aux élèves suffisamment de situations enrichissantes pour se créer un minimum de bagage langagier dans un temps limité ? La gestion de l’évaluation de l’oral et ses limites (l’écrit inévitable au service de l’oral ? L’enregistrement sonore et/ou visuel d’un travail oral peut-il remplacer l’écrit ?) ? La stabilisation des acquis et le réinvestissement à plus ou moins long terme des compétences orales, dans d’autres disciplines scolaires, et même au quotidien (vie personnelle, sociale, professionnelle) ? Ces questionnements montrent que la mise en place d’une politique de l’oral comme discipline transversale tout au long des 3 années de bac pro est complexe et demanderait une réflexion d’équipe et des ajustements continuels.

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

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ANNEXES

Annexe 1. Etude d’image « Dans le temps, ça servait pour communiquer+étude d’image d’un élève

Français – Terminale BP GA

La Parole en spectacle                                                                                                                             Travail à la maison

Séquence 2 :L’Esquive, un film qui met en scène le langage

Séance 3 : Quand les mots manquent : la question du vocabulaire

Un problème de langue lié au lexique : le choix d’un niveau de langue

2011

Source : http://lewebpedagogique.com/mdupraz/tag/grammaire/

 

Analyse image élève :

 

 

 

 

 

 

 

Annexe 2. Exemple élocution d’un élève

 

 

 

 

 

 

 

Annexe 3. Grille d’auto-évaluation vide et remplie par un élève

L’orateur : la personne qui parle L’auditoire/Le public : ensemble des personnes qui écoutent
La voix :

 

-Maîtriser le volume

 

-Articuler distinctement

 

-Maîtriser le débit : varier le rythmes des paroles, faire des pauses, ralentir

-Etre silencieux et concentré

 

-Etre capable de reformuler avec ses propres mots ce qui a été entendu

 

-Etre prêt à poser des questions

Le corps et le regard :

 

-Regarder le public dans son ensemble (varier l’orientation du regard)

 

-Maîtriser ses gestes et faire attention aux gestes parasites (en trop ou inappropriés à la situation)

En tant qu’orateur

·       Les qualités sur lesquelles m’appuyer :

 

·       les points faibles que je dois travailler :

 

·       Comment les travailler ?

En tant qu’auditeur

 

·       Les qualités sur lesquelles m’appuyer :

 

 

·       les points faibles que je dois travailler :

 

·       Comment les travailler ? :

 

[1]JELLAB, A., Sociologie du lycée professionnel, Presses Universitaires Mirail-Toulouse, coll. « Socio-Logiques », 2009, p.211.

[2] Site du Ministère de l’Education nationale : Décret n°2009-145 du 10 février 2009, JO du 11 février 2009 ; arrêté du 18 février 2010 ; note de service DGESCO – 2010.

[3] BEAULIEU, G., Projet pancanadien de français langue première. Etat des lieux en communication orale, 2008, disponible sur http://www.cmec.ca/docs/phaseII/etat-lieux.pdf .

[4] CHIRIAC, L., “L’oral – objet ou moyen d’apprentissage ?”, Professional communication and translation studies, 2013, 6 (1-2), p. 212.

[5] MONTELLE, C., La parole contre l’échec scolaire (la haute langue oral), Paris : L’Harmattan, 2005, p. 49.

[6] BEAULIEU, G. op. cit.

[7]Ibid.

[8]Le petit Larousse illustré 2015, 2014.

[9] CHIRIAC, L. op. cit.

[10]LAFONTAINE, L., « Une épistémologie de la didactique de l’oral au Québec », colloque Acquis et nouvelles avancées de la recherche en didactique de l’oral : pour une innovation durable, Congrès de l’ACFAS, 11 mai 2005.

[11] KECHICHE, A., L’Esquive, DVD Aventi 2004.

[12] MONTELLE C., Littérature orale et maîtrise de la langue : Nourrir l’enfant par l’oreille…, Alès : CMLO, p. 1.

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] Ibid. p. 2.

[16] Ibid.

[17] BEAULIEU G. op.cit.

[18] MAIRAL CH., BLOCHET, P. « Chasser les idées reçues » p.30-36, Maîtriser l’Oral, Ed.Magnard, 1998, Paris

[19] LOPEZ M. « Enseigner le français en lycée professionnel : quels changements dans le métier ? », Le français aujourd’hui,  2010/4 n°171,  p. 49-60.

