Mémoire portant sur les multinationales et le transfert des bénéfices (lutte efficace contre l’évasion fiscale)
ESCG
Ecole Supérieure de Communication et de Gestion
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Année académique 2016-2017
Session de Septembre
Le travail de fin d’études demande plusieurs mois de préparation qui ne se réalise jamais seul. Pour cette raison je tiens à présenter :
Mes plus vifs remerciements à mon Directeur de mémoire Didier Benoit d’avoir accepté de diriger mon travail et qui m’a fait part de ses conseils les plus avisés tout au long de la rédaction de ce mémoire.
Je remercie également Madame Françoise Iweins pour son aide inestimable et d’avoir accepté de me lire et surtout pour ses précieux conseils sur la formalisation de ma problématique.
Ma reconnaissance va également à Monsieur Amadou Mbengue pour la validation de mon sujet et ses encouragements et sa bienveillance à bien entreprendre ce travail.
Je remercie l’Ecole Supérieure de Communication et de Gestion de m’avoir accordé le temps nécessaire pour mener à bien mon Travail de Fin d’études.
Je remercie les membres de jury qui ont accepté d’évaluer mon modeste travail.
Enfin, ici l’occasion pour moi d’exprimer ma sincère reconnaissance et mes remerciements les plus chaleureux à tous ceux qui mont soutenues, de près ou de loin à réaliser ce travail.
Je dédie ce travail à :
Mon père et à ma mère qui m’ont toujours soutenue et qui n’ont jamais cessé de m’encourager, je leurs souhaite une longue vie afin de pouvoir récolter le fruit de leurs efforts.
Mes sœurs Fouzia et Amel et à mes frères Adel et Faouzi, pour tous les sacrifices qu’ils ont consentis pour moi et pour leur amour de toujours.
Mes très chers poussins Ilyan et Wanis pour tant d’amour, je leur souhaite tout le bonheur du monde.
Un profond respect et un remerciement particulier à Monsieur Niels Thorsen, qui m’a aidé moralement et matériellement. Merci de m’avoir encouragé à faire le voyage et de me donner la chance de bénéficier de cette formation de Maîtrise complémentaire en Gestion. Merci aussi pour l’amour que tu as pour moi et toute ma famille.
Je dédie mon travail à tous ceux qui me sont chers dans mon pays et partout ailleurs où ils sont.
ACCIS : Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés
AFP : Agence France-Presse
BEPS : Base erosion and profit shifting (Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices
BIAC : Comité consultatif économique et industriel de l’OCDE
CGI : Code général des impôts
FMI : Fonds monétaire international
GAFA : Google Apple Facebook Amazon
G20 : Groupe rassemblant 19 pays parmi les plus puissants au monde ainsi que l’Union Européenne
IDE : Investissement direct à l’étranger
OCDE : Organisation de coopération et de développement économique
ONU : Organisation des nations unies
SEC : Sociétés étrangères contrôlées
TUAC : Commission syndicale consultative de l’OCDE
TVA : Taxe sur la valeur ajoutée
UE : Union Européenne
Présentation de la méthodologie. 9
Chapitre I : Problématique posée et définitions. 10
I-1 : La problématique posée. 10
I-2-1 : Historique et définition d’une multinationale. 11
I-2-2 : Les caractéristiques d’une multinationale. 13
I-2-3 : Les stratégies des multinationales. 13
I-2-4 : L’organisation internationale des firmes multinationales. 15
I-3 : Les prix de transfert 16
I-3-1 : Définition des prix de transfert 17
I-3-2 : La notion de groupe. 17
I-3-3 : Le lien entre les prix de transfert et la fiscalité. 18
I-3-4 : Le principe du prix de pleine concurrence. 19
Chapitre II : Les paradis fiscaux et l’injustice fiscale mondiale. 20
II-1-1 : Définition de l’évasion fiscale. 20
II-1-2 : L’évasion fiscale en chiffres. 22
II-2 : L’évasion fiscale et les multinationales. 24
II-2-1 : L’évasion fiscale et les prix de transfert 24
II-2-2 : La responsabilité fiscale des multinationales. 27
II-2-3 : Les pratiques des multinationales. 30
II-3 : Les conséquences de l’évasion fiscale. 34
II-3-1 : Les conséquences économiques de l’évasion fiscale. 34
II-3-2 : Le manque à gagner en Europe et en France. 35
Chapitre III : Les mesures contre l’évasion fiscale. 38
III-1 : Le projet « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS) 38
III-1-1 : Présentation du pojet BEPS et de ses objectifs. 38
III-1-2 : L’organisation du projet BEPS.. 41
III-2 : Le reporting pays par pays. 47
III-3 : L’échange automatique d’informations. 48
Chapitre IV : Les démarches de l’OCDE et de l’Union Européenne. 50
IV-1 : Au niveau de l’OCDE.. 50
Chapitre V : Les nouvelles mesures. 61
V-1 : Analyse des mesures déjà prises. 61
V-3 : Vers de nouvelles mesures. 70
Les firmes multinationales occupent une place importante dans le domaine politique, et plus précisément en ce qui concerne la détermination des règles et pratiques en matière de mondialisation (Chavagneux, 2010)[1]. Une telle situation implique deux conséquences bien distinctes.
Dans un premier temps, malgré le pouvoir des entreprises multinationales, elles demeurent soumises aux règles définies par les États. Ces derniers demeurent en effet les principaux acteurs qui disposent du pouvoir de décisions en matière de régulation de l’économie, de la politique et des échanges mondiaux.
Dans un second temps, les États, en tant que principaux acteurs au niveau de l’économie mondiale, sont amenés à négocier et coopérer avec les firmes multinationales du fait des enjeux que présentent celles-ci sur le plan financier et en matière de production. Par conséquent, des accords sont conclus et des compromis effectués entre les deux parties. Afin de trouver un juste équilibre et de s’assurer de la bonne gestion de ces relations internationales, des normes et règles ont été définies tant sur le plan national que sur le plan international.
Il a toutefois été constaté que ce sont principalement les lois nationales qui sont les plus considérées. En effet, lorsqu’un groupe décide d’implanter une de ses filiales dans un pays donné, il négocie avec les pouvoirs publics présents et se soumet à son cadre règlementaire. Or, tous les États, dans un principe de liberté, ne disposent du même principe en matière de législation fiscale. Si certains adoptent une stratégie fiscale stricte et moins avantageux pour les multinationales, d’autres n’hésitent pas à proposer une fiscalité privilégiée.
Ce phénomène implique non seulement un déséquilibre au niveau de la règlementation internationale, mais incite les entreprises multinationales à adopter des pratiques qui ne profitent pas à tous les États : l’évasion fiscale qui consiste à transférer une partie des bénéfices vers les pays à fiscalité privilégiée, en d’autres termes les paradis fiscaux, et ce, en défaveur des autres pays où l’activité a réellement eu lieu.
Mais comment lutter contre l’évasion fiscale des firmes multinationales ? Dans le but de mieux répondre à la question, le présent travail sera réparti en cinq grands chapitres :
- Dans le premier chapitre, la problématique sera abordée, et les principaux concepts liés au sujet seront développés, notamment les firmes multinationales et les prix de transfert.
- Dans le second chapitre, les mécanismes existants ayant permis aux entreprises multinationales de pratiquer l’évasion fiscale seront analysés.
- Le troisième chapitre permet d’observer les mesures prises afin de lutter contre l’évasion fiscale.
- Dans le quatrième chapitre, les solutions et prises de position de l’OCDE et l’Union Européenne seront étudiées.
- Le dernier chapitre sera consacré à l’analyse de l’impact de toutes ces mesures et à la proposition de nouvelles mesures permettant de lutter de manière efficace contre l’évasion fiscale.
Présentation de la méthodologie
Dans la recherche de moyens efficaces destinés à lutter contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales, la méthodologie sera basée sur une approche qualitative. Dans ce contexte, des études de cas sur les pratiques d’évasion fiscale seront réalisées, en se basant sur :
- Une documentation traitant les notions relatives à l’évasion fiscale des firmes multinationales.
- Des articles scientifiques et journalistiques en rapport avec le sujet traité.
- Des rapports et publications officielles (Union Européenne et OCDE).
- Des sites internet spécialisés.
- Une comparaison entre les différents taux de taxation des lieux d’implantation des firmes multinationales.
- Une analyse des données regroupées.
Chapitre I : Problématique posée et définitions
Le contexte dans lequel les multinationales opèrent présente de nombreuses spécificités qu’il convient d’appréhender. Ces dernières se portent tant sur les aspects organisationnels que fiscaux. Ce premier chapitre est ainsi destiné à la présentation de ce contexte, et à l’exposition de la problématique liée au travail. Le contenu est organisé de la manière suivante :
- Présentation de la problématique.
- Analyse des multinationales.
- Analyse des prix de transfert.
Actuellement, la structure économique mondiale connait un certain bouleversement, notamment en ce qui concerne les puissances économiques mondiales. En effet, si la moitié des 100 premières puissances est des États, l’autre moitié représente les multinationales (Théobald, 2017)[2]. Face à cette situation, la concurrence fait rage entre les multinationales, et si certaines d’entre elles mettent un point d’honneur à adopter un comportement exemplaire, ce n’est pas le cas de toutes.
En effet, pour produire moins cher et engranger plus de bénéfice, les entreprises multinationales n’hésitent pas à adopter des pratiques allant à l’encontre des droits humains (David, Lefèvre et Ziegler, 2015)[3]. Or, sur le grand échiquier planétaire, ces entreprises sont tenues de composer avec les lois élaborées par les États, censées protéger les citoyens. Cependant, les lois varient d’un pays à l’autre, plus ou moins strictes, plus ou moins respectées. D’où l’existence de certaines lois pouvant se montrer conciliante avec les multinationales.
Afin d’assurer leur développement, les firmes multinationales adoptent une stratégie financière basée sur le choix d’implantation. Cette pratique leur permet de bénéficier d’un certain avantage financier tel qu’une réduction du taux de change ou une fiscalité avantageuse. Précisément, une législation fiscale avantageuse accorde aux multinationales la possibilité d’accroitre leurs activités, et par conséquent d’augmenter leurs bénéfices.
La problématique de recherche soulevée dans le cadre du présent travail consiste alors à répondre aux questionnements suivants : « La souveraineté des États est-elle mise en péril par le modèle économique des firmes multinationales ? Est-ce que les États disposent de moyens efficaces pour lutter contre l’évasion fiscale ? ». L’accent sera ainsi porté sur l’importance des prix de transfert dans l’imposition globale de la firme.
Dans l’optique de mieux cerner la situation, il est considéré comme opportun d’aborder dans les sections suivantes les concepts de multinationales et de prix de transfert.
L’appréhension des firmes multinationales passe par leur définition en premier lieu, ensuite par l’analyse de leurs caractéristiques, stratégies et organisation dans un second lieu.
I-2-1 : Historique et définition d’une multinationale
- Historique
L’apparition des multinationales remonte au Moyen Age (Alternatives Économiques, 2001)[4]. C’est au 14e siècle qu’une entreprise nommée Peruzzi a opéré sur tout le continent européen à travers l’importation de tissu et de fabrication de vêtements issus de sa ville d’origine. À partir de cette période, les activités des firmes multinationales ont connu une évolution importante et continue, comme il peut être observé à partir du graphique ci-après.
Graphique 1 : Les firmes multinationales à travers l’histoire (Alternatives Économiques)
- Définition
Il existe différentes approches qui ont permis d’apporter une définition au concept de multinationale. Dans le cadre du mémoire, la définition retenue est celle des Nations Unies qui est formulée comme la suivante : « Une entreprise qui contrôle des biens, des usines, des mines ou des établissements de vente dans deux pays ou plus » (ONU, 1974).
Cette définition implique toutefois la considération de certains aspects que présente une multinationale (Rozenblat, 2007)[5] :
- La multinationale est composée d’entités installées dans au moins deux pays différents.
- En matière décisionnel, elle met en place des politiques cohérentes ainsi qu’une stratégie commune, d’où le fait que les entités sont liées entre elles de par l’influence significative de chacune sur les activités de l’autre.
I-2-2 : Les caractéristiques d’une multinationale
Une entreprise multinationale est principalement caractérisée par le fait qu’elle dispose d’une certaine envergure, et par conséquent d’un certain pouvoir et capital (Browaeys, 1974)[6]. En effet, il s’agit d’une entité qui ne se limite plus au niveau local, ni national, mais au niveau international, et ce, dans tous les aspects de son fonctionnement : orientations et stratégies de communication.
Par conséquent, elle choisit ses lieux d’implantation en prenant en compte les stratégies définies. Toutefois, les produits et services que la firme multinationale propose sont adaptés aux cibles et marchés visés. Les principaux critères qui orientent ses choix d’installation sont :
- Le coût de la main d’œuvre.
- Le coût foncier de l’installation : ce dernier ayant un impact sur la fiscalité.
