Mémoire portant sur les médicaments biosimilaires.
Les médicaments biosimilaires : un nouveau challenge pour les entreprises pharmaceutiques
Introduction
Le succès des médicaments biologiques en ce qui concerne le traitement de grand nombre de maladies chroniques et aigues est flagrant. Toutefois, leur coût onéreux limite leurs accès, notamment dans les pays en voie de développement.
Depuis trois décennies, l’essor de l’industrie biotechnologique a remis en cause le modèle de découverte des médicaments par le biais d’un éventail d’expertises ainsi que d’outils novateurs.
Avec des résultats commerciaux prometteurs, l’industrie biotechnologique s’impose de manière significative au sein du marché total de l’industrie pharmaceutique. En effet, cinq des dix produits les plus vendus dans le monde étaient issus des biotechnologies en 2013 avec un chiffre d’affaires de plus de 100 milliards (Mds) de dollars (US$) de ventes à travers le monde en 2013 avec une estimation à plus de 250 Mds US$ en 2020.
Ce travail consiste à faire le point sur les différents aspects des biosimilaires ainsi que leur réglementation et statut scientifique afin de démontrer le nouveau challenge pharmaceutique qu’ils représentent.
Dans un premier temps sera abordé le concept de la biosimilarité par rapport au médicament générique, suivi de la législation et règlementation des biosimilaires.
Dans un second temps, un aperçu du marché français des biosimilaires sera réalisé.
Finalement, l’analyse du marché du biosimilaire de sa commercialisation, son évaluation, sa pharmacovigilance sera effectuée.
PREMIERE PARTIE : DEFINITIONS ET ENVIRONNEMENT
- Concept du médicament biosimilaire
- Le médicament
Dans les autres états membres de l’Union Européenne ainsi qu’en France, le médicament est définit par le Code de la Santé Publique (CSP) comme suit :
«On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. » 1
Afin d’exister en tant que forme pharmaceutique, le médicament est formé par deux types de substances :
- Le principe actif (PA) qui est soit d’origine naturelle ou chimique qui se caractérise par un mécanisme d’action curatif ou préventif. C’est la substance responsable de l’effet thérapeutique.
- Des excipients qui sont des substances d’origine chimique ou naturelle qui sont dénuées d’action préventive ou curative. Ils jouent un rôle dans la formulation du médicament en faciliter l’utilisation.
Médicament générique
Selon le Code de la Santé Publique (CSP) (Article L5121-1, alinéa 5a), par rapport à une spécialité de référence (ou princeps) se définit un médicament générique comme étant un médicament ayant : « la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. »
Les études de bioéquivalence reposent sur la comparaison de la concentration sanguine du principe actif médicament après absorption du générique et du princeps.
Les études de biodisponibilité permettent le calcul de la vitesse ainsi que de l’intensité de l’absorption du générique dans l’organisme par rapport à celles du princeps 2.
Voici les similitudes retrouvées entre le princeps et son générique :
– La composition qualitative et quantitative en principe(s) actifs
– La forme pharmaceutique
– La biodisponibilité
– Le profil de qualité, de sécurité et d’efficacité du produit
– Les procédures d’obtention d’AMM
– Les principes et exigences permettant la démonstration de la qualité du médicament, sa reproductibilité d’un lot à l’autre et sa stabilité
– Les règles de prescription et de délivrance
– La DCI
– Le taux de remboursement par la sécurité sociale
– Les obligations des fabricants et exploitants de médicaments (y compris en matière de pharmacovigilance, de déclaration des effets indésirables, de gestion des risques et d’information)
– Le circuit de notification des effets indésirables
– Le suivi des médicaments par l’ANSM :
- les inspections réalisées chez les fabricants de substances actives et chez les fabricants de médicaments pour contrôler la qualité des produits et vérifier le respect des bonnes pratiques de fabrication ;
- les inspections des activités de pharmacovigilance ;
- le contrôle des produits finis ;
- Le contrôle de la publicité.
Voici les différences existant entre le princeps et son générique :
– Le prix (plus bas de 60 à 70% dû à des coûts et temps de R&D considérablement réduis)
– Le nom de marque
– La présentation (emballage, couleur, forme, goût)
– Le nom du laboratoire pharmaceutique commercialisant le médicament
– Les excipients (substances sans activité pharmacologique jouant un rôle dans l’absorption du médicament, sa stabilité et son acceptabilité : couleur, goût, etc.);
– Les essais de bioéquivalence, spécifiques aux médicaments génériques
- 2. Concept de biosimilarité
- 2. 1. Définition du médicament biosimilaire d’après le Code de la Santé Publique
Il est important de définir le terme biosimilaire d’autant plus qu’il est trop fréquemment défini comme un générique du médicament biologique de référence, ce qui n’est vraiment pas le cas.
Si la définition légale du médicament biologique est comme suit : « Produit dont la substance active est une substance biologique. Une substance biologique est une substance qui est produite à partir d’une source biologique ou en est extraite et dont la caractérisation et la détermination de la qualité nécessitent une combinaison d’essais physico-chimico-biologiques, ainsi que la connaissance de son procédé de fabrication et de son contrôle»3.
Selon le code de la santé publique (CSP), en France, un médicament biosimilaire se définit comme étant un médicament biologique dont la composition sur le plan qualitatif et quantitatif en principes actifs ainsi que la forme galénique sont similaires à un médicament biologique de référence à la différence qu’il ne remplit pas les conditions requis pour qu’il soit qualifié comme une spécialité générique compte tenu de sa variabilité en termes de matière première ainsi qu’aux procédés de fabrication, notamment la nécessité de données précliniques et cliniques supplémentaires comme réglementées par la loi (article L5121-1-15, Directive 2004/27/CE).
De plus, les médicaments biologiques similaires à des médicaments de référence ne peuvent être considérés comme étant des médicaments génériques compte tenu du fait qu’ils ne remplissent jamais toutes les conditions pour être considérés comme tels, en raison principalement des caractéristiques des procédés de fabrication, des matières premières utilisées, des caractéristiques moléculaires ainsi que des modes d’action thérapeutiques.
Ainsi, des résultats appropriés doivent être apportés afin de satisfaire aux conditions relatives à la sécurité (essais précliniques) ou à l’efficacité (essais cliniques), ou aux deux (Directive 2004/27/CE).
En somme : le concept de biosimilarité repose sur le principe essentiel de la comparaison de deux médicaments issus de la biotechnologie, l’un étant le médicament de référence, commercialisé depuis plus de 10 ans dans l’union européenne, et l’autre étant le médicament qui souhaite être déclaré « biosimilaire » au médicament de référence.
Par ailleurs, il y a une certaine différence entre l’évaluation de médicaments biosimilaires et celle des médicaments génériques issus de la synthèse chimique. Incontestablement, la comparaison entre un médicament biologique de référence et son biosimilaire supposé repose sur une analyse extensive et comparée des propriétés physico-chimiques et biologiques (qualité), pharmacodynamique, toxicologique (sécurité) et enfin cliniques (efficacité et tolérance) alors que toutes ces étapes ne sont pas forcément toutes nécessaires pour les produits génériques issus de la synthèse chimique.
Par conséquent fut développer une approche spécifique, nécessaire, qui permet l’évaluation des copies des médicaments biologiques qui se résume sous le terme de « médicament biologique similaire à un médicament de référence ».
Développé en Europe au milieu des années 2000, une nouvelle réglementation de ce concept a été mise en place afin de permettre le développement ainsi que l’enregistrement de produits biologiques qui sont similaires à des médicaments biologiques de référence, notamment les génériques.
Tableau : Données requises pour l’évaluation d’un produit générique et d’un produit biosimilaire. CMC : Chemistry, Manufacturing, Control.4
Tableau : Différences entre générique et biosimilaire 5
Propriétés | Médicament chimique | Médicament biotechnologique |
Synthèse | Chimique. | Biotechnologique. |
Poids moléculaire | Bas (50-500 Daltons). | Elevé (>1‘000-300’000 Daltons). |
Structure | Simple, caractérisation complète. | Complexe, caractérisation incomplète. |
Liaison | Stable entre différentes atomes. | Protéines présentant des liaisons stables et instables |
Stabilité à température ambiante | Généralement bonne. | Souvent problématique. |
Administration | Orale ou parentérale. | Parentérale. |
Etudes exigées pour l’AMM | Etudes de bioéquivalence. | Phase I (pharmacocinétique, pharmacodynamie, bioéquivalence) Phase III (essais cliniques) Pharmacovigilance. |
Durée du développement | Environ .3 ans. | Env.6 à 9 ans. |
- 2. 2. Champs d’application
En théorie, toutes substances d’origine biologique et/ou provenant des biotechnologies peuvent faire l’objet d’un développement biosimilaire.