[20] COMINA M. Louis-René des Forêts. L’impossible silence, Champ-Vallon, 1998. Dans le chapitre « Constitution du mythe », le critique littéraire analyse le texte « Le Bavard » de L-R des Forêts, p.29, où l’écrivain oppose deux tendances du langage : d’un côté, on bavarde, de l’autre on parle « à bon escient ».

[21] ?

[22]CHIRIAC op. cit. p. 211-212

[23]CHANFRAULT-DUCHET Marie-Françoise, Restaurer l’oralité en classe de Français, IUFM de Limoges/université de Limoges – CERES (Centre de recherches sémiotiques) : 2011. Disponible sur : http://eduscol.education.fr/cid46397/restaurer-l-oralite-en-classe-de-francais.html.

[24] LOPEZ Maryse, La place de l’oral dans les IO à partir de 1985, année de naissance des Bac pro, Extrait de la Revue Interlignes, n°36, février 2008, spécial « Enseigner l’oral en LP »

[25] Ibid.

[26] CHARMEUX Eveline, L’oral, c’est l’Arlésienne de l’école, Toulouse : 1996. Disponible sur : www.charmeux.fr

[27] CHANFRAULT-DUCHET, op. cit.

[28] MONTELLE Christian, op. cit. p. 4.

[29] VYGOTSKI L., Pensée et Langage, Editions La Dispute, 1997

[30] MONTELLE Christian, op. cit.

[31] BARRIE François, MASSE Olivier, Face aux difficultés des élèves en français, CRDP de Limoge : 2012.

[32] CHIRIAC, op. cit., p. 213.

[33] Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN), Travailler l’oral. Ressources pour la voie professionnelle, 2011, op. cit.

[34] Ibid.

[35] Institut pédagogique national, Repères pour la rénovation de l’enseignement du français à l’école élémentaire, Bulletin de liaison et d’échange des equipes expérimentales de français (1er degré),  n°2 Spécial, 1970, p. 5.

[36] Ibid., p. 6

[37] Ibid., p. 7

[38] Ibid. p.  8.

[39] LOPEZ Maryse, La place de l’oral dans les IO à partir de 1985, année de naissance des Bac pro, Extrait de la Revue Interlignes, n°36, février 2008, spécial « Enseigner l’oral en LP »

[40] PROGRAMME DE FRANCAIS Baccalauréat professionnel, Arrêté du 9 mai 1995 – B.O. n°11 du 15 juin 1995

[41] ARMAND, Anne, Le programme des classes de baccalauréat professionnel en français, Dossier « Nouveaux programmes de français du Bac pro en trois ans », Lire au lycée professionnel, n°59 (03/2009)

[42] Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN), Travailler l’oral. Ressources pour la voie professionnelle, 2011, op. cit.

[43] BARRIE François, MASSE Olivier, op. cit.

[44] Ibid.

[45] Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN), Travailler l’oral. Ressources pour la voie professionnelle, 2011, op. cit. p. 7.

[46] BARRIE François, MASSE Olivier, op. cit.

[47] BARRIE François, MASSE Olivier, op. cit.

[48] Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN), Travailler l’oral. Ressources pour la voie professionnelle, 2011, op. cit. p. 7.

[49] MONTELLE op.cit.

[50] TROGER, Vincent, Bourdieu et l’école : la démocratisation désenchantée, 2012. Disponible sur : http://www.scienceshumaines.com/bourdieu-et-l-ecole-la-democratisation-desenchantee_fr_14187.html.

[51]  BOURDIEU P., PASSERON J.C., La reproduction, Editions de Minuit, 1970.

[52] CHARMEUX, Evelyne, 1996, op. cit.

[53] Ibid.

[54] Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN), Travailler l’oral. Ressources pour la voie professionnelle, 2011, op. cit. p. 1.

[55] LEGRAND, Nathalie, Pratique de l’oral – Une expérience en SEGPA, p. 7.

[56] ROULET, E. Paroles étouffées, paroles libérées, Delachaux et Niestlé,1991.

[57] LEGRAND, Nathalie, Pratique de l’oral – Une expérience en SEGPA, p. 8.

