Mémoire portant sur l’innovation dans le système éducatif.
SOMMAIRE
CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTERATURE. 8
1.1. L’innovation : un concept multidisciplinaire et complexe. 8
1.2. Déchiffrer l’ADN de l’innovation : une tâche ambigüe. 16
2.1. L’acception de l’innovation scolaire : 19
2.2. L’innovation en tant que facteur de régulation du système éducatif : 20
3.1. Les différents enjeux inhérents à l’innovation en milieu scolaire. 27
3.2. L’accompagnement en tant que levier de l’innovation : 30
CHAPITRE II: CADRE THEORIQUE. 32
1.1. L’innovation de rupture : le modèle schumpétérien. 32
1.2. L’innovation incrémentale : le modèle des sciences sociales. 35
2.1. Le modèle top-down : des institutions vers les enseignants. 38
2.2. Le modèle bottom-up : des enseignants vers les institutions. 38
3.1. La recherche-action en tant que modèle de diffusion ou de dissémination de l’innovation. 40
3.2. L’innovation en milieu scolaire : un processus consubstantiel au contexte non transférable. 42
4.1. Les variables déterminantes de l’accompagnement : 43
4.2. Les stratégies d’approches pour inciter les enseignants à l’innovation : 47
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE. 51
1.1. Pertinence de la recherche. 51
1.2. Délimitation au contexte de l’Ecole Internationale de Genève. 52
CHAPITRE IV : CADRE METHODOLOGIQUE. 56
1.1. Procédure de collecte de données : 56
1.2. Stratégies de traitement et d’analyse des données : 58
2.1. Le guide d’entretien : outil de collecte des données. 61
2.2. Limites méthodologiques de la recherche. 67
CHAPITRE V : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS. 68
1.1. Situation de l’Ecole Internationale de Genève en termes d’innovation scolaire. 68
1.2. Perception de l’innovation scolaire : 69
1.3. Objet de l’innovation en milieu scolaire : 70
1.4. Finalités de l’innovation scolaire. 70
1.5. Les responsabilités des acteurs dans le processus d’innovation : 71
1.6. Le fonctionnement du processus d’innovation : 71
1.7. L’accompagnement de l’enseignant : 72
2.1. Analyse des innovations scolaires de l’EIG.. 73
2.2. Bilan relatif au processus d’innovation. 74
2.3. Analyse du système d’accompagnement. 76
CHAPITRE VI : SYNTHESE ET DISCUSSION DES RESULTATS. 79
2.1. Comparaison entre le récit des enseignants et ceux des chefs d’établissement : 80
2.2. Comparaison du processus entamé par l’Ecole Internationale avec les modèles théoriques : 81
2.3. Réponse à la problématique : 83
INTRODUCTION
Durant ces dernières décennies, notre société n’a cessé d’innover, et ce, dans tous les domaines, qu’il s’agisse des sciences, de la technologie ou encore de l’informatique proprement dit. Ainsi, le commun des mortels a davantage accès des savoirs qui se veulent plus complexes. Ceci amène à un constat : l’innovation est une variable transformatrice de notre société. Ce phénomène contribue d’une manière ou d’une autre, à se remettre à niveau afin de suivre le rythme d’évolution de la société. Et bien entendu, qui dit société dit l’ensemble des acteurs qui interagissent à travers les organisations étatiques, les ménages, les institutions religieuses, les entreprises, les hôpitaux ou encore les écoles. En ce qui concerne ce dernier cas justement, les enseignants des écoles tentent aujourd’hui d’avoir un regard nouveau sur le système d’enseignement et les procédés éducatifs, de façon à adapter le temps dans les séquences et dans les rythmes des différents cours. En effet, la vie d’enseignant est en permanence ponctuée de changements que ce soit sur le plan fonctionnel, à travers les méthodes, ou sur le plan institutionnel à travers les réformes et les plans d’études. Cette volonté d’innover trouve son intérêt dans le besoin d’améliorer la performance des élèves d’une part et la pratique des enseignants de l’autre, afin justement de ne pas être confronté à des effets destructeurs à l’endroit de la profession dans son ensemble. D’ailleurs, comme toutes les autres professions, celle des enseignants doit évoluer, de la même façon que l’enseignement progresse pour le bien-être des générations actuelles et futures.
Comme nous pouvons bien le penser, l’innovation en milieu scolaire touche à tous les acteurs à l’intérieur du système éducatif, y compris les élèves, les professeurs pédagogiques et la direction des établissements, mais peut-être pas de la même façon. Souvent il a été question de trouver des solutions adéquates pour financer les innovations dans les établissements scolaires, ou de trouver les moyens adéquats pour que les élèves puissent mieux s’adapter aux innovations du système éducatif, ces élèves étant issus de milieux hétérogènes. Mais il a été rarement question de mettre en évidence des procédures qui puissent permettre aux enseignants d’être pleinement acteurs de l’innovation scolaire, et encore moins de processus favorisant l’accompagnement de ces enseignants dans leur nouvelle posture d’innovateur. Toujours est-il que les enseignants, comme tout autre être humain d’ailleurs, sont susceptibles d’appréhender, à un moment donné, les enjeux de l’innovation, en ce sens que cela puisse modifier les habitudes, le mode de fonctionnement et même les comportements. Pourtant, il s’avère primordial de s’adapter aux élèves, aux réformes mais aussi aux nouvelles pratiques. Il est également nécessaire de se remettre en question sur ses propres pratiques afin de trouver de meilleures solutions contribuant à la résolution de problèmes surgissant dans les classes. Il est donc estimable que nous puissions approfondir la connaissance de cette problématique, dans le but d’en trouver des réponses satisfaisantes.
Tout au long de nos recherches, nous avons pu remarquer que la problématique de l’innovation en milieu scolaire a intéressé de nombreux pays, notamment occidentaux. D’ailleurs, ce phénomène fait aujourd’hui partie intégrante des politiques publiques. Toutefois, il n’existe pas beaucoup d’articles académiques qui puissent témoigner des études sur l’innovation en milieu scolaire sur le territoire suisse. Nous allons toutefois tenter d’expliquer le comment et le pourquoi de ce phénomène d’innovation en s’inspirant des études menées par les rarissimes chercheurs à ce sujet. En supposant que les innovations en milieu scolaire soient nécessaires et que leur inscription dans le temps s’avère d’autant plus complexe, comment l’institution scolaire peut passer d’un aspect normatif à une vision des plus novatrices ? Comment les enseignants sont-ils amenés à innover afin de permettre aux élèves de manifester davantage de proactivité et de mieux apprendre le sens des responsabilités ? Comment la Direction fournit-elles aux enseignants les directives nécessaires, ainsi que les marges de manœuvres nécessaires au développement de l’esprit d’innovation des enseignants ? Ces multiples interrogations amènent tout simplement à s’interroger sur la manière dont les acteurs principaux du système éducatif innovent pour anticiper l’avenir. Quoiqu’il en soit, c’est par le biais de l’innovation que les enseignants seront à même d’inculquer aux élèves ce qui leur sera indispensable pour affronter ce qu’il en adviendra demain.
En ce qui concerne le choix du sujet, nous nous sommes focalisés sur une réflexion sociologique qui soit en adéquation avec la personnalité de ce que nous pouvons appeler « l’enseignant du futur », et dont le champ d’application puisse concerner le devenir des générations futures. A ce propos justement, il nous semble évident que notre enseignement futur puisse impacter dans une large mesure le parcours de vie de nos élèves. Notre comportement, ainsi que notre capacité à innover influenceraient considérablement la carrière future de nos élèves. Cette conviction nous amène à agir au mieux en prenant en considération ce paramètre.
Par rapport à cela, l’objectif de notre recherche se résume alors à comprendre comment les enseignants conçoivent le processus d’innovation en milieu scolaire afin de connaître la manière dont ils perçoivent leur nouvelle posture en tant qu’enseignant-innovateur. En ce sens, nous avons entamé une analyse des similitudes entre les récits des participants, de façon à déduire des moyens qui ont été mis en place pour favoriser le développement de cette double posture. Suite à cela, l’opportunité s’est présentée de comparer ces moyens avec les modèles de dispositif appropriés à la professionnalisation des enseignants. Ce faisant, nous avons cherché à montrer que la manière dont la stratégie d’accompagnement des enseignants a été menée en vertu du processus d’innovation influence considérablement la façon dont les acteurs perçoivent la double posture d’enseignant-innovateur. En effet, dans le cadre de l’installation de nouvelles réformes et de nouvelles pratiques, nous avons prétendu qu’il s’avèrerait intéressant de décortiquer l’innovation afin de mieux appréhender sa mise en œuvre et ce qu’elle enfantera auprès des enseignants.
Afin de pouvoir atteindre nos objectifs, nous avons réalisé une enquête exploratoire basée sur une recherche qualitative auprès des acteurs de l’enseignement scolaire, et notamment auprès des directeurs et enseignants confrontés à l’innovation en milieu scolaire. Ainsi, il y a eu lieu de procéder à des entretiens semi-directifs d’une durée d’environ 30 minutes. Dans ce cadre justement, nous avons eu l’occasion de rencontrer 12 participants. Ces derniers travaillent à l’Ecole Internationale de Genève depuis de longues années. Nous avons en effet choisi d’interviewer des sujets qui ont eu une véritable expérience de l’innovation, que cette dernière concerne les réformes, les plans d’études ou encore les méthodes d’enseignement.
Cette méthodologie, couplée à la recherche bibliographique sur l’innovation et sur l’éducation, nous a permis d’établir une vision harmonieuse du sujet. Ainsi, nous avons fait en sorte de diviser le présent ouvrage en six chapitres. En effet, le premier chapitre sera consacré à la description de l’état de l’art où nous mettrons en lumière les différentes approches de l’innovation, ainsi que ses enjeux en milieu scolaire. La majorité des écrits qui y sont mentionnés sont issus de différentes régions du monde, et non seulement de la Suisse. Par ailleurs, dans le second chapitre, nous aborderons le cadre théorique de la recherche. Il s’agira d’énoncer l’approche sociologique de l’innovation scolaire, ainsi que les bases qui ont forgé les modèles d’innovation scolaire d’une part et les modèles d’accompagnement des enseignants de l’autre. Nous y présenterons en particulier le modèle de la recherche-action et la façon dont nous l’avons utilisé pour mener à bien notre recherche empirique. Nous allons par contre consacrer le troisième chapitre à la formulation de la problématique, sans oublier de relater le contexte social de la recherche. Dans un quatrième chapitre, nous allons mettre en avant le cadre méthodologique que nous avons suivi tout au long de notre étude en passant par les outils utilisés. Dans un cinquième chapitre, nous allons étaler les principaux résultats de la recherche, tout en dressant une analyse plus approfondie. Et enfin dans un sixième et dernier chapitre, nous allons établir une synthèse et une discussion des résultats observés. Il y aura lieu de valider les apports théoriques et de comparer les pratiques menées par l’Ecole Internationale de Genève par rapport à d’autres établissements. Nous achèverons notre mémoire par une conclusion qui en rappellera les éléments importants.
CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTERATURE
Avant de pouvoir entrer dans le vif du sujet, il convient d’appréhender ce que la revue de littérature laisserait entendre sur la logique de l’innovation et ses effets sur le système socio-économique en général et sur le système éducatif en particulier. Dans cette démarche, nous allons aborder respectivement le concept d’innovation sous plusieurs dimensions, la dynamique de l’innovation en milieu scolaire, ainsi que les principaux enjeux qui en découlent au niveau du système de l’enseignement.
1. Le concept d’innovation sous une dimension plurielle
Le terme « innovation » est un nom commun de la langue française d’usage courant et emprunté par des domaines professionnels nombreux et variés dans lesquels il prend alors un sens bien spécifique, qu’il s’agisse d’économie, psychologie, management, éducation etc. Afin de connaître ce que cette notion signifie dans son sens global, nous allons commencer par définir et caractériser l’innovation. Nous allons ensuite en déchiffrer les composantes.
1.1. L’innovation : un concept multidisciplinaire et complexe
Afin de comprendre ce que revêt le concept d’innovation, ainsi que son champ d’application au système social, il paraît important d’examiner précisément tous les éléments étymologiques, historiques, spécifiques aux différents domaines d’usage, qui ont contribué et contribuent encore, par interaction mutuelle, à former le sens générique moderne du terme innovation. Ceci étant, il convient d’évoquer dans cette partie, les définitions et les caractéristiques de l’innovation, tout en passant par la distinction entre le concept d’innovation et les approches voisines.
1.1.1. Définitions de l’innovation
Avant de s’intéresser à sa signification appliquée dans le champ de l’éducation et aux travaux de recherche qu’il y a motivés, une première approche multidisciplinaire sera développée, en n’évoquant que les éléments majeurs, sélectionnés dans la profusion d’ouvrages qui existent sur ce sujet.
En effet, bien que les études sur l’innovation soit des plus récentes, le concept d’innovation existe bien depuis de nombreux siècles, parallèlement à l’évolution de la pensée humaine et à la révolution industrielle. Dans son étymologique, le terme « innovation » provient du latin in ou dans auquel est associé le verbe novare, qui signifie « rendre nouveau ». Tout logiquement, nous tendons donc à penser que l’innovation désigne ce qui est nouveau. En effet, depuis le Moyen-âge, l’innovation a été perçu comme étant : « l’introduction de quelque nouveauté dans une coutume, dans un usage, dans un acte »[1]. En consultant le dictionnaire français Larousse, nous avons pris conscience que l’innovation réside dans l’action d’innover aussi bien que dans son résultat. En effet, l’action, au sens proposé par la métaphysique aristotélicienne, renvoie à l’opération, déployée dans le temps, qui aboutit à l’acte, résultat observable de l’action dans le monde. Ces deux termes s’appellent donc dialectiquement car l’action est motivée par une attente que l’acte comble finalement en faisant cesser l’action. Cette relation action-acte, tel qu’il existe dans la conception du terme se retrouve dans plusieurs domaines, à savoir :
- L’économie et le management : dans ce cas, il peut s’agir aussi bien de la chose nouvelle (produit, procédé, équipement) que du processus qui, depuis la première idée, conduit à sa matérialisation. Selon le dictionnaire Larousse, l’innovation consiste « l’ensemble du processus qui se déroule depuis la naissance d’une idée jusqu’à sa matérialisation (lancement d’un produit), en passant par l’étude du marché, le développement du prototype et les premières étapes de la production». Depuis les années 1970 une acception générale du terme s’est formée, fortement influencée par la vision économiste, grâce aux travaux de renommée mondiale sur le sujet produits par J. Schumpeter et Peter Drucker à partir de 1940, dans une époque d’avènement du capitalisme dans les pays industrialisés occidentaux. Ces deux économistes ont construit ensemble, successivement, le double sens du terme innovation moderne puisque Schumpeter conçoit l’innovation comme un procédé et Peter Drucker comme un produit 10 ans plus tard.