D’un point de vue pratique, l’approche biosimilaire, pour certains d’entre eux comme les produits d’extraction (les médicaments dérivés du sang par exemple) ainsi que les produits de thérapie innovante, est généralement difficile à réaliser compte tenu du fait qu’ils sont plus difficiles à caractériser 6. Pour autant, ils ne sont pas expressément exclus.
De plus, les produits biologiques dont la substance active est déjà commercialisée par un laboratoire innovateur et qui sont, par le biais d’un autre laboratoire, de nouveaux développés et autorisés par une nouvelle demande sont également exclus du champ d’application des biosimilaires étant donné qu’ils sont évalués sur la base d’un dossier complet conformément à la réglementation nationale et européenne, par rapport à un produit déjà sur le marché, sans études comparatives.
Les médicaments concernés
Un « médicament biologique » est déterminé par la substance active qui est produite ou extraite d’une source biologique et dont la caractérisation et la détermination de la qualité requièrent une combinaison d’essais physiques, chimiques et biologiques ; outre la connaissance de son procédé de fabrication et de son contrôle.
D’après le règlement communautaire 726/2004/CE, les médicaments issus de l’un des procédés biotechnologiques suivants doivent suivre obligatoirement l’évaluation par l’EMA:
-technologie de l’ADN recombinant ;
-expression contrôlée des gènes codant pour des protéines biologiquement actives dans des procaryotes et des eucaryotes, y compris des cellules transformées de mammifères
-méthodes à base d’hybridomes et d’anticorps monoclonaux
De plus, un certain nombre de produits comme des : enzymes tel l’urokinase, et d’héparines tel l’enoxaparine ou la nadroparine, peuvent et doivent être considérés comme étant des médicaments biologiques dès lors qu’ils répondent aux critères juridiques d’origine biologique et scientifiques de complexité. Par ailleurs, en 2007, le CMDh a établi une liste non exhaustive7 de ces médicaments biologiques qui ne figurent pas dans l’une des catégories de produits biologiques par défaut.
De ce fait, il existe des différences dans la classification des produits biosimilaires ont été observées par l’OMS en 2007. 8.
Amalgames dans la terminologie
Afin de désigner les copies de médicaments biologiques originaux, un grand nombre de termes ont fait leur apparition au niveau mondial dont: “biosimilars”, “follow-on biologicals”, “subsequent-entry biologicals”, “similar biopharmaceuticals”, “me-too biologicals”, “biogenerics” ou encore “noninnovator proteins”. Cela, outre les différentes définitions données pour le même mot selon lieux géographiques, ce qui semble être à l’origine de la confusion planant autour des biosimilaires.
Les termes définis dans les textes officiels, sont ceux utilisés au sein de l’Union Européenne : le terme utilisé est «médicament biologique similaire» ou «biosimilaire».
Il est préférable de recourir au terme «biosimilaire» qui se distingue plus clairement du terme « générique » et de l’approche générique classique, par rapport au mot « biogénérique ».
Des protéines de seconde génération : produits biologiques qui ont été structurellement et/ou fonctionnellement modifiés de façon à acquérir une performance clinique meilleure ou au contraire différente de l’initiale, ou les produits dits analogues sont également considérés, à tort, comme des biosimilaires étant donné leurs différences au sein de la structure primaire.
C’est le cas de deux anticorps monoclonaux dirigés contre le même antigène (le facteur de nécrose tumorale α) ou d’une cytokine pégylée qui présentent, nettement, des différences dans la structure de la substance active ainsi que dans le comportement, en raison de leur activité clinique et de leur immunogénicité.
Ainsi, toute copie de protéine thérapeutique n’ayant pas été évaluée ni développée de manière conforme avec les principes scientifiques appropriés ne doit en aucun cas être qualifiée de biosimilaire.
Certes, cela ne démontre pas une mauvaise qualité ou encore de moindre efficacité de tels produits, mais démontre simplement qu’ils ne sont pas admissibles en tant que biosimilaires dans la définition européenne de ce terme et éventuellement dans d’autres régions.
- Législation des biosimilaires
- 1. Aux Etats-Unis
Le premier acte législatif portant sur la reconnaissance des biosimilaires aux Etats-Unis fût voté en 2009 suite à l’initiative du sénateur Edward Kennedy : le « Biologics Price Competition and Innovation Act » (BPCI Act). Cet acte révisait le « Public Health Service Act » pour permettre le raccourcissement de l’enregistrement « abbreviated » en ce qui concerne les « produits biologiques qui ont démontré être hautement similaires (biosimilaire) à des produits biologiques approuvés par la FDA ou interchangeables avec ces derniers ».
L’approbation des biosimilaires par la FDA a été accordée suite à la fameuse loi Obama du 23 mars 2010 : « The Patient Protection and Affordable Care Act ».
Le fait que les Etats-Unis soient un peu en retard par rapport au Japon et à l’Europe résiderait dans l’éternelle discussion qui porte conjointement sur les critères de similarité des produits ainsi que sur les conditions de leur « interchangeabilité », autrement dit, s’il y a possibilité d’interchanger la molécule originale par son biosimilaire chez des patients qui ont été traités en premier lieu par la molécule originale.
- 2. Au Japon
En ce qui concerne l’enregistrement des biosimilaires, les guidelines ont été publiés en mars 2009 et l’approbation du premier biosimilaire, à savoir Omnitrope® a été effectuée la même année.
Bien que les guidelines relatifs aux biosimilaires au Japon soient moins précises que celles européennes, ces guidelines statuent que le biosimilaire doit «démontrer une similitude suffisante pour garantir la sécurité et l’efficacité, plutôt qu’une stricte identité».
Ces guidelines soulignent cependant le fait que les dossiers d’enregistrement des biosimilaires sont différents des dossiers génériques. En effet, l’évaluation des biosimilaires seront évalués cas par cas et se doivent de comporter des données relatives aux essais cliniques, les méthodes de fabrication ainsi que la stabilité à long terme 9.
- 4. En Europe
En vigueur depuis le 30 octobre 2005, les « guidelines on similar biological medical products » ont été approuvés et adoptés par « Committee for Medicinal Products for Human Use » (CHMP) dès septembre 2005.
Il importe de préciser que ces guidelines, outre la définition des biosimilaires, mentionnent le fait que la législation des médicaments génériques ne peut aucunement s’appliquée aux biosimilaires.
D’où la définition de la notion de «spécialité biologique de référence» qui doit être enregistrée en Europe et dont la substance active et la forme pharmaceutique doivent être identique à la référence qui «doit nécessairement servir de comparateur» en ce qui concerne les études de qualité, d’efficacité et de tolérance.
Ainsi, le dossier d’un candidat en tant que biosimilaire est beaucoup plus complet par rapport à celui d’un générique. Toutefois, il peut être moins fourni par rapport à celui d’une nouvelle molécule chimique ou biologique. Incontestablement, le dossier, les études de phase 1 mis à part, peut ne renfermer que des essais cliniques comparatifs pour les phases 2 et 3 réalisées sans double aveugle 10[1] qui vont démontrer une mise en évidence de non-infériorité par rapport à sa référence.
- 5. Cadre juridique en France
Il importe de connaître le cadre juridique des génériques afin de pouvoir situer les biosimilaires dans le contexte général des médicaments.
L’article L5121-1 ; 5a du Code de la Santé Publique CSP définit la spécialité générique comme étant : «« Celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées » en rajoutant que « Les différentes formes pharmaceutiques orales à libération immédiate sont considérées comme une même forme pharmaceutique. De même, les différents sels, esters, éthers, isomères, mélanges d’isomères, complexes ou dérivés d’un principe actif sont regardés comme ayant la même composition qualitative en principe actif, sauf s’ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l’efficacité ».
Le concept de biosimilaire apparaît dans le même Article L5121-1 du CSP, à l’alinéa 15 qui stipule «…médicament biologique similaire, tout médicament biologique de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence mais qui ne remplit pas les conditions prévues au a du 5° du présent article pour être regardé comme une spécialité générique en raison de différences liées notamment à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication et nécessitant que soient produites des données précliniques et cliniques supplémentaires dans des conditions déterminées par voie réglementaire ».
