Mémoire portant sur les Inégalités de santé et inégalités sociales de santé : Concepts et déterminants
Partie 1. Inégalités de santé et inégalités sociales de santé : Concepts et déterminants
Les politiques de santé publique et les actions éducatives de santé reposaent sur les résultats d’études concernant les inégalités sociales de santé. La connaissance de la notion d’inégalité est importante afin de délimiter le champ d’analyse. Elle sera donc traitée en premier lieu.
1. Inégalités de santé : Concepts et déterminants
Dans cette partie, les définitions de l’inégalité et de l’iniquité seront abordées. A cette fin, le domaine d’implication de l’inégalité sera constaté. En d’autres termes, les notions d’inégalité aideront à cadrer le sujet, à savoir que les inégalités et iniquités ne concernent pas uniquement à la différence mais bien au-delà.
1.1. Concepts
1.1.1 Définition de l’inégalité et de l’iniquité
Ce sont des termes reflétant la différence issue de la comparaison d’une situation donnée mesurable, sur deux cibles de différentes caractéristiques comme les individus. Rousseau J-J (1755), dans son discours, associe déjà la société à une forme d’inégalité. Puis, il prétend qu’il s’agit à la fois d’une condition de légitimité de la société et l’effet de son fondement. Il distingue deux sortes d’inégalités dont la première consiste à l’origine naturelle ou physique du phénomène. Cette forme provient de la nature dont les caractéristiques biologiques entrent en jeu (l’âge, la santé, la force) ; puis les caractéristiques spirituelles comme l’âme, la capacité intellectuelle et incorporelle. Quant à la seconde forme, il conçoit l’inégalité telle un aspect moral ou politique que l’individu peut nécessairement déteindre. C’est-à-dire qu’elle découle des conventions et normes instituées et approuvée par la société. Dans ce cas, il y a lieu d’une partialité entre les plus avantagés et les moins favorisés. L’inégalité engendre la répartition de la population selon le degré de notoriété et de puissance.
a. Inégalité
L’inégalité ne se concentre uniquement pas sur la différence mais également sur les effets engendrés par ces différences. Selon Bernardi B. (2011), « la différence est alors établie par l’observateur qui les compare ». Ainsi, l’inégalité peut être appréciée par la personne qui la remarque. Les facteurs biologiques ne sont forcément pas semblables chez les personnes. De plus, l’inégalité réclame un rapprochement entre ses cibles afin de permettre la comparaison. L’inégalité, issue de la différence, est alors le précurseur de l’instauration de la hiérarchie dans la société. Toutefois, les individus ne se lient qu’après une obligation inconsciente exigée par la société, notamment lors de la recherche de subsistance et de la nécessité de reproduction. Cela définit les besoins de chaque personne et mobilise les moyens procurés par la nature pour les satisfaire. Ces moyens sont également différents car chaque individu évolue dans un environnement différent de ce des autres. Ainsi, la recherche de satisfaction nécessite une coopération entre les différentes personnes. En somme, la différence est celle imposée naturellement par la société que les chances sont différentes pour chaque membre. L’inégalité, quant à elle, est la résultante de cette différence. Elle institue la société dans tous ses niveaux : « au lieu de détruire l’égalité naturelle, le pacte fondamental substitue au contraire une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d’inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention et de droit » (Rousseau J-J, 1755).
Dans les définitions de Rousseau, la santé constitue une inégalité naturelle. Certes, elle mobilise un meilleur état des paramètres biologiques de l’homme, mais elle peut être influencée par d’autres facteurs externes qui l’environnent. L’inégalité est quantifiable mais une estimation, une perception envers l’observateur des éléments du système environnant doit y avoir lieu. Cela implique que l’inégalité et l’iniquité sont des éléments de comparaison nécessitant un jugement, c’est-à-dire qu’elles proviennent des injustices. Par exemple, les maladies héréditaires ou génétiques telles le handicap physique ou mental sont des injustices naturelles. D’ailleurs, l’OMS appui cette théorie que « les inégalités sociales de santé sont le résultat de « l’injustice sociale qui tue à grande échelle. Les réduire est un impératif éthique » (Moquet M-J., 2008). Cette injustice « tue à grande échelle » (OMS, 2008). Ces dernières sont des circonstances contournables qui sont issus d’un construit social. Ce qui rend les inégalités sociales de santé modifiables. Le caractère évitable de l’inégalité suscite la nécessité d’améliorer les conditions de vie, notamment sociales et économiques afin que les personnes atteintes de ces injustices se développent dans le bien-être. La justice sociale est influencée par les théories économiques telles l’utilitarisme et l’égalitarisme libéral.
b. Utilitarisme
L’utilitarisme est utilisé pour évaluer les besoins d’un individu ou d’un groupe d’individu afin de faciliter la prise de décisions. Le principe est fondé sur le bien-être social qui se manifeste par la satisfaction et la souffrance des individus (Lang T., 2009). Cela conduit à la notion d’utilité qui met en exergue les choix spécifiques d’un individu et leur satisfaction. Ainsi, les actions et politiques publiques doivent alors se conformer aux effets sur le bien-être social. Cette théorie privilégie les choix collectifs aux personnels. Dans ce cas, l’association des utilités individuelles peuvent engendrer une discordance des besoins à satisfaire car ces derniers sont différents. Cette situation, un tant soit peu variable, peut causer des irrégularités en matière de bien-être collectif. Par exemple, les préférences d’un individu évoluent progressivement en matière d’habitude de consommation ou les addictions.
c. Egalitarisme
L’égalitarisme libéral est introduit par Rawls et Dworkin (Lang T., 2009). Elle traite semblablement les individus défavorisés et ceux qui appartiennent à une classe économique favorable. Elle réclame donc la disponibilité et la procuration des moyens et des opportunités afin que les individus puissent réaliser leur projet de vie. Idéalement, Ces privilèges doivent être identiques et facile à accéder pour chaque individu de même ambition. Dans ce cas, il doit y avoir une égalité de chance qui n’est pas influencée par les individus. Ce qui introduit la responsabilité, plus précisément, la conséquence des choix ou des actes n’engage que l’individu. Il faut qu’il accepte les conséquences de ses choix que ce soient bons ou mauvais. Comme il y a plusieurs niveau social, chaque personne ne bénéficient pas cette égalitarisme, ou égalité de chance pour avoir un bon état de santé.