- Le social : Le processus d’innovation peut être également conduit dans la société pour produire alors une innovation-pratique à caractère social. Toujours d’après le même dictionnaire, l’innovation au sens social indique le « processus d’influence qui conduit au changement social et dont l’effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles». C’est justement dans cette démarche d’innovation-pratique que réside pleinement le sens de l’innovation dans le contexte de l’éducation. Pour être plus précis, sur le plan de l’éducation, l’innovation en tant qu’acte relève intégralement de la pratique. Ainsi, elle prend le risque d’être tronquée, distordue par la mise en mots qui procède d’une théorisation. Et l’on retrouve ici toute la difficulté de construire l’articulation entre pratique et théorie qui ne sont pas forcément à opposer comme le suggère B. SCHWARTZ lorsqu’il écrit « Toute pratique est une intelligence des choses. Dès qu’elle se systématise, se réfléchit, s’organise et se gère, elle prend rang dans une visée théorique [2]».
Pour mieux distinguer les deux formes, action/processus ou acte/résultat de l’innovation, une distinction peut être effectuée entre la forme au singulier et la forme au pluriel du terme : l’innovation désigne plutôt le processus qui mène de l’idée aux choses nouvelles (objet, procédé, pratique), intégrées dans la société et appelées innovations, au pluriel. On pourrait ainsi résumer : l’innovation s’achève en donnant naissance aux innovations.
Cette définition, adossée à celles, antiques, d’Aristote, nous conduit à devoir évoquer la théorie de la causalité de ce dernier. En effet, l’action, telle qu’il la conçoit, serait, de son début jusqu’à sa fin, animée par l’espoir de l’acte, guidée vers la cause finale. « Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix, tendent vers quelque fin » (Éthique à Nicomaque). Il adviendrait donc que l’innovation/action serait toujours conduite vers l’atteinte d’une cause finale précise, l’innovation/acte, identifiée au préalable, selon le principe de causalité.
Connaissant désormais ce que représente le concept d’innovation, comment pourrions-nous aborder sa différence par rapport aux autres approches voisines ?
1.1.2. Différence entre l’innovation et les approches voisines
Tout d’abord, à la source du processus d’innovation puis des innovations, objets, procédés ou pratiques installés dans le corps social, serait l’invention, l’idée nouvelle. Toutes les innovations sont donc produites à partir d’une invention sans pour autant que toutes les inventions produisent des innovations. Seules les inventions (technologiques) peuvent être légalement protégées par des brevets. Selon cette distinction, les deux dernières décennies auraient engendré un nombre d’inventeurs toujours croissant. En effet, le nombre de demandes de brevets déposées en Europe, au Japon et aux Etats-Unis était de 850 000 en 2002 contre environ 600 000 en 1992[3]. Dans le même temps, l’éminent professeur et journaliste économiste américain Tyler COWEN stipule dans son livre « La Grande Stagnation », paru en 2011, que la période actuelle correspond à l’atteinte d’un plateau technologique et donc à une stagnation de l’innovation, typique des post-révolutions industrielles; la troisième révolution industrielle étant été accomplie par l’avènement du numérique et d’internet.
Par ailleurs, l’ambiguïté que renferme le duo innovation – nouveauté mérite également d’être levée. Sont-ils de réels synonymes ou bien existe-t-il des fragments distincts dans ces deux concepts qui, au moins, s’interceptent ? Si une innovation est le résultat, direct ou indirect, d’une invention qui, elle, est la création du nouveau, alors l’on peut affirmer que toute innovation est bien une nouveauté. Mais reste à déterminer si toute nouveauté est une innovation. En effet, l’idée de temporalité est présente dans le concept de nouveauté : il y a un avant et un après de la nouveauté. Celle-ci opère à la fois comme une discontinuité perturbatrice du système antérieur et comme une force génératrice du système antérieur. Il convient donc de définir le système sur lequel opère la nouveauté, c’est-à-dire la contextualiser. Ceci étant, la nouveauté pour l’un n’en est pas forcément pour l’autre. Prenons l’exemple d’une entreprise, spécialisée dans les cosmétiques féminins, qui choisirait de développer une gamme de produits masculins. Il s’agirait, pour elle, de commercialiser des produits, nouveaux dans le contexte de cette entreprise, mais dénudés de caractère novateur car déjà existants sur le marché. Cette nouveauté ne conduit pas in fine à modifier une pratique préexistante dans la société comme les chemins de fer ont profondément développé les déplacements des individus. Elle ne donc pas être considérée comme une innovation (technologique).
Enfin, il importe de faire une distinction entre la recherche et l’innovation, sachant qu’il existe souvent des confusions entre les deux termes. Il faut noter que la recherche est une étape qui permet d’aboutir à un résultat innovant. De cette façon, elle contribue au progrès économique et social, à partir du moment le savoir-faire est transféré aux utilisateurs intermédiaires et finaux, et appliqués par eux. Pour que le rôle joué par la recherche soit dotée d’une efficacité, il faut que les interactions avec les organismes de recherche soient toutes aussi efficaces, sans oublier l’existence d’un personnel hautement qualifié qui sache « manipuler » les produits innovants et en comprendre les enjeux. Mais bien que les pratiques innovantes et les nouveaux produits puissent constituer un facteur de compétitivité pour les organisations, elle ne représente pas pour autant l’unique variable déterminante dans le processus d’innovation[4].
Après avoir mis en lumière la distinction entre la notion d’innovation et les autres concepts voisins, comment peut-on la caractériser, notamment au regard des nombreuses disciplines qu’elle peut recouvrir ?
1.1.3. Les caractéristiques propres à l’innovation[5]
- PERRENOUD (2002)[6] a établi certains caractéristiques clés des processus d’innovation. Ces dernières, pour être plus clair, se démarquent par un aspect dont le curseur se situe entre une vision techniciste et une vision plus rationaliste du phénomène d’innovation, tel un acte ou un processus qui s’avère être le fruit de la synergie entre différents acteurs poursuivant individuellement ou collectivement leurs objectifs. L’innovation, notamment en sciences sociales, dispose des caractéristiques suivantes :
- Le passage d’un état à un autre, à travers la réorientation ou alors d’infléchissement d’un mouvement, la plupart du temps de manière graduelle, voire inconsciente :
Cette première caractéristique de l’innovation tend à affirmer que l’innovation implique nécessairement un changement qui risque de bouleverser les habitudes et les pratiques des acteurs concernés. Ces changements peuvent être d’ordre culturel, d’ordre politique, d’ordre organisationnel ou même d’ordre technologique. Ils requièrent l’implication de tous les acteurs, afin, non pas de créer ensemble le changement, mais de le conduire au rythme de chacun.
- La réalisation d’une action volontaire de la part de ce que nous pouvons communément appeler « les innovateurs » :
L’innovation est une action qui découle d’une volonté de provoquer un mouvement, un phénomène en vue d’améliorer, voire d’optimiser la situation, la structure ou l’organisation présente, à travers notamment le processus de changement. Il s’agit donc en sciences sociales, d’un changement planifié qui ne résulte en aucun cas d’un phénomène de sérendipité, mais qui peut toutefois produire l’effet inverse de ce qui a été souhaité au départ. Cet échec arrive lorsque les enjeux ont été méconnus ou que les actions ont été mal anticipées[7]. Dans cette démarche, les innovateurs peuvent, soit accélérer, soit bloquer un processus spontané.
- L’existence d’une réelle prise de conscience qui se traduit par un jugement sur l’état du monde actuel, en vue d’une éventuelle amélioration :
La réalisation d’une innovation commence par la construction d’un projet à travers lequel l’innovateur souhaite atteindre ses objectifs dans le respect de ses propres valeurs et de ses représentations, mais aussi analyser l’état actuel des lieux en anticipant les obstacles possibles et les avantages attendus, et ce, à l’aide de stratégies bien définies, des ressources disponibles et des partenariats mis en place.
- L’existence d’une démarche rationnelle tendant vers une évolution :
Un changement qui va dans le sens d’une régression ou d’une détérioration d’une situation n’est aucunement une innovation. C’est justement dans ce cadre que les projets d’innovation font l’objet des controverses car ils peuvent impliquer un progrès pour les uns et une régression pour les autres. Pourtant, les actions innovantes doivent être démarchées en faveur de l’intérêt collectif. C’est par exemple le cas lorsque certains enseignants optent pour l’intensification des rapports entre les familles et l’école, ce qui ne plaît pas forcément à tous les acteurs du système éducatif.
- La présence d’un éventuel d’un risque de résistance au changement :
L’existence de résistance au changement de la part des acteurs concernés fait partie intégrante du processus d’innovation. L’accompagnement de certaines personnes réactionnaires et craintives par rapport à une situation nouvelle constitue un réel défi, qui est celui de les aider à s’y adapter et à y trouver leur compte. Quelque soit le fondement de leur résistance, il s’agit de sujets rationnels qui se projettent dans le futur en tenant compte de leur sort, de leur projet et de leurs ressources. Il appartient aux mentors de persuader ces personnes des avantages qui en découlent, et par conséquent d’oser prendre les risques. Dans le contexte de l’école, les directeurs qui souhaitent appliquer un programme nouveau au sein de leur établissement doivent informer aux enseignants l’intérêt de ce nouveau mode de fonctionnement en leur aidant à peser le pour et le contre.
- L’absence d’une finalité en soi :
Il faut admettre que le fait de rechercher un intérêt dans la mise en place d’un processus d’innovation est parfaitement humain, sachant que toute personne douée de conscience et de raisons réalise des projets qui puissent leur être intimement bénéfiques. Il peut s’agir d’accomplissement de soi, de développement personnel, voire même d’un besoin d’influence et de pouvoir sur autrui. Quelque soit le caractère du mobile de l’innovateur et des acteurs, le projet d’innovation ne fonctionne qu’à travers une pratique « gagnant-gagnant », tel un système de marchandage parfois implicite[8]. C’est le cas lorsque certains enseignants, à la connaissance d’une réforme ou d’une innovation scolaire, revendiquent une augmentation du montant des pensions.
- La nécessité d’une action collaborative :
L’innovation est un phénomène qui ne peut être réalisé par un seul individu, sachant qu’elle requiert des capacités qui vont au-delà de la sphère d’autonomie de tout un chacun. Autrement dit, la coopération est perçue comme étant la clé de l’aboutissement de l’innovation. Ces personnes qui adhèrent au projet de l’innovateur peuvent être des individus qui offrent un certain soutien financier ou moral, ou qui sont tout simplement neutres, mais qui agissent pour le bien commun. Ceci étant, les adhérents sont en droit d’exiger que le projet initialement établi soit redéfini, voire infléchi, de telle sorte que ces derniers puissent facilement se l’approprier. Le fait d’accepter de passer des compromis avec les personnes consentantes constitue tout simplement la règle générale en la matière. Ainsi, un directeur d’établissement a besoin de réunir à sa cause tous les enseignants, afin de pouvoir veiller de près sur chacun des élèves. Et pour ce faire, il doit s’attendre à ce que ces professeurs négocient certains termes du contrat, notamment lorsque les missions qui leur sont confiées « dérogent » aux normes établies
- La diversité des expériences des acteurs :
Lorsque nous adhérons à un projet d’innovation, il faut s’attendre à ce que le rapport à l’innovation soit différent pour chacun des membres. Cela inclut les expériences, les comportements et le vécu des acteurs. D’ailleurs, la réaction de chacun n’est pas le même face au risque que le changement peut entraîner, qu’il s’agisse de crainte, de patience ou d’investissement personnel. En effet, l’existence d’ambivalence au niveau des acteurs peut constituer un enjeu majeur dans le processus d’innovation, sachant qu’elle soit permanente et difficilement contrôlable. Comme nous le disons souvent : « chaque jour est un nouveau jour » et les humeurs peuvent varier, au point de percevoir sous différents angles l’innovation au fil des jours. Ceci dit, ceux qui s’investissent beaucoup peuvent l’être moins durant certaines périodes, et à l’inverse les moins actifs seraient, à un moment donné, susceptibles d’afficher un enthousiasme exemplaire.
- L’occupation d’une place indispensable au sein des organisations :
A l’heure actuelle, le processus d’innovation apparaît comme étant au centre de la préoccupation des acteurs des organisations, non pas en raison des progrès techniques qui en résulte, mais en raison des transactions qui y sont associées, telle une variable déterminante qui agit à tous les niveaux de l’organisation et qui représente une grille de lecture de celle-ci. Par exemple, au sein des écoles, il entraîne l’augmentation de la demande sociale à travers la mise en place d’un environnement propice au développement des élèves et au bien-être des familles.
- La construction d’un sens par rapport aux nouvelles pratiques :
L’intérêt ultime de l’innovation est que nous puissions trouver un sens aux nouveaux modes de fonctionnement et d’organisation qui puissent en résulter. Ce sens est créé et nourri par les acteurs qui souhaitent adhérer au changement, et ce, par le biais de la confrontation des idées et leur possibilité de réalisation. La construction du sens du projet d’innovation dépend de la capacité de l’innovateur à débattre avec les autres membres de l’organisation.
Telles sont donc les caractéristiques intrinsèques de l’innovation, notamment sociale. Mais comment situer justement l’innovation sociale par rapport aux différentes formes d’innovation existantes ? Pour le savoir, il convient d’abord de mettre en exergue la nature, l’objet et la portée de l’innovation.
1.2. Déchiffrer l’ADN de l’innovation : une tâche ambigüe
Afin de comprendre om se situe l’innovation sociale par rapport aux nombreuses innovations qui puissent exister actuellement, nous allons nous pencher sur la conception élargie du phénomène d’innovation. En effet, il s’agit de s’éloigner de la vision traditionnelle, notamment celle axée sur la recherche et d’intégrer les différents domaines où l’innovation peut prendre place. Ainsi, l’innovation élargie peut prendre des formes multiples, concerner tous les secteurs d’activités. Mais toujours est-il que le point commun à ces innovations est l’avantage concurrentiel qu’elles procurent. Nous allons justement détailler ces valeurs créées en évoquant la nature, l’objet et l’intensité des innovations.