Particulièrement en Europe, la possibilité de substitution n’est pas encore reconnue pour le biosimilaire. D’ailleurs, la similitude relative à l’enregistrement des biosimilaires ne suppose pas une similitude quant à la substitution.
En effet, la notion de substituabilité ou d’interchangeabilité totale requiert une identité entre le produit délivré et le produit prescrit, or le statut de biosimilaire ne garantit pas cette identité.
Ainsi, le pharmacien se doit de se tenir à une « dispensation conforme » quel que soit le produit prescrit.
A travers l’article 47 de la Loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2014, La France est un des premiers pays à avoir adopté un cadre juridique permettant la substitution des médicaments biosimilaires par les pharmaciens d’officine en initiation de traitement suivant les modalité suivantes :
- Création d’une « liste de référence » des médicaments biosimilaires – dite « des groupes biologiques similaires » – par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), avec d’éventuelles mises en gardes ou restrictions, pour informer les prescripteurs de l’existence de ces médicaments et les inciter à prescrire.
- Limitation de la substitution à l’initiation du traitement attestée par une mention explicite portée par le médecin prescripteur sur l’ordonnance.
- Information du prescripteur de la substitution.
- Accompagnement de la substitution par une mention sur l’ordonnance et par le renseignement du dossier pharmaceutique.
- Les différents acteurs du marché français
Trois molécules ont été « biosimilarisées » de manière officielle selon le règlement européen, à savoir :
– Genotonorm® qui est une somatropine du Laboratoire Pfizer dont le biosimilaire est Omnitrope® (Laboratoire Sandoz).
– Neupogen®, filgrastim, qui est un facteur de croissance hématopoïétique du Laboratoire Amgen, possèdant quatre « biosimilaires », Tevagrastim® (Laboratoire Teva), Ratiograstim® (Laboratoire Ratiopharm, récemment acquis par Teva), Zarzio® (Laboratoire Sandoz) et Nivestim® (Laboratoire Hospira).
– Eprex®, une époïétine-alpha, du Laboratoire Janssen (groupe J&J) avec les biosimilaires Rétacrit® (Laboratoire Hospira) et Binocrit® (Laboratoire Sandoz).
En Juillet 2013, sept (07) spécialités biosimilaires étaient autorisées et/ou commercialisées, à savoir : Binocrit, Retactit (époétines), Zarzio, Ratiograstim, Tevagrastim, Nivestim (Filgrastim), et Omnitrope (Hormone de croissance).
Avec plus de 50% de parts de marché en 2013, Sandoz était le leader du marché avec trois produits présents et commercialisés sur les marchés les plus réglementés : Omnitrope, Binocrit et Zarzio, jusqu’à ce que d’autres biosimilaires d’Inflaximab apparraissent en début 2015.
Tableau : Produits biosimilaires autorisés en France (Juillet 2013)10
Nom | Substance active | Comparateur | Date d’autorisation |
Omnitrope | Somatropine | 12 04 2006 | |
Binocrit | Epoetine alfa | Eprex | 28 08 2007 |
Retacrit | Epoetine alfa | Eprex | 18 12 2007 |
Ratiograstim | Filgrastim | Neupogen | 15 09 2008 |
Tevagrastim | Filgrastim | Neupogen | 15 09 2008 |
Zarzio | Filgrastim | Neupogen | 06 02 2009 |
Nivestim | Filgrastim | Neupogen | 08 06 2010 |
Remsima/Inflectra | Infliximab | Remicade | 28 06 2013 |
Somatropine
La somatropine, identique à une hormone de croissance, favorise la croissance durant les stades de l’enfance et de l’adolescence tout en influençant également sur la façon dont le corps se charge les protéines, de la graisse et les glucides.
Les médicaments de référence sont Genotropin ou Humatrope.
Démonstration de la biosimilarité
Les propriétés pharmacocinétiques du produit biosimilaire et du médicament de référence se doivent d’être comparées dans le cadre d’une étude qui va inclure des sujets qui recevront une dose unique de chaque spécialité par voie sous-cutanée.
Des résultats issus d’au moins une étude clinique randomisée comparative sont également demandé aux laboratoires pharmaceutiques en charge du développement des médicaments biosimilaires à la Somatropine.
Ces données pouvant permettre l’extrapolation à d’autres indications déjà autorisées pour l’hormone de croissance de référence, mais qui sont encore non étudiées lors du développement clinique du produit biosimilaire.
Omnitrope est utilisé chez l’enfant:
- présentant des troubles de la croissance en raison d’un déficit en hormone de croissance;
- de petite taille en raison d’une insuffisance rénale chronique ou d’un syndrome de Turner;
- de petite taille car il est né petit pour son âge gestationnel et n’a pas rattrapé son retard de croissance à l’âge de quatre ans ou plus tard;
- Syndrome de Prader-Willi; Omnitrope est administré pour améliorer sa croissance et sa composition corporelle (rapport graisse/masse musculaire). Le diagnostic doit être confirmé par un test génétique approprié.
Omnitrope est également utilisé comme thérapie de substitution chez l’adulte qui présente un déficit marqué en hormone de croissance.
Epoétines
L’époétine est une copie de l’érythropoïétine qui est hormone qui agit par stimulation de la production de globules rouges au niveau de la moelle osseuse.
Elle est indiquée principalement dans le traitement de l’anémie chez des patients qui sont atteints d’insuffisance rénale ou de certains types de cancers.
Bien que plusieurs époétines soient commercialisées en France, seul Eprex (époétine alfa) figure comme médicament de référence dans le cadre du développement de produits biosimilaires.
Eprex, commercialisé depuis 1988 par les laboratoires Janssen Cilag, est indiqué:
- Dans le traitement de l’anémie secondaire à une insuffisance rénale chronique chez les enfants et les patients adultes hémodialysés et les patients adultes en dialyse péritonéale;
- Dans le traitement de l’anémie sévère d’origine rénale accompagnée de symptômes cliniques chez les patients adultes insuffisants rénaux non encore dialysés ;
- Dans le traitement de l’anémie et la réduction des besoins transfusionnels chez les patients adultes traités par chimiothérapie pour des tumeurs solides, des lymphomes malins ou des myélomes multiples et à risque de transfusion en raison de leur état général ;
- Pour augmenter des dons de sang autologue chez des malades participant à un programme de transfusions autologues différées;
- Pour réduire l’exposition aux transfusions de sang homologue chez les patients adultes, sans carence martiale, devant subir une intervention chirurgicale orthopédique majeure programmée, ayant un risque présumé important de complications transfusionnelles.
Démonstration de la biosimilarité
Afin de démontrer la similarité entre une époétine de référence et son biosimilaire, il est requis, aux laboratoires en charge du développement du produit biosimilaire, des résultats issus de deux études cliniques comparatives, randomisées, en double aveugle, incluant une phase de correction et une phase de maintenance de l’anémie chez des patients atteints d’insuffisance rénale chronique/anémique suite à une chimiothérapie recevant l’érythropoïétine de synthèse par voie sous-cutanée (étude 1) et intraveineuse (étude 2).
Une importance particulière doit être portée à la possible immunogénicité du produit étudié.
L’obtention de ces données permet alors l’extrapolation à d’autres indications déjà autorisées pour l’époétine de référence, mais non étudiées lors du développement clinique du produit biosimilaire.
Filgrastim
Le filgrastim est un médicament proche du facteur de croissance de la lignée granulocytaire (GCSF) qui stimule la production de globules blancs par la moelle osseuse.
Le médicament de référence est Neupogen (Amgen), indiqué dans :
– La réduction de la durée des neutropénies et de l’incidence des neutropénies fébriles chez les patients traités par une chimiothérapie cytotoxique pour une pathologie maligne (à l’exception des leucémies myéloïdes chroniques et des syndromes myélodysplasiques)
– La réduction de la durée des neutropénies chez les patients recevant une thérapie myélosuppressive suivie de greffe de moelle et présentant un risque accru de neutropénie sévère prolongée.
– La mobilisation de cellules souches progénitrices (CSP) dans le sang circulant.