1.1.2 Définition de la santé
Il est nécessaire de connaitre la signification rationnelle de la santé afin de mieux appréhender les inégalités sociales de santé et leur mesure. La définition de la santé a beaucoup évolué afin de l’attribuer une signification moins restrictive et plus constructive. Le sens de l’absence de maladie ou d’infimité s’avère un concept négatif. Pour un consensus, l’OMS a défini la santé ainsi : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité»[1]. Cette définition est le plus souvent utilisée du fait qu’elle introduit d’autres facteurs autres que l’aspect biologique ou organique du concept. La santé est relative à l’état physiologique d’une personne, c’est-à-dire que vivante, elle soit dans une situation de bien-être complète et non uniquement épargnée d’une maladie ou d’un handicap. La santé est relative à la capacité d’utiliser les moyens physiques, psychiques et sociaux dans les actions d’un individu dans un environnement convenable. La possession de ces moyens est différente d’une personne à une autre appartenant à un groupe distinct.
Toutefois, la première définition de l’OMS a fait l’objet de maintes discussions particulièrement sur sa crédibilité face aux recherches épidémiologiques. En effet, elle met sur un même support plusieurs facteurs à considérer qu’elle est comparée au bonheur (Atlan G., 2007). Dans ces conditions, la réflexion autour du sujet a pris une autre tournure aboutissant à la charte d’Ottawa en 1986. A son tour, elle considère la santé comme « l’équilibre et l’harmonie de toutes les possibilités de la personne humaine (biologique, psychologiques et sociales). Ce qui exige, d’une part, la satisfaction des besoins fondamentaux de l’homme qui sont qualitativement les mêmes pour tous les êtres humains et, d’autre part, une adaptation sans cesse remise en question de l’homme à son environnement en perpétuelle mutation ». La notion « d’état optimal » doit être complémentaire avec les ambitions et les besoins du groupe ou de l’individu. Du reste, il doit être capable de les « identifier et de réaliser » dans un but d’épanouissement et d’adaptation (Atlan G, 2007). Le sens positif attribué à la santé rétabli son aspect en tant que ressource et non un objectif afin d’aboutir à un « développement social, économique et individuel, et une importance dimension de la qualité de la vie » (Charte d’Ottawa, 1986). La santé n’est pas uniquement un intérêt de la médecine organique, mais également celle de l’épanouissement social de l’individu. C’est-à-dire qu’il s’agit d’une accumulation de capacités pour atteindre l’ambition du bien-être complet. Toutefois, nombreuses sont les exigences afin d’améliorer la santé. L’individu doit avoir accès aux conditions suivantes : « se loger, accéder à l’éducation, se nourrir convenablement, disposer d’un certain revenu, bénéficier d’un écosystème stable, compter sur un apport durable de ressources, avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable » (Charte d’Ottawa, 1986).
Blum H.L. considère la santé comme la capacité de l’organisme à se comporter de différentes manières : la première « à maintenir un équilibre approprié à son âge et à ses besoins sociaux, dans lequel il est raisonnablement indemne de profonds inconforts, insatisfactions, maladies ou incapacités » ; le second « d’une façon qui permette la survie de l’espèce aussi bien que l’accomplissement personnel ou le contentement de l’individu » (Blum H.L., cité par Daveluy C. et Pineault R., 1995). Une personne en bon état de santé est donc apte à accomplir les activités quotidiennes et d’assurer les responsabilités au niveau de la société à laquelle elle appartient. Un meilleur état de santé permet à l’individu d’évoluer efficacement dans son environnement.
1.1.3 Iniquité et inégalité en matière de santé
L’OMS a stipulé que les normes de santé les plus complexes devraient être à la portée de tous sans discrimination que ce soit la race, la religion, les opinions politiques, les conditions sociales et économiques. Cette exigence est inscrite dans la Constitution de l’OMS. Elle définit l’équité en santé comme « l’absence de différences systémiques et potentiellement remédiables, dans un ou plusieurs aspects de la santé parmi la population qui sont définis socialement, économiquement, démographiquement ou géographiquement ». Les paramètres à égaliser constituent les besoins en état de santé complet, les risques en santé, les opportunités et soutiens pour une meilleure condition.
En outre, chaque groupe ou individu doit être capable d’atteindre un état de santé complète sans être désavantagé en raison des circonstances ou de la répartition sociale (Whitehead M. et Dahlgren G., 2006). Ces deux auteurs insiste également sur l’importance d’une équité sociale afin d’assurer une équité en santé. Dans ce cadre, ils proposent de répartir équitablement les ressources nécessaires pour assurer la santé, l’accès aux possibilités et soutiens offerts en cas de maladie (Moffatt H. et Sume Ndumbe-Eyoh, 2013). Il s’agit d’une ambition qui vise à optimiser les opportunités et nuire les obstacles face au plein potentiel de santé surtout au niveau des groupes économiquement désavantagés. Comme exemple souvent évoqué, une personne scolarisée, bien nourrit, et bien logée est en bonne santé par rapport à une personne ne bénéficiant pas ces avantages.
Le terme « équité » est utilisé dans le cas où il y a impartialité ou injustice. L’iniquité a lieu quand les différences entre différents groupes sont indéniables mais évitables, c’est-à-dire qu’on peut y remédier. L’équité consiste en une comparaison d’un résultat avec un jugement de valeur, que ce soit juste ou injuste (Boutayeb A., 2012). L’équité diffère de l’égalité par l’absence de jugement envers les résultats. La différence de sexe ou l’âge reflète l’inégalité puisqu’il s’agit des éléments différents et inévitables. Quant aux dissemblances liées aux déterminants sociaux, dont les origines ou le rang social, constituent une iniquité. Dans ce dernier cas, une injustice est constatée au niveau de la santé qui peut être évitée. L’iniquité injuste découle de l’injustice sociale impliquant l’aspect éthique et morale.