1.2.1. La nature des innovations[9]
Si nous relevons les différents types d’innovations en fonction de leur nature, il y a lieu d’en citer trois, à savoir, l’innovation d’usage, l’innovation technologique et l’innovation sociale. En effet, l’innovation d’usage correspond au fait d’insérer un changement dans le mode d’utilisation d’un produit ou le fonctionnement d’un service, afin d’améliorer justement son usage, les besoins du marché devant être anticipés. C’est par exemple le cas des nouveaux produits écologiques comme le Velib’ qui change la manière de faire du vélo, ou encore des produits cosmétiques que les clients pourraient préparer eux-mêmes comme les produits de la marque Occitane.
Par ailleurs, l’innovation technologique sert à appliquer de nouvelles technologies afin de mieux répondre aux besoins du marché, comme c’est souvent le cas en milieu médical avec les équipements de soins sophistiqués et en entreprise avec le développement incessant de logiciels informatiques.
Enfin, il existe l’innovation sociale qui consiste effectivement en la satisfaction des besoins sociaux, et donc de l’intérêt collectif de manière durable. Il s’agit en général de nouvelles pratiques et de nouveaux modes de gouvernance comme nous pouvons le voir dans le cadre de l’entreprise avec le commerce équitable et des écoles avec le concept de téléenseignement.
Connaissant la nature des différentes formes d’innovations, qu’en est-il maintenant de leur objet ?
1.2.2. L’objet des innovations[10]
Dans la plupart des cas, la finalité d’une innovation réside dans l’acquisition d’un avantage concurrentiel, en ce sens qu’elle améliorer la qualité des produits et des services, mais aussi l’organisation et le fonctionnement d’une entité. Ainsi, en fonction de l’objet recherché, nous relevons 04 types d’innovations, à savoir :
- L’innovation de produits ou de service qui vise le perfectionnement d’un produit en termes de caractéristiques et d’usage, la mise en place d’une nouvelle gamme ou encore l’instauration de nouvelles prestations de manière à créer une certaine valeur ajoutée. Ce fût en effet le cas lors de la création de voitures hybrides ou des tablettes.
- L’innovation de procédés qui consiste non seulement en la mise en œuvre de nouveaux processus de production, de servuction ou de distribution de biens, mais encore en la mise en place de nouvelles techniques incombant à la réalisation des prestations de services. La notion de self-service dans les fast-foods ou encore la culture hors-sol des fruits et des légumes en sont des exemples concrets.
- L’innovation de marketing qui désigne l’amélioration de la présentation des produits et des services, ainsi que de leur mode de commercialisation et de leur système de tarification. Les nouvelles formules associées aux produits, comme les différentes formes de publicité en sont des illustrations que nous constatons au quotidien.
- L’innovation organisationnelle qui sert à optimiser les pratiques de gestion et de management au sein des organisations et à améliorer leur structure, ainsi que les relations de partenariat et de coopération. Par exemple, nous pouvons citer le regroupement de compagnies aériennes pour l’élargissement de l’offre, ou encore l’abolition des structures hiérarchiques dans les entreprises libérées.
Après avoir abordé les différents objets de l’innovation, nous allons à présent mettre en lumière les niveaux d’intensité qui puissent en découler.
1.2.3. L’intensité des innovations[11]
Il faut savoir que l’innovation peut aussi varier en fonction de sa profondeur et de son intensité. Dans la plupart des cas, plus l’innovation est majeure, plus sa diffusion dans le système social s’avère long. A ce propos, nous distinguons :
- L’innovation de rupture qui concerne un changement profond des conditions d’utilisation ou des modes de fonctionnement qui ont été appliquées par la société sur le long terme, telle une invention sociale majeure qui permet non seulement de se différencier en termes de produits et de services, mais aussi d’attirer des créneaux. Ce fut le cas lors de la conception et de la commercialisation des téléphones portables qui ont révolutionné le monde de la communication et les rapports humains.
- L’innovation incrémentale qui n’impacte pas pour autant les conditions d’usage au sein de la société, mais qui trouve leur intérêt dans l’amélioration en termes de praticité, telle une modification sensible qui peut paraître anodine aux yeux de certains sujets, notamment réfractaires aux évolutions rapides. Comme illustration, nous pouvons considérer le passage des souris à bille aux souris optiques ou encore la progression exponentielle de la capacité des téléphones portables.
- L’innovation d’assemblage qui consiste à rassembler plusieurs innovations déjà diffusées sur le marché pour en former un tout nouveau concept. Cela correspond en effet à l’association des caractéristiques d’un produit ou d’un service en vue de concevoir des objets ou des pratiques relativement plus performants. Par exemple, nous retrouvons ce type d’innovation à travers le concept de Kite Surf, un accessoire de sport nautique associant le principe de la planche de surf à une voile ressemblant au parapente.
- L’innovation d’adaptation qui, comme son nom l’indique, vise à adapter une innovation donnée pour que cette dernière puisse être appliquée à d’autres secteurs d’activités ou incomber à d’autres types d’utilisation dans d’autres conditions. En effet, les instigateurs du concept « « drive » en matière de restauration rapide ont développé ce dernier pour le transférer à d’autres activités, comme le shopping. Ainsi, le « drive » dédié aux courses en hypermarché ont vue le jour.
Force est de constater que l’innovation est un concept multidimensionnel qui mérite tout son sens quelque soit son objet, sa nature ou encore son intensité ? Et si nous déchiffrions l’ADN de l’innovation dans le contexte de l’éducation ?
2. Application de l’innovation au contexte de l’éducation :
L’école est une organisation qui fait partie intégrante du système social. Ainsi, lorsque la société évolue avec les mentalités, l’école doit s’adapter. C’est justement dans ce sens que les innovations scolaires et pédagogiques ont vu le jour. Mais comment définir alors l’innovation scolaire ? Comment influence-t-elle le fonctionnement des écoles ?
2.1. L’acception de l’innovation scolaire :
Si nous devons donner une définition à l’innovation scolaire, il s’agit de « toute transformation apportée intentionnellement et systématiquement à un système éducatif en vue de réviser les objectifs de ce système ou de mieux atteindre et de façon plus durable les objectifs déjà assignés » selon Herrel. Nous pouvons donc voir que l’innovation en milieu scolaire correspond ici à une transformation ou à une amélioration, plutôt qu’à une invention. En effet, les siècles passés ont laissé peu de place à l’invention, au sens précédemment utilisé, création de nouveau absolu, de jamais vu. Il s’agit plutôt de nouveauté, dans le contexte de l’éducation. Il s’agit d’appliquer un concept, une attitude ou un instrument différent de ce qui se faisant auparavant. Le but ultime de l’innovation est irrévocablement la réussite de l’élève, telle une réussite globale, susceptible de concerner tous les aspects de son développement.
Elle se caractérise par l’existence d’une action délibérée, par sa transférabilité et par sa durabilité. Comme l’avait énoncé HUBERMAN (1973), « L’innovation en éducation est une amélioration mesurable, délibérée, durable et peu susceptible de se produire fréquemment »[12]. A ce propos, CROZIER (1970) conçoit, dans sa théorie systémique, l’innovation et les innovateurs comme un des éléments qui coexisteraient en interdépendance dans un système social, comme celui que constitue l’école. Selon lui, l’innovation ne peut être imposée et doit provenir des acteurs locaux, comme une réponse à leurs problèmes pratiques. Par ailleurs, l’innovation constituerait également une composante inhérente aux systèmes éducatifs du fait de sa vitalité. Elle permettrait de faire bouger doucement le cadre à chaque fois, sans pour autant le briser, pour engendrer progressivement la rupture avec les normes établies. Eviter la sclérose comme les bouleversements, comme l’écureuil de CROZIER qui a besoin d’exercice mais ne s’échappe pas pour autant de la cage : « L’innovation, comme un écureuil en cage, continue par ses efforts, à faire tourner le système auquel elle apporte son énergie sans pouvoir le changer ». BEST reprenant Louis LEGRAND pense, plus positivement peut-être que les innovations en éducation sont « ce qui fait vibrer le système éducatif qui l’empêche de se rigidifier ou de s’étioler » (Best, 2007, 26).
L’innovation y est très différente par nature de celle produite par l’entreprise: elle n’est pas technologique bien sûr mais de nature sociale. Elle peut porter sur la structure scolaire comme la fixation du nombre d’années d’études, les programmes ou encore les pratiques[13]. Quoiqu’il en soit, une fois diffusée et installée dans l’école, elle doit mener aussi à un changement d’état d’esprit, de posture ou de démarche.
Il y a lieu de remarquer que l’innovation scolaire est une nouveauté en termes de concept ou de pratique qui ne découle en aucun cas d’un phénomène de sérendipité. S’il en est ainsi, comment pourrions-nous aborder les tenants et les aboutissants de cette innovation ?
2.2. L’innovation en tant que facteur de régulation du système éducatif :
Apparue dans les textes en 1960, l’innovation est initialement contestataire, manifestation d’une rupture forte avec l’ordre établi, portée, parfois avec violence, par des mouvements pédagogiques (Education Nouvelle, Freinet etc). Aujourd’hui, l’innovation serait un facteur de régulation des systèmes éducatifs, comme l’innovation technologique le serait du système social. Mais qu’est-ce-qui a fait qu’il en est devenu ainsi ? Comment se manifeste l’innovation dans le milieu scolaire ? Les conséquences sont-elles tangibles ?
2.2.1. Les éléments déclencheurs :
Le besoin des usagers, c’est-à-dire des élèves, constitue le point de départ d’un projet d’innovation. Après une longue observation de son milieu, de ses résultats, de ses relations aux autres, ainsi que de son comportement, il en découle une volonté d’améliorer des situations insatisfaisantes ou, du moins, de résoudre un certain nombre de problèmes (constaté localement ou nationalement), et ce, d’une manière créative et originale[14]. Pour ce faire, il y a d’abord lieu de procéder (individuellement ou collectivement) à un diagnostic depuis laquelle, la direction, les enseignants et/ou les autres professionnels de l’éducation constate une inadéquation par rapport aux objectifs à atteindre, en termes de résultats, ou en ce qui concerne les relations de travail[15]. Après ce diagnostic résulte la véritable décision de changer ou modifier une situation, un état, une pratique, des méthodes ou encore un mode de fonctionnement, telle une décision qui passe par une volonté délibérée de changer les habitudes et les pratiques en vigueur, de réduire les écarts par rapport aux objectifs ou encore de procéder à une redéfinition des problèmes et d’inventer par la suite de nouvelles façons d’y remédier[16]. Ainsi, ce changement de comportement, d’attitudes, d’approches de pensée conduit à la réalisation de pratiques innovantes, en remplacement de pratiques professionnelles considérées comme inefficaces et routinières ; au renouvellement de certaines méthodes de travail et de la structure organisationnelle ; ou tout simplement à l’amélioration des relations entre les élèves et les enseignants[17].
En effet, bien que la finalité soit la même, l’innovation scolaire peut venir de différentes sources :
- Elle peut venir d’en-haut, c’est-à-dire de la Direction, via l’imposition de directives officielles ou par incitation au changement. Il s’agit dans ce cas d’assimiler l’innovation-réforme à l’application de nouvelles politiques, de nouvelles règles et de nouvelles procédures touchant à plusieurs sphères de la gestion d’un établissement scolaire[18]. Elle peut par exemple résulter des conflits d’intérêt entre administrateurs et enseignants, du turn-over, de l’insuffisance d’équipement, mais surtout des « urgences » comme la réforme de l’enseignement des sciences.
- Elle peut également émerger du terrain social, c’est-à-dire de groupes d’enseignants et/ou de professionnels de l’éducation comme les conseillers pédagogiques et les psychologues scolaires. La plupart du temps, cette dernière n’est légitimée qu’au prix d’une lutte, au cours de laquelle les acteurs concernés cherchent à sortir d’une situation de crise ou d’une situation paradoxale[19]. Parmi ces sources de motivations, nous pouvons par exemple citer les grèves d’enseignants ou le mécontentement des parents. les conflits d’intérêt entre administrateurs et enseignants, le turn-over, l’insuffisance d’équipement. En effet, elle est l’œuvre de pionniers et fera éventuellement l’objet plus tard d’une appropriation par une institution qui va l’imposer comme innovation au cours des éventuelles diffusions.
Après avoir mis en évidence les différentes sources de l’innovation scolaire, nous allons à présent en relater les manifestations, les innovations scolaires pouvant être multiformes et multi-échelles.
2.2.2. Les manifestations de l’innovation scolaire
Il convient de rappeler que l’innovation dans l’éducation pouvait se traduire par un acte professionnel réalisé par l’enseignant, par un acte opéré par la Direction ou encore par les projets instigués par les professionnels non enseignants comme les psycho-éducateurs et les éducateurs spécialisés. Mais, les innovations scolaires, aussi nombreuses et variées soient-elles, se manifestent de différentes manière et peuvent être étendues au niveau national, quelques soient leurs sources. C’est dans cette optique que nous allons expliciter respectivement les différentes formes et les différentes échelles de l’innovation.
2.2.2.1. Les différentes formes d’innovations scolaires
Comme nous pouvons bien le penser, de nombreux changements peuvent être introduits dans les établissements scolaires, qu’il s’agisse de changements matériels comme l’instauration de nouvelles machines à enseigner, de changements conceptuels tels que les méthodes de transmission des savoirs ou encore de certaines variantes de ces changements conceptuels comme par exemple celles qui concernent les relations entre les enseignants et les élèves. Si nous classifions ces divers types d’innovations selon leur nature, nous en venons à la catégorisation suivante :
Schéma I : Les différents types d’innovation
Source : HUBERMAN A.M., (1993), « Comment s’opèrent les changements en éducation : contribution à l’étude de l’innovation, Expériences et innovations en éducation n°4, UNESCO : BIE, p.14.