– Le traitement des neutropénies persistantes (taux de polynucléaires neutrophiles inférieur ou égal à 1 x 109/l) chez les patients infectés par le VIH à un stade avancé, afin de réduire le risque d’infection bactérienne quand les autres options destinées à corriger la neutropénie sont inadéquates.
– L’administration à long terme de Neupogen est également indiquée chez les patients, enfants ou adultes, atteints de neutropénies sévères congénitale, cyclique ou idiopathique avec un taux de polynucléaires neutrophiles ≤ 0,5 x 109/l et des antécédents d’infections sévères ou récurrentes, afin d’augmenter le taux de neutrophiles et de réduire l’incidence et la durée des épisodes infectieux.
Neupogen est commercialisé en France depuis 1991.
Démonstration de la biosimilarité
Les propriétés pharmacocinétiques du produit biosimilaire et du médicament de référence doivent être comparées dans des études incluant des sujets recevant une dose unique de chaque spécialité par voie sous-cutanée et par voie intraveineuse.
La pharmacodynamie du produit doit être étudiée chez le volontaire sain.
Il est également conseillé aux laboratoires pharmaceutiques en charge du développement des médicaments biosimilaires au filgrastim de fournir des résultats issus d’une étude clinique comparative dont l’objectif est la réduction de la durée de la neutropénie chez les patients recevant une chimiothérapie. La population choisie devra être homogène (type de tumeur, stade de la maladie, chimiothérapie prévue/déjà reçue).
L’obtention de ces données permet alors l’extrapolation à d’autres indications déjà autorisées pour le filgrastim de référence, mais non étudiées lors du développement clinique du produit biosimilaire.
Le CHMP a donc estimé que, comme pour Neupogen, les effets bénéfiques l’emportaient sur les risques identifiés. Une autorisation de mise sur le marché a été accordée pour Ratiograstim à Ratiopharm GmbH, et à Teva Generics GmbH pour Tevagrastim le 15 septembre 2008 dans les mêmes indications que celles de Neupogen.
Lancés en 2007, les ventes de biosimilaires, dont le chiffre d’affaire a atteint 80 M€ en 2014 sur le marché pharmaceutique français, sont représentées actuellement sur trois classes thérapeutiques.
Figure : Evolution du marché des produits biosimilaires en France11
Actuellement, l’attitude adoptée par les parties prenantes par rapport au marché des biosimilaires semble varier au sein des cinq principaux marchés européens comme présentée comme suit :
Figure : Attitude des principales parties prenantes à l’égard des biosimilaires dans le top 5 EU 12
DEUXIEME PARTIE : EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE : CONCEPTS ET RAISONNEMENTS
- Principes méthodologiques
Bien que les biosimilaires jouissent de règles d’octroi d’AMM spécifiques qui les distinguent fortement de celles des génériques, il reste la question relative au procédure d’accès au marché spécifique à répondre.
D’ailleurs, aucune doctrine spécifique sur les biosimilaires n’a été émise à ce jour ni par la Haute Autorité de Santé (HAS), en charge de rendre un avis au Ministre sur le remboursement au travers des avis de la commission de transparence, ni par le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS) en charge de la politique du prix du médicament remboursable.
Actuellement, les mêmes règles d’évaluation qu’à toute nouvelle molécule sont appliquées par la Commission de la Transparence aux biosimilaires alors que les génériques, lorsqu’ils ne sont pas différents du princeps, sont dégagés d’une évaluation par la Commission de la Transparence et enchaînent directement à l’AMM ainsi qu’aux négociations de prix afin d’accélérer leur accès au marché.
A ce jour, seuls 8 biosimilaires ont été évalués par la commission.
L’évaluation de ces médicaments ayant été effectuée selon la doctrine en vigueur en tant que nouveaux médicaments, dans le cadre de procédure simplifiée.
Pour tous ces 8 biosimilaires, la conclusion est la même:
- le service médical rendu (SMR) a été identique au biologique de référence et sans amélioration du service médical rendu (ASMR) versus ce médicament de référence, ce qui est à la fois cohérent (tous les BS sont traités de la même manière) et logique (il s’agit de « copies » d’un médicament de référence).
Pour ce qui est du milieu hospitalier, les orientations actuelles penchent sur l’abaissement des prix du produit de référence de 10 %, l’alignement du prix du biosimilaire avec le produit de référence, et la rapide réalisation (un an plus tard) de la révision du tarif du biosimilaire.
La définition d’une doctrine définitive sera fonction du traitement des biosimilaires au sein des évaluations qui précèdent la fixation du prix, déterminantes pour le CEPS : politique de prix identique à celle de nouveaux produits obtenant une ASMR 5 ou à celle des génériques ou encore création d’une troisième catégorie bénéficiant de règles spécifiques.
Le modèle économique de développement des biosimilaires ne permettant pas de manière probable un alignement avec les règles du générique (− 60 % au lancement versus le princeps de référence).
A contrario, afin de donner plus de visibilité aux industriels, il importe d’élaborer et de fournir des règles à la fois stables et transparentes qui vont permettre de mieux anticiper la viabilité d’un lancement d’un biosimilaire ainsi que sa pérennité sur le marché français.
Il est également essentiel de concevoir un nouveau modèle de politique de prix tant au niveau du lancement que dans la durée.
- Application aux médicaments biosimilaires
Malgré le fait que les biosimilaires n’attirent pas autant les nouveaux entrants, d’autant plus que les économies potentielles semblent moins importantes par rapport aux génériques, cela subséquemment à une réduction des prix moins significative que prévue, le potentiel de ce marché reste tout de même conséquent.
D’ailleurs, les revenus potentiels pour ce type de médicaments se chiffrent en plusieurs dizaines de milliards de dollars chez les entreprises qui vont réussir et briller dans ce secteur.
Selon l’analyse de la société Deloitte, il existe plusieurs clés de succès pour entrer dans ce marché des biosimilaires 13 :
– Sélectionner les bons médicaments
– Entrer sur le marché en premier pour les projets choisis en pipeline
– Décourager les autres concurrents en communiquant publiquement son pipeline
– Sensibiliser agressivement les prescripteurs au lancement du produit
– Défendre rigoureusement ses parts de marché en ayant le prix le plus bas possible du marché
– Développer des coûts de fabrication avantageux par rapport au biologique de référence.
- Evaluation des bénéfices et des risques des biosimilaires
Les Etats membres de la CE procèdent à l’évaluation des biosimilaires au sein de L’Agence Européenne.
Deux pays dits rapporteurs sont choisis pour l’évaluation approfondie du dossier de demande d’autorisation. Pour se faire, ils vont présenter leurs avis et conclusions dans un temps limité, conclusions qui seront partagées aux autres pays membres pour discussion et commentaires.
En termes de qualité, d’autres Etats Membres vont réaliser, sous désignation, une revue systématique de l’évaluation scientifique des Rapporteurs.
En séance plénière, le CHMP va se prononcer sur les conclusions des Rapporteurs et Co-rapporteurs.
En outre, une liste commune de questions est établit, questions qui requièrent des réponses satisfaisantes par le demandeur.
Les recommandations d’un groupe de travail dédié aux médicaments biosimilaires peuvent servir de point d’attache par le CHMP.
Réglementation Européenne
Groupe de travail médicaments biosimilaires
Le groupe de travail médicaments biosimilaires (BMWP) fournit des recommandations au CHMP sur les questions cliniques ou non cliniques ayant directement ou indirectement trait aux médicaments biosimilaires. Les travaux du BMWP portent sur les produits déjà autorisés par procédure centralisée reconnaissance mutuelle et ceux en cours d’élaboration ou d’enregistrement. Le groupe travaille en collaboration avec d’autres groupes de travail issus du CHMP, d’autres groupes scientifiques consultatifs et coopère enfin avec l’ensemble des autorités de régulation dans les États membres.
Le BMWP est notamment en charge de la publication de documents communautaires destinés à fournir des conseils aux demandeurs ou titulaires d’AMM, mais également, aux autorités de santé compétentes. Ces recommandations constituent une base harmonisée qui reflète les exigences en matière de démonstration de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité d’un produit et sur laquelle les autorités peuvent s’appuyer, en termes d’évaluation, d’autorisation et de contrôle des médicaments au sein de l’Union Européenne. Ces guides réglementaires sont le résultat d’un travail collégial entre l’EMA et les autorités nationales compétentes.