- Le cadre règlementaire du pays d’implantation : contraintes environnementales, législation sociale…
Il convient effectivement de préciser que sur le plan juridique, une entreprise multinationale est soumise à la législation du pays de son implantation. De ce fait, il est possible que la forme soit soumise à plusieurs cadres règlementaires, de par ses entités qui sont implantées dans des pays différents. Toutefois, grâce à son pouvoir et son niveau d’influence, l’entreprise multinationale peut, à travers des lobbies, influer sur les politiques du pays d’implantation, afin de bénéficier de conditions d’implantation favorables.
I-2-3 : Les stratégies des multinationales
De manière générale, les firmes multinationales adoptent une stratégie qui se situe entre la mondialisation et la globalisation (Rozenblat, 2007). Les entreprises décident principalement d’investir à l’étranger pour les raisons suivantes :
- La minimisation des risques.
- La conquête de nouveaux marchés (croissance).
- L’affirmation sur des marchés extérieurs.
- La réduction des coûts.
Ainsi, les firmes multinationales, dans le cadre de la globalisation, cherchent d’un côté à être présentes sur les marchés mondiaux, et d’un autre côté à assurer la gestion de l’ensemble de leurs activités dans la synergie. Pour ce faire, ces entreprises peuvent adopter quatre types de stratégie, illustrées dans le tableau suivant.
Stratégie | Description |
Internationale | · Présence internationale
· Les filiales tirent parti des compétences de la société mère · Coordination entre les filiales et la société mère : faible · Adaptation locale faible · Faible autonomie des filiales |
Multinationale | · Présence multidomestique
· Chaque entité agit en fonction de ses propres adaptations locales · Coordination entre les filiales et la société mère : faible · Adaptation locale forte · Forte autonomie des filiales |
Globale | · Présence mondiale : décisions stratégiques centralisées
· Fonctions Recherche & Développement assurées par le siège · Coordination entre les filiales et la société mère : forte · Adaptation local faible · Faible autonomie des filiales |
Transnationale | · Présence mondiale et locale : partage de la prise de décision
· Spécialisation et dispersion des ressources · Coordination entre les filiales et la société mère : forte · Adaptation locale forte · Filiales semi-autonomes |
Graphique 2 : Les stratégies des firmes multinationales (Inspiré de Bartlett et Goshal, 1992)[7]
I-2-4 : L’organisation internationale des firmes multinationales
Une grande majorité des firmes multinationales proviennent des pays développés, soit 80% selon la Cnuced. Le graphique ci-dessous représente la répartition géographique du top 100 des multinationales.
Graphique 3 : Répartition du Top 100 des multinationales par pays d’implantation en 2016 (Rabreau, 2016)[8]
En matière d’organisation internationale des firmes multinationales, quatre tendances sont observées dans le tableau suivant.
Structures | Description |
Pays « hors circuit » | · Faible intégration
· Exemples : Turquie, Inde, Russie, Afrique subsaharienne… |
Pays « intravertis » | · Absence de firme nationale internationalisée
· Présence de multinationales étrangères · Exemples : Brésil, Indonésie, Argentine, Mexique… |
Pays « extravertis » | · Sièges de nombreuses firmes multinationales
· Accueil de moins de firmes multinationales · Exemples : Canada, Australie, Royaume-Uni, Afrique du sud… |
Pays « centrés » | · Centre des échanges d’investissements croisés
· Regroupe l’ensemble des pays développés |
Graphique 4 : Organisation mondiale des firmes multinationales (Inspiré de Carroué, 2002)[9]
Les prix de transfert constituent un élément important se trouvant au cœur des préoccupations des multinationales et des États, et plus précisément de leur administration fiscale. C’est la raison pour laquelle cette troisième section se propose de les analyser.
I-3-1 : Définition des prix de transfert
L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) définit les prix de transfert comme suit : « Les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées ».
À partir de cette définition, les prix de transfert représentent alors les prix des transactions réalisées entre des entités d’un même groupe et installées dans des pays différents, ce qui ramène à la notion de multinationale. Ces prix impliquent non seulement l’existence d’une transaction intragroupe, mais également le fait que cette transaction est effectuée dans le cadre d’un passage de frontières.
En d’autres termes, la transaction nécessitant la détermination de prix de transfert correspond à une opération d’import – export, mais qui est réalisée uniquement au niveau d’un même groupe. Les prix de transfert concernent différentes opérations, notamment (Carasco, 2017)[10] :
- Les ventes de biens et de marchandises.
- Les prestations de services intragroupes.
- La mise à disposition de personnes ou de biens.
- Les redevances de concession de brevets ou de marques.
- Les relations financières.
- Les services rendus entre les entités du groupe même.
Dans le but de mieux comprendre les principes liés aux prix de transfert, il convient d’apporter des précisions quant à la notion de groupe. Cette dernière exige en effet la présence de liens de dépendance entre les différentes entités qui le constituent. Ainsi, deux entités d’un même groupe sont dépendantes suivant l’un des deux principes :
- La dépendance de droit ;
- La dépendance de fait.
- La dépendance de droit
Appelée également dépendance juridique, elle se caractérise par la détention directe ou indirecte du capital d’une entité française par une entité étrangère. Ainsi, l’entité française est placée sous la dépendance de celle étrangère. Cependant, la part détenu doit être prépondérante[11]. Il peut également s’agir de la majorité absolue des droits de vote dans les assemblées d’associés ou d’actionnaires
.
- La dépendance de fait
La dépendance de fait se caractérise par le fait qu’une entité étrangère exerce dans l’entité française un véritable pouvoir de décision, de manière directe ou indirecte, sachant que l’inverse peut pareillement se produire. La dépendance de fait se traduit alors par la capacité d’une société à imposer des conditions économiques à une autre société (Carasco, 2017).
I-3-3 : Le lien entre les prix de transfert et la fiscalité
En matière de fiscalité, les prix de transfert jouent un rôle substantiel. En effet, le fait pour un groupe de fixer ses prix de transfert entraine également la détermination des dispositions fiscales qui vont régir les transactions qu’il opère dans les pays dans lesquels ses entités sont installées. De leur côté, les pays concernés procèdent à la vérification de l’application de ces prix de transfert lors de la réalisation des opérations entre les entreprises du groupe.
I-3-4 : Le principe du prix de pleine concurrence
Le principe du prix de la pleine concurrence a été établi par les États membres de l’OCDE. Ce principe régit les opérations qui sont réalisées intragroupes, l’objectif principal étant de permettre des bases d’imposition équitables au niveau de chaque État. Pour ce faire, les prix de transfert qui sont appliqués entre les entités d’un même groupe doivent être définis en référence aux prix qui sont pratiqués sur le marché au niveau de deux sociétés indépendantes.
Il convient de préciser que ce principe est pareillement prévu dans l’article 57 du Code général des impôts (CGI). Il est stipulé dans cet article qu’en matière de fiscalité, et plus précisément d’impôt, les conditions convenues entre deux entreprises sont les mêmes, qu’elles soient dépendantes ou non.
Chapitre II : Les paradis fiscaux et l’injustice fiscale mondiale
La multiplication et la montée en puissance des firmes multinationales ont engendré un bouleversement de la situation économique, mais aussi fiscale des pays dans lesquels elles exercent leurs activités. Les paradis fiscaux sont ainsi apparus laissant apparaitre une injustice mondiale en matière de fiscalité.
Sur le plan historique, les paradis fiscaux représentent des résidences fictives pour les firmes multinationales qui souhaitaient échapper au fisc dans les années 1930 (Palan, 2002)[12]. À partir de cette période, le nombre de pays à fiscalité avantageuse n’a cessé d’augmenter. Dès lors, les paradis fiscaux représentent un point stratégique pour les entreprises multinationales.
Ce second chapitre est alors destiné à l’observation et l’analyse des mécanismes existants en ce qui concerne les moyens pour les firmes multinationales d’optimiser leurs prix de transfert et leur situation fiscale. Les conséquences de ces pratiques seront également mises en évidence.
L’évasion fiscale représente une démarche stratégique permettant à certaines firmes multinationales de bénéficier d’une situation fiscale favorable, et ce, même en défaveur d’autres entreprises et d’autres pays. Dans cette première section, seront alors abordés le concept d’évasion fiscale et les données chiffrées y afférentes afin d’observer l’ampleur d’une telle pratique.
II-1-1 : Définition de l’évasion fiscale
Appelée aussi évitement fiscal, l’évasion fiscale représente une pratique permettant à un contribuable, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une entreprise, d’éviter de façon légale le paiement de l’impôt dont il doit s’acquitter à travers l’exploitation des failles au niveau de la fiscalité d’un pays donné, notamment un paradis fiscal (Vernier et Lebègue, 2014)[13]. Dans ce contexte, le contribuable en question n’a pas à s’expatrier vers le paradis fiscal, seule une partie de son patrimoine y est transférée.
Ainsi, l’évasion fiscale présente deux sens :
- Un sens strict : l’objectif est de réduire l’impôt, voire même l’éviter à travers l’assujettissement des bénéfices dans le pays qui représente un paradis fiscal.
- Un sens large : l’évasion fiscale vise à se servir des moyens légaux existants afin de réduire la charge fiscale, ce qui la différencie de la fraude fiscale.
Afin de mieux appréhender les pratiques en matière d’évasion fiscale, le tableau qui suit illustre les cas d’évasion fiscale de multinationales ayant placé l’Europe à l’épicentre des scandales.
Dates clés | Cas d’évasion fiscale |
Novembre – Décembre 2014 | Révélation par LuxLeaks[14] des accords fiscaux confidentiels impliquant des centaines d’entreprises multinationales au Luxembourg |
Février 2015 | Publication par SwissLeaks[15] d’identités de clients dont des multinationales ayant des comptes bancaires non déclarés dans une banque suisse |
Février 2015 | Publication d’un rapport sur les contributions fiscales de McDonald’s : déclaration d’un chiffre d’affaires excédant € 3,7 milliards dans une filiale au Luxembourg entre 2009 et 2013 contre un paiement de € 16 millions au Luxembourg |
Juin 2015 | Publication d’un rapport sur les pratiques fiscales de Wal-Mart : existence de filiales de l’entreprise en Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Suisse et Chypre alors qu’il n’y avait aucun magasin Wal-Mart dans ces pays. |
Graphique 5 : Cas d’évasion fiscale identifiés en Europe (Rapport Eurodad 2015)[16]
II-1-2 : L’évasion fiscale en chiffres
- Situation en 2012
En 2012, une étude a été réalisée sur l’incidence de l’évasion fiscale sur l’économie et les finances publiques. Sur cette année, le manque à gagner pour l’administration fiscale française est évalué entre 30 et 36 milliards d’euros (Faciléco, 2012)[17]. De plus, le montant de l’évasion fiscale est estimé entre 50 à 80 milliards d’euros par an[18].
Pour les cas qui concernent la France, l’évasion fiscale se présente sous de multiples facettes à travers des montages financiers qualifiés de complexes réalisés par les entreprises multinationales. Cette situation entraine des difficultés dans l’évaluation de la totalité du coût de cette pratique. Selon l’OCDE et l’UE, ce sont précisément les transactions intragroupes qui représentent la moitié des transactions à l’international.
Dans ce contexte, les groupes choisissent d’envoyer une part importante de leurs bénéfices dans des pays présentant des conditions fiscales favorables, en d’autres termes dans des paradis fiscaux. Grâce à ces montages complexes, les firmes multinationales ont la possibilité de disposer de différents taux d’imposition à travers la taille de leurs filiales, comme le présente le tableau ci-après.
Taille des entreprises | Nombre | Taxe effective |
Moins de 250 collaborateurs | 1 104 600 | 47,5% |
De 250 à 499 collaborateurs | 6 500 | 21,5% |
De 500 à 1 999 collaborateurs | 9 300 | 11,8% |
2000 collaborateurs et plus | 12 100 | 4,1% |
Graphique 6 : Taux de contribution effective des multinationales par taille d’entreprise (Rapport du Sénat, 2012)[19]
Outre les montages complexes, la fraude à l’impôt sur les sociétés a également été relevée dans le cadre de l’évasion fiscale. Le manque à gagner annuel pour l’Hexagone s’élève entre 16% et 22% des recettes fiscales brutes[20]. Sur le plan européen, la Commission européenne a évalué l’évasion fiscale à un montant supérieur à 1 000 milliards d’euros en 2012 (Faciléco, 2012).
Parmi les pratiques réalisées, c’est la fraude à la TVA qui est la plus recourue par les firmes multinationales. En effet, 27 pays membres de la Commission européenne n’ont collecté que 50% de la TVA qui leur était due sur cette année.
- Situation de 2015 à 2017
Actuellement, il n’existe pas encore de moyen permettant de déterminer de manière exacte ce que représente l’évasion fiscale dans le monde. De plus, il a été relevé que plus la règlementation fiscale et financière se durcit, plus les montages financiers se complexifient (Rabreau, 2016)[21].