En effet, lorsque nous abordons l’innovation en éducation, il s’agit d’enseignants, de professionnels de l’éducation ou de directeurs qui appliquent de façon collaborative ou individuelle, un concept quantitativement et qualitativement mieux que celui mis en place auparavant, ou qui adoptent une attitude consistant à éliminer ou à renforcer l’ancien comportement. Tout ceci revient à exercer une pratique innovante. D’ailleurs le Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative, installé en France en 2013, propose une définition qui tente de décrire aussi bien l’aspect dynamique de l’innovation que sa finalité à travers le concept de pratique innovante : « Une pratique innovante est ainsi une action pédagogique caractérisée par l’attention soutenue portée aux élèves, au développement de leur bien-être, et à la qualité des apprentissages. En cela, elle promeut et porte les valeurs de la démocratisation scolaire. Prenant appui sur la créativité des personnels et de tous les élèves, une pratique innovante repose également sur une méthodologie de conduite du changement. Enfin, le partenariat permet à l’équipe d’enrichir son action grâce aux ressources de son environnement. Chacun de ces points ne suffit pas à lui seul, mais plusieurs combinés font d’une action une pratique innovante dans sa conduite et dans ses effets. »
En ce qui concerne particulièrement les enseignants, il faut savoir qu’ils peuvent être encouragés à innover à travers trois domaines, à savoir :
- Les pratiques d’enseignement qui forment l’ensemble des activités de l’enseignant orientées par ses compétences intrinsèques et parfois personnelles, mais qui respectent en tout cas les normes imposées par la profession. Ces dernières sont réalisées dans un milieu pédagogique à part entière[20].
- Les pratiques pédagogiques qui peuvent régir totalement ou partiellement les relations au sein d’une situation pédagogique. Parmi elles, nous pouvons citer par exemple l’art de conduire la classe, de la gérer et l’organiser[21].
- Les pratiques didactiques qui concernent la façon d’inculquer les notions propres à chaque matière[22].
Telles sont donc les différentes formes d’innovation que nous pouvons apercevoir en milieu scolaire. Mais qu’en est-il de leur échelle ? Quelle pourrait-être l’envergure de ces innovations ?
2.2.2.2. L’innovation à différentes échelles
A partir du moment où les pratiques innovantes sont reconnues comme telles par l’institution, la diffusion et le transfert de ces dernières peuvent être enclenchées à plusieurs échelles. A ce propos justement, les décisions peuvent prises au niveau national, c’est-à-dire au niveau macro qui se résume au système éducatif ; au niveau méso notamment au sein des établissements et des réseaux d’établissements ; et enfin au niveau micro qui concerne l’enseignant vis-à-vis de sa classe.
Afin de voir de plus près les différentes innovations selon l’échelle où elles se trouvent, il convient de se référer aux exemples d’innovations collectées par l’OCDE par le biais du Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’Enseignement, notamment à travers le projet « Environnements pédagogiques novateurs [23]». Sachant que ce dernier a, effet, recensé les nouvelles pratiques instaurées aux niveaux des systèmes éducatifs de différents pays membres, nous allons pour notre part classifier quelques-uns de ces exemples, tantôt majeurs, tantôt mineurs selon que les innovations ont été appliquées au niveau national ou régional, au niveau des écoles ou au niveau des classes par les enseignants.
Tableau I : Les exemples d’innovations à différentes échelles
Source : OCDE (2013), « L’éducation aujourd’hui 2013 La perspective de l’OCDE: La perspective de l’OCDE », OECD Publishing, 2013, p. 128, ISBN : 9264186840
Ces quelques exemples concerts d’innovations démarchées en milieu scolaire puisés de quelques pays de l’OCDE sont soutenus par des politiques publiques qui incitent au renforcement de la capacité d’innovation. Ceci implique que l’esprit de créativité est également mis en avant. C’est justement dans cette démarche que diverses lois ont été mises en place pour encourager les enseignants à innover. Il en découle alors des projets de changement dans les méthodes d’apprentissage, dans l’environnement d’apprentissage et dans la notion d’apprentissage elle-même à travers le fait d’inculquer le droit à l’erreur afin d’établir entre les acteurs de l’établissement un environnement de confiance[24].
Nous pouvons remarquer plusieurs ont pu adopter des systèmes susceptibles de promouvoir les pratiques innovantes propulsées par les équipes enseignantes. Ceci étant, comment aborder les effets des innovations scolaires dans leur ensemble ?
2.2.3. Les effets attendus :
Afin de mettre en évidence les conséquences des innovations en milieu scolaire, nous allons prendre en considération, la citation suivante de Charlier (2003) : « Mais la valeur, le bien fondé de ce changement ne peuvent être observés que dans l’action. La situation se complexifie encore puisqu’il faut observer à la fois les acteurs individuels, la communauté d’acteurs et le contexte socio-politique dans lequel ils s’inscrivent, selon deux perspectives : la définition du changement et la manière dont il se vit dans les pratiques » [25]. En ce qui concerne justement la manière dont l’innovation se vit dans les pratiques, après son implémentation, il convient d’en relever trois types d’effets[26] :
- Les effets « produits » : ils sont tout de suite observables après leur adoption et leur implémentation ; par exemple, c’est le cas lorsque nous constatons une augmentation du taux de réussite ou du taux de participation à l’endroit des usages, notamment les élèves.
- Les effets « processus » : nous ne les remarquons pas directement sachant qu’ils sont ancrés dans les processus d’enseignement ; l’impact de l’application de nouvelles démarches peut par exemple se refléter à travers l’augmentation de la motivation chez les élèves ou encore à travers l’existence d’une vision collaborative chez les enseignants.
- Les effets « prospectifs » : ils ne sont détectables que sur le long terme et sont profondément influencés par l’environnement dans lequel les élèves s’épanouissent ; en guise d’illustration, nous pourrons constater au fil du temps que l’usage de méthodes transmissives au sein d’un établissement ne développe pas la curiosité intellectuelle des élèves.
Mais toujours est-il que l’implémentation d’une innovation scolaire ne constitue pas une tâche aisée en raison des différentes variables qui influent sur la réussite de celle-ci. Parmi elles, il existe celles reliées directement à l’innovation en question comme par exemple sa fiabilité et sa compatibilité interne, les coûts associés, la divisibilité, la communicabilité et la complexité ; celles incombant au système scolaire telles que la structure de l’établissement, le sens de l’initiative de la Direction, le climat institutionnel, les valeurs du groupe, la personnalité des adoptants et par-dessus tout, l’intérêt qui résulte de son application ou au contraire, les contraintes qui découlent de sa non application ; et celles rattachées à l’environnement dont la culture du pays ou encore l’ampleur de la pression populaire[27]. C’est la raison pour laquelle le sentiment d’échec n’est pas rare dans le cadre de l’évaluation d’une démarche innovante[28]. D’ailleurs, quelques temps après la période de conception et d’adoption, nous assistons souvent à la dispersion de nombreuses innovations, sachant que les précurseurs ne finissent pas leur route ou changent de poste. Il en résulte des bilans mitigés et une perte de sens par rapport au projet initial de changement.
Tout ceci dit, l’échec de la mise en place d’une innovation peut résulter d’un manque d’analyse du contexte d’une part et d’un rapport de forces nuisible entre les parties prenantes de l’autre, sans oublier l’efficacité du processus de pilotage. Il apparaît ainsi nécessaire d’instaurer des outils servant à maîtriser toutes ces variables. Mais avant d’aborder ces outils proprement dit, il convient de rappeler les enjeux de l’innovation scolaire à l’endroit des enseignants et des chefs d’établissement.
3. L’innovation dans le système éducatif : un processus à forts enjeux :
Nous avons pu établir précédemment qu’il arrivait souvent que les innovations scolaires se soldent par un échec. Il convient donc de noter que l’innovation peut comporter de nombreux risques pour les enseignants et les directeurs d’école. Dans cette optique, nous allons donc énoncer d’une part les différents enjeux inhérents à l’innovation en milieu scolaire et de l’autre, relater le concept d’accompagnement en tant que levier de l’innovation.
3.1. Les différents enjeux inhérents à l’innovation en milieu scolaire
Plus on essaie de faire changer les systèmes sociaux, plus on se rend compte que c’est moins simple qu’on ne le croyait. En sciences et en technologie, il suffit peut-être d’avoir des objectifs clairs, des méthodes rationnelles de recherche et d’expérimentation et assez d’argent pour développer de nouveaux matériaux, de nouveaux procédés, de nouveaux produits. Dans les secteurs qui dépendent davantage des représentations des acteurs et du sens qu’ils accordent à leurs pratiques, le changement est moins facile à piloter. Notamment parce que sa nécessité, son rythme et ses finalités ne font pas l’unanimité, que certains acteurs travaillent au changement alors que d’autres y résistent activement et tentent de neutraliser les efforts des premiers.
3.1.1. Passage d’une routine bureaucratique à des actions collaboratives
Plusieurs chercheurs se sont accordés pour dire que les pratiques collaboratives entre les professionnels de l’éducation en général et entre les enseignants en particulier contribuaient amplement à l’adoption des réformes mais aussi au développement de la créativité de ces professionnels[29], d’où une plus grande efficacité de ces intervenants scolaires. Dans ce contexte, nous passons donc d’une pratique bureaucratique et individualiste à des pratiques collaboratives orientées en réseau. Cette synergie entre les différents professionnels de l’éducation favorise la réussite des élèves. D’ailleurs, leur éducation et leur bien-être relève d’une responsabilité plutôt collégiale. Toujours est-il que cette collaboration peut-être réalisée de manière informelle lors des échanges et des rencontres furtives ou encore de manière formelle lors des activités de formation et des rencontres d’intervention. Ce sont effet ces dernières qui permettent le plus souvent de partager des méthodes de travail et d’entamer une régulation de la structure organisationnelle.
Lorsque cette collaboration est réalisée sur la base du volontariat et de la parité, avec une vision commune et dans un climat favorisant la confiance, le niveau d’interdépendance entre les acteurs sera élevé[30], au point de pouvoir résoudre plus efficacement les problèmes qui surgissent. Cette résolution efficace se reflète à travers les formes d’entraide dans les moments de doute et de stress intenses, mais aussi à travers une volonté plus manifeste d’innover afin de contribuer à l’amélioration du bien-être des élèves, y compris ceux étant en difficultés scolaires.
Schéma II : Les différents niveaux d’interdépendance entre les acteurs selon Lewitt (1990)
Source : BEAUMONT Ph., LAVOIE J., COUTURE Ph., (2010), « Les pratiques collaboratives en milieu scolaire : cadre de référence pour soutenir la formation », Centre de Recherche et d’Intervention sur la Réussite Scolaire (CRIRES), Université Laval, Québec, p.09.
Comme impacts positifs du recours aux pratiques collaboratives, nous pouvons également citer l’apprentissage en équipe via les échanges entre pairs, ainsi que l’amélioration des relations interprofessionnelles, de manière à favoriser leur motivation et leur rétention.
Dans le cadre de cette propension à collaborer avec ses pairs, les enseignants voient leur rôle changer. Nous assistons donc à un changement de la posture de l’enseignant, tel un enseignant innovateur qui a besoin d’être soutenu pour affronter les nombreux défis qui s’offrent à lui en milieu scolaire.
3.1.2. Changement de la posture de l’enseignant-innovateur :
Ce ne sont pas seulement les pratiques collaboratives qui amènent l’enseignant à affronter de nouveaux défis, mais également son nouveau rôle d’innovateur. L’enseignement a été longtemps associé à un métier de livraison. Pourtant, aujourd’hui, la profession est reconnue, du moins sur le papier, comme étant un métier de création, tel un métier qui permet d’expérimenter de nouvelles situations à travers des pratiques innovantes qui ont été soient conçues et directement adoptées, soient transférées d’un établissement à un autre. En effet, bien au-delà des exigences associées au curriculum, la créativité trouve tout son sens à travers la nécessité de mettre en place une pédagogie active permettant à l’élève de déterminer les modalités selon lesquelles il peut apprendre efficacement via les différentes tâches éducatives proposées par son enseignant. C’est par le biais de cette démarche que l’enseignant se voit être un catalyseur du changement, en collaboration avec ses pairs dans le but justement de créer une classe plus active et plus sensible aux découvertes. D’ailleurs, la curiosité constitue une des premières variables tendant à propulser l’innovation[31].
Et pour ce faire, les enseignants sont encouragés à être plus autonomes et manifester un plus grand sens de l’initiative tout en connaissant davantage le contenu des programmes. Ceci étant, ces professionnels de l’apprentissage devront être dotés des bases solides qui passent par des connaissances pédagogiques approfondies, mais une propension à utiliser les nouvelles technologies. De cette façon, ils seront capables d’improviser face aux différentes situations qui se présentent dans leur classe. A la manière de chefs d’entreprises, ils seront amenés à encadrer des groupes d’élèves dans un esprit de collaboration et d’innovation[32].
Nous pouvons remarquer que le changement de posture pour l’enseignant peut constituer un enjeu majeur dans le bon fonctionnement de l’innovation, et surtout dans la réussite des élèves. Mais ce changement est-il accompagné ? Comment les enseignants sont-ils accompagnés dans ce processus ? Comment les pratiques innovantes des enseignants sont-elles valorisées ?
3.2. L’accompagnement en tant que levier de l’innovation :
Il faut savoir que les démarches d’innovation et d’expérimentation de la part des enseignants nécessitent la mise en place d’une conduite de changement, l’établissement scolaire étant un système complexe où la rigueur méthodologique a toute sa place. En effet, dans le but de pouvoir mieux gérer les impacts inattendus de l’innovation, ou encore de soulever certaines difficultés et résistances face au changement, des processus d’accompagnement sont entamés par des personnels d’encadrement.
Parmi ces professionnels à même d’accompagner les changements pratiques en établissement scolaire, nous pouvons citer les directeurs d’écoles ou encore les chefs d’établissement, tels des leaders qui s’appuient désormais sur un management plutôt coopératif. Sachant que l’évolution sociétale se répercute d’une manière considérable sur l’institution scolaire, il est imposé aux chefs d’établissements un nouveau rôle qui s’associe au management d’une part (sens de l’organisation, relations humaines) et au leadership de l’autre (vision partagée, sens politique, prise de décisions). Ces compétences doivent permettre de gérer les enseignants et de les valoriser dans la réalisation des pratiques innovantes[33].
Dans un contexte où l’innovation constitue le ressort du développement social, et l’élément accélérateur de pratiques collaboratives, nous avons affaire à une créativité négociée de manière collective, et qui nécessite un accompagnement fondé sur la prise de responsabilité en vue d’une éventuelle régulation sociale. Ceci étant, l’accompagnateur qu’est le chef d’établissement doit encourager au quotidien les enseignants à l’innovation, et ce, dans le cadre d’une responsabilisation collective, notamment en termes de résultats, afin justement d’améliorer d’une manière ou d’une autre l’apprentissage des élèves. Dans cette tâche, l’accompagnement de l’enseignant-innovateur comprend la formation continue et l’accompagnement du projet d’innovation, un projet qui est adopté dans la seule condition qu’il soit en phase avec les objectifs du système. Toujours est-il que les dispositifs d’accompagnement mis en place répondent le plus souvent de manière intuitive aux attentes des enseignants. Quoiqu’il en soit, ces derniers sont diversifiés et peuvent concerner des participations à des journées d’échanges ou tout comme des formes de communication à distance[34].