Groupe de travail avis scientifiques
Un laboratoire peut faire appel aux conseils de l’EMA et/ou à ceux des autorités nationales compétentes, soit au cours du développement initial du médicament, soit avant la soumission d’une demande d’AMM. Le groupe de travail avis scientifiques européen (SAWP) a été établi afin de fournir des recommandations aux laboratoires demandeurs, en particulier pour ce qui concerne le développement de nouvelles thérapies.
Ce groupe d’experts a pour mission de répondre aux questions soulevées par un laboratoire, sur la base des données fournies par ce dernier et des connaissances scientifiques actuelles.
Quant tout le dossier aura été critiqué, revu et que les questions posées auront été élucidés, l’émission d’avis, éventuellement positif, par le comité est effectué par rapport à la demande avec une proposition de résumé des caractéristiques du produit (RCP)
La Commission Européenne après transmission du dossier par l’EMA va ensuite valider la commercialisation du biosimilaire dans les Etats membres par une AMM officielle.
Exemple : Tevagrastim®14
Tevagrastim®, médicament biosimilaire contenant la substance active filgrastim, est un agent stimulant la production des globules blancs et est principalement utilisé en oncologie pour réduire le risque d’infections chez les patients traités par chimiothérapie. Le filgrastim est hautement similaire à la protéine humaine, à savoir le facteur stimulant les colonies granulocytaires (G-CSF).
En Septembre 2008, Tevagrastim®, qui a été développé conjointement par les laboratoires Teva et Ratiopharm, est devenu le premier biosimilaire G-CSF à être autorisé dans l’UE.
Puisque Tevagrastim® a démontré un profil de qualité, efficacité et sécurité comparable avec la spécialité de référence Neupogen® des laboratoires Amgen, les bénéfices de ce médicament devaient donc être les mêmes.
Par conséquent, ce produit a été approuvé par l’Agence Européenne du Médicament et s’est vu octroyé l’ensemble des indications thérapeutiques du Neupogen® d’Amgen.
Principe d’extrapolation 15:
Les biomédicaments sont le plus souvent utilisés dans plus d’une indication thérapeutique.
L’extrapolation de données d’efficacité et de sécurité clinique à d’autres indications du médicament de référence, qui ne sont pas spécifiquement étudiées pendant le développement clinique du biosimilaire est possible, sur la base d’une preuve globale de comparabilité fournie par les études de comparabilité physico-chimique, biologique et clinique avec le produit de référence et avec une justification scientifique adéquate.
Ces indications sont accordées par l’EMA.
- L’EMA a approuvé en Septembre 2008 le Tevagrastim® comme le premier
biosimilaire du Neupogen® en Europe
- L’EMA a octroyé à Tevagrastim® toutes les indications thérapeutiques du Neupogen®
Figure : Principe d’extrapolation des indications thérapeutiques pour le Tevagrastim® 16
- 1. Un accès aux thérapies innovantes à coût réduit
Le système de santé français fait face au double défi d’une demande croissante des dépenses de santé supérieure au rythme de croissance du produit intérieur brut (PIB) et d’un déficit structurel sur les 30 dernières années. Dans ce contexte, toute technologie médicale qui apporte un bénéfice médical équivalent pour un moindre coût sera saluée par le payeur.
Or, le marché des médicaments biologiques innovants (que par convention nous désignons dans cet article par le terme de « biomédicaments ») représente aujourd’hui un enjeu majeur en France et en Europe.
Sur les 10 premiers médicaments en chiffres d’affaire commercialisés en France, 8 à l’hôpital et 4 en ville sont des biomédicaments.
Le chiffre d’affaire total des biomédicaments en France représente 7 Md e en 2013 avec une croissance de 2,5 % versus 2012 alors que le marché total était en récession 17.
Parallèlement le nombre de médicaments biologiques enregistrés augmente progressivement chaque année (173 en 2013 versus 115 en 2004) avec l’arrivée de molécules toujours plus innovantes pour la prise en charge de pathologies coûteuses (cancer, maladies auto-immunes, etc.).
L’arrivée des biosimilaires visant ces pathologies coûteuses a un double intérêt économique à court terme : elle élargit l’offre en proposant des médicaments similaires à un prix inférieur pour ce qui est des biologiques dispensés en pharmacie d’officine et elle stimule la compétition en faisant baisser les prix du princeps.
À long terme, elle pousse les laboratoires d’innovation à poursuivre leurs recherches et à développer les innovations futures.
L’introduction des premiers biosimilaires en France date de 2007 et a déjà permis des économies.
La pénétration des biosimilaires en volume est respectivement pour l’hormone de croissance de 35 % au sein de la molécule de référence et 13 % dans la classe complète ; pour les facteurs de croissance granulocyte colony-stimulating factor (GCSF), de 75 % au sein de la molécule de référence et 20 % dans la classe ; pour les érythropoïétines, de 36 % au sein de la molécule de référence et 10 % dans la classe.
L’ensemble de ces chiffres montre une prise de marché non négligeable qui signe bien la confiance grandissante des professionnels de santé, médecins et pharmaciens, dans ce type de médicaments.
Il est à noter qu’en France, aucune mesure incitative n’a été mise en place pour soutenir le développement de ces premiers biosimilaires, contrairement à d’autres pays Européens comme l’Allemagne.
Mais l’intérêt économique majeur des biosimilaires pour notre système de santé est à venir. En effet, les chutes de brevet des biomédicaments à chiffre d’affaires (CA) élevé sont attendues dans les 3 à 5 prochaines années. Il s’agit principalement des anticorps monoclonaux utilisés dans des domaines thérapeutiques variés tels que l’oncologie, l’hématologie, la rhumatologie ou la gastroentérologie et dont l’arrivée des médicaments de référence dans les dix dernières années a entraîné des changements majeurs dans la prise en charge des maladies concernées.
L’évaluation des économies potentielles apportées par ces biosimilaires est complexe à faire car elle dépend des politiques de prix et d’incitation.
- 2. Risque d’immunogénicité
Un facteur qui distingue les biosimilaires des médicaments génériques conventionnels est leur capacité à induire une réponse immunitaire.
L‘immunogénicité inchangée est de loin la considération de sécurité la plus importante, puisque les changements du profil d’immunogénicité peuvent avoir une répercussion énorme sur la sécurité des produits 18, comme la perte de l’efficacité ou son amélioration, la neutralisation d’une protéine native ainsi que les effets immunitaires généraux (allergies, l’anaphylaxie, maladie sérique).
Une telle réponse peut inclure une première réponse à la protéine thérapeutique et plus tard une large réponse comprenant les protéines endogènes.
Dans beaucoup de cas, aucune conséquence clinique n’est trouvée mais dans de rares cas une réaction liée aux anticorps peut être sérieuse et même potentiellement mortelle 19.
Le potentiel immunogène peut être influencé par beaucoup de facteurs, y compris la constitution chimique de la molécule (variations de séquence des acides aminés et de modèles de glycosylation), dégradation physique (telle que la formation des agrégats) et décomposition chimique (telle que l’oxydation).
L’état autoimmun (profil de la maladie) ou le type principal de classe d’histocompatibilité du patient sont également connus pour jouer un rôle dans la réponse immunogène.
Bien que les mécanismes exacts demeurent inconnus, la voie de l’administration peut également avoir un effet. Le changement de cette dernière n’élimine pas la réponse immunogène à une protéine donnée et le risque d’immunogénicité augmente progressivement de la voie locale, à la voie intraveineuse, intramusculaire, jusqu’à l’administration sous-cutanée 20.
La plupart des efforts ont porté sur l’évaluation de cette immunogénicité par des études non cliniques, en faisant appel à des méthodes sophistiquées telles que les analyses d’immunoréactivité (radioimmunoanalyse, résonance extérieure de plasma, ou immuno-essai en phase solide basé sur enzyme) ou des essais biologiques cellulaires fonctionnels.
Les études non-cliniques peuvent également inclure des études récepteur-ligand, des analyses cellulaires, des études d’activité pharmacodynamique, et un programme non-clinique restreint de toxicité 21
Malheureusement, l’immunogénicité des biosimilaires ne peut pas être entièrement prévue en utilisant des études précliniques 22.
D‘ailleurs dans les études chez l‘animal les protéines humaines seront reconnues comme des protéines étrangères par les animaux.
Pour cette raison, la valeur prédictive de modèle animal pour l’évaluation de l’immunogénicité est jugée faible, car dans ce modèle il ya des situations à considérer qui sont en faveur de l‘évaluation de l‘immunogénicité.