Il existe différentes études réalisées sur l’évasion fiscale. Chacune d’entre elles s’intéresse à une cible particulière ou à des cas d’évasion fiscale différents. Selon une étude réalisée par des membres des Nations Unies, le montant de l’évasion fiscale qui est mise en œuvre par les entreprises multinationales est estimée à 500 milliards de dollars sur le plan mondial, dont 18 milliards d’euros imputables à l’Hexagone (AFP, 2017)[22]. Il convient de préciser que ces chiffres peuvent encore évoluer, tant que des mesures de lutte efficace ne sont pas mises en place.
Dans le cadre de l’évasion fiscale des multinationales, les pratiques sont diverses. C’est la raison pour laquelle il se présente comme opportun d’analyser la place et le rôle à jouer de ces entreprises en matière d’évasion fiscale.
II-2 : L’évasion fiscale et les multinationales
Les études précédentes mettent en exergue le poids des firmes multinationales dans l’évasion fiscale. Cette seconde section est alors destinée à l’analyse de leur place, mais également de leurs pratiques dans ce contexte particulier qui impacte non seulement les recettes des administrations fiscales, mais également la situation économique des pays concernés.
II-2-1 : L’évasion fiscale et les prix de transfert
Les firmes multinationales, comme il a été évoqué dans les parties précédentes, ont la possibilité de pratiquer l’évasion fiscale à travers les transactions intra-groupes. Or, ces transactions sont conditionnées par les prix de transfert. Il parait alors nécessaire d’étudier s’il existe un lien entre l’évasion fiscale et les prix de transfert.
En effet, il peut sembler difficile, voire impossible d’imaginer qu’il puisse exister un lien entre ces deux éléments, alors que, comme il est susmentionné, l’évasion fiscale des entreprises multinationales résulte principalement des prix de transfert. Il convient de rappeler que les prix de transfert concernent diverses opérations et transactions, comme il est schématisé ci-après.
Graphique 7 : Les transactions des entreprises multinationales concernées par les prix de transfert (Carasco, 2017)
Les prix de transfert dans le cadre de ces transactions doivent être déterminés suivant le principe du prix de la pleine concurrence. De ce fait, il va sans dire que le lien entre les prix de transfert et l’évasion fiscale est représenté par le fait pour une firme multinationale de mal apprécier ses prix de transfert.
En effet, cette dernière ne se réfère pas forcément au principe du prix de la pleine concurrence lors de la définition des prix de transfert, mais plutôt à ses propres besoins. Par conséquent, certaines entreprises multinationales sont tentées d’exagérer les prix de transfert qui sont appliquées à leurs entités implantées à travers le monde.
Pourtant, le principe du prix de la pleine concurrence a été mis en place par les pays membres de l’OCDE dans le but, précisément, d’assurer des bases d’imposition justes pour chaque État. D’autant plus que ce principe conditionne les opérations intragroupes, la détermination des prix de transfert doit respecter certaines démarches pour les firmes multinationales, comme le schéma suivant l’expose.
Graphique 8 : Démarche imposée aux entreprises multinationales dans le cadre de la détermination des prix de transfert et du respect du principe du prix de la pleine concurrence (Vernier et Lebègue, 2014)
Cependant, cette démarche imposée n’est pas toujours respectée par ces firmes multinationales, et ce, pour diverses raisons (Vernier et Lebègue, 2014) :
- Ces entreprises favorisent principalement leurs besoins en matière d’investissement dans la détermination des prix des transactions entre leurs filiales.
- Il est de plus en plus difficile de vérifier le respect du principe du prix de la pleine concurrence par les multinationales compte tenu de la complexité des marchés et des opérations.
- L’appréciation des prix de transfert eux-mêmes est devenue difficile, étant donné l’évolution des chaines de valeur et des business model des entreprises.
Toutes ces raisons impliquent le fait que les étapes 5 et 6 de la détermination des prix de transfert suivant le respect du principe du prix de la pleine concurrence (cf. graphique 8) ne sont pas forcément entreprises par les firmes multinationales, et ce, sans qu’elles y soient sanctionnées.
Selon une étude réalisée par le Fonds Monétaire International (FMI), l’évasion fiscale des multinationales représenterait la moitié du PIB mondial (Lexpress, 2013)[23]. Cette même étude a mis en évidence le fait que ce sont les « géants mondiaux » qui sont les plus importants contributeurs de cette pratique, notamment Google, McDonald’s, ou encore Apple et Facebook.
II-2-2 : La responsabilité fiscale des multinationales
En matière de responsabilité fiscale, les multinationales ont des obligations à respecter, dont la principale est la fourniture d’une liste exhaustive de leurs filiales. Pourtant, une enquête menée par l’organisation intergouvernementale CCFD-Terre solidaire met en évidence les faits suivants (Faciléco, 2012) :
- Au niveau des 50 premières firmes multinationales qui sont localisées sur le continent européen, seules 60% ont présenté de manière exhaustive leurs filiales.
- Chacune de ces entreprises multinationales détiennent en moyenne 117 entités dans des États qualifiés de paradis fiscaux, notamment Luxembourg, État du Delaware, Pays-Bas, Îles Caïmans…
- Les pays en développement représentent les premières victimes de l’évasion fiscale à grande échelle compte tenu de la privation de recettes fiscales estimées à 250 milliards d’euros par an[24].
Il convient de souligner que face à cette situation, les firmes multinationales se disent innocentes en insistant sur le caractère légal de leurs pratiques en matière d’optimisation fiscale. De plus, ces dernières déclarent être pénalisées par les coûts de mise en conformité générés par les différentes mesures mises en place en matière de lutte contre la fraude fiscale.
L’OCDE a apporté une définition claire et détaillée de la responsabilité fiscale des multinationales, qui se présente comme suit : « Les entreprises devraient se conformer à la lettre comme à l’esprit des lois et des règlements fiscaux de tous les pays dans lesquels elles exercent leurs activités, coopérer avec les autorités et leur communiquer les informations pertinentes ou requises par la loi. Une entreprise respecte l’esprit des lois et des règlements fiscaux si elle prend des mesures raisonnables pour déterminer l’intention du législateur et interprète ces règles fiscales conformément à cette intention, à la lumière du texte de loi et de la jurisprudence contemporaine pertinente » (OCDE, 2011)[25].
Au vu de ce texte, la dimension fiscale représente alors la première obligation d’une firme multinationale envers l’État, mais également envers la société. Malgré cela, elle ne réussit toujours pas à s’imposer, les situations suivantes le démontrant :
- Les statistiques concernant l’évasion fiscale dans le monde.
- Le déficit de transparence en matière d’impôts versés par pays.
- L’usage et les structures opaques et complexes des paradis fiscaux.
Par conséquent, il est difficile voire impossible de procéder à l’évaluation des risques, ainsi qu’à la mesure du niveau de responsabilité des entreprises multinationales. La fiscalité représente alors l’une des dimensions les moins prises en compte, le schéma suivant l’attestant.
Graphique 9 : Cas démontrant la négligence de la dimension fiscale en matière de responsabilité des firmes multinationales (Novethic et Transparency International, 2013)
Pour faire face à ces critiques, diverses dispositions ont été prises dans le but de donner plus de visibilité en ce qui concerne le niveau de responsabilité fiscale des entreprises multinationales (Pestre, 2013)[26]. Le concept de « contribution fiscale globale » a ainsi été mis en place par le cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC). Il consiste pour les entreprises à produire des données[27] permettant de mesurer le degré de leur responsabilité fiscale. L’objectif étant de diluer la faiblesse de l’impôt sur les sociétés dans les autres impôts versés par les entreprises[28]. Toutefois, cette démarche ne s’est pas présentée comme convaincante.
D’autres cabinets d’audit et de conseil, ainsi que d’analystes ont proposé aux entreprises multinationales d’intégrer la dimension fiscale dans leur stratégie en matière de responsabilité, sachant qu’un non-respect de la règlementation fiscale les expose à des risques financiers, mais également à des risques en termes d’image et de réputation.
Afin d’écarter ces risques, il se présente alors comme une nécessité pour les entreprises de justifier les montages qu’elles ont choisis en vue de leur optimisation fiscale. La transparence devient un principe indispensable, d’où l’instauration du « Global Reporting Initiative » qui consiste pour les entreprises multinationales à publier des données par pays afin de montrer leur transparence.
Pourtant, les pratiques des entreprises en matière de reporting ne sont pas uniformisées. Par conséquent, les résultats sont très inégaux d’où le resserrement des règles relatives aux publications d’information, cette démarche étant entreprise dans le but de produire des informations cohérentes et comparables.
Il a également été constaté que dans ce contexte de transparence, nombreuses sont les multinationales qui protestent en ce qui concerne la publication de l’allocation sur les bénéfices, ainsi que des impôts pays par pays, étant donné qu’elles considèrent que cette action va à l’encontre du respect de leurs secrets de fabrication, et représente des éléments utiles pour leurs concurrents.
Il est à préciser que, outre l’intérêt des administrations fiscales pour la transparence financière des entreprises multinationales, les investisseurs sont pareillement intéressés par ce principe de transparence. En effet, cette dernière leur permettrait de mieux orienter leurs choix et leurs décisions en ce qui concerne les futurs investissements. Ils ont alors la possibilité d’identifier les différents risques liés à une telle opération :
- Degré d’exposition aux risques.
- Risques géopolitiques et de réputation.
- Risques liés à la présence d’une entreprise dans certaines zones qualifiées d’opaques.
Dans tous les cas, il est constaté que la responsabilité fiscale des entreprises multinationales est considérée comme non respectée si leurs dirigeants continuent à penser qu’il est juste et équitable de mettre en œuvre des moyens permettant de minimiser les charges fiscales de leurs entités. Il est alors indispensable d’analyser les pratiques de ces grandes puissances en matière d’optimisation fiscale.
II-2-3 : Les pratiques des multinationales
- La situation de l’Europe face à l’évasion fiscale des firmes multinationales
Le continent devrait refuser l’existence d’entités anonymes ou d’entités opaques, compte tenu du fait que ces dernières favorisent la transition de flux financiers importants sans qu’il y ait de réels échanges sur le plan économique (Jacquot, 2017)[29]. Ces entités sont notamment représentées par des fiducies, trusts, ou encore des sociétés écrans, et elles ont pour objectif d’empêcher que leurs ayants droit soient identifiés.
Afin de mieux appréhender les pratiques des firmes multinationales en matière d’évasion fiscale, quelques cas seront présentés ci-après, notamment ceux des groupes suivants : Apple, Engie, McDonald’s, et Inditex de la marque Zara.
Cas du groupe Apple
Un accord entre l’Irlande et la firme multinationale a permis à cette dernière de ne verser que 0,005% d’impôts dans le pays en question. Cette forme d’aides est caractérisée d’illégale par la Commission européenne qui a ordonné en 2016 au groupe Apple de rembourser à l’Irlande 13 milliards d’euros.
L’Irlande a décidé de protesté cette décision qu’il qualifie de violation de sa souveraineté en tant que pays. Une telle situation montre clairement l’impuissance de la Commission face à la politique fiscale des pays considérés comme des paradis fiscaux.
Cas du groupe Engie
L’État français représente le principal acteur du géant de l’énergie Engie. La Commission européenne a identifié des transactions entre plusieurs entreprises de droit luxembourgeois du groupe. Ces dernières lui ont permis de ne pas verser 300 millions d’euros d’impôts au Luxembourg.
Il convient de préciser que cette pratique a été réalisée lorsque le groupe était encore GDF Suez. Toutefois, elle représente une évasion fiscale qui ne profite qu’au groupe, au risque de mettre en danger les administrations fiscales concernées.
Cas du groupe McDonald’s
En janvier 2017, la firme multinationale a transféré sa holding d’optimisation fiscale sise au Luxembourg vers le Royaume-Uni. Le taux d’impôt sur les sociétés au Royaume-Uni s’élève à 20% mais sera fixé à 17% d’ici 2020. Cette situation implique le fait que l’État présentera le taux d’imposition le plus faible dans l’ensemble des États du G20.
Une telle situation favorise encore une fois les inégalités en matière de politique fiscale des États. Bien que la holding du groupe McDonald’s quitte le Luxembourg, le fait de la transférer au Royaume-Uni ne peut être considérer comme une volonté de lutte contre l’évasion fiscale, compte tenu du taux d’imposition proposé par le pays en question.
Cas du groupe Inditex
Il s’agit d’un groupe qui recouvre la marque Zara. Grâce à des montages fiscaux réalisés entre les 4 pays suivants : Irlande, Suisse, Pays-Bas et Luxembourg, le groupe a pu économiser 585 millions d’euros.
Tous ces exemples ont permis de constater que les entreprises multinationales ont la possibilité de recourir légalement à des pratiques d’évasion fiscale tant que les pays dans lesquels leurs filiales sont implantées leur accordent des privilèges fiscaux.