L’accompagnement des enseignants en contexte d’innovation constitue donc une démarche cruciale pour leur développement professionnel et leur équilibre. Mais comment pourrions-nous alors aborder cet univers d’accompagnement d’un point de vue théorique?
CHAPITRE II: CADRE THEORIQUE
Afin de pouvoir aborder notre problématique de recherche, il est d’une importance capitale de relater les approches théoriques qui ont permis l’élaboration de l’état de l’art. Cela permettra en même temps d’effectuer des comparaisons avec les recherches découlant des investigations sur terrain. Ainsi, dans ce chapitre, nous allons aborder le cadre conceptuel pour approcher l’innovation sous l’angle de l’enseignement éducatif, puis approfondir les méthodes de diffusion des innovations dans le contexte de l’éducation. A cette issue, il y aura lieu de tenter de modéliser le processus d’innovation en milieu scolaire pour mettre en place des stratégies d’accompagnement des enseignants dans le cadre du processus d’innovation.
1. Cadre conceptuel pour approcher l’innovation sous l’angle de l’enseignement éducatif
Eu égard à au champ multi-contextuel de l’innovation qui a été abordé dans la revue de la littérature, il convient d’affirmer que l’émergence et le développement de la notion d’innovation a été particulièrement important dans les champs sociologique et économique. C’est la raison pour laquelle nous allons nous attarder à rappeler la théorie proposée par l’économiste politique Schumpeter, avant de mettre en évidence l’approche sociologique de l’innovation.
1.1. L’innovation de rupture : le modèle schumpétérien
Dans son ouvrage intitulé « la théorie de l’évolution économique », J. SCHUMPETER (1911)[35] avait mis l’accent sur l’influence de l’innovation dans le développement économique, et ce, en hommage à la seconde révolution industrielle. Selon lui, le progrès technique constitue une variable endogène au sein des modèles économiques de croissance. En effet, cette dernière n’est accessible que par le progrès technique qui permet de soutenir l’inéluctable évolution de l’économie et donc le bien-être des individus à travers l’amélioration des conditions de vie des populations.
Mais quels sont les conditions d’une innovation ? La mise au point d’une innovation passe par :
- la volonté d’un sujet particulier : l’entrepreneur innovateur, tel un aventurier intrépide, qui soit capable non seulement de faire céder les résistances locales dues aux habitudes et aux craintes de leurs contemporains, mais encore à même d’insuffler du génie créateur à l’entreprise[36]. Ce génie créateur est censé innover pour révolutionner la structure de production.
- La conception d’un produit, d’un procédé, d’une organisation susceptible de modifier qualitativement la structure de production. A ce propos, en raison des nouvelles formes d’économie possibles via internet, l’OCDE en a ajouté une quatrième, dont celle de commercialisation[37].
- Un moment opportun qui puisse propulser l’invention technique ou scientifique au rang d’innovation majeure ou de rupture. Dans certains cas, il arrive aussi que cette opportunité soit liée à un long cycle de récession marqué par la crise économique, telle un période salvatrice pour l’entreprise.
Comme exemple d’innovateur, nous pouvons citer Henri FORD qui a révolutionné la production des voitures Ford T. Grâce à l’efficacité de ses chaînes de montage, la marque s’était appropriée une position de quasi-monopole sur le marché jusqu’à ce que son innovation en entraîne d’autres dans son sillage. Ainsi apparaissent et s’installent les progrès techniques, par grappes et dont la formation aurait été assurée par l’essaimage dans son contexte d’une innovation majeure.
Dans son approche de la relation innovation – cycle économique, Schumpeter n‘oublie pas de s’intéresser à la diffusion d’une innovation au sein de la société. Elle dépendrait en fait de l’initiative de l’entrepreneur d’un côté, et de la propension du contexte social ou local à accueillir l’innovation. Toujours est-il que cette propension est fonction du temps (Cf. Annexe I : Courbe de diffusion de l’innovation)[38], des habitudes et de l’attrait pour un produit nouveau, sachant que la qualité d’un produit se reflète à travers sa capacité à limiter les perturbations morales et/ou pratiques qui pourraient affecter l’usager (compatibilité, simplicité et facilité d’usage) et à augmenter le mieux possible sa désirabilité (avantage relatif, possibilité d’essayer, observabilité des résultats). Il ne faudrait pas non plus oublier l’impact des facteurs exogènes liés à l’environnement dans lequel l’innovation cherche à se diffuser, comme par exemple l’effet d’influence du réseau. Grâce justement aux réseaux comme Internet et en se référant à une vision plus systémique de l’innovation, nous relevons qu’il est possible pour le consommateur d’émettre un feed-back aux entreprises. Au travers cela, il y a donc lieu de constater que la diffusion peut se faire depuis l’entreprise à la masse populaire (modèle top down) ou encore depuis les réseaux communautaires aux entreprises (modèles bottum-up). Ce modèle intègre le modèle interactif de l’innovation, mais également une logique des réseaux, puisque les idées viennent à la fois de l’extérieur et de l’intérieur de la firme (Chesbrough, 2003 et 2006).
Quoiqu’il en soit, la diffusion de l’innovation au sein de la société la bouleverse, la transforme et c’est ainsi que le progrès technique change non seulement les voies de production économiques mais également les contours de la société qui lui ont donnée naissance (nouvelles formes de travail, déplacements facilités, communication à distance, espérance de vie prolongée etc). SCHUMPETER pensait que plus l’innovation était majeure, c’est-à-dire impliquait de changements structurels, organisationnels, plus la diffusion en serait lente au sein de la société .
Schéma III : Conception et diffusion de l’innovation dans le circuit économique
Il peut donc existe au sein des entreprises innovatrices adoptes de la stratégie « push » de SCHUMPETER, de fortes tensions, sachant que leur activité est orchestrée via une structure fortement hiérarchisée, selon des processus de type top-down, tandis que l’entreprise est soumise aux influences des réseaux, selon une dynamique bottom-up.
Sachant que la prégnance des conceptions économiques sur l’ensemble de notre société occidentale capitaliste a permis à l’approche de Schumpeter de se déployer assez largement à ses autres pans, notamment sociaux et culturels, qu’en serait-il du modèle de l’innovation appliqué au contexte de l’éducation ?
1.2. L’innovation incrémentale : le modèle des sciences sociales
Conformément aux modèles des sciences sociales, les représentations, les actions et les réactions des acteurs par rapport à l’innovation se fondent nécessairement sur une approche interactionniste, comme le stipule si bien Gather Thurler. En effet, la conception d’une innovation commencerait par :
- Une incitation de l’institution, qui autorise l’innovation, mais qui sert en même temps de garde-fous aux enseignants défenseurs de l’innovation ; cette institution est caractérisée par sa culture propre de l’innovation, et est incarnée dans une structure et des modes de fonctionnement.
- L’enthousiasme d’un personnel créatif capable de remettre en question ses pratiques afin de pouvoir améliorer la performance des élèves et de trouver des solutions pour remédier aux difficultés de l’enseignement.
- La conception d’un produit culturel qui soit le résultat d’un système d’interactions entre les élèves, les enseignants, les directeurs et les instances supérieures. Ce produit culturel peut se refléter à travers une innovation en termes de services, de procédés ou encore d’organisation.
- L’existence d’un moment propice où le besoin de changement se fait ressentir afin de faire bouger l’école sans la déstabiliser.
Depuis les décisions prises par les instances hiérarchiques et approuvées par les enseignants (modèle top down), ou depuis les propositions émises par les enseignants à travers les débats concernant les conflits de normes et de valeurs (modèle bottom-up), les innovations technologiques ou sociales sont diffusées dans les établissements. Ceci étant, la Direction est censée intervenir pour redéfinir les limites de l’école en intégrant l’innovation par régulations successives, et en achevant le processus par l’institutionnalisation de celle-ci. Elle a également pour rôle d’accompagner le changement pour encourager les enseignants dans leur nouvelle posture. Quoiqu’il en soit, l’acceptation d’une innovation serait plus l’œuvre des réseaux qui la soutiennent que de ses qualités propres. Au cours de négociations sociales, les intérêts particuliers se rassemblent progressivement par le dialogue vers l’intérêt du bien commun, tel que défini au cours des traductions[39] incombant au processus d’innovation scolaire. En effet, dans ce jeu de pouvoir tendu, les innovateurs s’associent en réseaux informels pour ne pas demeurer seuls dans l’adversité de la transgression, du conflit permanent et de ses duretés émotionnelles. Hormis le modèle de la traduction, les nombreuses interactions entre les acteurs de l’innovation en milieu scolaire peut être représentées à travers le modèle de l’influence sociale, qui montre que les échanges entre enseignants à propos de l’innovation sont bien plus à même de modifier les pratiques, et par conséquent les résultats des élèves. Nous pouvons également citer le modèle de la recherche-action qui décrit l’innovation comme le fruit de la recherche menée pour résoudre un problème posé à un enseignant. Cette recherche procèderait par le biais d’une conceptualisation des étapes de la résolution, de sorte que l’enseignant en question puisse explorer avec raison son action, et ce, en collaboration avec ses pairs.
Si l’innovation contribue à modifier l’école et semble ainsi devenir un des éléments structurels de l’institution, elle peut aussi être susceptible d’être détachée de ses concepteurs ou de ses praticiens. Se pose alors la question du transfert de l’innovation qui se sera montrée si efficace et bénéfique à résoudre un problème dans un contexte donné. Toujours est-il que la simplicité de forme, de fonction et de signification de l’innovation facilitera donc son transfert, ce que résume Meirieu (1993, 53) par trois attributs d’une innovation transférable, notamment sa capacité à être aisément comprise par les différents adoptants potentiels de l’innovation, l’amélioration qu’elle procure au quotidien et enfin sa capacité à engendrer de nouvelles pratiques. Il faut aussi noter qu’à ces conditions de transférabilité s’ajoutent les tractations, discussions, et formations des consensus.
Schéma IV : Conception et diffusion de l’innovation en milieu scolaire
Ainsi, à partir de l’interactivité entre le sujet et la réalité, il pourra émettre un jugement sur la conformité de l’innovation résultante, par rapport au projet initial auquel est associé le désir d’amélioration. D’ailleurs, toute innovation n’est pas forcément bonne et les valeurs qui la sous-tendent, doivent être examinées minutieusement, d’autant plus qu’elles se distinguent de celles préexistantes.
Force est de constater que l’existence même des nombreuses théories, et fournies, illustre la quasi impossibilité de donner en deux lignes les approches de l’innovation et en particulier de l’innovation scolaire. Mais quelques soient les approches, elles s’accordent toutefois à vanter les innovations scolaires comme étant les solutions de tous les problèmes des écoles modernes occidentales. S’il en ainsi, comment pourrions-nous approfondir les méthodes de diffusion des innovations dans le contexte de l’éducation ?
2. Méthodes de diffusion des innovations dans le contexte de l’éducation
Comme nous l’avons pu constater dans la précédente section, la diffusion de l’innovation au sein d’une école peut se faire de deux manières : selon l’approche descendante ou le modèle top down d’une part et selon l’approche ascendante ou le modèle bottom-up de l’autre. Il s’agira en effet d’approfondir ces deux notions dans ce qui suit afin d’en déduire comment chaque approche se manifeste lors de la mise en œuvre d’une pratique innovante.
2.1. Le modèle top-down : des institutions vers les enseignants
Avec le modèle top-down, le mode de pilotage de la démarche d’innovation se réalise de façon directive. Autrement dit, le projet est initié et animé par la Direction, qui elle-même, est soumise à des directives émises par quelque instance supérieure, nationale ou de gouvernance. Cette dernière décide de ce qui doit être enseigné, et pourquoi, en fonction notamment des besoins de la Nation, de l’avancée des connaissances, et du contexte qui prévaut[40]. Par exemple, nous avons affaire à une innovation conçue de manière descendante lorsque l’Etat décide de modifier le système d’enseignement et les programmes scolaires, et que les changements qui en découlent sont par la suite imposés aux enseignants.
Selon le sociologue Mintzberg (1982) l’innovation peine à s’installer dans un contexte dont le mode de fonctionnement serait de type « bureaucratie mécaniste », à forte formalisation, dans lequel les responsabilités et les fonctions sont découpées formant un ensemble dépersonnalisé. En effet, la structure d’une école est fortement hiérarchisée, de telle sorte que l’individualisation tendrait chacun à protéger ses acquis, ses privilèges et développerait l’esprit de clan.
Après avoir détaillé le fonctionnement du modèle top-down, il s’agit maintenant d’énoncer les tenants et les aboutissants du modèle bottom-up.
2.2. Le modèle bottom-up : des enseignants vers les institutions
L’approche « bottom up », au contraire, implique la définition des objectifs d’innovation à travers les besoins exprimés par les enseignants, suite à la prise de conscience des difficultés des apprenants, des remarques des parents, et de l’évolution de l’environnement socio-culturel[41]. Des propositions qui graviront ensuite les échelons pour parvenir aux oreilles des supérieurs hiérarchiques. Si nous en croyons les travaux de GELINAS et FORTIN (1996), il s’agirait dans ce cas d’« énovation » ou de changement réalisé à l’initiative d’enseignants qui poursuivent des objectifs individuels ou communs à un groupe. Depuis quelques années justement, les lois sur la décentralisation soutiennent l’idée que le changement pourrait venir de la base et non plus uniquement des directives centrales. Ainsi, les enseignants disposent dans leur pratique, d’un degré de liberté qui peut permettre l’insinuation du changement et de l’innovation. Dans cette avancée, l’innovation s’inscrit comme une composante de l’acte professionnel de l’enseignant dans sa classe, siège de situations toujours nouvelles. C’est par exemple le cas lorsqu’un professeur pédagogique prend l’initiative de créer des situations ludiques et interactives pour la formation des élèves à une culture scientifique.
Selon CROZIER (1970), l’innovation ne peut être imposée et doit provenir des acteurs locaux, comme une réponse à leurs problèmes pratiques. L’acteur innovateur profiterait de ses marges de manœuvre, toujours existantes, même ténues, pour générer de nouvelles pratiques, par un système de relations, de pouvoir et de marchandage (Huberman 1982).