Boutayeb (2012) rappelle également les points de vue du philosophe Rawls J. sur la notion de l’équité. Il conçoit deux principes, dont le premier concerne l’égalité de droit d’un individu à la liberté : « chaque personne a le même droit au plus haut niveau de libertés de base possible, compatible avec un niveau de liberté similaire pour les autres » ; et le second indique l’égalité de chance pour tous qu’est de rester en bonne santé.
Le terme inégalité dans le secteur de la santé renvoie à la différence entre les individus et les groupes. Cette différence d’état de santé découle des paramètres biologiques ou génétiques comme la vieillesse ou le sexe. Les inégalités sont en majeure partie le résultat d’une injustice quant à la répartition des exigences pour maintenir un bon état de santé. Evidemment, l’inégalité et l’iniquité en matière de santé sont devenues des notions semblables. Cette remarque provient des évaluations de Whitehead et Dahlgren (Moffatt H. et Sume Ndumbe-Eyoh, 2013). D’ailleurs, un modèle résumant les déterminants de santé a été présenté par Whitehead et Dahlgren qui sera évoqué dans la partie suivant.
1.2. Les déterminants des inégalités de santé
La définition de la santé revient à la mesure de l’état de santé d’un groupe ou d’une population à travers plusieurs indicateurs. Ce sont, généralement, la mortalité, la morbidité, le risque et le handicap. Le risque est la probabilité qu’un évènement se produise. Dans le cas de l’état de santé, cela peut être un accident. D’autres indicateurs sont énumérés par Jusot F. et al (2009) à savoir :
- la perception de la Santé,
- la norme physiologique non respectée conduisant à une maladie,
- et la restriction fonctionnelle et sociale comme le handicap ou le risque de décès.
La mortalité consiste en l’appréciation de la fréquence de décès au sein d’un groupe (Quillien P-J, 2007). Elle peut être prématurée, c’est-à-dire avant 65 ans, ou évitable dans le cas où les causes de la mort peuvent être prévenues. La qualification évitable provient soit du comportement et des habitudes de l’individu au cours de sa vie, soit du fonctionnement du système de soin notamment les préventions et les prises en charge. Selon le rapport de Atlan G. (2007), les raisons de la considération de la mortalité parmi les indicateurs de mesure de la santé résultent d’une part, de la source épidémiologique, et d’autre part des caractères sociaux et psychiques influençant le « capital santé » d’un individu. Il est évident que la mort et la maladie sont des facteurs biologiques naturellement inégaux et que chacun consent à sa manière l’entretien de son « capital santé » (Bihr A. et Pfefferkorn R., 2008). La mortalité fait l’objet de comparaison dans les études de l’inégalité sociale de santé. Elle est appréciée en fonction des paramètres suivants :
- l’espérance de vie ou la durée de vie moyenne qu’une population ou un groupe peut atteindre.
- le taux de mortalité par âge ou par sexe, ou selon les conditions de vie recherchés.
- les raisons du décès qui sont enregistrées par le médecin ont un lien avec les conditions de vie de la personne.
La morbidité concerne la fréquence des pathologies spécifiée en incidence ou prévalence dans le groupe. D’après Quillien P-J, (2007), il s’agit de « l’état d’un individu ou d’une population jugé comme n’étant pas celui de bien-être physiologique et/ou psychologique ». La prévalence et l’incidence sont les indicateurs de la morbidité d’un groupe: le premier étant l’ensemble d’individus touchés par une maladie à un moment donnée, le second correspond à une extension de nouveaux cas de maladie en une période spécifique. La morbidité détermine les causes et les conditions pour qu’une pathologie vienne compromettre l’état de santé d’un individu ou d’un groupe.
2. Inégalités sociales de santé : concepts et déterminants
2.1. Concept
2.1.1 Notion d’inégalités sociales de santé
Les inégalités de santé sont considérées comme d’ « évitables injustices » liés à la santé au niveau d’un ou différents groupes ; c’est-à-dire que les manifestations des indicateurs de la santé sont différentes au sein d’une population donnée, dans un pays ou entre plusieurs pays. Selon l’OMS, il s’agit des « différences systématiques et potentiellement évitables concernant un ou plusieurs aspects de la santé à travers des populations ou groupes définis à travers des critères sociaux, économiques, démographiques et géographiques ». La mesure d’état de santé d’un individu dépend des conditions socio-économiques dont il appartient. Ces facteurs déterminent les politiques de santé publique dont le système de soins, les dispositions de traitement d’une pathologie.
Elles se définissent comme « toute relation entre la santé et l’appartenance à une catégorie sociale » (Guichard A et Potvin L., 2010). Elles concernent l’influence réciproque de la catégorie sociale et de la santé. D’une part, elles introduisent la relation entre l’état de santé d’une personne et son statut social, d’autre part les déterminants sociaux affectent les différences de santé. Ainsi, une différence d’état de santé est constatée dans un groupe social déterminé d’où la présente définition : « les inégalités sociales de santé renvoient aux différences d’état de santé observées entre des groupes sociaux » (INPES, 2012). Les inégalités peuvent être évitées car la biologie ne s’avère pas être le seul déterminant de la différence de santé. Comme les collaborateurs du rapport d’Inspection Générale des Affaires Sociales ou IGAS confirment, « elles ne relèvent pas seulement de la biologie, mais de déterminants socialement construits » (Moleux M. et al., 2011).
Les personnes évoluant dans de conditions favorables, souvent appelées les « plus favorisées », ont un meilleur état de santé que celles qui appartiennent dans les groupes économiquement défavorisées. Il s’agit d’une répartition de la population en fonction de leur revenu. Cela illustre la corrélation entre le niveau de vie, l’environnement social et l’état de santé. Les groupes vivants dans la pauvreté présentent des caractéristiques similaires telles un niveau d’éducation faible, une prédominance du chômage, des conditions d’habitation inadaptées. De plus, ces groupes sont privés des avantages
« Chacun devrait avoir l’opportunité d’atteindre son plein potentiel de santé » (INPES, 2012). Cette forme d’inégalité est apparentée avec l’iniquité, une forme d’injustice morale et éthique au niveau de la santé et du social. Cela a un lien avec les égalités de chances de tous les individus d’atteindre une santé optimale. Cette égalitarisme nécessite une distribution identique des ressources afin d’atteindre l’objectif. Ces ressources constituent les déterminants sociaux de la santé. Par contre, en matière de santé, cette distribution est inégale et injuste entrainant l’écart du niveau d’état de santé entre les groupes. La répartition inégale ne provient pas uniquement de phénomènes naturels mais des situations évitables.