- La situation de la France face à l’évasion fiscale de certaines firmes multinationales américaines
L’évasion fiscale concerne également les entreprises du numérique. Le cas de la France concerne les géants du web qui sont notamment Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (Legrand, 2013)[30]. Il a été relevé que sur l’année 2011, ces entreprises multinationales n’ont payé à l’administration fiscale de l’Hexagone que 37,5 millions d’euros d’impôt sur les sociétés, soit 22 fois moins que ce qu’ils devaient verser. Le tableau ci-après illustre alors ce constat.
Graphique 10 : Manque à gagner pour la France en matière d’impôt sur les sociétés des géants du web (Legrand, 2013)
Ainsi, GAFA[31] et Microsoft auraient dû payer 828,7 millions d’euros au fisc français. Cependant, grâce aux schémas d’optimisation fiscale appelés « sandwich hollandais », ils ont la possibilité de profiter de l’évasion fiscale en défaveur de la France, à travers l’implantation de leurs filiales en Irlande et au Luxembourg. Cette pratique est toujours adoptée jusqu’à aujourd’hui et qui se présente comme suit.
Graphique 11 : Circuit du sandwich hollandais – Cas du groupe Amazon en Europe (Circuits Europe, 2012)
Ainsi, les entreprises multinationales américaines usent de pratiques considérées comme « perfectionnées » dans le cadre de leur optimisation fiscale, sans avoir à recourir à des démarches illégales. Cependant, leurs pratiques entrainent un manque à gagner pour les autres pays, tel qu’expose le cas de la France.
Précisément, il se présente comme indispensable de réaliser une analyse des conséquences de l’évasion fiscale tant sur le plan économique qu’au niveau des pays européens.
II-3 : Les conséquences de l’évasion fiscale
Cette troisième section est consacrée à l’observation des conséquences de l’évasion fiscale pratiquée par les firmes multinationales. Dans un premier temps, les conséquences économiques seront analysées. Dans un second temps, les manques à gagner en Europe et en France seront mises en évidence.
II-3-1 : Les conséquences économiques de l’évasion fiscale
L’analyse des conséquences économiques de l’évasion fiscale requiert l’identification de ses causes. En effet, il est important de rappeler les raisons qui incitent les entreprises multinationales à opter pour une telle pratique. Ainsi, la pratique de l’évasion fiscale résulte de différentes situations (Vernier et Lebègue, 2014) :
- La recherche d’avantages financiers et fiscaux par les groupes.
- Les règles fiscales contraignantes dans certains pays.
- L’existence de pays à fiscalité privilégiée (paradis fiscaux).
L’évasion fiscale des firmes multinationales ont un impact sur la situation économique, que ce soit au niveau des pays concernés qu’au niveau mondial. Ces conséquences sont présentées dans le tableau ci-dessous (Capdeville, Trescher, Cutajar-Rivière, Marchessou, 2015)[32].
Portée | Conséquences économiques de l’évasion fiscale |
Sur le plan national | Diminution de rendement
· Pertes financières subies par le gouvernement · Augmentation du niveau d’endettement du pays · Influence sur la capacité de financement des programmes répondant aux besoins de la société
Favorisation des méfaits économiques · Porte atteinte au libre jeu de la concurrence |
Sur le plan international | Animosité entre les États
· Entre les paradis fiscaux et les pays supportant les poids de la pratique
Source de conflits sociopolitiques
Existence de structures économiques internationales |
Graphique 12 : Conséquences économiques de l’évasion fiscale des entreprises multinationales (Capdeville et al, 2015)
L’évasion fiscale implique pareillement pour les États de considérables manques à gagner, qui seront analysées dans la partie qui suit.
II-3-2 : Le manque à gagner en Europe et en France
- Les paradis fiscaux dans le monde
Selon l’OCDE, lorsqu’un pays répond aux trois critères ci-dessous, il est caractérisé de paradis fiscal :
- L’absence de transparence.
- Une taxation insignifiante voire nulle sur le capital.
- De fortes réticences à informer sa situation à une tutelle étrangère.
Graphique 13 : Les paradis fiscaux dans le monde (OCDE, 2015)
Le schéma précédent représente les paradis fiscaux dans le monde selon l’OCDE.
- Le manque à gagner en Europe
Sur le plan européen, le coût de l’évasion fiscale est estimé à plus de 1 000 euros par an, comme il a été précisé dans les parties précédentes. Ce montant représente 20% du PIB de l’Union Européenne, soit l’équivalent de 2 000 euros pas citoyens (Rabreau, 2016). Ainsi, le manque à gagner pour le continent est estimé à 514 milliards d’euros en 2013.
- Le manque à gagner en France
Dans l’Hexagone, le manque à gagner résultant de l’évasion fiscale des firmes multinationales s’élève entre 60 et 80 milliards d’euros par an, ce qui représente 20% des recettes fiscales du pays. (Rabreau, 2016). En effet, en 2012, le montant des avoirs qui sont détenus à l’étranger, notamment dans les paradis fiscaux sont estimés à 600 millions d’euros dont 450 millions d’euros détenus par les multinationales.
Après avoir observé le mécanisme existant en ce qui concerne les pratiques des multinationales en matière d’évasion fiscale, il est opportun d’analyser les mesures qui ont déjà été prises afin de lutter contre cette pratique. Ce sujet fera l’objet d’un développement dans le troisième chapitre du travail.
Chapitre III : Les mesures contre l’évasion fiscale
Les statistiques relatives au coût de l’évasion fiscale et au manque à gagner des administrations fiscales ont incité les États à définir et mettre en œuvre des mesures destinées à lutter contre l’évasion fiscale des firmes multinationales. Les principaux dispositifs de lutte contre l’évasion fiscale qui seront étudiés dans le présent chapitre concernent alors :
- Le projet BEPS de l’OCDE.
- Le reporting pays par pays.
- L’échange automatique d’informations.
III-1 : Le projet « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS)
Le projet Base Erosion and Profit Shifting ou BEPS est un dispositif destiné à lutter contre l’évasion fiscale des multinationales. Par conséquent, il s’intéresse uniquement aux entreprises, et plus particulièrement à l’impôt sur les sociétés. Le projet implique de nombreux pays tels que les membres de l’OCDE, les pays du G20, et les pays en voie de développement qui sont également victimes des conséquences de l’évasion fiscale.
III-1-1 : Présentation du pojet BEPS et de ses objectifs
Le projet a pour objectif de permettre une adaptation des règles qui sont appliquées en matière de fiscalité. Ainsi, l’harmonisation des lois se présente comme une priorité dans le cadre du BEPS. Les finalités du dispositif seront alors les suivantes (Hail, 2016)[33] :
- Combler les failles relatives à l’évasion fiscale des entreprises multinationales.
- Identifier les règlementations existantes qui permettent à ces firmes de dissocier la localisation de leurs activités du territoire dans lequel leurs revenus sont attribués.
- Lutter contre les diverses pratiques déloyales qui ne correspondent pas à la réalité économique de leurs activités.
Figure 14 : Dimensions prises en compte par le BEPS (Hail, 2016)
Le schéma (cf. figure 14) représente les domaines sur lesquels le BEPS se focalisera. Ces dimensions ont été prises en compte dans le cadre du projet BEPS étant donné l’ampleur de l’impact de l’évasion fiscale sur les parties concernées, qui sont catégorisées par l’OCDE en 3, comme le tableau ci-après les distingue.
Parties concernées par l’évasion fiscale | Parts d’implication |
Les pouvoirs publics | · Victimes d’une perte de rentrées d’argent
· Victimes d’une hausse des dépenses utilisées pour le respect et l’application des règles |
Les contribuables | · Lésés du fait de devoir assumer une part importante des recettes fiscales « détournées » par les entreprises multinationales
· Victimes d’amoindrissement du pouvoir d’achat |
Les entreprises | · Victimes d’une perte de réputation due à leur faible imposition[34]
· Victimes d’une concurrence déloyale du fait de ne pas pouvoir adopter les pratiques d’évasion fiscale pour bénéficier d’un transfert de bénéfices dans un paradis fiscal |
Graphique 15 : Parties concernées par l’évasion fiscale selon l’OCDE (OCDE, 2013)[35]
Compte tenu de la situation critique de ces différentes parties face à l’évasion fiscale des entreprises multinationales, les États ont instauré le projet BEPS qui a vu le jour en septembre 2013 lors de la réunion des chefs d’États membres du G20. Ce projet rallie alors les membres du G20 et l’OCDE, et la première étape consistait pour chaque pays de réaliser un diagnostic fiscal qui est effectué en deux étapes :
- L’étude de la législation fiscale sur le plan national.
- L’identification des mesures pouvant contribuer ou inciter à l’évasion fiscale.
Dans le cadre de la mise en place du projet BEPS, les objectifs poursuivis sont illustrés dans le tableau suivant.
Objectifs | Détails |
La prise en compte de l’évolution de l’économie | · Suivre l’évolution de l’économie afin d’identifier les failles ayant permis aux entreprises multinationales de transférer une part de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux |
La création de règles fiscales résultant d’un consensus international | · Afin de pouvoir donner une légitimité au projet BEPS et de le concrétiser |
La fourniture aux contribuables d’une visibilité et certitude accrue en matière de fiscalité | · Éviter les risques de non-imposition des bénéfices sans pénaliser les échanges internationaux pour les entreprises |
Graphique 16 : Objectifs définis dans le cadre du projet BEPS (OCDE, 2013)
III-1-2 : L’organisation du projet BEPS
En matière d’organisation, le pilotage du projet BEPS est assuré par le Comité des Affaires Fiscales (CFA) de l’OCDE. Les acteurs qui sont concernés par le projet sont notamment (OCDE, 2013) :
- Les pays membres de l’OCDE.
- Les pays membres du G20.
- Les pays en voie de développement.
- Des entreprises et quelques membres de la société civile.
La démarche d’élaboration du projet BEPS est schématisée comme suit.
Graphique 17 : Démarche d’élaboration du projet BEPS (OCDE, 2013)
Les groupes de travail techniques comprennent les experts des pays membres de l’OCDE et du G20. Les mesures du projet sont alors élaborées par ces derniers, puis étudiées et concertées avec tous les membres concernés, notamment les États membres de l’OCDE, du G20, ainsi que les pays en voie de développement, les membres de la société civile et des entreprises. C’est à l’issue de cette concertation que les mesures sont adoptées. Ainsi, le plan d’action du projet a été publié en 2014.
- La collaboration avec les pays en voie de développement
Les pays en voie de développement ont également eu l’opportunité de participer au projet BEPS. De plus, leur présence fait l’objet d’une légitimité, étant donné que l’évasion fiscale des multinationales a un impact considérable sur ces derniers. Dans le cadre du projet, ces pays ont contribué à l’étude de la mise en pratique du BEPS, à travers trois catégories d’action, tel que le tableau suivant le détaille.
Collaboration | Description |
Membres du comité des affaires fiscales | · Concernés dès le début du projet
· Répartis en groupes suivant leur location et leur revenu par habitant · Participent aux réunions du comité des affaires fiscales : élaboration de mesures permettant de lutter contre l’évasion fiscale |
Représentants de leurs zones respectives | · Répartis suivant la situation géographique et linguistique
· Zones représentées : États francophones, Europe de l’est, Moyen-Orient, Amérique latine, Caraïbes, Afrique, Asie |
Contribution à l’élaboration d’outils destinés à lutter contre l’évasion fiscale | · Mise en place de plateformes supplémentaires destinées à améliorer le processus administratif de chaque État concerné par le projet |
Graphique 18 : Collaboration avec les pays en voie de développement dans le cadre du projet BEPS (OCDE, 2013)
Il convient de préciser que le comité des affaires fiscales représente l’organe qui assure la prise de décisions dans le cadre du projet BEPS. En ce qui concerne les plateformes supplémentaires qui permettent d’améliorer les procédures administratives en vue de contrer l’évasion fiscale, elles sont réalisées sous la surveillance des Nations Unies, du FMI, et de la Banque Mondiale.
- La collaboration avec la société civile et les entreprises
Comme le projet BEPS vise à faire contribuer tous les acteurs concernés par le phénomène d’évasion fiscale, les représentants de la société civile et des entreprises sont pareillement incités à collaborer avec les membres du projet. Ils ont alors la possibilité d’émettre leurs opinions et d’avancer leur point de vue lors de l’élaboration du plan d’action, d’autant plus qu’ils sont considérés comme les premiers concernés.
La relation entre les membres du projet et les représentants de la société civile et des entreprises est assurée par deux organes distincts de l’OCDE :
- Le comité consultatif économique et industriel ou BIAC.
- La commission syndicale consultative ou TUAC.
- Le plan d’action dans le cadre du projet BEPS
Il convient de rappeler que le projet BEPS a été mis en place face aux failles constatées en matière de fiscalité, compte tenu de l’interaction entre les règles fiscales sur le plan national et international, ce qui a entrainé pour certaines firmes multinationales la pratique de l’évasion fiscale. La priorité pour le projet est alors d’éviter que ces entreprises séparent de manière artificielle le bénéfice imposable et les activités dont ils sont les sources (OCDE, 2013).