L’innovation est alors devenue l’instrument des politiques éducatives, encouragé par l’institution elle-même et couvée aujourd’hui par le CNIRS, fondé en 2001. Mais même dans un pays comme la Suisse qui s’avère être la reine de l’innovation, l’approche bottum-up reste marginale, sachant que la plupart des enseignants pratique, volontairement ou non, le « top down ». Ceci étant, comment pourrions-nous concrètement appréhender le processus d’innovation en milieu scolaire ?
3. Tentative de modélisation du processus d’innovation en milieu scolaire :
Havelock et Huberman (1980) décrivent le processus de l’innovation en éducation comme un parcours organisé en étapes, selon une chronologie bien précise, dans un espace temporel limité et temporaire. Il serait porté par des acteurs pratiquant un échange solidaire autour de problèmes à identifier puis à résoudre. Afin de pouvoir illustrer ce processus en détail, il convient de prendre comme modèle celui de la recherche-action, un modèle très courant en milieu éducatif et qui fait remonter les attentes et les contraintes de faisabilité du terrain.
3.1. La recherche-action en tant que modèle de diffusion ou de dissémination de l’innovation[42]
La recherche-action[43] est une théorie instiguée par K. LEWIN (1946) qui part du principe que la recherche doit être collaborative et pratiquée au sein d’un milieu naturel, de sorte que les comportements et les attitudes des individus soient mesurés à l’issue de chaque phase de la recherche[44]. En effet, les praticiens et les chercheurs travaillent conjointement afin de résoudre un problème de pratique spécifique, et de produire par la suite un savoir théorique ou expérientiel.
Si nous transposons cette démarche au domaine de l’éducation, elle trouve son intérêt dans le fait de promouvoir la reconnaissance des propositions des enseignants, issues d’une réflexion organisée et tendant à aboutir à une pratique innovante. Pour ce faire, il s’agit principalement d’identifier un problème ou une question saillante et de les résoudre par le biais de stratégies qui consiste en l’amélioration d’une situation inconfortable pour chacune des forces en présence. Toujours est-il que dans cette optique, le praticien est en droit de s’approprier sa propre méthodologie tout au long de la mise en œuvre d’actions innovantes ; en même temps, il s’inspire des bases théoriques appropriées, de sorte qu’il puisse soutenir la formation continue du groupe auquel il est intégré.
Le processus de recherche-action étant une succession de phases cycliques d’observations et de réflexions entamées de façon collaborative par les enseignants, les chercheurs et les apprenants (qui peuvent être réunis en une même personne) et qui passe par l’analyse de données plutôt qualitatives que quantitatives, il y a lieu d’en donner une version élaborée, inspirée de SUSMAN (1983). En effet, selon son protocole, il existe principalement 5 phases du processus, à savoir l’identification du problème, l’établissement de plans d’action, la mise en place de l’action, l’évaluation des effets de l’action et enfin la communication et la conclusion de la recherche.
Schéma V : Le processus de la recherche-action
Source : SUSMAN, G.I. (1983), « Action Research : A Sociotechnical Systems Perspective », G. Morgan (ed), London : Sage Publications.
D’abord, il s’agit d’identifier un problème pour qu’un diagnostic soit établi à travers la réflexion des pratiques pédagogiques, elle-même issue de l’observation du monde environnant. Ensuite, l’enseignant émet des hypothèses associées à plusieurs solutions possibles et choisit les méthodes de recherche qui lui conviennent. Il en découle un plan d’action, qui sera appliqué par le praticien. Lors de sa mise en œuvre, les données sont collectées et analysées pour aboutir à une évaluation, sachant qu’au fur et à mesure du recensement des données, des changements peuvent être apportés. En effet, l’enseignant dresse un bilan des résultats et des éventuelles conclusions sont énoncées conformément au succès ou à l’échec de l’opération. À ce stade, l’enseignant procède à une réévaluation du problème, ce qui indique le commencement d’un nouveau cycle. Ainsi, des cycles se succèdent jusqu’à la résolution du problème et à la satisfaction des partenaires ou à l’impossibilité d’une amélioration. Les actions correctives mises en place à l’issue de cette évaluation sont ensuite partagées et débattues avec d’autres membres de l’équipe éducative, les membres pouvant intervenir à n’importe quel moment du processus
Il faut savoir qu’une telle démarche fournit à l’enseignant un cadre théorique dans lequel ses questionnements pourront être inscrits et ses modalités d’action délimitées. Cela permet en même temps d’enrichir les connaissances et d’avoir une vision nouvelle sur les différentes situations qui pourraient se présenter, de manière à stimuler efficacement l’équipe éducative comme les apprenants. Par ailleurs, lorsque les enseignants se partagent entre eux les expériences et les réflexions, ils sont à même de remettre en question leur mode d’enseignement et leurs pratiques professionnelles, pour trouver ensemble des solutions d’amélioration. Par le biais de la recherche-action, chaque jour constitue une nouvelle opportunité faire face aux difficultés de la pratique quotidienne, grâce notamment à la reformation d’idées. Enfin, cette démarche est d’autant plus importante lorsque les résultats des analyses peuvent conduire à des initiatives innovantes et impacter les autres disciplines. Telle est d’ailleurs la nécessité de la communication externe.
Nous avons pu relever dans cette section était que la recherche-action était une pratique collaborative basée sur une approche bottum-up et qui permet aux enseignants de développer leur créativité et améliorer leur apprentissage. Mais si tel est le mode de diffusion de l’innovation qui en découle, est-elle pour autant transférable et être appliquée aux autres établissements ?
3.2. L’innovation en milieu scolaire : un processus consubstantiel au contexte non transférable
Nous avons énoncé, dans les sections précédentes, que l’innovation dans le contexte de l’éducation, était dotée d’un caractère « mesurable », « volontaire », « peu fréquent », « durable », et aussi « transférable ». Il convient justement de se focaliser sur cette dernière caractéristique pour mettre les points sur les « i » et les barres sur les « t ». Cela implique à la base que toute innovation scolaire doit être détachée de ses concepteurs et de ses praticiens, de sorte que d’autres utilisateurs puissent s’en approprier, telle une action entièrement délocalisé qui se diffuse de manière durable. D’ailleurs, l’innovation pédagogique n’aurait pris son sens que si elle obéirait à deux conditions, à savoir la transférablité et la possibilité d’évaluation. Autrement, il s’agirait plus d’une expérimentation qu’autre chose.
Pourtant, l’innovation scolaire constitue également est aussi un processus consubstantiel au contexte qui le régit. Autrement dit, elle est contingente au système d’action qui y est associé, comme quoi l’innovation ne constitue pas pour autant un phénomène reproductible et encore moins transférable à un autre contexte, à moins que les acteurs qui la recréent se l’approprient dans une situation particulière. Ainsi, un enseignant, de tradition pédagogique magistrale, qui développe le travail en groupe innove à son échelle. C’est une nouveauté pour lui qui n’en sera pas une, ni dans l’histoire de l’éducation, ni pour son collègue déjà praticien de cette pédagogie depuis plusieurs années. Ainsi, discerner l’innovation à l’école demande d’examiner avec attention l’évolution des pratiques dans un contexte donné mais également.
Il y a lieu de remarquer que les conditions de diffusion et de transfert de l’innovation sont fortement liées au contexte d’une part et à la manière dont les acteurs se l’approprient de l’autre. Mais afin justement de favoriser cette appropriation, existe-t-il une stratégie d’accompagnement des enseignants ?
4. Mise en place d’une stratégie d’accompagnement des enseignants dans le cadre du processus d’innovation :
Le fait d’encourager les enseignants à innover requiert une phase d’accompagnement dans leur nouvelle posture. Cela requiert en effet la mise en place de stratégies efficaces de la part des directeurs d’écoles, ainsi que l’application d’un dispositif adapté. Mais avant d’aborder cette démarche, il convient d’évoquer les variables déterminantes de l’accompagnement.
4.1. Les variables déterminantes de l’accompagnement :
Il faut d’abord savoir que les démarches d’accompagnement ne sont pas les mêmes pour toutes les formes et tous les types d’innovations scolaires. Au contraire, ces dernières sont fonction des caractéristiques propres aux groupes concernés, mais aussi de la nature du système qui est censé adopter l’innovation. C’est la raison pour laquelle nous allons nous intéresser aux attitudes des enseignants et aux comportements des directeurs d’écoles en tant que variables déterminantes de l’accompagnement de l’innovation.
4.1.1. Les attitudes des enseignants face à l’innovation :
Dans le cadre de la diffusion et du transfert de l’innovation, les enseignants, quelques soient les logiques d’action propres à leur fonction, peuvent adopter au cours du processus, des comportements différents. Comme le prétendent les psychologues sociaux, chacun d’entre eux a une certaine prédisposition psychologique à adhérer ou non à l’innovation. Ainsi nous pouvons observer une typologie d’attitudes qui caractérise l’état d’esprit des enseignants face à une nouveauté pédagogique[45] :
- L’intérêt systématique : cette première catégorie d’attitudes correspond à celles des enseignants innovateurs qui osent se lancer le défi de modifier leurs routines dans le cadre de l’application d’une réforme ou pour faire leur propre expérience de l’idée innovante ; elle correspond également à celles des enseignants pionniers qui ont le courage de proposer des nouveautés pédagogiques, telles des modalités d’enseignement complètement nouvelles pour la profession enseignante.
- La prudence : dans ce cas, les enseignants sont plutôt hésitants à s’engager dans la voie de l’innovation, sachant que cette dernière ne constitue pas forcément une garantie en termes d’efficacité et d’amélioration. La plupart du temps, les enseignants observent d’abord les premiers résultats des autres enseignants novateurs avant de vouloir réaliser eux-mêmes les changements en question. Il s’agit en effet du comportement le plus courant.
- La résistance : cette dernière catégorie est celle qui justifie réellement la nécessité d’un processus d’accompagnement par les chefs d’établissement et les agents compétents. Toujours est-il que la résistance, qu’elle soit active ou passive, peut revêtir une forme individuelle (lorsque l’innovation touche à l’intérêt personnel) ou collective (lorsque l’innovation va à l’encontre de certaines valeurs et idéologies).
Selon Watson (1967)[46], l’adoption de tel ou tel comportement peut justement varier en fonction du sentiment d’appartenance, de l’appui du personnel d’encadrement, de l’adéquation par rapport aux valeurs et aux idéaux des enseignants concernés, du niveau de confiance existant au sein du groupe, mais aussi des enjeux sécuritaires et individuels que l’innovation est susceptible d’engendrer.
Par ailleurs, la latitude des enseignants à résister ou non au changement en question peut également dépendre, selon HUBERMAN (1989)[47], des périodes par lesquelles les enseignants passent dans la continuité de leur carrière. Pour être plus précis, ces enseignants sont confrontés à des périodes d’accalmie, de crises et de transitions au cours desquelles la propension à adopter l’innovation varie.
Schéma VI : Le cycle de vie professionnelle des enseignants
Source : HUBERMAN Michaël (1989), « Le Cycle de vie des enseignants : évolution et bilan d’une profession », Neufchatel, Delachaux et Niestlé.
Ceci dit, il peut exister, dans la carrière enseignante, des périodes qui soient plus propices à l’innovation que d’autres, notamment lorsque les enseignants sont sortis de la phase de début et qu’ils ne sont pas encore tombés dans la spirale de la routine et de la lassitude.
Après avoir abordé les possibles comportements des enseignants au regard des innovations scolaires et pédagogiques, nous allons maintenant nous axer sur ceux des chefs d’établissement.
4.1.2. Les attitudes des chefs d’établissement face aux enseignants :
Les chefs d’établissement jouent un rôle crucial dans le développement des innovations, quelque soit leur provenance[48], les écoles étant des instruments efficaces et efficients de mise en œuvre des innovations qui reflètent les aspirations d’une société par rapport aux systèmes d’enseignement. Afin de maintenir l’organisation en marche et de l’adapter aux éventuels changements, ils se doivent de superviser les équipes innovantes à travers le pilotage du changement tout en assurant la maintenance et la dimension d’interface, sans oublier la dimension symbolique comme la valorisation des enseignants et de leurs actions (Cf. Annexe Rôle du chef d’établissement).
Mais bien que dans le cadre de la mise en place d’une innovation, la fonction de pilotage occupe une place particulière, le rôle du directeur d’école en tant qu’accompagnateur est une posture de plus en plus sollicitée dans les établissements prêts à se confronter au changement, tel un appui essentiel à la performance des équipes innovantes. Dans cette optique, il doit être en mesure d’impulser une nouvelle dynamique aux équipes pédagogiques sous sa responsabilité, et ce, en adoptant différentes postures dans la fonction d’accompagnement[49], à savoir le rôle de catalyseur, le rôle de facilitateur, et le conseiller et de liaison.
- Le rôle de catalyseur : dans cette posture, le chef d’établissement, à travers les réunions et les débats, tend à provoquer chez les enseignants des réactions tendant à occasionner des conflits sociocognitifs, des divergences ; le but est justement d’inculquer une volonté de changement pour pouvoir mieux faire et aller plus loin.
- Le rôle de facilitateur : dans un premier temps, ce rôle consiste à accompagner les enseignants individuellement dans l’organisation de leur quotidien et dans le positionnement par rapport à la nouvelle structure, de sorte qu’ils puissent être capables de prendre de la distance et de manifester par la suite une plus grande efficacité ; dans un second temps, ce rôle sert à faciliter les relations entre les différents membres de l’équipe, à travers la mise en place d’un climat propice aux échanges et à la liberté d’actions. Ainsi, les problèmes et les éventuels conflits sont résolus de façon collaborative.
- Le rôle de conseil : dans cette démarche, le directeur d’école incite les enseignants à suivre des formations continues en externe ou à pratiquer des stages dans d’autres établissements innovants ; en outre, il peut aussi animer les équipes et intervenir en cas de nécessité, telle une posture qui se rapproche de la médiation dans un cadre réflexif et réfléchi.
Idéalement, l’accompagnateur (qui peut aussi être quelqu’un venant de l’extérieur ou un membre de l’équipe innovante) est censé adopter toutes les postures, ce qui ne paraît pas toujours évident. Mais l’intérêt de cette typologie réside dans le fait de savoir à quel moment tel rôle est utile et doit être pris en compte. En même temps, il ne doit pas déconsidérer la légitimité qu’il acquiert auprès des équipes, et encore moins la relation de proximité qu’il pourrait entretenir avec elles.