2.1.2 Gradient social
Afin de réduire l’inégalité, les décisions devraient être équitables et justes pour la totalité de la population quelle que soit son niveau social. Le lien entre la pauvreté et le mauvais état de santé est visiblement constaté dans tous les pays du monde. La pauvreté est l’insuffisance de ressources financières et de biens à mobiliser pour satisfaire les besoins d’une personne[2], d’un groupe ou d’un pays. La pauvreté peut être aussi une résultante de la précarité.
Le gradient social est appelé par Marmot en 2004 la relation entre le niveau graduelle ou linéaire de la santé et la position sociale[3], c’est-à-dire qu’une augmentation de résultat des indicateurs de mesure de la santé est interprétée par l’importance du niveau de désavantage social. Effectivement, la distribution socio-économique d’un individu, que ce soit favorable ou défavorable, est jugée selon ses caractéristiques comme son travail, son niveau d’éducation, sa position sociale, le logement. Ce sont des caractéristiques définit au préalable par Costa et al. (2002) reprises par Whitehead et Dahlgren (1991). En somme, le gradient social est considéré comme étant un « manque à gagner » en matière de santé.
Une personne appartenant à un milieu socio-économique désavantageux est vulnérable à un état de santé dégradant. Le gradient social représente la différence de santé dans les niveaux hiérarchiques du milieu social et économique. INPES (2010) définit cette notion comme « le phénomène par lequel ceux qui sont au sommet de la pyramide sociale jouissent d’une meilleure santé que ceux directement en dessous d’eux, et qui eux-mêmes sont en meilleure santé que ceux qui sont juste en dessous et ainsi de suite, jusqu’aux plus bas échelons » (INPES, 2010). Ce phénomène est d’envergure mondiale car elle affecte tous les pays quel que soit le pouvoir d’achat. Ce gradient distingue les deux catégories sociales d’un individu : celle des plus favorisées et des défavorisées. L’état de santé d’un individu est donc influencé par son statut social.
2.2. Les déterminants des inégalités sociales de santé
Les déterminants sociaux constituent l’ensemble des éléments environnant qui interagissent pour le développement des individus et les systèmes de soins médicaux. Ils ont un impact significatif sur la santé. Ils émanent des éléments environnant l’état de santé de chaque individu, notamment : la génétique ou la biologie qui sont des facteurs héréditaires, les éléments environnementaux (le travail, la localité), les comportements, les politiques et les facteurs psychosociaux.
Les inégalités de santé se rapportent aux différences liées aux facteurs biologiques tels la génétique et l’aspect physiologique (INPES, 2012). Par exemple, la génétique revient au sexe ; tandis que la physiologie s’intéresse au fait d’être jeune ou vieux. Les inégalités de santé se manifestent par l’écart du taux de mortalité, la maladie et les comportements liés à la santé entre une personne aisée et défavorisée.
Avant d’entamer les déterminants, Il y a deux modèles de déterminants de santé : celui de Dahlren et Whitehead (figure 1) qui illustre les facteurs influençant la santé et l’environnement social ; et de Pathway de la CDSS (figure 3).
2.2.1 Modèle selon Dahlgren et Whitehead
Ces deux auteurs ont mis en couches superposées les déterminants de santé qu’ils ont identifié. Le centre du modèle distingue les déterminants liés aux caractéristiques individuelles telles la génétique ou la biologie. Ces déterminants sont les facteurs constitutifs irrémédiables tels liés à l’hérédité, l’âge et le sexe et les facteurs physiques. Ce cas illustre l’approche écosociale de la santé
Figure 3 : Déterminants de santé selon Whitehead et Dahlgren (2006)
Source: Whitehead M., Dahlgren G., 1991.
En parallèle, il met en évidence quatre (4) niveaux ou paramètres en corrélation (INPES, 2012 [2]).
D’abord, l’intérieur de l’arc représente les « facteurs liés au style de vie personnel ». Ils regroupent les comportements et habitudes des individus qui affectent l’état de santé que ce soit de manière favorable ou défavorable. Aussi, ils définissent le type de relation au sein d’une communauté. Le second paramètre consiste l’influence des « réseaux sociales et communautaires » où l’individu adhère. Ces influences sont déterminées à partir de l’analyse des effets de l’existence ou non d’appui et exigences en cas de circonstances complexes. C’est la société définit les comportements individuels. Ensuite, il y a les facteurs liés aux conditions de vie et du travail. Cela implique la satisfaction des besoins physiologique tels l’alimentation saine, la disponibilité de travail, l’accès à l’éducation, l’accès à l’eau potable et aux équipements sanitaires, l’habitation adéquate, accès aux services de soins sanitaires, et enfin les conditions de travail. Pour la dernière couche, Whitehead et Dahlgren a introduit les « conditions socio-économiques, culturelles et environnementales ». Ces paramètres affectent les décisions au niveau de la société. Ils englobent toute la surface de l’arc, c’est-à-dire que les autres facteurs dépendent de la variation de ces conditions.
Le modèle de Whitehead et Dahlgren est appuyé par celui de « Influences on health: broadening the focus », de la Robert Wood Johnson Foundation[4] (figure 2).
Figure 4 : Déterminants de santé de Robert Wood Johnson
Source : Sandon A., 2015.
D’après ce schéma, l’état de santé dépend du comportement individuel et de ses caractéristiques organiques inévitables, ainsi qu’à l’accès aux soins médicaux. Les comportements individuels sont liés aux modes de vie ou aux habitudes de vie qui sont issus de la pression de la société. On distingue les addictions aux stimulants (tabac, alcool, etc.) qui affecte de manière directe ou indirecte l’état de santé. Effectivement, une personne qui se préoccupe de son bien-être et qui bénéficie des soins comme la prise en charge ou la prévention contre une certaine pathologie demeure en bonne santé. Ces facteurs sont à leur tour influencés par les conditions de vie et de travail que ce soit à l’intérieur de l’habitation ou au sein de la communauté. Comme exemple, une personne vivant dans un logement bien aéré et exposé à la lumière du soleil ne craindra pas les moisissures. Ou bien, un milieu de travail stressant et dangereux exposera l’employé aux risques d’accident. Les défavorisés sont les plus vulnérables aux conditions de travail médiocres. Enfin, les opportunités offertes par les conditions socio-économiques et les ressources financières déterminent l’ensemble des facteurs déterminants la santé. La disponibilité de ressources facilite l’acquisition d’un logement adéquat, influe la position sociale et les habitudes alimentaires.