Ainsi, le plan d’action élaboré permettrait de lutter contre cette pratique à travers :
- L’octroi à chaque pays des outils nécessaires à la remise en phase des droits d’imposition suivant l’activité économique.
- La définition des mesures permettant de traiter le problème lié à l’évasion fiscale.
- La détermination des délais d’application de ces mesures.
- La détermination des ressources nécessaires pour leur mise en œuvre.
- La détermination de la méthodologie à appliquer.
Le plan d’action comporte 15 actions déterminées qui répondent à ces critères susmentionnés et qui visent à atteindre les objectifs fixés par le projet BEPS.
Action 1 : Relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique
La première action se porte sur l’économie numérique. Elle vise à faire en sorte que les règles fiscales existantes sur le plan international considèrent les paramètres et les difficultés relatives à l’économie numérique. Ainsi, des solutions pourront être prises tant au niveau de la fiscalité directe qu’indirecte. En effet, l’économie numérique présente diverses particularités qui sont parfois incompréhensibles par les administrations fiscales, et qui peuvent encourager la pratique de l’évasion fiscale, tel que le démontre le cas de GAFA et Microsoft en France (cf. graphique 10).
Action 2 : Neutraliser les effets des dispositifs hybrides
Les montages hybrides accordent aux entreprises la possibilité de bénéficier une double déduction, une double non-taxation, ou encore un report à long terme. Cette action a ainsi pour objectif de à neutraliser les effets de ces dispositifs à travers la conception de règles nationales au niveau des pays.
Action 3 : Concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées (SEC)
Le but est de pouvoir renforcer les règles fiscales des SEC. En effet, ces dernières présentent la particularité de pouvoir créer des filiales non résidentes vers lesquelles elles transfèrent leurs bénéfices. Ce qui défavorise les États de la source de ces bénéfices.
Action 4 : Limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et d’autres frais financiers
Il existe d’autres pratiques qui permettent aux entreprises de bénéficier d’une double non-imposition, notamment les paiements accordant des déductibilités excessives en termes de frais financiers et d’intérêts. L’action 4 vise alors à l’élaboration de règles empêchant l’érosion de la base fiscale à travers ces pratiques.
Action 5 : Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance
Cette cinquième action favorise la transparence à travers le développement des échanges spontanés mais également obligatoires concernant les décisions liées à des régimes préférentiels adoptés par les entreprises et les administrations fiscales.
Action 6 : Empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales lorsque les circonstances ne s’y prêtent pas
Les conventions fiscales sont établies dans le but d’accorder certains avantages aux parties concernées. Or, il a été constaté que leur application n’est pas toujours adaptée aux circonstances, ce qui peut défavoriser d’autres pays et d’autres parties. Ainsi, l’action 7 propose une révision des règles nationales afin que les avantages prévus dans le cadre des conventions fiscales ne soient accordés que dans des cas justifiés.
Action 7 : Empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable
Certaines firmes multinationales contournent la notion d’établissement stable afin de pouvoir mettre en place des stratégies d’évasion fiscale. C’est la raison pour laquelle l’action 7 préconise la révision de la définition de cette expression afin d’éviter ce genre de situation.
Actions 8 à 10 : Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur
Comme il a été précisé dans les parties précédentes, la vérification du respect des règles en matière de détermination des prix de transfert présente des difficultés compte tenu de l’absence de standard au niveau du modèle économique des entreprises. Ces actions visent ainsi à mettre en place des dispositifs permettant de s’assurer que les règles encadrant les prix de transfert imposent des calculs destinés à refléter de manière réelle les bénéfices issus des activités réalisées.
Action 11 : Mesure et mise en œuvre du BEPS
Cette action consiste à mettre au point des méthodes destinées à collecter et analyser les données et les informations relatives à l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Dans ce contexte, les mesures permettant de remédier à une telle situation sont également déterminées.
Action 12 : Règles de communication obligatoire d’informations
Face au développement des mesures et des règlementations fiscales, les stratégies fiscales des entreprises multinationales se sont multipliées en devenant encore plus complexes, voire même agressives. Afin de suivre et de contrôler ces pratiques, il est indispensable de disposer de toutes les informations y afférentes. Or, sans outils adéquats, cette démarche devient difficile voire impossible.
Par conséquent, l’action 12 du projet BEPS vise à rendre obligatoire l’information sur les transactions et les structures considérées comme abusives. Grâce à cela, il est possible de mieux identifier ces pratiques et les contrôler par la suite.
Action 13 : Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays
L’administration est confrontée à l’irrégularité des informations. Or, le fait de disposer de ces informations permet aux autorités de connaitre en détail les transactions intragroupes réalisées, mais également de faire respecter la règlementation en vigueur en matière de fiscalité. C’est dans cette optique que l’action 13 cherche l’uniformisation des documents relatifs aux prix de transfert et aux déclarations d’impôt versé par pays.
Action 14 : Accroitre l’efficacité des mécanismes de règlement des différends
Il est important de disposer d’une certitude et d’une meilleure compréhension des règles nationales en vigueur en matière de fiscalité, et ce, dans le cadre des relations internationales. Par conséquent, il est indispensable de mettre en place des mesures permettant de surmonter les obstacles empêchant de régler les différends en matière d’interprétation de ces règles et conventions. Pour ce faire, le recours à la procédure amiable est privilégié.
Article 15 : Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS
Pour assurer la réussite du projet BEPS, l’article 15 prévoit sa réalisation dans un cadre multilatéral. D’où la nécessité d’élaborer un instrument multilatéral.
III-2 : Le reporting pays par pays
Le reporting pays par pays représente une mesure définie dans le cadre de l’action 13 du projet BEPS. Ce dispositif est destiné à assurer un meilleur contrôle des prix de transfert. Dans le but de lutter contre l’évasion fiscale des firmes multinationales, la loi de finances pour 2016 prévoit dans son article 21 l’obligation pour les groupes qui réalisent un chiffre d’affaires consolidé excédant 750 millions d’euros de transmettre à l’administration fiscale un reporting pays par pays (Barbière, 2017)[36].
Par conséquent, les entreprises multinationales concernées sont tenues de présenter des agrégats définis suivant une répartition par pays tel que le définit l’article 223 quinquies du CGI présenté ci-dessous :
« I.-1. Une déclaration comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation des entités les constituants, dont le contenu est fixé par décret, est souscrite sous forme dématérialisée, dans les douze mois suivant la clôture de l’exercice, par les personnes morales établies en France qui répondent aux critères suivants : (a) Établir des comptes consolidés ; (b) Détenir ou contrôler, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y disposer de succursales ; (c) Réaliser un chiffre d’affaires annuel, hors taxe, consolidé supérieur ou égal à 750 millions d’euros ; (d) Ne pas être détenues par une ou des entités juridiques situées en France et tenues au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d’une déclaration similaire en application d’une règlementation étrangère. »
Concernant la liste des agrégats à présenter, c’est le décret n° 2016-1288 du 29 septembre 2016 qui les détermine :
- Le chiffre d’affaires résultant des transactions intragroupes, et avec des parties prenantes.
- Le chiffre d’affaires total.
- Le bénéfice (ou la perte) avant impôt sur les bénéfices.
- Les impôts sur les bénéfices acquittés, et sur les bénéfices dus.
- Le nombre de collaborateurs[37].
- Les actifs corporels hors trésorerie et équivalents de trésorerie.
Grâce à ces informations, l’administration fiscale aura la possibilité de vérifier que :
- Les entreprises multinationales ne pratiquent pas de prix de transfert abusifs.
- Les prix de transfert correspondent bien à la valeur ajoutée engendrée par la transaction réalisée et facturée.
III-3 : L’échange automatique d’informations
Dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, les administrations fiscales sont amenées à coopérer, et par conséquent à échanger des informations. C’est dans cette optique qu’est né l’échange automatique d’informations. Ce dernier vise pour un pays donné à communiquer de manière systématique et périodique les informations relatives aux revenus des contribuables[38], y compris ceux des entreprises multinationales (Le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics, 2015)[39].
Il convient de préciser que c’est le pays source de revenu qui fournit ces informations au pays de résidence du contribuable. Il s’agit d’une mesure qui a été validée par les ministres des finances des pays membres du G20. Elle est destinée à accorder aux administrations fiscales la possibilité de lutter contre l’évasion fiscale à travers le contrôle des informations qui leur sont communiquées.
La définition et la mise en place des mesures permettant de lutter contre les pratiques d’évasion fiscale des entreprises multinationales résultent d’une démarche et d’une prise de position par l’OCDE et l’Union Européenne, sujet qui sera abordé dans le quatrième chapitre.
Chapitre IV : Les démarches de l’OCDE et de l’Union Européenne
L’évasion fiscale étant une affaire internationale impliquant de nombreux États, il va sans dire que les organisations internationales jouent un rôle substantiel en matière de régulation et de mise en place de dispositifs destinés à lutter contre une telle pratique. Ce chapitre est ainsi destiné à l’analyse des démarches entreprises par l’OCDE et l’Union Européenne en matière de lutte contre l’évasion fiscale des firmes multinationales.
Dans un premier temps, la démarche de l’OCDE sera présentée. Celle de l’Union Européenne sera abordée par la suite.
L’évasion fiscale des entreprises multinationales porte préjudice à différents gouvernements et administrations fiscales. En effet, les États concernés sont privés de leur capacité de financer les infrastructures. Par conséquent, la situation économique et la vie des citoyens en sont impactés.
C’est ainsi qu’en 2009, la transparence fiscale représente pour l’OCDE une priorité, le sujet étant également évoqué lors des différents sommets du G20[40]. C’est ainsi que l’organisation a mis en place le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales (OCDE, 2011)[41].
- La présentation du Forum mondial
Le tableau ci-après permet de mieux appréhender ce dispositif.
Éléments | Description |
Qui | · Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales
· Composé de 105 juridictions membres, l’Union Européenne, et 9 organisations internationales (en qualité d’observateurs) |
Quoi | · Objet : s’assurer que tous les membres du forum sont soumis aux mêmes normes et règlementations en matière de coopération relative à la fiscalité |
Pourquoi | · Afin d’assurer une bonne administration ainsi que la mise en œuvre des lois fiscales des pays |
Quand | · Restructuré en septembre 2009 à Mexico
· Réunion en septembre 2010 à Singapour · Réunion en mai 2011 aux Bermudes · Réunion en octobre 2011 à Paris · Réunion en octobre 2012 en Afrique du sud |
Comment | · Mise en place d’un processus rigoureux permettant de contrôler le respect des normes et règlementations définies
· Travaux guidés par un Groupe de Direction de 18 membres |
Graphique 19 : Le Forum mondial mis en place par l’OCDE en vue de lutter contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales (OCDE, 2011)
- Les réalisations du Forum mondial
Ainsi, le Forum mondial instauré par l’OCDE a fait l’objet de diverses réalisations depuis sa restructuration en septembre 2009, notamment (OCDE, 2011) :
- La signature de plus de 700 accords en matière d’échange d’informations relatives à la fiscalité des pays membres du Forum.
- Le lancement de 81 examens par les pairs.
- Finalisation et publication de 59 rapports d’examen par les pairs.
- Proposition de 379 recommandations en vue d’améliorer la capacité des juridictions à coopérer en termes de fiscalité.
- Proposition de changements de législation par 32 juridictions afin de s’adapter aux mesures de lutte contre l’évasion fiscale.
- Publication par le G20 de 4 rapports portant sur les progrès effectués en matière de lutte contre l’érosion des bases fiscales des pays.
Graphique 20 : Évolution des accords signés en matière de lutte contre l’évasion fiscale (OCDE, 2011)
Le graphique précédent met en évidence l’évolution des accords signés dans le cadre du Forum mondial depuis sa restructuration jusqu’en 2011. À partir de l’année 2008, le nombre d’accords signés présente une augmentation significative allant de 50 à 509 en octobre 2011.
- Les termes de référence du Forum mondial
Le Forum mondial compte 103 pays membres dont la France, le Royaume-Uni, la Suisse et les États-Unis. En matière de transparence et d’échanges d’informations relatives à la fiscalité, les normes mises en place dans le cadre du Forum mondial visent à (OCDE, 2011) :
- Favoriser l’échange de renseignements permettant aux administrations fiscales de vérifier la bonne application des mesures relatives à la lutte contre l’évasion fiscale des firmes multinationales.
- Les éléments tels que le secret bancaire et l’intérêt fiscal domestique ne représentent aucun obstacle à la réalisation de l’échange.
- Mettre en place des dispositifs permettant d’accéder aux informations demandées dans les délais impartis.
- La réalisation de l’échange dans le respect des droits des contribuables (les entreprises multinationales notamment).
- Le respect du principe de la confidentialité lors de l’échange des informations.
Afin d’assurer le respect de ces exigences, chaque pays membre du Forum mondial est évalué suivant les critères qui sont déterminés dans le tableau ci-dessous.