Mais toujours est-il que ce rôle, aussi important soit-il, varie en fonction de la structure-même de l’organisation, sachant que la stratégie adoptée dans un système bureaucratique et centralisé est relativement différente de celle qui est appliquée au sein d’une organisation et dans laquelle la profession occupe une place à part entière. Mais quelles sont justement les stratégies d’accompagnement qui s’offrent aux directeurs d’école dans le cadre de la mise en place d’une innovation pédagogique ?
4.2. Les stratégies d’approches pour inciter les enseignants à l’innovation :
En supposant que les enseignants soient sensibles à des tactiques différentes dans l’accompagnement de l’innovation, nous pouvons dresser une typologie de stratégies qui dépendent de la nature de ces derniers, ainsi que des motivations qui les poussent à adopter tel ou tel comportement. Pour ce faire, nous nous sommes inspirés de celle dressée par CHIN et BENNE (1964)[50] car cette dernière peut être associée aux mesures innovantes venant d’en-haut.
- L’approche empirique-rationnelle :
Dans cette approche, les enseignants sont libres de choisir s’ils veulent s’adonner au changement ou non. L’accompagnateur se doit donc, pour éviter toute résistance, de montrer à ces derniers les avantages qu’ils auront à gagner dans la conception, la diffusion et la pratique de l’innovation. D’ailleurs, c’est souvent la raison qui détermine l’initiative en matière d’innovations et la recherche scientifique pourra y être pour quelque chose, sachant qu’il s’agit d’un moyen efficace pour élargir les connaissances, depuis la recherche fondamentale à l’application pratique.
- L’approche normative-rééducative :
Cette approche est adoptée lorsque les enseignants sont amenés à travailler conjointement afin de résoudre un problème donné ou améliorer une situation quelconque. Dans ce cas où l’enseignant ne reste pas passif aux projets d’innovation, il adopte une double posture dont celle de l’innovateur et de l’adoptant. Ceci étant, avec le soutien de l’accompagnateur l’enseignant est encouragé à élaborer lui-même ses changements, dans le but d’améliorer les capacités de résolution des problèmes des enseignants, notamment ceux relationnels et de contribuer au développement personnel des membres de l’équipe innovante, tout en sachant que les changements personnels aboutiront d’une manière ou d’une autre à des changements au sein de l’établissement.
- L’approche coercitive :
Cette dernière stratégie est plus radicale et reflète le plus souvent les prérogatives des organismes étatiques. En effet, cette méthode, qui consiste à fixer des contraintes politiques et économiques en vue d’améliorer des programmes et des méthodes de formation, s’applique généralement aux enseignants fonctionnaires. Dans ce cas, nous pouvons donc parler de « réformes » plutôt que d’innovations proprement dit. Mais quand bien même le changement serait imposé, encore faut-il que l’accompagnement soit efficace pour qu’il soit adopté. En effet, la grande majorité des innovations exigent des connaissances, des compétences et des comportements nouveaux, et dans une large mesure l’adhésion à de nouvelles valeurs.
Force est de constater que, quelque soit la force motrice des stratégies d’accompagnement (descendantes ou ascendantes), les directeurs comme les enseignants ont un grand rôle à jouer. Ainsi, pour que chacun d’eux puissent jouer pleinement leur rôle, il convient d’établir un dispositif adapté à la professionnalisation des enseignants en contexte d’innovation.
4.3. Construction d’un modèle de dispositif approprié à la professionnalisation des enseignants : un apprentissage basé sur les interactions avec les apprenants et les pairs
Le fait de songer à innover ou de vouloir intégrer un projet innovant revient d’une certaine façon à se replonger dans la posture régressive d’apprenant, tel un enseignant qui quitte des habitudes professionnelles et sa zone de confort pour apprendre de nouvelles pratiques et de nouvelles méthodes. Mais comme l’innovation en milieu scolaire relève d’une vision partagée, l’enseignant doit se positionner dans une configuration collective qui construit ce dont l’établissement a besoin pour avancer. Ainsi, ce dernier devient plus un lieu de construction collective de nouvelles connaissances et compétences, plutôt qu’un simple lieu d’apprentissage. Ceci étant, tous les acteurs de l’établissement apprennent et conçoivent du savoir en faveur du bien-être de l’élève[51]. Ce type d’organisation reposant sur une idéologie du consensus entre les membres de l’équipe innovante, nous pouvons penser que l’établissement scolaire se fait une santé lorsque les divergences d’opinions sont éradiquées et que touts les acteurs sont d’accord en ce qui concerne ses buts ultimes, son organisation, ses relations et ses stratégies. C’est ce que certains nomment la « culture de l’organisation scolaire », telle une culture qui incite les enseignants à adhérer à une construction active du changement »[52].
Au regard justement de cette construction active du changement, il convient de dresser un modèle de dispositif approprié à la professionnalisation des enseignants. Dans cette démarche, nous nous sommes inspirés du modèle d’HUBERMAN, selon lequel l’apprentissage est basé sur les interactions avec les apprenants et les pairs (Cf. Annexe II : Apprentissage organisationnel). En effet, nous entendons par apprentissage, la démarche d’appropriation individuelle qui se base sur les ressources cognitives et affectives de l’apprenant et qui est fonction de l’environnement dans lequel les interactions sociales surgissent. S’il en est ainsi, il importe de dresser le tableau suivant quant aux responsabilités respectives des accompagnateurs et des enseignants :
Tableau II : La responsabilité des acteurs
Responsabilités des accompagnateurs | Responsabilités des enseignants
|
– Adoption d’une posture favorisant la démarche d’accompagnement de l’innovation.
– Adoption d’une pratique réflexive – Prise en compte de la dimension affective – Animation à travers une communication réflexive-interactive – Mise en place des projets d’action – Mise en place d’un système d’évaluation – Exercice d’un jugement professionnel dans une dimension critique. |
– Développement d’une maitrise personnelle à travers la formation continue.
– Remise en question des pratiques pédagogiques – Développement d’une volonté d’apprendre en équipe. – Engagement autour de projets collaboratifs via une vision commune. – Approche du système dans sa complexité. |
Logiquement, lorsqu’un établissement bascule vers une organisation plus apprenante, c’est donc une culture d’apprentissage qui s’installe. Ainsi, les enseignants se voient attribuer une plus grande liberté de parole et peuvent développer auprès des autres membres de l’équipe innovante une culture basée sur la confiance et le respect. Dans cette mesure, les échanges d’idées et d’opinions se déroulent sans jugement dégradant et encore moins avec une attitude destructive.
Nous avons pu voir dans ce chapitre que l’aboutissement d’une innovation scolaire passe par la volonté des acteurs d’entamer une démarche réflexive et collaborative, mais aussi par une posture d’accompagnement de la part des chefs d’établissements, tel un chef novateur qui entretient une culture d’innovation et qui s’engage dans des démarches fédératrices. Ceci étant, quelles problématiques conviendrait-il de formuler à ce propos ?
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE
La formulation de la problématique de recherche constitue une étape importante dans notre travail dans la mesure où elle consiste à annoncer, quelque part, la couleur, conformément à l’objectif visé. Dans ce processus, nous allons donc relater respectivement le contexte social de la recherche, la problématique de l’innovation en milieu scolaire, la formulation de la question de recherche.
1. Contexte social et scientifique de la recherche :
Notre mémoire étant spécialisé en sciences de l’éducation, nous allons dans un premier temps, mettre en évidence l’intérêt social que nous portons pour le sujet de la recherche, tout en limitant et en délimitant le contexte de cette dernière. En quoi notre travail de recherche est-il pertinent ? Quel en sera le champ d’application dans sa visée pratique ?
1.1. Pertinence de la recherche
Nous avons plusieurs fois eu l’occasion de mentionner dans notre revue de littérature que l’école était l’arène de la société et que si cette dernière évoluait, l’école serait également amenée à innover. Bien entendu, les controverses se sont multipliées à ce sujet dans la mesure où les risques d’échec étaient imminents dans le milieu scolaire en cas de changements dans les structures et dans les curriculums notamment. Mais la pertinence sociale de notre recherche réside dans la volonté d’améliorer le bien-être des élèves et d’optimiser en parallèle les techniques d’apprentissages qui s’offrent aux enseignants afin que ces derniers puissent mieux s’approprier leur rôle dans un contexte social en perpétuelle évolution où des élèves issus de milieux différents et ayant de niveaux différents se regroupent pour apprendre à affronter l’avenir.
En effet, il apparaît nécessaire de percevoir l’innovation comme étant une source de changement positif pouvant mener à ce que nous appelons le progrès. Un progrès qui puise sa source de la volonté de professionnels, de chefs d’établissement et d’enseignants à collaborer via des méthodes réflexives pour adopter et diffuser de nouvelles façons d’apprendre. Il existe de plus en plus d’élèves en difficultés scolaires, comme quoi il serait nécessaire que le corps enseignant puisse disposer d’outils adéquats pour pouvoir mieux accompagner ceux qui étaient auparavant inéducables. Par ailleurs, les enfants précoces (qui ne courent pas les rues cependant), se trouvent souvent en échec scolaire sachant que les curriculums ne sont pas adaptés à leur mode d’apprentissage et il n’existe encore que très peu de structures en adéquation avec l’accueil de ces élèves à haut potentiel. Enfin, les enfants issus de divers milieux méritent une éducation qui ne soit pas en contradiction avec leur propre culture.
Nous pouvons remarquer qu’il existe mille et une raisons d’intégrer l’innovation au système scolaire. Mais comment s’est-elle justement intégrée dans le cadre de l’Ecole Internationale de Genève.
1.2. Délimitation au contexte de l’Ecole Internationale de Genève
Le thème de l’innovation scolaire semble particulièrement intéressant à étudier dans le cadre de l’Ecole Internationale de Genève, sachant que cette école qui a été fondée en 1924, a été la première école à s’ouvrir à l’international dans le monde en général et en Suisse en particulier. En effet, depuis la fin de la première guerre mondiale, l’établissement s’est trouvé l’opportunité d’adopter une culture de l’innovation afin justement de pouvoir accepter les élèves dans leur diversité, c’est-à-dire dans leur identité individuelle et culturelle. Bien qu’aujourd’hui, de nombreuses écoles internationales existent à travers le monde et représentent une poignée de concurrence pour l’Ecole Internationale de Genève en ce sens qu’elles partagent les mêmes valeurs et la même pédagogie, elle conserve aujourd’hui son prestige à travers la qualité des enseignements bilingues, ainsi que l’utilisation des dispositifs d’apprentissages adaptés.
Après avoir mis en exergue le contexte social de la recherche, il convient maintenant de se focaliser sur la problématique de l’innovation en milieu scolaire.
2. Problématique de l’innovation en milieu scolaire :
S’il existe bien un domaine où il est difficile d’intégrer une innovation scolaire, c’est bien l’école, où les relations sociales occupent une place importante. Au travers de ces quelques lignes, il convient donc d’énoncer les nombreuses interrogations qui taraudent l’esprit en ce qui concerne l’innovation en milieu scolaire :
- Le problème de la transférabilité de l’innovation au sein du secteur éducatif
Il semblerait que l’innovation serait une opportunité pour discuter de la transférabilité des acquis d’établissements en établissements. Mais les questions qui se posent à ce sujet sont les suivantes : quels sont les réels critères qui font qu’une innovation soit transférable dans un contexte aussi différent duquel elle a été conçue ? D’ailleurs quelle partie de l’innovation peut être transféré ? Arrive-t-il que les praticiens et les concepteurs refusent volontairement de transférer l’innovation en vue justement d’en faire un label et que l’innovateur puisse garder un statut à part entière ?
- La remise en question des pratiques collaboratives :
Il est clair qu’au sein d’un établissement innovant, la réussite d’un changement passe aujourd’hui par la mise en place d’une vision et de pratiques collaboratives. Mais cela apparaît-il évident de parler un « même langage » dans un établissement où les enseignants ont des avis différents sur un même problème ? Comment passer de la conception d’une idée innovante à la coopération dans un environnement où chaque enseignant est censé se limiter à sa structure cellulaire et donc d’opter pour un certain individualisme ? Et d’ailleurs, cette collaboration inspire-t-elle réellement la confiance et la sécurité affective qui puissent permettre d’oser dévoiler les failles du système ? Ou alors est-ce une forme de pression que les chefs d’établissement font sur les enseignants ? Et si les projets parviennent à émerger au niveau local, serait-il facile de diffuser l’innovation, sachant que certains enseignants pourront se montrer réfractaires ? Comment adaptent-ils le contexte à l’innovation en cours d’implémentation, notamment lorsqu’il s’agit de se l’approprier complètement ?
- Les risques de résistance au changement
Le changement de la posture de l’enseignant constitue un enjeu crucial dans la diffusion de l’innovation scolaire en raison notamment des éventuels risques de changement. Mais ces risques de changement ne seraient-ils pas dus à des enseignements qui relèvent à la base de la standardisation ? L’organisation pyramidale des établissements serait-elle à l’origine de la frustration des enseignants en quête de projets innovants ? Pourquoi certains enseignants se culpabilisent-ils à l’annonce d’une innovation, et considèrent le changement de méthode d’enseignement comme étant une critique personnelle ? Quelles sont les principales motivations des enseignants qui résistent au changement ? Les réformes constituent-elles une des causes flagrantes de résistance au changement en raison de leur caractère contraignant ou en ce sens qu’elles bousculent les normes mises en place ? Sachant que chaque individu porte en lui une culture conforme à un système de valeurs et de croyances, l’innovation scolaire serait-elle considérée dans ce cas comme étant un catalyseur de conflit la culture adoptée au départ, dans la mesure où celle-ci nécessiterait un changement de comportement ? Ces détracteurs qui vont à l’encontre des projets d’innovation en comprennent-ils les enjeux ? Perçoivent-ils l’innovation scolaire comme étant un frein à leur liberté d’actions ?
- La portée des mesures d’accompagnement à l’égard des enseignants
Nous avons pu constater que le travail collaboratif qui vise l’adoption et l’implémentation de l’innovation serait favorisé par la double posture du chef d’établissement, en tant que leader et manager à la fois. Dans quelles mesures ce dernier est-il amené à accomplir son rôle de supervision et d’animation ? Quelle marge de liberté les directeurs d’école offrent-ils aux enseignants quant à la création de nouveaux outils ? Comment sont-ils accompagnés dans le développement de leur créativité ? Quelles sont les places de la formation continue et de l’apprentissage entre pairs dans ce cadre ? De quels moyens disposent ces enseignants pour élaborer un projet innovant ? En cas de résistance au changement, comment les détracteurs sont-ils accompagnés ? Quelles sont les solutions alternatives qui leur sont offertes afin qu’ils puissent être des acteurs à part entière du processus d’innovation ?