2.2.2 Déterminants sociaux selon Pathway de la CDSS[5]
C’est une branche de l’OMS constituée de corps diplomatiques, des chercheurs et d’anciens diplomates. Son objectif est « d’étudier les données disponibles pour en tirer des recommandations relatives aux interventions et aux politiques efficaces afin d’améliorer la santé des populations et de réduire les inégalités en matière de santé » (Potvin L. et al., 2010).
Figure 5 : Cadre conceptuel des déterminants sociaux de santé : modèle de Pathway inspiré de celui de Solar et Irwin (2007)
Source : OMS, 2008.
Ce schéma montre qu’il y a deux formes de déterminants de la santé à savoir ceux en lien avec les réalités socio-économiques, et les déterminants intermédiaires. Il est à noter qu’ils sont en interaction et dépendent l’un de l’autre.
En parallèle avec cette interaction, Paquet a insisté sur le modèle écologique de la santé. Il veut montrer la multiplicité des déterminants de la santé à partir de la figure 4 empruntée dans le rapport du Gouvernement de Québec en 1985 intitulé « Le point sur les habitudes de vie : l’approche écologique ». Le schéma montre l’existence de flux d’action sur chaque élément. Ces derniers sont l’environnement, le stress, la biologie, les habitudes de vie et le système de soins.
Figure 6 : Approche environnementale de la santé
Source : Paquet G., 1989.
Ce modèle est repris par l’OMS qui a été représentée par la Commission des déterminants sociaux de la santé en 2008.
a. Déterminants structurels en relation avec les réalités socio-économiques et politiques
« Les déterminants structurels de l’état de santé sont liés au contexte politique et socioéconomique du pays. Parmi les facteurs qui influent sur la stratification sociale, on trouve : la gouvernance, les politiques macroéconomiques, les politiques fiscales, les politiques sociales, les politiques publiques, la culture et les valeurs de la société » (Moquet M-J., 2011).
Il s’agit de la hiérarchisation du pouvoir de chaque individu au sein de la société en fonction de ce qu’il possède, de ses capacités, de son appartenance, de son sexe. Dans le modèle de Paquet, il s’agit de l’environnement de la santé où les politiques et les décisions économiques sont envisagées. En ce qui concerne les facteurs socio-économiques, leur mesure permet de distribuer la population en classe sociale selon leur revenu, le niveau d’éducation, le travail, la culture, l’âge et le sexe (Ngueng Z., 2010). Aussi, ils concernent les effets des décisions politiques sur la régulation sociale et économique (Molleux M. et al., 2011). La répartition sociale de la population est influencée par les « la gouvernance, les politiques macro-économiques, les politiques fiscales, les politiques sociales, les politiques publiques, la culture et les valeurs de la société ». Ces éléments cités appartenant aux déterminants structurels sont la source d’inégalité des déterminants intermédiaires. C’est-à-dire que les décisions prises en matière de politique, telles la politique fiscale ou sociale, influent sur l’amélioration du niveau de vie de la population.
b. Déterminants intermédiaires
Ces déterminants conduisent aux « conditions matérielles psychologiques, aux comportements, aux facteurs biologiques et génétiques, ainsi qu’au rôle de l’accès au système de santé » (Moquet M-J., 2008).
Les facteurs psychosociaux sont les premiers à constituer ces déterminants. Ils sont liés au stress dû aux réalités de la vie et du travail. Ils représentent «l’ensemble des facteurs organisationnels et les relations interindividuelles qui peuvent avoir un impact sur la santé. […] Il s’agit notamment du contrôle (autonomie, participation, utilisation et développement d’habiletés), de la charge de travail (quantité, complexité, contraintes temporelles), des rôles (conflits, ambiguïté), des relations avec les autres (soutien social, harcèlement, reconnaissance), des perspectives de carrière (promotion, précarité, rétrogradation), du climat ou de la culture organisationnelle (communication, structure hiérarchique, équité) et de l’interaction travail/vie privée. »[6]. Le stress consiste en la capacité de l’individu à s’adapter aux changements des conditions de son environnement. L’évaluation du stress conduit à l’analyse de l’état de santé physique ou mentale de l’individu. Il ne survient que lorsque la personne ne peut accomplir ses responsabilités faute d’insuffisance de ressource. Le stress est également associé aux risques liés au travail. Aussi, l’environnement et les facteurs biologiques agissent sur le stress, qui, à son tour affecte la santé. Ce second flux est dû aux solutions adoptées par la personne afin de le diminuer. Il s’agit des habitudes de vie ou les addictions aux substances toxiques tels le tabac, l’alcool, la dépendance aux médicaments, les activités sportives. La détermination du niveau de stress dépend donc de la capacité de la personne à gérer les changements habituels et de sa capacité d’adaptation (Marquis J-F., 2009).
En parallèle, les facteurs liés aux comportements de santé construisent également les déterminants intermédiaires. Ils couvrent les activités quotidiennes ayant un impact sur la santé comme la consommation de stimulants, les habitudes alimentaires, les activités physiques et la sexualité. Ce sont des comportements liés à l’adaptation de l’individu au stress. Il devient ensuite dépendant à chaque apparition d’une situation complexe.
Parmi les grands éléments de cette catégorie est la psychologique. Elle consiste en une appréciation de soi, une sensation de bien-être, une diminution de l’état moral et physique. Cela a un lien avec la dépression, l’optimisme agissant sur la motivation
3. Synthèse des déterminants des inégalités de santé et des inégalités sociaux de la santé
Le tableau 1 suivant résume les déterminants sociaux de santé en les caractérisant en fonction de leur ligne d’intervention. Ainsi, les facteurs constitutifs se subdivisent en deux groupes d’influence: le premier le déterminant direct et le second l’indirect.