Critères | Description |
Disponibilité des renseignements | · Les juridictions doivent veiller à ce qu’elles disposent des informations relatives à la situation fiscale de leurs contribuables
· Elles doivent garantir la tenue de registres comptables fiables concernant l’ensemble de leurs contribuables · Les renseignements bancaires de tous les titulaires de comptes doivent également être disponibles |
Accès aux renseignements | · Les autorités compétentes doivent être en mesure d’obtenir et de communiquer les informations demandées dans le cadre de l’échange
· Les droits et protections applicables aux entreprises dans la juridiction requise doivent être compatibles avec un échange effectif de renseignements |
Échange de renseignements | · Les mécanismes d’échange mis en place doivent favoriser l’efficacité de la démarche d’échange d’informations
· Le réseau de mécanismes d’échange de renseignements des juridictions doit couvrir tous les partenaires pertinents · Les mécanismes d’échange mis en place doivent être instaurés de sorte de garantir la confidentialité des renseignements reçus · Les mécanismes d’échange mis en place doivent permettre le respect des droits et protection des contribuables et des tiers · La juridiction doit fournir dans les délais impartis les informations demandées |
Graphique 21 : Les critères d’évaluation des juridictions membres du Forum mondial (OCDE, 2011)
Ainsi, dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale, l’OCDE a choisi d’adopter des normes relatives à l’échange de renseignements sur demande. Ces dernières ont été validées au niveau international par les pays membres, et leur application a nécessité la mise en place de différents instruments bilatéraux, ayant également fait l’objet de divers accords et conventions.
- Les autres mesures adoptées par l’OCDE
Outre la mise en place du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignement à des fins fiscales instauré par l’OCDE, l’organisation est également à l’initiative de divers dispositifs destinés à lutter contre l’évasion fiscale des firmes multinationales, dont principalement le projet BEPS. Ce dernier ayant connu une récemment une amélioration grâce au plan anti-abus défini par l’organisation même.
C’est alors qu’en juin 2016, 70 pays ont signé une convention multilatérale permettant la mise en œuvre du plan anti-abus dans le cadre du projet BEPS (Michel, 2017)[42]. Les pays signataires sont principalement l’Allemagne, la France, ainsi que les grandes puissances économiques. Il convient de souligner que les États concernés par les affaires d’évasion fiscale relatives à l’économie numérique (affaires GAFA et Microsoft) et aux scandales fiscaux importants[43] sont également concernés par cette convention.
La signature de cette convention multilatérale a entrainé pour les signataires la nécessité de procéder à la modification des conventions fiscales bilatérales qui les lient et de les remplacer par la convention multilatérale. Cette dernière, appelée « convention multilatérale sur le BEPS », est basée sur 4 mesures clés qui sont présentées dans le tableau qui suit.
Mesures | Description |
Chalandage fiscal | · Mise hors-jeu des pratiques de chalandage fiscal des entreprises multinationales, lorsqu’il est réalisé dans le but de profiter uniquement de leur réseau de conventions fiscales avantageuses avec des pays tiers |
Établissement stable | · Adoption d’une définition plus pragmatique de cette notion, afin d’identifier les revenus imposables dans un État déterminé |
Dispositifs hybrides | · Protection contre ces dispositifs du fait que leurs produits ne sont imposés nulle part |
Nouvelles conventions fiscales | · Inscription de nouvelles conventions fiscales de procédures de règlement à l’amiable des différends fiscaux relatifs à une double imposition (le cas échéant) |
Graphique 22 : Les mesures relatives à la convention multilatérale sur le BEPS (Michel, 2017)
Les analyses réalisées précédemment mettent en évidence le fait que l’Europe souffre grandement des impacts de l’évasion fiscale des firmes multinationales. C’est dans ce contexte et suite aux effets de la crise de 2007 et 2008 que les différents États se sont lancés dans la lutte contre cette pratique. Il convient toutefois de préciser que les actions entreprises par l’Union Européenne en matière de lutte contre l’évasion fiscale ont débuté bien avant cette période.
- Les étapes entreprises par l’Union Européenne en matière de lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales
La première démarche de l’Union Européenne en termes de lutte contre l’évasion fiscale se porte sur l’année 2003 (Odent, 2017)[44]. Elle est caractérisée par la reprise de la directive sur le secret bancaire, déjà entreprise et abandonnée à deux reprises en 1989 et 1997. Cette directive instaure l’échange d’information entre les administrations fiscales, et ce, suite à une demande effectuée par l’une envers l’autre.
La seconde démarche se réalise en 2008. Dans ce contexte, la Commission Européenne s’intéresse plus particulièrement à la fraude contre la TVA. Ainsi, une mesure a été établie de sorte que ladite taxe soit appliquée sur le lieu de consommation d’un produit ou d’un service. Par la même occasion, l’Eurofisc[45] a été créé pour renforcer le contrôle des administrations fiscales.
Sur les années 2011 et 2012, l’Union Européenne décide de mettre en place une stratégie destinée à la lutte contre l’évasion fiscale sur le continent. Pour ce faire, l’accès aux informations relatives aux flux de capitaux est favorisé. Les principaux flux concernés sont ceux des comptes bancaires offshores. Une directive a alors été définie afin d’améliorer la collaboration entre les administrations fiscales des pays membres.
En 2014-2015, une autre directive a été instaurée : la coopération administrative et l’assistance mutuelle. Cette dernière favorise la transparence en matière de fiscalité à travers la mise en place de 3 mesures (Odent, 2017) :
- L’obligation pour les pays membres de s’échanger des renseignements relatifs à l’activité des entreprises ainsi que le montant d’impôts qu’elles versent.
- L’obligation pour les pays membres d’échanger des informations concernant les rescrits fiscaux[46].
- La création d’un bouclier destiné à lutter contre l’évasion fiscale.
Pour l’année 2016, la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale est entrée en vigueur. Cette dernière exige de la part des banques la fourniture d’un compte rendu annuel de leurs activités, et ce, pour chaque pays dans lequel elles sont présentes. Cette mesure a été déterminée dans le but d’éviter que ces dernières localisent de manière artificielle leurs bénéfices dans des paradis fiscaux.
C’est en 2017 que la directive ACCIS ou Assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés a été définie, même si elle n’est pas encore entrée en vigueur. Son objectif se porte sur la suppression des disparités au niveau des modes de calcul des impôts[47] au sein de l’Union Européenne.
- Le paquet de lutte contre l’évasion fiscale
En 2016, l’Union Européenne a décidé de lancer son « paquet de lutte contre l’évasion fiscale » appelée également « Anti Tax Avoidance Package » (Commission Européenne, 2016)[48]. De manière générale, ce dernier propose la mise en œuvre du projet BEPS défini par l’OCDE de manière harmonisée pour les États membres de l’Union Européenne. Le paquet concerne quatre mesures bien distinctes, comme il est schématisé ci-dessous
Graphique 23 : Les mesures définies dans le cadre du paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale de l’Union Européenne (Commission Européenne, 2016)
La directive sur la lutte contre l’évasion fiscale
Il s’agit d’une directive qui est destinée à lutter contre l’évasion fiscale, principalement des entreprises multinationales, à travers la proposition de 6 mesures anti-abus contraignantes. Ainsi, elle vise à accorder aux pays membres un contexte fiscal juste et équitable. Pour ce faire, la mise en place d’un système de protection contre l’évasion fiscale est envisagée.
La recommandation concernant les conventions fiscales
Il s’agit d’une recommandation à destination des États membres afin que ces derniers disposent de solutions leur permettant de lutter contre le recours aux conventions fiscales de manière abusive. Ces solutions sont établies en conformité avec le droit européen.
La directive révisée sur la coopération administrative
Cette directive révisée s’intéresse à l’instauration des échanges en matière de déclarations pays par pays qui sont réalisés par les pays membres de l’Union Européenne. Ces échanges se portent prioritairement sur les données fiscales importantes des firmes multinationales qui exercent une activité au niveau de l’Union Européenne.
La communication sur la stratégie extérieure
L’Union Européenne communique sur la stratégie extérieure qui est améliorée. En effet, cette dernière a été travaillée afin d’être plus en adéquation avec la règlementation fiscale des pays membres, et ce, dans le but également d’assurer une meilleure gouvernance en matière de fiscalité. Cette stratégie est réalisée suivant trois étapes, comme il est présenté ci-après.
Graphique 14 : La communication sur la stratégie extérieure de l’Union Européenne (Commission Européenne, 2016)
Si telles sont les démarches adoptées par l’OCDE et l’Union Européenne en matière de lutte contre l’évasion fiscale, il convient d’analyser la possibilité de mise en place de nouvelles mesures. Cette analyse sera exposée dans le dernier chapitre du présent travail.
Chapitre V : Les nouvelles mesures
Ce cinquième chapitre est consacré la présentation des nouvelles mesures destinées à lutter contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales. En effet, il a été constaté que malgré les efforts entrepris par les différents acteurs nationaux et internationaux pour lutter contre cette pratique agressive, il se présente encore comme indispensable d’imaginer d’autres solutions, pour les raisons suivantes :
- Le contexte évolue incitant les entreprises à revoir et redéfinir leur business model de manière continue.
- Les entreprises multinationales sont en constante recherche de moyen leur permettant d’optimiser leur situation fiscale.
- Les paradis fiscaux existent toujours.
V-1 : Analyse des mesures déjà prises
Afin de pouvoir avancer de nouvelles mesures destinées à lutter contre l’évasion fiscale des grands groupes, il est nécessaire d’analyser les mesures qui ont déjà été prises. Dans ce contexte, leurs limites seront présentées dans cette section.
- Synthèse des mesures prises en matière de lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales
Le graphique suivant permet d’identifier les différentes mesures en matière de lutte contre l’évasion fiscale.
Graphique 25 : Synthèse des mesures déjà prises en matière de lutte contre l’évasion fiscale (L’auteure)
Ainsi, trois catégories de mesures de lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales sont identifiées :
- Les mesures qui sont prises de manière globale tant au niveau de l’OCDE, que de l’Union Européenne et les autres pays.
- Les mesures prises au niveau de l’OCDE.
- Les mesures prises au niveau de la Commission Européenne.
- Les limites des mesures déjà prises en matière de lutte contre l’évasion fiscale des firmes multinationales
Concernant les mesures globales en matière de lutte contre l’évasion fiscale des grands groupes, il est principalement constaté qu’elles couvrent la majorité des pays dans le monde qui sont amenés à accueillir des entreprises multinationales, ou desquels ces dernières sont issues. En effet, même les pays en voie de développement sont concernés par ces dispositifs et solutions. Par conséquent, il peut être affirmé qu’elles ont été mises en place en prenant en considération le contexte international.
Toutefois, le fait de s’intéresser à l’aspect international de la fiscalité peut rendre difficile, voire impossible de s’assurer que chaque pays est en mesure de respecter les dispositions définies. De plus, il n’est pas garanti que les administrations fiscales qui tirent profit de l’évasion fiscale soient réellement dévouées à adhérer les stratégies de lutte mises en place, la vérification totale étant encore complexe.
Le tableau ci-après permet ainsi d’étudier les avantages et les limites des mesures déjà existantes en matière de lutte contre l’évasion fiscale.
Mesures | Limites |
Projet BEPS | · Absence de proposition de nouveaux instruments ou méthodes d’évaluation de l’ampleur de l’évasion fiscale
· En défaveur des petites structures qui ne disposent même pas d’outils de planification fiscale · Les mesures étatiques risquent d’entrainer des effets contraires à ceux escomptés : délocalisation des substances économiques vers des régions fiscales plus attrayantes · Incitation des entreprises multinationales à déplacer leur siège · Pour les pays à fiscalité élevée, risque de baisse de recette fiscale · Alourdissement des charges administratives mobilisées dans le cadre du projet · Pratique opposée au principe de l’OCDE relatif à la promotion du commerce international et des investissements directs transfrontaliers |
Reporting pays par pays | · Les entreprises concernées ne représentent qu’environ 10% à 15% des entreprises multinationales, compte tenu du seuil de 750 millions d’euros
· Existence d’incertitudes en matière d’application de la règle pour les fonds d’investissement privés[49] · Dispositif destiné à l’évaluation des risques, ne pouvant pas représenter un seul argumentaire pour ajuster les prix de transfert[50] · Non accès par le public au reporting pays par pays · Coût élevé pour les entreprises concernées · Absence d’assurance sur l’intégrité des administrations fiscales |
Échange automatique d’informations | · Augmentation des coûts des entreprises concernées
· Nécessité pour les banques d’assurer une documentation sur le domicile fiscal de leurs clients · Compétitivité des banques menacées · Augmentation du coût de l’investissement technologique · Développement de la concurrence entre pays · Nécessité pour tous les pays du monde de disposer d’un même outil |
Graphique 26 : Les limites des mesures existantes en matière de lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales (L’auteure)
Des limites sont alors constatées au niveau des mesures prises dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale. Par conséquent, il est nécessaire d’analyser leurs impacts sur l’équité inter nation, ainsi que sur la croissance économique mondiale.