[58] BARRIE F, MASSE O, op. cit.

[59] Ibid.

[60] Ibid.

[61] Extrait d’un mémoire de Sciences de l’Education (IUFM Bourgogne, 2006), L’apprentissage méthodologique pour améliorer le langage des élèves (expérimentation en classe de terminale bac pro, cours d’économie, langage en général écrit et oral).

[62] LAROUSSE.FR, Elocution, Disponible sur : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9locution/28448

[63] LAROUSSE.FR, Diction, Disponible sur : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/diction/25355

[64]Baccalauréat Professionnel Gestion‐Administration : http://www2.cndp.fr/archivage/valid/brochadmin/bouton/a131/a131cb.pdf

 

[65] Ibid.

 

[66] RAVEAU Karine, L’oral au LP : Comment aider mes élèves à entrer dans l’échange oral ?, Lire au Lycée professionnel,  2014, p. 5.

[67] Ibid.

[68] Ibid.

[69] Ministère de l’éducation nationale (DGESCO/IGEN), Travailler l’oral. Ressources pour la voie professionnelle, 2011, op. cit. p. 7.

[70] HAIRON, E. Conférence sur l’objet d’étude : la parole en spectacle.

[71] Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative (DGESCO), Ressources pour la classe terminale préparatoire au baccalauréat professionnel: Français La parole en spectacle, 2011, p.1.

[72] BOLLENGIER, Françoise, L’éducation culturelle, vecteur de réussite au lycée professionnel: Présentation, Interllignes, n°44, Juin 2014, p. 1.

[73] Cas des élèves du Lycée pro Baudelaire qui, dans le cadre du projet « Classe  à  PAC  et  atelier  théâtre  en lycée professionnel », a procédé à la réécriture théâtrale de l’Assommoir, sous la direction de Françoise Gerbino, leur professeur. Les améliorations des élèves ont été palpables et leur assiduité a tellement crû qu’ils ont décidé de renouveler l’expérience annuellement, ce qui a renforcé leurs capacités et leur maturité.

[74] GERBINO, Françoise, Classe à PAC et atelier théâtre en lycée professionnel, Interlignes, n°44; juin 2014, p. 31-41.

[75] LAUDET Patrick, « La Parole en spectacle » : perspectives d’études, conférence.

 

[76] AFEF, Marivaudage en banlieue : Kiffer ou esquiver, là est la question, 2006. Disponible sur : http://www.afef.org/blog/post-marivaudage-en-banlieue-p29-c28.html .

[77] L’esquive Abdellatif Kechiche : Pistes d’exploitation pédagogique

[78] FONCK, Vinciane, L’Esquive, un film d’ABDELLATIF KECHICHE, Dossier pédagogique, Coll.  Ecran large sur tableau noir, Centre culturel Les Grignoux, 2005, p. 4.

[79] Concept de la pédagogie préventive préconisée par Montelle, mais aussi Meirieu et Perrenoud: anticiper et réguler les risques d’échec de la communication orale pour ne pas en arriver à « remédier » à ces difficultés ou à les corriger lorsque, pour la plupart d’entre eux, ils entreront en BTS après le bac, où la maîtrise de la langue, notamment orale, sera primordiale ; un objet d’étude en français BTS s’intitule « Paroles, échanges, conversations et révolution numérique »

[80] BALLANFAT, Evelyne, Accompagnement personnalisé (Référentiel académique de l’heure obligatoire d’AP (en petits groups) en lycée et lycée pro), Académie Crétein, 2010, p. 1.

[81] Ibid.

[82] Ibid., p. 41.

[83] Pour votre information : ce sont les compétences inscrites au programme de français en lycée professionnel et qui doivent être acquises en fin d’année de terminale Bac pro.

[84] SAINTE MARESVILLE, Christine (de), Objet d’étude : La parole en spectacle, LP F.Rabelais, DOUAI (diaporama)

 

[85] MONTELLE, Christian, La parole contre l’échec scolaire. La haute langue orale, L’Harmattan, 2005, p.44-57

[86] Ibid.

[87] Ibid.

[88] RAVEAU, Karine, op. cit., p.7

[89] Ibid., p. 8.

Mémoire de fin d’études de 84 pages.

24.90

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