Tableau 1 : Synthèse des déterminants sociaux de santé
Déterminants directs | Déterminants indirects | |
Déterminants structurels | Culture (les habitudes, la capacité et les valeurs d’un individu à savoir les normes, les valeurs, les tolérances, et la résistance face aux changements)
Education et niveau d’étude Activité professionnelle et le chômage Salaire ou le revenu Relations sociales (structure et affection) Conditions de travail |
Accès à un logement adéquat
Emplacement de l’habitation (région) L’hygiène et la propreté Accès à l’eau et à une alimentation saine Environnement biologique |
Déterminants intermédiaires | Facteurs liés aux comportements comme les habitudes alimentaires, modes de vie, activités physiques et la sexualité.
Facteurs psychosociaux comme le stress, les risques dus aux conditions de travail, aux conditions de vie. Psychologie |
Système de soins : préventions et accès (prise en charge) |
Déterminants biologiques | Génétique comme le sexe
Physiologique comme l’âge |
Source : Icône Médiation Santé, 2013.
Partie 2. Comment mesurer des inégalités sociales de santé ?
1. Mesure des inégalités
1.1. Trois approches des inégalités
La mesure des inégalités nécessite une base de données dont les variables constituent les indicateurs de santé pour une population donnée. Pour représenter l’inégalité, il faut classer la population en représentant la distribution de la santé ; puis, importer sur la courbe de Lorenz, et enfin, déterminer l’indice d’inégalité (Asada Y., 2007).
1.1.1 Courbe cumulative de distribution : loi de Pareto
Une courbe nécessite une succession de données afin de classer la population. Le présent cas essaie de quantifier l’état de santé en attribuant un chiffre entre 0 et 1 : 0 représente un faible état de santé lié à la mort, et 1 en un état optimal. Les variables utilisées sont donc l’état de santé (entre 0 et 1) et la part de la population en %. Ensuite, les fréquences cumulées seront distribués de manière croissante et représentés sur un graphique (exemple sur la figure 1).
Figure 1 : Exemple de courbe cumulative de distribution de l’inégalité
Source : Mbima C., 2017.
Cela s’explique par les règles de 80/20 de la loi de Pareto qui montre qu’une minorité de la population, les 20% possède une situation favorable, c’est-à-dire 80% des richesses. Elle illustre alors l’inégalité des chances entre une série de population. Pour le présent cas, la variable est l’état de santé où seule 20% de la population possède un état de santé optimal ou de l’ordre de 1. L’important dans ce cas d’analyse est l’illustration de la dominance. Il ne s’agit pas d’une distribution égale des situations 20% de la population est une minorité.
La courbe de distribution permet d’apprécier l’ampleur des situations, que ce soit plus ou moins favorable. Cette analyse correspond à la dominance dont les distributions sont représentées par F1 et F2. Considérons F(k) dont la définition est la suivante :
F(1)(z)= F(z) ;
si alors
F1 domine F2 à l’ordre de k, quel que soit la valeur de z
La dominance entre ces deux distribution est du premier ordre lorsque pour tout z, ; c’est-à-dire que F1 est inférieure à F2. La dominance de F1 est donc significative et précise dans la société.
Outre, la dominance est du second ordre quand les deux courbes F1 et F2 se resserrent : plusieurs variables coïncident. La distribution se tend vers l’égalité.
1.1.2 Courbe de Lorenz et courbe de Lorenz généralisée
La courbe de Lorenz est une représentation graphique qui met en relation la fraction « x%» d’une population détentrice d’une part d’une grandeur (richesse), à la part « y% » de la grandeur détenue », d’une part[7]. L’exemple propose trois schémas qui expliquent individuellement le graphique proposé par Lorenz. Le premier consiste en l’égalité totale, qui représente la droite d’une répartition égale de la variable santé. Ensuite, la courbe d’inégalité parfaite qui montre l’inégale parfaite répartition. Et enfin, celui de la courbe de Lorenz qui constitue la répartition quelconque de la variable santé.
Figure 2 : Courbes de Lorenz
Source : Mbima C., 2017.
Avec la courbe égale parfaite, chaque fréquence de la population présente un état de santé identique, c’est-à-dire que l’augmentation de la population est proportionnelle à l’augmentation de la part de la santé. La courbe de Lorenz est donc une ligne droite en croissance. Pour le second graphique, une répartition inégale et parfaite illustre la distribution extrêmement différente entre les niveaux sociaux. On remarque que la population appartenant à la haute société (minorité) dispose un état de santé optimal que la population qui se trouve en bas de cette position sociale. Une personne détient le monopole de la santé. En enfin, la courbe de Lorenz est creuse car elle représente l’inégale répartition de la part de santé. En d’autre terme, une majorité de la population possède un revenu faible et un état de santé défavorable contrairement à la minorité riche.
1.1.3 Indices d’inégalité
Cette méthode est utilisée dans le cas où la distribution est sur un échantillon de la population.
La courbe et indicateur de concentration est la combinaison de la courbe de Lorenz et de l’indice de Gini. D’après Lorenz, aucune situation n’est égalitaire. Effectivement, il existe d’autres indicateurs comme celui de Murray et Frenk, de Theil (indice de la mesure d’entropie apprécié), d’Atkinson (bien-être social), Kolm Pollak etc. L’indice de Gini est le plus utilisé.
Selon l’INSEE (2006), « L’indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique d’inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie…). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d’égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie… seraient égaux. A l’autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible, celle où tous les salaires (les revenus, les niveaux de vie…) sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l’inégalité est d’autant plus forte que l’indice de Gini est élevé ». Si l’indice de Gini diminue entre deux périodes différentes, l’inégalité globale diminue, et pareillement pour un indice élevé.