V-2 : Analyse des impacts de ces mesures sur l’équité inter nation et sur la croissance économique mondiale
Conscients de l’ampleur des préjudices provoqués par l’évasion fiscale des entreprises multinationales, nombreux États et organisations internationales ont mis en place différentes mesures destinées à lutter contre cette pratique. Entre 2009 et 2011, il a été constaté que ces acteurs se sont focalisés sur la favorisation de l’échange d’informations.
Or, les dispositions définies relatives à cette mesure représentent une problématique pour certains pays, notamment ceux en voie de développement, compte tenu du fait qu’ils ne disposent pas forcément des moyens adaptés pour respecter ces règles, ces dernières nécessitant d’importants investissements financiers notamment en ce qui concerne l’appropriation de la technologie adaptée.
À partir de l’année 2012, les membres du G20 ont réalisé la nécessité, dans le cadre de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale des firmes multinationales, de trouver un moyen d’éviter l’érosion des assiettes fiscales ainsi que des transferts de bénéfices. Dans ce contexte, il a été constaté que les règles existantes en matière fiscale ne sont plus adaptées aux grands groupes du fait que ces derniers recourent à des stratégies fiscales et des pratiques de plus en plus agressives et complexes.
Par la même occasion, les dispositifs prévus dans le but d’empêcher une double imposition ont été transformés en de véritables instruments de « double non-imposition ». De plus, les règles fiscales prévues ont incité les entreprises multinationales à les contourner.
Sur le plan international, les pratiques de ces groupes ont entrainé une concurrence fiscale qualifiée de déloyale. À cette situation s’ajoutent l’inefficience de l’allocation des ressources et les inégalités en matière d’impôt.
C’est à partir de ces constats que l’Union Européenne et l’OCDE ont décidé de mettre en œuvre les mesures destinées à lutter de manière efficace contre l’évasion fiscale des firmes multinationales. Mais ces dispositifs ont-ils réellement permis d’obtenir les résultats escomptés ?
- Les impacts du projet BEPS
Dans la mesure où les normes et conventions fiscales élaborées dans le cadre du projet BEPS sont adoptées, il est admis que des changements auront lieu en matière de limitation des pratiques agressives des entreprises multinationales dans certains pays, ce qui représente d’ailleurs le résultat attendu par les différents acteurs impliqués. Toutefois, d’un point de vue plus détaillé, la mise en œuvre du projet par les États présente des répercussions non négligeables, et ce, à différents niveaux.
Ces impacts sont principalement constatés au niveau du commerce transfrontalier et des investissements sur le plan mondial. En effet, les différends liés à la fiscalité internationale risquent d’augmenter, et la hausse des coûts relatifs à la conformité peut devenir inestimable. Ce qui place les États dans une situation d’instabilité financière et fiscale. Par conséquent, la productivité des pays peut pareillement être menacée.
De plus, l’interprétation des actions prévues dans le cadre du projet BEPS est susceptible de varier d’un État à l’autre, compte tenu de leur ambigüité. Les pays auront alors tendance à les interpréter et les formuler de sorte à assurer en premier lieu que leurs intérêts soient servis.
Par ailleurs, le dispositif BEP distinguera deux catégories de pays :
- D’un côté les pays à qui profiteront le projet : ils auront la possibilité d’augmenter leurs recettes fiscales.
- D’un autre côté les pays qui vont voir leur situation fiscale et financière se dégrader suite à l’adoption de la mesure.
Les entreprises sont également concernées par les impacts du projet BEPS, et plus précisément par les impacts de son adoption. En 2016, une enquête réalisée auprès de ces dernières a permis de constater que les sociétés se voient déjà payer plus d’impôts à partir de l’adoption du dispositif par les pays (Fenasse, 2016)[51].
Le graphique ci-dessous permet d’appréhender les résultats de cette enquête, et par conséquent, l’impact de la mesure sur le marché intermédiaire.
Graphique 27 : Impacts du projet BEPS sur le marché intermédiaire (Fenasse, 2016)
Il convient de préciser que l’enquête réalisée se porte sur les entreprises de taille intermédiaire. Ainsi, une grande majorité de ces entités (72%) considèrent qu’elles seront amenées à payer plus d’impôts. En matière de charge fiscale, elles s’attendent également à une certaine augmentation (41,20%). De plus, 31% des sociétés étudiées estiment que le seuil prévu en matière de charge fiscale sera même dépassé.
Il est alors indispensable pour ces entreprises de déterminer le moyen leur permettant d’absorber ces coûts supplémentaires entrainés par le dispositif BEPS. Dans ce contexte, les plans d’action se répartissent comme le suivant :
- La plupart des entreprises ont l’intention d’assurer elles-mêmes l’absorption de ces coûts (53% des entreprises étudiées).
- Certaines d’entre elles vont agir sur les prix des produits et prestations qu’elles offrent, afin de faire endosser ces coûts à leurs clients (35% des entreprises étudiées).
- D’autres entreprises recourent également à leurs actionnaires pour assurer l’absorption de ces coûts supplémentaires (30%).
Concernant la préparation de ces entreprises à l’adoption des dispositions relatives au projet BEPS, presque le quart des entreprises (20%) considèrent qu’elles sont déjà en conformité avec les exigences, tandis que 18% ont mis en place un processus de panification de la mise en conformité.
Il se présente toutefois comme opportun de souligner que de manière générale, ces entreprises sont favorables au projet BEPS (cas de 69% des sociétés ayant fait l’objet de l’étude).
- Les impacts du reporting pays par pays
L’objectif du dispositif reporting pays par pays est de permettre aux administrations fiscales de pouvoir contrôler les mouvements et transactions des entreprises multinationales qui se trouvent sous leur juridiction, et ce, afin de s’assurer que celles-ci ne pratiquent aucune stratégie d’évasion fiscale. Or, cette autorité accordée reste encore assez minime, compte tenu du fait que cette mesure ne se porte que sur 10% à 15% des grands groupes.
Les administrations fiscales ressentent alors une autorité partielle, car elles n’ont pas la possibilité de contrôler les autres firmes qui peuvent être susceptibles de recourir à l’évasion fiscale, du fait qu’elles n’entrent pas dans le champ d’action du dispositif.
De plus, une des problématiques soulevées en matière de transparence fiscale est l’impossibilité pour le public d’avoir accès à ces reporting pays par pays fournis par les entreprises multinationales. Dans de telles circonstances, la bonne volonté des administrations fiscales à réellement contrôler et éventuellement sanctionner les pratiques agressives des entreprises multinationales est remise en cause, car aucun élément ne permet réellement de prouver que ces groupes sont contrôlés. Il n’existe alors pas d’assurance sur l’intégrité des administrations fiscales.
- Les impacts de l’échange automatique d’informations
Une fois encore, le dispositif d’échange automatique d’informations met les États concernés en situation de concurrence et d’inégalité. Cette situation peut notamment s’observer à différents niveaux.
D’abord, au niveau même des informations à échanger, chaque administration fiscale est libre de demander les renseignements qu’elle souhaite obtenir afin de comprendre la situation d’une transaction et d’une entreprise donnée. Il existe alors une certaine absence d’égalité, car les informations échangées entre deux juridictions peuvent ne pas être les mêmes. D’autres pays se sentiront alors lésés par rapport à d’autres du fait qu’il est exigé de leur part un volume important d’informations nécessitant à la fois un certain temps de traitement et un traitement spécifique.
Ensuite, outre les différences en matière de niveau d’informations, la capacité des pays n’est pas non plus la même. Afin de pouvoir fournir les renseignements exigés dans les délais impartis, l’État concerné doit mettre en œuvre des moyens de traitement adaptés. Si certains, de par leur forte capacité financière, sont en mesure d’agir avec réactivité et de manière rapide, d’autres se voient confrontés à des difficultés d’ordre financier, temporel et technologique.
Ainsi, les mesures relatives à la lutte contre l’évasion fiscale des firmes multinationales ont été définies de sorte d’éviter pour ces entreprises l’adoption de pratiques fiscales pouvant léser certaines administrations fiscales en faveur d’autres. Dans ce contexte, l’équité et la justice sont les principaux points d’attention.
Pourtant, ce sont ces mesures même qui sont en train de creuser l’écart entre les États. Elles favorisent la situation de concurrence de ces derniers. Elles les contraignent à adapter leur situation financière et économique aux règles imposées, sachant que toutes les parties concernées doivent s’y soumettre alors que les moyens et les capacités sont différents.
Face à une telle situation, il se présente comme indispensable de rechercher d’autres mesures permettant de lutter efficacement contre le phénomène d’évasion fiscale sans pour autant favoriser les concours et les courses entre les pays concernés.
Dans la dernière section du présent travail, de nouvelles mesures seront proposées afin de répondre à une telle problématique.
V-3 : Vers de nouvelles mesures
Cette dernière section propose de nouvelles mesures destinées à lutter contre l’évasion fiscale des multinationales. Il convient de préciser que ces recommandations ont été formulées en se basant sur :
- La situation actuelle des États en matière de fiscalité.
- Le contexte dans lequel les entreprises multinationales opèrent.
- Les limites identifiées au niveau des dispositifs de lutte déjà mis en place par les États et les organisations internationales.
- Recommandations générales
La recommandation générale concerne la démarche à entreprendre lors de l’élaboration d’un projet ou d’une action destinée à la lutte contre l’évasion fiscale des firmes multinationales. En effet, il a été constaté que lors de la mise en place des mesures de lutte, les organisations internationales (l’OCDE et l’Union Européenne) se sont principalement focalisées sur les conséquences désastreuses de l’évasion fiscale et ont voulu résoudre rapidement le problème, et ce, de manière plutôt oppressive.
Force est de constater que les résultats obtenus ne sont pas forcément en accord avec ceux attendus. Si l’objectif était de réduire les pratiques abusives des entreprises multinationales en matière d’optimisation fiscale et d’évasion fiscale afin d’améliorer les recettes fiscales des pays lésés, ces derniers risquent au contraire de voir leurs recettes fiscales diminuer pour les raisons suivantes :
- Ces pays sont amenés à renforcer leur règlementation fiscale.
- Ils sont obligés de mettre en place des dispositifs plus performants afin d’identifier les pratiques abusives et anormales des entreprises multinationales, par conséquent, ils doivent mobiliser une somme importante pour atteindre ces objectifs.
La baisse de leurs recettes fiscales résulte alors du simple fait qu’à l’issue de l’adoption de ces mesures de lutte contre l’évasion fiscale, ces pays ne sont plus considérés comme intéressants et attrayants pour les firmes multinationales. Ce qui n’est pourtant pas l’objectif visé dans le cadre de la définition et la mise en place de ces dispositifs de lutte.
De ce fait, la première recommandation se porte sur la nécessité pour les organisations internationales et les États de réaliser de manière préalable un diagnostic avant d’élaborer un projet de lutte. Pour ce faire, il convient de :
- Effectuer une analyse économique minutieuse en se penchant sur le cas de chaque État concerné par le projet. Dans ce contexte, il est préconisé d’analyser pour chaque pays les coûts engendrés par le projet, sachant que tous les pays n’ont pas la même capacité financière.
- Analyser, pour chaque mesure, les avantages et les inconvénients pour toutes les parties concernées, afin d’éviter d’agir de façon partiale.
- Éviter de mettre la pression pour faire avancer le projet.
- Recommandations relatives aux problèmes d’inégalités au niveau des États
Nombreux sont les États concernés par l’évasion fiscale. Toutefois, il est important de tenir compte du fait que tous ces pays n’ont pas les mêmes situations et règlementation fiscale. Il est clair que les mesures de lutte contre l’évasion fiscale sont établies dans une optique de standard international, mais dans ce contexte, elles améliorent la situation de certains pays tout en portant préjudice à celle des autres.
Ainsi, il se présente comme indispensable d’adapter les mesures définies à la situation de chaque pays, en procédant de la manière suivante.
Graphique 28 : Démarche permettant de prendre en compte la disparité des pays concernés par les mesures de lutte contre l’évasion fiscale (L’auteure)
Grâce à cette démarche, il est possible de :
- Faire comprendre aux pays l’objectif à atteindre en matière de lutte contre l’évasion fiscale.
- Responsabiliser chaque État en lui accordant une marge de manœuvre dans la mise en place du moyen permettant d’atteindre l’objectif défini : il le réalise suivant ses propres moyens.
- Accorder aux pays une certaine liberté sur le plan fiscal et règlementaire tout en respectant une ligne directrice, cette dernière les empêchant de procéder à des pratiques allant à l’encontre des règles internationales et en défaveur des autres pays.
- Prendre conscience de la multiplicité des pratiques possibles en matière de lutte contre l’évasion fiscale, les moyens étant différents d’un pays à l’autre.