Par exemple : la formulation et la voie d‘administration étudiées dans le modèle animal peuvent aider à la réduction du potentiel de l‘immunogénicité, mais l’évolution des technologies de in vivo et in vitro, le cas de la souris transgénique, peut être utile pour évaluer l’immunogénicité potentielle d’un produit protéique donné 23.
Pour cette raison des études cliniques de l’immunogénicité sont requises avant l’approbation. Une pharmacovigilance robuste demeure toujours une partie critique du processus 24, car les problèmes peuvent être rencontrés dans la période post-autorisation, et donc des essais complémentaires systématiques sur l’immunogénicité pourraient s’avérer nécessaires 25.
L‘histoire de l‘Eprex (Johnson & Johnson), contenant de l‘érythropoïétine alpha, était une leçon qui illustre l‘impact important de l‘immunogénicité sur le patient. L‘utilisation de ce produit pour traiter l‘insuffisance rénale, était accompagnée d‘une érythroblastopénie sévère, isolée, non-régénérative, qui provoque brutalement une anémie, caractérisée par une cessation de production de globules rouges 26.
- 3. Substitution
L’introduction des biosimilaires a soulevé beaucoup de discussions. Pour le cas des médicaments génériques d‘origine chimique les substances sont identiques et les risques de la substitution sont faibles même s‘ils ne sont pas nuls. Les génériques montrent une excellente tolérance et les exemples sont nombreux y compris avec les produits à marge thérapeutique étroite (anti-épileptiques, anti-arythmiques, la ciclosporine).
Le principe justifiant la substitution des médicaments chimiques traditionnels est que le médicament original et son générique sont identiques et ont le même effet thérapeutique.
Par conséquent, les médicaments génériques sont approuvés à la suite d’une démonstration de la bioéquivalence 27.
Pour diverses raisons, la substitution automatique n’est pas appropriée pour les produits biopharmaceutiques. Comme indiqué, les produits biosimilaires ne sont pas des versions génériques des produits innovateurs, et on a peu d’expérience clinique avec les biosimilaires au moment de l‘approbation. De petites différences entre les biosimilaires et les produits innovateurs peuvent influencer les résultats cliniques.
En outre, si la substitution automatique est autorisée, les patients pouvaient recevoir plusieurs produits biopharmaceutiques au cours du traitement. De telles pratiques risquent de perturber la collecte des données de pharmacovigilance. Si un événement indésirable apparait après la substitution d’un biopharmaceutique par un autre sans documentation du changement de produit, l’événement ne pourrait être lié à un produit spécifique au cours d’évaluation de la pharmacovigilance, ou il pourrait être attribué au mauvais produit.
Pour des raisons de traçabilité et de sécurité, il est essentiel que les cliniciens connaissent exactement le produit biopharmaceutique que reçoit leur patient 28.
La substitution inappropriée pourrait survenir de deux façons : dans le premier cas le médecin prescrit une marque ou un générique spécifique que le pharmacien change par un générique sans consultation du médecin. Dans le deuxième cas le médecin prescrit en DCI mais ne spécifie pas le fabricant et le pharmacien choisit un des produits ayant la même DCI. Dans la pratique, ce choix est basé sur le prix du médicament ou l’expérience personnelle.
Cependant, dans les deux cas, la substitution ne doit pas se faire sans la connaissance ou le consentement du médecin. Si cela se produisait dans le cas d’un biosimilaire, il diminuerait la sécurité de la thérapie29[2], car l‘interchangeabilité ou la substitution doit être démontrée par des données scientifiques démontrant que deux produits peuvent être substitués en toute sécurité l‘un à l‘autre, et ne créent pas d‘effets négatifs sur la santé, par exemple en générant une réponse immunitaire pathologique après changements répétés. En l’absence de telles données, il faut être conscient que les produits biologiques similaires peuvent ne pas être interchangeables 30.
De nombreux pays européens n‘admettent pas la substitution automatique des médicaments biologiques, c‘est le cas de la France et de l‘Espagne dont le droit interdit maintenant la substitution d’un médicament biologique par un autre à la pharmacie sans le consentement du médecin prescripteur 31.
La réglementation future concernant les biosimilaires devraient garantir que les règles de substitution automatiques des génériques ne devraient pas s’appliquer, et toute décision de substituer un médicament biotechnologique avec un autre doit être faite avec la connaissance et le consentement préalable explicite du médecin 32.
- 4. Dénomination et étiquetage
Afin de permettre la surveillance post-approbation, un médicament spécifique livré au patient doit être clairement identifié 33.
Donc il est essentiel que les médecins, les pharmaciens et les patients soient capables de distinguer facilement des produits biopharmaceutiques 34.
La traçabilité du biosimilaire est un élément fondamental de la surveillance de la sécurité des médicaments. Elle n‘est cependant assurée que si les biosimilaires sont parfaitement identifiés et différenciés clairement les uns par rapport aux autres 35.
La DCI comme système de nomenclature des substances médicamenteuses introduit par l‘OMS ne peut ni être invoquée comme un moyen approprié pour assurer cette traçabilité, ou l’identification de la diversité biologique, y compris les produits biosimilaires.
Par conséquent, il sera nécessaire que les produits biosimilaires soient commercialisés en utilisant des noms de marque 36.
À l‘heure actuelle, l‘EMEA accorde au principe actif du biosimilaire la DCI que possède la substance de référence, à moins qu‘une DCI propre n‘ait été demandée. Ceci peut prêter à confusion, comme le montre l‘exemple de BINOCRIT (Sandoz) et SILAPO (Stada); il s‘agit de deux produits aux DCI différentes (époétine alpha ou époétine zêta), même s‘ils sont comparés au même médicament de référence Eprex (époétine alpha de J&J). C’est la raison pour laquelle on discute actuellement à l‘OMS pour savoir si la DCI ne devrait pas servir d‘identifiant pour ces nouveaux produits 37.
Par exemple dans ce cas, l‘OMS par sa politique de dénomination des protéines glycosylées annonce que les différences de glycosylation devrait se traduire par l’ajout d’une lettre grecque à la DCI, comme par exemple dans l’époétine alfa, bêta et oméga 38.
La réglementation permet pour un générique ou un biosimilaire, soit un nom de spécialité, soit la DCI suivie du nom du fabricant comme c‘est le cas actuellement pour deux biosimilaires, l’époetin alfa Hexal ® et le filgrastim Ratiopharm ®. Cette dernière possibilité pourrait être source de confusion selon la Sociétés de Néphrologie, Francophone de Dialyse et de Néphrologie Pédiatrique qui propose que la DCI suivie du nom de l‘industriel ne soit pas utilisée, voire interdite, alors que la désignation du biosimilaire par un nom de spécialité reste plus pratique 39.
Il est donc important que l‘étiquetage des produits princeps et des biosimilaires soient différents 40.
Cet étiquetage qui comporte le résumé des caractéristiques de produit (RCP) aussi bien que la notice explicative, devrait fournir des informations transparentes aux professionnels de santé et aux patients sur les questions concernant l’utilisation sûre et efficace d’un produit médical. Pour les petites molécules génériques conventionnelles, l‘étiquetage est identique à celui du produit de référence.
Cette approche, cependant, n’est pas appropriée pour les biosimilaires parce qu’ils ne sont pas identiques, mais seulement semblables à leurs produits de référence et sont autorisés sur la base de leur propre développement, y compris les données cliniques.
Par conséquent, l’étiquetage devrait différencier les données cliniques de sécurité et d’efficacité qui ont été obtenues avec le produit biosimilaire lui-même de celles du produit de référence, en particulier dans des indications extrapolées où aucune étude n’a été faite avec le biosimilaire. Cette distinction n’est actuellement pas évidente41.
TROISIEME PARTIE : MISE SUR LE MARCHE HOSPITALIER
Si les biosimilaires bénéficient de règles d’octroi d’AMM spécifiques fortement distinctes de celles des génériques, la question d’une procédure d’accès au marché spécifique reste ouverte.
A ce jour ni la Haute Autorité de Santé (HAS), en charge de rendre un avis au Ministre sur le remboursement au travers des avis de la commission de transparence, ni le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS) en charge de la politique du prix du médicament remboursable n’ont une doctrine spécifique sur les biosimilaires.