La méthode de calcul de l’indice est la suivante :
I G : indice de Gini en fonction de x
i : niveau de chaque décile (en [1 ; 10] n : le nombre total des déciles (10) X : fréquence cumulée de la population Y : part de revenu pour la distribution |
Avant d’apprécier la distribution d’une variable au sein d’une population, il est nécessaire de constater l’inégalité par la courbe de Lorenz. Par la suite, la détermination de cette inégalité, c’est-à-dire son ampleur, dépend du calcul du coefficient de Gini. Il s’agit donc de la différence de surface entre la ligne de répartition égale et la courbe de Lorenz, et la surface situant sous la courbe de Lorenz (Mbima C., 2017) : « ce coefficient est dérivé de la courbe de Lorenz puisqu’il est égal au rapport entre S (la surface comprise entre la diagonale et la courbe de Lorenz) et la moitié de la superficie du carré »[8].
Les autres indices :
- Indice de Gakidou, Murray et Frenk (2000) qui a servi à certains travaux de l’OMS dont la formule est la suivante :
α=3
β= 1/2 |
Dans le cas où la valeur du GMF est égale à 1, la situation d’inégalité est absolue.
- Indice de Theil (1967) est associé au concept physique de l’entropie vu par les statisticiens. Il s’agit d’une mesure de la variation entropique entre une situation égale absolue et une situation réelle. Il représente l’écart entre le nombre d’un individu ou d’un groupe dans la population et la valeur de son revenu dans le revenu total. La formule de l’indice est :
I représente l’individu ou le groupe
N le nombre d’individus dans une population µ le revenu moyen yi le revenu de l’individu |
1.2. Liens entre les trois approches
Cette partie se réfère à la dominance stochastique.
1.2.1 Dominance du deuxième ordre, courbe de Lorenz généralisée et poverty gap
La « poverty gap » peut servir d’interprétation de l’inégalité. Il s’agit d’une mesure de l’intensité de la pauvreté en mesurant l’écart qui existe entre la pauvreté moyenne et le seuil de la pauvreté. Elle démontre la relation avec la courbe de Lorenz généralisée. La dominance est représentée par l’intégration par partie qui donne :
L’intensité de la pauvreté dans la population 1 est plus faible par rapport à celle de 2. Le lien qui existe entre la courbe de Lorenz généralisée et la dominance est représenté par la méthode du changement de variable. Dans ce cas, la comparaison se fait avec la dominance de la fonction inverse F-1 dont F1 est supérieure ou égale à F2.
Soit t= F1( ; quel que soit p :
1.2.2 Principes de transfert et dominance stochastique
« L’inégalité entraîne une perte de bien-être par rapport à un partage égal et donc une distribution est moins inégale qu’une autre si la perte de bien-être induite est moins importante » (Trannoy A., 2010). Le principe du transfert consiste en une compensation du revenu du plus pauvre à partir du revenu du plus riche, nommé Δ > 0. L’écart ne doit pas être excessivement démonstratif. Il s’agit donc d’un transfert progressif de j à i :
Il s’agit d’une équivalente entre le bien-être sociale et critère de Lorenz obtenue par la majorisation selon Hardy-Littlewood-Polya. Les individus sont classés d’une manière décroissante, c’est-à-dire à partir du plus riche (Trannoy A., 2010).
Il y a équivalence si la dominance stochastique entre F1 et F2 est du second ordre ; puis, si le transfert Pigou-Dalton a été effectué donc .
Dans le cas où la dominance est du troisième ordre[9], le transfert doit se faire avec un individu plus pauvre car il est moins intéressant de passer à un niveau moyen. Par conséquent, provient de grâce à un nombre fini de permutations, de transferts Pigou-Dalton ou de composites préservant la variance.
1.2.3 Robustesse et complétude
La problématique repose sur le choix de l’indice d’inégalité qui se rapporte au choix de la valeur de l’aversion à l’inégalité. Prenons deux variables F1 et F2 de distributions respectives x1 et x2 et que la fonction du bien-être social est représentée par W. La robustesse consiste à utiliser des méthodes plus robustes qui représentent un jugement clair du bien-être social. Dans ce cas, on a recours à la dominance stochastique ou à différents ordres. Pour le cas de la courbe de Lorenz, la dominance est du second ordre. Par conséquent, la distribution de F1 est un nombre fini de transfert Pigou-Dalton de F2. Et, les fonctions utilisées sont concaves, notées f.
2. Mesure des inégalités sociales de santé
2.1. Courbe et indicateur de concentration
La courbe et indicateur de concentration est la combinaison de la courbe de Lorenz et de l’indice de Gini. D’après Lorenz, aucune situation n’est égalitaire. Si la courbe se trouve au-dessous, l’inégalité est en faveur des plus favorables. Dans ce cas, les riches ont de meilleurs résultats que les pauvres. La distance entre la courbe de concentration et la diagonale donne un aperçu du degré d’inégalité. Cette appréciation est obtenue par l’indice de concentration (IC) qui affronte la courbe de concentration et la diagonale. L’équation est de :
représente la valeur moyenne de yi et est le rang fractionnaire de l’individu i dans la distribution de I. La valeur de IC est toujours comprise entre : -1 si la courbe se situe au-dessus de la diagonale, et +1 si la courbe se trouve au-dessous. Si la valeur est positive, les riches sont les plus favorisés, et vice versa pour la valeur négative. Il est à noter que la courbe de concentration peut traverser la diagonale. Par conséquent, la IC (y) peut être égal à 0 même s’il existe des inégalités socioéconomiques à condition que les inégalités dans les différentes parties de la distribution vont dans de différentes directions et se compensent mutuellement.
Figure 7 : Courbe et indicateur de concentration
Source : Mousquès J. et al., 2001.
Effectivement, il est intéressant d’utiliser la méthode de mesure d’inégalité pour la santé : celle de la courbe de Lorenz et l’indice de Gini.
On peut également utiliser l’indice relatif d’inégalité ou IRI. Par définition, c’est « un indice très usuel dans la mesure des inégalités sociales de santé, qui appelle une présentation particulière. Il permet de rendre compte, par un chiffre unique, de l’écart de santé (mesuré par l’indicateur d’état de santé ou de consommation de soins) associé à un certain écart social (mesuré par les indicateurs d’inégalités socio-éonomiques)» (HCAAM, 2012).