Cependant, la vigilance se situe au niveau de l’évaluation et du contrôle, car il est indispensable de s’assurer que :
- Les mesures prises par un pays sont vraiment définies dans le but d’atteindre l’objectif fixé.
- Ces mesures ne sont pas contraires aux règles des transactions internationales et ne sont pas susceptibles de léser d’autres parties.
- Ces mesures sont bien appliquées et respectées dans le but d’atteindre l’objectif fixé.
Cette démarche se présente comme complexe, cependant, elle permet de garantir que tous les pays atteignent l’objectif défini sans se tenir contraints ni lésés.
- Recommandations en matière de détermination et de contrôle des prix de transfert
Le contrôle des prix de transfert étant l’une des principales problématiques relatives à l’évasion fiscale des entreprises multinationales, il est considéré comme opportun d’avancer une proposition destinée à améliorer leur contrôle. Dans ce contexte, contrairement à la situation de disparité des pays, il est nécessaire de déterminer une pratique standardisée sur son mode de calcul. Pour ce faire, la démarche suivante est préconisée.
Graphique 29 : Méthode de détermination des prix de transfert dans un contexte de standardisation des pratiques (L’auteure)
Analyse des business model des entreprises multinationales
L’analyse des business model possibles et existants permet de mieux appréhender les pratiques des firmes multinationales en matière de détermination des prix de transfert. À partir de cette analyse, il est possible d’identifier les paramètres qui sont pris en compte lors des calculs.
Détermination d’indicateurs standard à prendre en compte
À partir des paramètres et indicateurs identifiés, la prochaine étape consiste à identifier les indicateurs les plus pertinents et qui sont pris en compte par toutes les entreprises lors de la définition des prix de transfert.
Définition d’une méthode de calcul standard
Grâce à ces indicateurs identifiés, il est désormais possible de définir une méthode de calcul des prix de transfert. Toutefois, afin de garantir un mode de calcul équitable, un coefficient multiplicateur sera défini en fonction de la complexité du business model de l’entreprise. Il sera appliqué une fois le calcul du prix de transfert effectué, pour ne pas pénaliser les groupes qui réalisent des activités complexes.
En guise de conclusion, un grand pas a déjà été réalisé en matière de lutte contre l’évasion fiscale. En effet, depuis l’apparition des incidents et scandales relatifs à l’optimisation fiscale agressive de certaines entreprises multinationales, les États et les organisations internationales n’ont cessé d’élaborer des actions destinées à lutter contre ces pratiques.
Il va sans dire que ces dernières ont porté leurs fruits, car :
- Le montant de l’évasion fiscale dans le monde a connu une réduction.
- Une grande partie des pratiques abusives des firmes multinationales a été dévoilée au grand jour.
- La plupart des pays sont armés d’instruments destinés à contrôler les pratiques fiscales des entreprises.
Cependant, des failles sont encore relevées dans le cadre de l’application de ces mesures. Dans un premier temps, ces dernières impliquent pour les États et les entreprises concernés l’obligation de mobiliser une somme importante pour la mise en conformité de leur situation aux nouvelles règles et normes définies. Cette situation fait également qu’ils ne sont plus capables de financer d’autres postes et activités destinés à améliorer leur situation et celle de leurs citoyens.
Dans un second temps, les mesures prises sont principalement orientées vers le renforcement et le resserrement des règles fiscales de chaque État. Par conséquent, les puissances économiques telles que les entreprises multinationales ne sont plus intéressées par ces pays, et préfèrent s’installer vers les pays qui leur sont favorables, quitte à déplacer leur siège social.
Ainsi, la détermination d’un projet de lutte contre l’évasion fiscale des firmes multinationales passe principalement par un diagnostic préalable de la situation économique et fiscale de chaque État, puis des États dans leur ensemble. Ensuite, il est nécessaire de considérer la diversité et la disparité des pays, afin de prendre connaissance de leur capacité réelle à atteindre les objectifs et les exigences attendus. La standardisation de la méthode de détermination des prix de transfert, bien qu’étant complexe, est également à envisager.
La définition d’une mesure de lutte contre l’évasion fiscale requiert alors une phase de préparation assez longue avant de valider sa mise en œuvre. Mais comment réduire les délais de cette phase ?
Les ouvrages
- CAPDEVILLE Jérôme Lasserre, TRESCHER Bruno, CUTAJAR-RIVIERE Chantal, et MARCHESSOU Philippe, La Fraude et l’évasion fiscale : État des lieux et moyens de lutte, Joly, 2015, 214 pages.
- CARASCO Pierre-Yves, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale, L’Harmattan, 2017, 144 pages.
- CARROUÉ Laurent, Géographie de la mondialisation, Armand Colin, 2002, 254 pages.
- DAVID Eric, LEFEVRE Gabriel et ZIEGLER Jean, Juger les multinationales : Droits humains bafoués, ressources naturelles pillées, impunité organisée, Mardaga, 2015, 192 pages.
- HAIL Joy, Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) : Are You Ready ?, CCH, 2016, 290 pages.
- PESTRE Florent, La responsabilité sociale des entreprises multinationales, L’Harmattan, 2013, 374 pages.
- VERNIER Eric et LEBEGUE Daniel, Fraude fiscale et paradis fiscaux : Décrypter les pratiques pour mieux les combattre, Dunod, 2014, 192 pages.
Les articles
- AFP, (2017), France : L’évasion fiscale coûterait 18 milliards, Le Figaro.
- BARBIÈRE Cécile, (2017), Reporting pays par pays : une victoire contre l’optimisation fiscale, Euractiv.
- BARTLETT Christopher A, et GOSHAL Sumantra, (1992), What is global manager ?, Harvard Business Review, n° 5, pp. 124-132.
- BROWAEYS Xavier, (1974), Introduction à l’étude des firmes multinationales, Annales de Géographie, n° 456, pp. 141-172.
- CHAVAGNEUX Christian, (2010), Les multinationales définissent-elles les règles de la mondialisation ?, Politique étrangère, pp. 553-563.
- Commission Européenne, (2016), Paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale.
- Eurodad, (2015), 50 nuances d’évasion fiscale au sein de l’Union Européenne, 65 pages.
- Faciléco, (2012), L’évasion fiscale en chiffres, Le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics.
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- JACQUOT Eliane, (2017), L’Europe et l’évasion fiscale des multinationales, Agoravox.
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- Le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics, (2015), Qu’est-ce que l’optimisation fiscale agressive ?
- Lexpress, (2013), Offshore Leaks : Les chiffres effarants de l’évasion fiscale, Lexpress L’Expansion.
- MICHEL Anne, (2017), Une avancée dans la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales, Le Monde Économie.
- OCDE, (2011), Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignement à des fins fiscales, 25 pages.
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- OCDE, (2013), Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, 50 pages.
- ODENT François-Xavier, (2017), Les mesures de l’UE contre la fraude et l’évasion fiscale, La Croix.
- PALAN Ronen, (2002), Taxe havens and the commercialization of state sovereight, International Organization, n° 1.
- RABREAU Marine, (2016), Le classement 2016 des 100 plus grandes entreprises de la planète, Le Figaro.
- RABREAU Marine, (2016), Scan Éco : Les chiffres affolants de l’évasion fiscale dans le monde, Le Figaro.
- Rapport du Sénat, (2012), L’évasion fiscale des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.
- ROZENBLAT Céline, (2007), Les entreprises multinationales : un processus urbain dans un environnement international et transnational, L’information géographique, pp. 43-66.
- THÉOBALD Marie, (2017), Quelles seront les grandes puissances économiques en 2050 ?, Éco-graphie, Le Figaro.
[1] CHAVAGNEUX Christian, (2010), Les multinationales définissent-elles les règles de la mondialisation ?, Politique étrangère, pp. 553-563.
[2] THÉOBALD Marie, (2017), Quelles seront les grandes puissances économiques en 2050 ?, Éco-graphie, Le Figaro.
[3] DAVID Eric, LEFEVRE Gabriel et ZIEGLER Jean, Juger les multinationales : Droits humains bafoués, ressources naturelles pillées, impunité organisée, Mardaga, 2015, 192 pages.
[4] Les multinationales dans l’histoire, Alternatives Économiques, n° 189, 2001.
[5] ROZENBLAT Céline, (2007), Les entreprises multinationales : un processus urbain dans un environnement international et transnational, L’information géographique, pp. 43-66.
[6] BROWAEYS Xavier, (1974), Introduction à l’étude des firmes multinationales, Annales de Géographie, n° 456, pp. 141-172.
[7] BARTLETT Christopher A, et GOSHAL Sumantra, (1992), What is global manager ?, Harvard Business Review, n° 5, pp. 124-132.
[8] RABREAU Marine, (2016), Le classement 2016 des 100 plus grandes entreprises de la planète, Le Figaro.
[9] CARROUÉ Laurent, Géographie de la mondialisation, Armand Colin, 2002, 254 pages.
[10] CARASCO Pierre-Yves, Prix de transfert et stratégies d’optimisation fiscale de la firme multinationale, L’Harmattan, 2017, 144 pages.
[11] Plus de 50%.
[12] PALAN Ronen, (2002), Taxe havens and the commercialization of state sovereight, International Organization, n° 1.
[13] VERNIER Eric et LEBEGUE Daniel, Fraude fiscale et paradis fiscaux : Décrypter les pratiques pour mieux les combattre, Dunod, 2014, 192 pages.
[14] Ou Luxembourg Leaks : nom du scandale financier relatif aux accords fiscaux conclus entre l’administration fiscale luxembourgeoise et des firmes multinationales.
[15] Ou Swiss Leaks : nom de la révélation par différents médias mondiaux d’un système de fraude fiscale et de blanchiment d’argent mis en place par la banque HSBC (Suisse).
[16] Eurodad, (2015), 50 nuances d’évasion fiscale au sein de l’Union Européenne, 65 pages.
[17] Faciléco, (2012), L’évasion fiscale en chiffres, Le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics.
[18] Selon les estimations du syndicat Solidaires-Finances publiques.
[19] Rapport du Sénat, (2012), L’évasion fiscale des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.
[20] Soit entre 60 et 80 milliards d’euros.
[21] RABREAU Marine, (2016), Scan Éco : Les chiffres affolants de l’évasion fiscale dans le monde, Le Figaro.
[22] AFP, (2017), France : L’évasion fiscale coûterait 18 milliards, Le Figaro.
[23] Lexpress, (2013), Offshore Leaks : Les chiffres effarants de l’évasion fiscale, Lexpress L’Expansion.
[24] Ce montant représente l’équivalent de 6 fois le financement mondial nécessaire à la lutte contre la faim.
[25] OCDE, (2011), Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, 106 pages.
[26] PESTRE Florent, La responsabilité sociale des entreprises multinationales, L’Harmattan, 2013, 374 pages.
[27] Ces données comprennent notamment les charges sociales, les taxes foncières ou encore professionnelles.
[28] Impôts directs ou indirects.
[29] JACQUOT Eliane, (2017), L’Europe et l’évasion fiscale des multinationales, Agoravox.
[30] LEGRAND Florence, (2013), France : L’évasion fiscale des multinationales américaines, Les Numériques.
[31] Acronyme de Google, Apple, Facebook et Microsoft.
[32] CAPDEVILLE Jérôme Lasserre, TRESCHER Bruno, CUTAJAR-RIVIÈRE Chantal, et MARCHESSOU Philippe, La Fraude et l’évasion fiscale : État des lieux et moyens de lutte, Joly, 2015, 214 pages.
[33] HAIL Joy, Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) : Are You Ready ?, CCH, 2016, 290 pages.
[34] Dans le cas où il s’agit des entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale.
[35] OCDE, (2013), Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, 50 pages.
[36] BARBIÈRE Cécile, (2017), Reporting pays par pays : une victoire contre l’optimisation fiscale, Euractiv.
[37] En équivalent temps plein.
[38] Personnes physiques et morales.
[39] Le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics, (2015), Qu’est-ce que l’optimisation fiscale agressive ?
[40] Sommet de Washington, de Londres, de Pittsburg, et de Toronto.
[41] OCDE, (2011), Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignement à des fins fiscales, OCDE, 25 pages.
[42] MICHEL Anne, (2017), Une avancée dans la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales, Le Monde Économie.
[43] Pays-Bas, Luxembourg, Suisse, Belgique, Singapour…
[44] ODENT François-Xavier, (2017), Les mesures de l’UE contre la fraude et l’évasion fiscale, La Croix.
[45] Organisme supranational afin d’assurer la coopération entre les pays.
[46] Accords bilatéraux conclus entre un pays membre et une personne morale.
[47] Principalement en ce qui concerne l’impôt sur les bénéfices.
[48] Commission Européenne, (2016), Paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale.
[49] Les fonds de capital-investissement notamment.
[50] D’autres paramètres entrent en jeu dans la détermination des prix de transfert.
[51] FENASSE Delphine, (2016), L’impact de BEPS sur le marché intermédiaire, Le Monde du Chiffre.
Mémoire de fin d’études de 77 pages
€24.90