Actuellement, la Commission de la Transparence applique aux biosimilaires les mêmes règles d’évaluation qu’à toute nouvelle molécule. Alors que les génériques, lorsqu’ils ne sont pas différents du princeps, sont exemptés d’une évaluation par la Commission de la Transparence et passent directement de la case AMM à la case négociations de prix pour accélérer leur accès au marché, rien de tel n’existe ou n’est envisagé pour les biosimilaires.
A ce jour, seuls 8 biosimilaires ont été évalués par la commission. Selon la doctrine en vigueur, ces médicaments ont été évalués en tant que nouveaux médicaments, dans le cadre de procédure simplifiée. L’évaluation par la commission de ces 8 cas s’est toujours soldée par la même conclusion : le service médical rendu (SMR) a été identique au biologique de référence et sans amélioration du service médical rendu (ASMR) versus ce médicament de référence, ce qui est à la fois cohérent (tous les biosimilaires sont traités de la même manière) et logique (il s’agit de « copies » d’un médicament de référence).
L’arrivée croissante de biosimilaire et un meilleur recul sur les données au long cours de ces produits pourraient changer la position de la HAS et conduire au développement d’une procédure spécifique des biosimilaires encore plus simplifiée.
- Les spécificités du marché hospitalier
Le marché hospitalier des spécialités biosimilaires reste modeste et ne progresse pas (4,2 millions d’euros en 2012, soit moins de 1/1000éme des ventes de médicaments aux hôpitaux).
Cette part très faible s’explique par le fait que deux de ces trois marchés sont presque exclusivement (hormones de croissance) ou très majoritairement (facteurs de croissance granuloçytaires ) des marchés de ville.
La situation est différente pour les érythropoïétines dont les ventes ont été réservées aux collectivités jusqu’en 2005.
A l’heure actuelle, toutefois, le marché de ville de l’érythropoïétine représente environ 75% du marché total.
Cette proportion demeure stable depuis 2008.
- Stratégies d’entrée sur le marché
Bien que les biosimilaires ne soient pas si attractifs que cela pour les nouveaux entrants, et que les économies potentielles moins importantes que pour les génériques dues à une réduction des prix moins significative que prévue, le potentiel de ce marché reste tout de même conséquent42.
Les revenus potentiels pour ce type de médicaments se chiffrent en plusieurs dizaines de milliards de dollars pour les entreprises qui réussiront dans ce secteur.
D’après une analyse de la société Deloitte, nous pensons qu’il existe plusieurs clés de succès pour entrer dans le marché des biosimilaires :
– Sélectionner les bons médicaments
– Entrer sur le marché en premier pour les projets choisis en pipeline
– Décourager les autres concurrents en communiquant publiquement son pipeline
– Sensibiliser agressivement les prescripteurs au lancement du produit
– Défendre rigoureusement ses parts de marché en ayant le prix le plus bas possible du marché
– Développer des coûts de fabrication avantageux par rapport au biologique de référence.
- 1. Choix de la molécule
Dans un premier temps, le laboratoire devra identifier les produits cibles à travers un vaste marché, puis commencer une évaluation financière. La stratégie la plus pertinente pour le laboratoire fabricant de biosimilaires, est de cibler un biomédicament ayant le statut de blockbuster, générant des milliards de dollars de recette. En effet, seul un produit à fort potentiel permettra de surmonter les hautes barrières financières d’entrée et le long cycle de développement.
Ces nouveaux acteurs devront analyser de façon très pertinente le marché actuel, mais aussi l’intérêt porté par les médecins quant à l’utilisation du produit et leurs exigences en termes de données d’essais cliniques. Ses informations permettront aux nouveaux entrants d’adapter leurs essais cliniques afin de satisfaire les praticiens.
Un autre point essentiel, est d’évaluer les coûts de fabrication du médicament original ainsi que la capacité du laboratoire à faire baisser les prix pour rester compétitif. Tout cela devra être entrepris avant d’investir dans le développement produit et passera par une solide analyse de marché ainsi qu’une forte veille concurrentielle.
- Stratégie de communication
D’après des spécialistes, il sera très compliqué pour les nouveaux fabricants de biosimilaires d’être rentable s’ils se retrouvent à être plus d’un ou deux compétiteurs déjà sur le marché pour la même molécule de référence.
C’est pour cela que la deuxième stratégie pour pénétrer le marché de la meilleure des manières, est de communiquer publiquement son intention de produire un biosimilaire afin de décourager les autres acteurs et d’arriver sur le marché le premier. Il faudra de plus sensibiliser les médecins sur ces produits par d’importantes promotions commerciales. Puisque la majorité des médicaments biologiques sont administrés par les médecins à l’hôpital, et qu’ils ne sont pas considérés comme interchangeables, il n’existe donc pas de substitution automatique au niveau de la pharmacie de ville.
Les biosimilaires n’étant pas chimiquement et biologiquement identiques par rapport aux biologiques de référence, il sera primordial de fournir des études cliniques robustes aux médecins afin qu’ils soient plus à l’aise quant à l’utilisation des ces produits. Tout cela nécessitera des forces de ventes mais aussi une équipe d’affaires médicales.
- 3. Fixation du prix
Enfin, la dernière stratégie que le nouvel entrant doit adopter pour pouvoir gagner dans son pari, est d’avoir le leadership sur le prix par rapport à son concurrent et de le défendre.
Cela signifie réduire le prix par rapport au biologique de référence dès le lancement, et maintenir ce prix assez bas pour rester compétitif même si le laboratoire original tente de réduire à son tour les prix pour amoindrir l’écart. Cela se traduira par une réelle guerre des prix, qui pourra conduire ces derniers à des niveaux non rentables pour les laboratoires.
Les fabricants de biosimilaires auront probablement des coûts commerciaux ainsi que des frais généraux plus faibles que les laboratoires produisant les médicaments biologiques de marque.
Néanmoins, si le fabricant de biosimilaire veut conserver l’avantage du prix par rapport au laboratoire innovant, une réduction des coûts de fabrication sera requise.
Les entreprises fabricantes de génériques classiques, comme Teva et bien d’autres, ont réussi à avoir des coûts de production bien plus faibles que les entreprises produisant les princeps, via des économies d’échelles mais surtout grâce à de fortes capacités en terme de fabrication et d’approvisionnement en substances actives.
Dans le secteur de la biotechnologie, et en particulier des biosimilaires, trouver une technologie de production low cost serait idéal mais malheureusement très compliqué à réaliser.
Plusieurs techniques permettraient de réaliser des économies dans le futur. Par exemple, une solution serait de changer de lignée cellulaire qui serait capable de fournir un plus grand rendement en substances actives.
Plusieurs entreprises sont actuellement en train d’étudier la possibilité de produire des médicaments biologiques en utilisant des substances végétales.
En Europe, cette quête de fabriquer à moindre coût n’aura pas d’impact sur la préparation du dossier de mise sur le marché puisque pour les biosimilaires, il faut préparer un dossier complet.
Cependant, aux US, cela sera bien différent puisque la demande d’AMM pour les biosimilaires se fait via une procédure abrégée.
A trop vouloir changer les processus de fabrication, et donc trop s’éloigner du médicament original, les laboratoires devront certainement passer par une demande d’AMM classique. Quoi qu’il en soit, essayer de trouver une technologie moins chère reste une piste à investiguer.
- Pharmacovigilance
Pour les génériques, la pharmacovigilance incombe au laboratoire des génériques, mais aussi au laboratoire princeps.
Il est en fait très difficile d’avoir une pharmacovigilance de qualité dans ces conditions, et ce d’autant plus qu’on ne sait pas toujours quel type de générique a été dispensé.
Cependant, la quasi-totalité des effets indésirables sont des effets liés au produit actif et les génériques ont donc les effets indésirables bien connus des princeps.
Comme évoqué plus haut, les effets indésirables spécifiques liés aux exceptions ne sont qu’anecdotiques.
En revanche, dans le monde du biosimilaire, la sécurité est un enjeu majeur et il est capital de surveiller correctement l’apparition d’éventuels effets indésirables, jusque-là méconnus ou liés au passage d’une molécule à l’autre. Il ne faudrait pas que le laboratoire princeps et les laboratoires biosimilaires se renvoient la balle.
Face à ce réel danger, les régulateurs ont imposé et vérifié que chaque industriel commercialisant un biosimilaire ait la structure adaptée pour en assurer la pharmacovigilance43.