Les indicateurs liés à l’état de santé ou de consommation de soins sont principalement les facteurs biologiques comme l‘âge du décès qui se mesure à partir de l’espérance de vie à 35 ans et à 65 ans. Ensuite, les indices standards de mortalité ou ISM qui consiste en le rapport du nombre d’observation de décès sur une période donnée sur le nombre de décès pendant cette période. Il y a aussi les indicateurs liés à l’incapacité. Ils regroupent les individus ayant des limitations fonctionnelles physique ou mentale qui rendent difficile la réalisation des activités quotidiennes. Puis les inégalités face aux probabilités ou aux risques qu’une situation peut nuire à ‘état de santé. Et enfin, les indicateurs liés aux inégalités d’accès aux soins médicaux comme les prises en charges, les traitements préventifs et curatifs.
Pour la part des indicateurs socio-économiques, il s’agit surtout de la disponibilité de ressources pour atteindre un objectif de santé optimal. Ils sont constitués par les indicateurs de base de la pauvreté ou de milieu de vie dont le revenu, le travail et autres ; puis des indicateurs liés aux modes de vie.
L’IRI combine les indices sociales et les indices de santé afin d’aboutir à un indice d’inégalité social.
2.2. Décomposition
Il s’agit d’une méthode de décomposition de la population croissante. Lorsque le résultat est pertinent, y peut être écrit comme une fonction linéaire d’un ensemble caractéristiques x :
Ainsi, l’indice de concentration peut être décomposé comme suit :
Si , cette équation montre que l’effet de toute variable xj sur IC(y) dépend à la fois de son propre indice de concentration et de son élasticité de y par rapport à xj.
Cette approche de décomposition a été utilisée pour interpréter les différences dans l’indice de concentration entre différents pays ou les changements au fil du temps. Effectivement, la structure linéaire de l’équation permet de décomposer les changements et différences dans l’indice de concentration. La différence entre deux situations 1 et 2 peut être écrite comme :
Les variables démographiques sont une partie de l’explication, mais d’autres facteurs importants sont le revenu, l’éducation, le statut de la population active et la région. Un pays peut présenter une faible santé au niveau de la population retraitée et la population à faible revenu : une mauvaise santé implique une retraite anticipée plutôt qu’un faible revenu impliquant une mauvaise santé.
2.3. Standardisation
Il s’agit de la standardisation des variables problématiques rejetant celles de l’âge et du sexe.
Prenons comme exemple : dont y représente les variables santé, revenu ou autres qui sont en fonction des variables de standardisation. Il y a la standardisation directe où l’impact des variables de A sont éliminé mais que l’effet de R est modulé par A. C’est-à-dire que si les variables dans A augmentent l’impact dans R, on ne considère plus les inégalités dues à R dans la classe de A. Quant à la standardisation indirecte, on constate une égalité absolue dans le cas où les impacts de R sont neutralisés dans A. L’évaluation des inégalités, dans ce cas, dépend de A. ce second cas est le plus significatif en matière d’impact de R sur la santé.
3. Disparité
Les disparités en matière de santé sont souvent évaluées à partir des origines ethniques. Toutefois, la présente méthode s’applique également dans le cas d’autres variables sociales ou de circonstances.
Considérons deux groupes de différence ethnique noir (N) et blanc (B), l’indicateur d’inégalité en matière de soins de santé est . Il s’agit uniquement de la différence des dépenses en matière de soins de santé dans la population blanche et noire. Cette différence ne signifie pas nécessairement une inégalité. De plus, une correction des besoins est nécessaire avant d’entamer une «disparité» inéquitable. Evidemment, l’utilisation des services de santé est déterminée par de nombreuses autres variables en dehors de la race et des besoins. La nature partielle de l’approche soulève la question de savoir comment ces autres variables doivent être traités. Si l’on considère quatre ensembles de variable : la race (Ri), les besoins en soins de santé (hni), le statut économique (SESi) et les préférences (Pi), la fonction séparable décrit le lien entre ces ensembles de variables :
dont représente la perturbation.
Une mesure naturelle de la disparité raciale dans les soins de santé semble être le paramètre d’estimation β, c’est-à-dire la différence entre la moyenne dans les soins de santé entre les Blancs et les noirs après avoir corrigé toutes les variables. Toutefois, la restriction signifie que les différences de besoins ont été corrigées, mais aussi pour les différences de statut socioéconomique. Par hypothèse, les Noirs sont surreprésentés dans les groupes de SES inférieurs et que SES entraîne également des différences dans les soins de santé (même après correction pour les besoins): on doit considérer l’effet indirect à travers SES dans mesurer la disparité raciale globale.
L’Institut américain de médecine (OIM) définit les disparités dans les soins de santé comme
« … racial or ethnic differences in the quality of health care that are not due to access-related factors or clinical needs, preferences and appropriateness of intervention« (Institut de médecine 2002, p. 32). L’intégration des autres facteurs doivent être considérée pour mesurer la disparité.
Il y a différents cas de disparité :
- Le cas linéaire où la distinction est moins importante dans le cas de la séparation dans laquelle les deux définitions D et D* coïncident.
- Le simple ajustement où la disparité raciale peut être facilement calculée du fait qu’elle nécessite uniquement des informations sur les moyens de distribution des variables explicatives.
- L’ajustement complet
- Le cas non-linéaire : La détermination de la disparité raciale devient plus délicate, dès que la fonction reliant les soins de santé à la race, le statut socioéconomique, les besoins et les préférences ne sont pas séparables.
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[1] Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. (Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948.
[2] Définition proposée par Larousse en 2012.
[3] Cité par Whitehead M., Dahlgren G., 1991
[4] Dans « Overcomming Obstacles to health » en 2008. Paru dans Krieger N., 2008.
[5] Commission des déterminants sociaux de santé
[6] Une définition proposée par Vézina et al., 2006 reprise par Marquis J-F., 2009.
[7] Selon le dictionnaire du Commerce International dans http://www.glossaireinternational.com/pages/tous-les-termes/courbe-de-lorenz.html .
[8] Une définition de Morisson en 1996 dans son ouvrage intitulé « La répartition des revenus », cité par Mbiami C., 2017.
[9] Le croisement des courbes de Lorenz se manifeste en une seule fois c’est-à-dire que la moyenne des deux distributions est identique et que l’une des courbes passe au-dessus de l’autre. Dans ce cas, la variance de cette courbe est faible.
Mémoire de fin d’étude de 31 pages
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