De plus, ces nouveaux médicaments sont toujours mis sur le marché avec un plan international de minimisation des risques, qui permet d’observer au plus près les médicaments lors des premières années d’utilisation.
La traçabilité de ces médicaments est imposée par le dossier pharmaceutique patients, qui permettra de savoir patient par patient et dispensation par dispensation quel type de produit biosimilaire a été utilisé.
Ce système de contrôle permettra aussi d’éviter les switchs multiples lorsqu’ils sont contre-indiqués.
Il est toujours possible de voir apparaître de nouveaux effets indésirables avec un biosimilaire de par ses différences avec le produit princeps et il est donc important de tout mettre en oeuvre pour obtenir une pharmacovigilance dynamique, rapprochée et efficace. N’oublions pas qu’il n’y a pas forcément plus de différence entre un princeps et un biosimilaire qu’il risque d’y en avoir entre deux lots du même princeps d’origine biologique44.
Il importe de voir l’approche de l’OMS en matière de la surveillance post-marketing des médicaments biosimilares, ainsi que celles de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) et celle de la Food and Drug Administration (FDA).
La surveillance post-marketing selon l’OMS45
Comme pour la plupart des médicaments, les données des essais cliniques sont généralement trop limitées pour identifier tous les effets indésirables potentiels d’un biosimilaire. En particulier, les effets indésirables rares ne sont pas susceptibles d’être observés chez le petit nombre de patients qui ont participé aux essais cliniques. Par conséquent, une surveillance plus étroite de la tolérance clinique de ces produits dans toutes leurs indications est exigée et une poursuite de l’évaluation du ratio bénéfice-risque est nécessaire dans la phase post-commercialisation.
Le fabricant doit soumettre un plan de pharmacovigilance et un plan de gestion des risques, au moment du dépôt de la demande d’autorisation de mise sur le marché.
Les principes de la planification de la pharmacovigilance sont définis dans la guideline ICH E2E (ICH efficacy guidelines. Pharmacovigilance planning (E2E), 2004)46.
Les spécifications de sécurité doivent explorer les problèmes de sécurité potentiels ou identifiés pour le produit de référence, pour la classe du produit et/ou ceux qui sont spécifiques au produit biosimilaire. Le plan de pharmacovigilance devrait décrire les activités de post-marketing prévues et les méthodes basées sur les spécifications de sécurité. Dans certains cas, les mesures de minimisation des risques telles que le matériel éducatif pour les patients peuvent améliorer l’utilisation sécuritaire du biosimilaire.
Tout monitoring spécifique imposé au produit de référence ou à la classe du produit devrait être appliqué dans le plan de pharmacovigilance du biosimilaire, à moins qu’une justification valable puisse être fournie pour démontrer que ce n’est pas nécessaire. En outre, les risques potentiels supplémentaires identifiés lors de l’examen des données obtenues avec le biosimilaire devraient faire l’objet d’une surveillance supplémentaire (par exemple, l’immunogénicité accrue qui pourrait résulter d’une différence dans le profil de glycosylation).
Les rapports de la sécurité post-marketing (pharmacovigilance) devraient inclure toutes les informations sur la tolérance du produit obtenues par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché. Les informations de sécurité doivent être évaluées de manière scientifique et doivent comporter une évaluation de la fréquence et de la causalité des effets indésirables.
Le fabricant devrait mettre en place, au moment de l’autorisation de mise sur le marché, un système de pharmacovigilance approprié sous la responsabilité d’une personne qualifiée responsable de la pharmacovigilance et la surveillance des outils nécessaires pour les notifications des effets indésirables dans tous les pays où le produit est commercialisé.
De plus, comme pour tous les produits biologiques, un système adéquat est nécessaire pour assurer l’identification spécifique des produits biosimilaires.
La surveillance post-marketing selon l’EMA 47, 48, 49, 50
Comme l’OMS le recommande l’EMA exige que le fabricant présente un plan de gestion de risque et un plan de pharmacovigilance dans le dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché en conformité avec la législation européenne actuelle et les lignes directrices de pharmacovigilance. Cela devrait prendre en compte les risques identifiés au cours du développement du produit et les risques potentiels.
La surveillance post-marketing selon la FDA 51
La guideline projet « Scientific Considerations in Demonstrating Biosimilarity to a Reference Product – February 2012 » élaboré par la FDA prends en compte toutes les recommandations de l’OMS en matière de la sécurité post-marketing.
Vu que certains aspects de la surveillance post-marketing sont spécifiques au produit, la FDA encourage les fabricants de consulter l’agence pour discuter au sujet de l’approche proposée pour bien mener la surveillance post-autorisation.
En outre, comme tous les autres produits biologiques, la FDA peut prendre toute mesure appropriée pour assurer la sécurité et l’efficacité du produit proposé, y compris, par exemple, d’exiger une étude post-marketing pour évaluer certaine risques.
Conclusion
A la fin de ce travail il s’avère que les biosimilaires ont un impact majeur quant à l’accessibilité ainsi que la disponibilité des médicaments biologiques au sein du marché pharmaceutique. Par ailleurs, l’accès des patients à des médicaments qui sont à la fois moins chers et efficaces vont venir réduire les coûts de la santé.
Cependant, il reste un grand nombre de facteurs scientifiques et réglementaires qui restent encore à élucides pour ce qui est du concept des biosimilaires compte tenu de leur complexité et les difficultés rencontrées dans la caractérisation analytique ainsi que dans les essais cliniques.
Malgré le fait qu’il y ait une grande variété de contrôle et d’évaluation disponibles, un biosimilaire n‘a pas un profil d‘efficacité, de sécurité et d‘effets indésirables qui vont se révéler être parfaitement identiques, similaires à celui de la substance de référence. L’on ne peut donc pas prédire de manière fiable l’efficacité ainsi que la sécurité relative à l’utilisation des biosimilaires.
Pour toutes ces raisons, le principe de précaution s’impose avec besoin d’élucider, par les autorités de santé : du seuil pour déterminer le « très similaire » : Highly similar, les exigences que ce soit pour les méthodes statistiques que pour la taille de l’échantillon pour la réalisation des études cliniques : non-infériorité ou équivalence, et enfin l’interchangeabilité : alternating versus switchability.
Bibliographie
- Définition d’un médicament. Médicaments.gouv.fr.
- Code de la Santé Publique – Article L5121-1
- Directive 2003/63/CE de la Commission modifiant la Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Annexe 1, Partie 1, §.3.2.1 1. Transposée en droit français dans le Code de la Santé Publique, art. 5121-1.
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- Food and Drug Administration (FDA). Guidance for Industry, Scientific Considerations in Demonstrating Biosimilarity to a Reference Product (Draft Guidance). February 2012
Annexes
ANNEXE 1: Article Valorisation d’un produit « Biosimilaire »
ANNEXE 3 : Top 10 des médicaments les plus vendus en Europe en 2013
ANNEXE 3 : Produits bio-supérieurs
Alors que les médicaments biosimilaires se positionnent comme des copies de médicaments biologiques, les médicaments dits bio-supérieurs (ou bio-better) sont des médicaments recombinants qui appartiennent à la même classe d’un produit de référence tout en y apportant une amélioration (profil de glycosylation différent, modifications du fragment Fc, augmentation de la demi-vie, baisse de l’immunogénicité par exemple…).
Le processus réglementaire d’enregistrement d’AMM ne diffère pas de celui d’une nouvelle molécule, et sa commercialisation est protégée à raison d’une période de 8 années d’exclusivité assortie ou non d’une période d’exclusivité commerciale complémentaire de deux ou trois ans (hors médicaments orphelins qui bénéficient d’une exclusivité commerciale dans la Communauté Européenne de dix ans consécutivement à l’octroi d’une autorisation).
[1] Lors des essais cliniques, les traitements comparés ou le placebo peuvent être administrés sans que la personne ne sache quel type de traitement elle prend : on parle d’essai en insu ou en aveugle. Le médecin qui administre le traitement peut l’ignorer également : on parle dans ce cas d’essai en double aveugle ou double insu. Dans les essais cliniques dits « en ouverts », l’investigateur et la personne sur laquelle l’essai clinique est réalisé connaissent le traitement.
[2] Michał Nowicki. Basic Facts about Biosimilars, Kidney Blood Press Research 2007; 30:267–272
Mémoire de fin d’études de 69 pages.
€24.90