Nous pouvons remarquer que la mise en place d’une innovation scolaire est loin d’être sans risque pour les acteurs engagés. Ceci étant, comment appliquer ces questionnements au cas de l’Ecole Internationale de Genève ?
3. Formulation de la question de recherche :
L’heure serait aujourd’hui à l’autonomisation des institutions scolaires, en tout cas, en Suisse qui apparaît d’ailleurs comme étant le leader de l’innovation dans tous les domaines. Les esprits taraudent entre deux concepts paradoxaux, à savoir la liberté des enseignants et le contrôle des institutions, les pratiques collaboratives et le système directif, la délégation et la centralisation. Ceci pour dire que cette initiative d’autonomisation passe par une recherche de compromis qui sera garante de l’efficacité et de la légitimité de l’innovation[53].
L’Ecole Internationale de Genève s’est justement consacrée à un tel projet en tant qu’école de référence de la promotion de la diversité des cultures. Cette dernière met à disposition des élèves des outils efficaces et systématiquement innovants pour que ces futurs adultes aient l’opportunité de vivre une expérience particulière de l’apprentissage à l’international tout en acquérant des qualités personnelles et des connaissances qu’ils pourront réinvestir plus tard[54].
Mais pour ce faire, les enseignants comme les autres professionnels de l’éducation doivent eux aussi faire preuve de créativité dans leurs pratiques, aussi bien enseignantes que pédagogiques, ces derniers étant des acteurs incontournables de l’innovation dite émergente en milieu scolaire. C’est la raison pour laquelle nous avons fait en sorte de nous focaliser sur les questions suivantes : comment l’innovation a-t-elle évoluée à l’EIG depuis sa fondation ? Comment l’innovation est-elle encouragée à l’EIG ? Comment ses dirigeants encouragent-ils les enseignants à innover ? Toujours est-il que ces deux questions se résument à la problématique suivante : Comment les enseignants sont-ils encouragés à innover en milieu scolaire en général et à l’Ecole Internationale de Genève en particulier ?
CHAPITRE IV : CADRE METHODOLOGIQUE
Avant de pouvoir présenter les résultats de notre recherche, il apparaît important d’expliciter la méthodologie qui a permis de les collecter et de les étudier. C’est la raison pour laquelle nous consacrons à chapitre entier au cadre méthodologique, dans lequel il y aura lieu d’énoncer la description de l’approche méthodologique d’un côté et la conduite de l’enquête de l’autre.
1. Description de l’approche méthodologique : une recherche qualitative fondée sur une démarche interprétativiste
Il y a de lieu de rappeler que la présente recherche a pour but d’appréhender comment les enseignants étaient encouragés à innover au sein d’un établissement scolaire. Pour ce faire, il convient de connaître le fonctionnement du processus d’innovation et du système d’accompagnement qui en résulte, tout en observant la perception des acteurs quant à leur expérience de l’innovation. Ainsi, il nous semble nécessaire d’analyser les discours des enseignants et des directeurs d’écoles. Dans cette optique, nous avons entamé une recherche qualitative fondée sur une démarche inteprétativiste, afin justement de rendre compte du vécu professionnel des enseignants en contexte d’innovation scolaire.
1.1. Procédure de collecte de données :
Afin de pouvoir recueillir les informations qui puissent être essentielles à notre analyse et conformes à ce que nous attendons par rapport aux objectifs de la recherche, nous avons utilisé deux méthodes de collectes de données. Sachant que nous avons choisi de prendre principalement le cas de l’Ecole Internationale de Genève comme terrain d’étude, nous allons consulter dans un premier temps les archives de l’Ecole pour comprendre ce qui a fait sa réputation et pour comprendre la place accordée à l’innovation dans l’établissement ; nous allons dans un second temps effectuer une recherche exploratoire auprès de quelques acteurs (enseignants et directeurs) à travers un guide d’entretien semi-directif.
1.1.1. Consultation d’archives :
La recherche de documents, et plus particulièrement la consultation d’archives va nous permettre, non seulement de décrire les spécificités de l’Ecole Internationale de Genève, mais aussi de comparer les résultats des innovations scolaires de cette dernière avec celles des autres écoles, ainsi que par rapport à ce qu’il en est aujourd’hui.
En effet, nous nous sommes basés particulièrement sur un document rédigé par la Ferrrière lui-même et qui a consisté à rendre compte du contenu du programme prodigué depuis la section enfantine à la section secondaire à l’Ecole Internationale de Genève, tel un programme qui prône le professionnalisme des professeurs dans la prise en compte de l’individualité de chaque élève.
Nous pouvons dresser le tableau suivant pour mettre en évidence les exemples d’innovations à l’époque de sa création.
Tableau III : Les premières innovations à l’EIG
Section enfantine | Section primaire | Section secondaire | |
Travaux individuels | Installation de jeux sensoriels inspirés de Montessori | Recours aux séries d’actions de Gouin chez les plus jeunes, avec systématisation grammaticale chez les élèves les plus avancés. | Travail individuel libre conformément aux programmes des centres d’intérêt de chaque élève |
Travaux de groupe | Préparation à la vie sociale à travers la réalisation d’activités essentielles comme le ménage | Enseignement d’une langue étrangère (français ou anglais) selon la méthode directe de Schweitzer | Travail collectif libre dans un cadre scientifique ou social. |
Hormis la consultation d’archives, nous avons également tenu à effectuer des recherches exploratoires au sein de l’Ecole Internationale de Genève, notamment auprès des enseignants et des directeurs d’école de cette même école.
1.1.2. Recherche exploratoire basée sur des entretiens
Dans le cadre de notre recherche, nous avons utilisé comme outil d’investigation l’entretien semi-directif. Cela perme d’entamer, auprès des acteurs interrogés, une démarche de communication verbale, de manière à pouvoir étudier directement et de façon vivante leurs récits, leurs ressentis, leurs attentes et leurs craintes. Le recours à une telle démarche se justifie par l’importance de « l’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations de situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres expériences »[55]. Au travers du vécu professionnel des sujets interviewés, il y aura donc lieu de comprendre comment les acteurs perçoivent l’innovation et comment le vivent-ils, telle une méthode qualitative visant à interpréter les propos des acteurs interrogés, de façon à pouvoir répondre à notre problématique de recherche.
Toujours est-il que cette recherche qualitative a été menée à travers un outil bien distinct : l’entretien semi-directif. Ce dernier, en tant que tel, vise à recueillir des informations précises sur les points de vue des professionnels de l’apprentissage à l’Ecole Internationale de Genève, et le bilan qu’ils peuvent en ressortir par rapport aux aboutissants de l’innovation scolaire, dans le but justement de savoir si les directeurs jouent bien leur rôle de leader et d’accompagnateur auprès des enseignants, et de savoir si les enseignants se voient effectivement encouragés dans cette démarche d’innovation scolaire.
Il existe quelques critères qui différencient ce type d’entretien avec ceux directifs : les réponses aux questions ne sont pas prédéterminées, ce qui laisse à la personne interrogée une certaine marge de manœuvre, quitte à orienter elle-même ses propos selon ce qu’elle souhaite dégager.
Après avoir abordé la méthode d’investigation, il convient désormais d’évoquer la méthode de traitement des données.
1.2. Stratégies de traitement et d’analyse des données :
Suite à la collecte des informations auprès des acteurs sur terrain et après avoir recensé les données utiles puisées des archives, nous avons procédé au regroupement et au recoupement des données textuelles dans le but de pouvoir les analyser et les interpréter. Ainsi, il y a eu lieu de mettre en place une démarche relevant d’une analyse catégorielle, de manière à classer les groupes de mots et les expressions selon leur champ lexical. Plus précisément, nous avons découpé chacun des récits des sujets interviewés en plusieurs unités de sens. A ce propos justement MUCCHIELLI (1984) avait énoncé que : « analyser le contenu (d’un document ou d’une communication) c’est, par des méthodes sûres dont nous aurons à faire l’inventaire, rechercher les informations qui s’y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui est présenté, formuler et classer tout ce que contient ce document ou cette communication » [56].
Ce recoupement nous a en effet permis d’établir une grille d’analyse de dresser une grille d’analyse, dans laquelle nous avons pu insérer les groupes de mots et les idées nécessaires à l’étude des enjeux liés au processus d’innovation à l’Ecole Internationale de Genève, et plus ceux liés à la démarche d’accompagnement des enseignants dans ce contexte. Il faut noter que cette grille d’analyse comporte maintes thématiques, qui seront-elles-mêmes catégorisées en sous-parties, conformément au tableau suivant :
Tableau IV : Grille d’analyse
Enseignants | Directeurs d’établissement | |
Perception de l’innovation scolaire | Créatif/redécouvrir des choses | Nécessité de s’adapter/ changer/ faire mieux/ pas de choix |
Objet | Méthodes de travail/ nouveaux outils | Programmes/ structure scolaire/ bâtiments/ pratiques/procédures |
Finalité | Résultats scolaires/ évolutions technologiques/ progrès/ développement personnel | |
Rôle des acteurs | Initiative individuel/ décisions collectives/ | Leadership/ améliorer l’administration/ gestion ressources/ gestion cursus/ train d’emploi/ vendre le projet. |
Processus d’innovation | Incitation /consultations /réunions /projets et plans d’actions/ réalisation/ évaluation/ partage/ sondages/ manque suivi de projet/ manque évaluation | |
Système d’accompagnement | Information /accompagnements/ formation/ child management/ changement de priorités des enseignants/ vie extérieure / résistances/ contrats/
|
Toujours est-il que les différents mots et groupes de mots placés dans les sous-catégories serviront de mots-clés dans le cadre de l’analyse textuelle. En ce qui concerne justement l’analyse, nous avons choisi de :
- D’évaluer le processus d’innovation, et plus particulièrement les marges de manœuvre attribuées aux enseignants dans l’encouragement à l’innovation, ainsi que l’existence de dispositifs appropriés pour le suivi dudit processus.
- De dresser le bilan du système d’accompagnement apporté aux enseignants innovants, notamment pour ce qui ont trait à l’incitation à l’innovation et à la formation. Plus précisémment, il s’agira de juger de la qualité de l’enseignement.
- De comparer l’Ecole Internationale de Genève avec d’autres écoles qui ont pu investir dans l’innovation, afin d’en déduire ses forces et ses faiblesses par rapport aux pratiques innovantes de ces autres établissements.
Ayant eu connaissance de la façon selon laquelle nous avons traité et analysé nos données, nous allons maintenant entrer en détail dans la conduite de l’enquête.
2. Conduite de l’enquête :
Dans cette partie, nous allons émettre des informations supplémentaires relatives au cadre de l’investigation sur terrain, notamment la conduite de l’enquête. Dans cette optique, il s’agira de détailler d’une part les lignes directrices et le contenu du guide d’entretien, et d’autre part les limites méthodologiques de la recherche.
2.1. Le guide d’entretien : outil de collecte des données
Comme nous l’avons pu évoquer précédemment, nous avons choisi de mener des recherches sur terrain en utilisant comme d’investigation le guide d’entretien semi-directif. Mais de mettre en exergue le terrain d’études, la population concernée et le contenu du guide d’entretien, il convient de relater l’objectif de l’enquête.
2.1.1. L’Ecole Internationale de Genève comme terrain d’études
La Suisse est un des pays où l’innovation est considérée comme étant un facteur de compétitivité et d’attraction dans tous les secteurs d’activités. Mieux encore, le pays se classe leader dans l’encouragement de l’innovation, grâce notamment à une politique de décentralisation exempt de master plan. Les projets innovants suivent alors une approche bottum-up dont les financements sont à retirer au niveau des institutions académiques et sont largement utilisés par le secteur privé. Cela favorise non seulement l’autonomie des acteurs de l’innovation, ainsi que le sens des responsabilités. En effet, la politique de la formation, de la recherche et de l’innovation (FRI) de la Confédération des Cantons se veut très dynamique sur la scène internationale[57]. En ce qui concerne particulièrement l’éducation en Suisse, l’objectif est de booster les potentiels des élèves et d’améliorer la formation des enseignants. Pour être plus précis, Les écoles publiques comme privées se sont investies, à travers la formation des enseignants et les projets d’établissement, afin de promouvoir la réussite de tous les élèves et l’amélioration des logiques d’enseignement et d’apprentissage. Cela passe principalement par le développement de pratiques réflexives et la responsabilisation collégiale du corps enseignant.
Sachant qu’une innovation scolaire varie en fonction du contexte dans lequel est immergé, et ne se réalise qu’à la constatation d’une vision commune et de pratiques unifiées, nous avons choisi comme étude de cas, celui de l’Ecole Internationale de Genève. Dans cette optique, nous allons présenter dans un premier temps l’Ecole et développer dans un second temps les raisons de notre choix.
2.1.2. Présentation de l’Ecole Internationale de Genève :
Agée de 92 ans, l’Ecole Internationale de Genève est considérée comme étant la plus vieille école internationale au monde, depuis sa création par des fonctionnaires issus du Bureau International du Travail d’une part et de l’Organisation des Nations-Unies de l’autre. En tant que fondation à but non lucratif, l’Ecolint est dirigé par un Conseil de Fondation, dont les membres sont eux-mêmes élus par un électorat composé de parents, de collaborateurs, de membres du Conseil et d’anciens élèves. Sous son égide, la Conférence des Directeurs supervise le fonctionnement de l’Ecole et formule les politiques relatives à son développement :
Schéma VII : Organigramme de l’EIG
Source : Site Officiel Ecole Internationale de Genève, « Structure », Rubrique Direction et gouvernance, en ligne http://www.ecolint.ch/fr/leadership-governance-f/structure consulté le 20/08/2016
Ceci étant, la mission pédagogique que s’est fixée l’Ecole est de contribuer à une éducation internationale permettant d’exploiter au maximum les potentialités de chacun de façon individuelle, de sorte qu’ils puissent devenir des apprenants indépendants, avides de connaissances, tels des futurs citoyens qui agissent en faveur de la diversité culturelle, qui s’intéressent aux questions politiques, qui défendent les normes éthiques et qui s’engagent dans la protection de l’environnement. Inculquer de telles valeurs permet aux générations futures de vivre dans un monde meilleur, tout en étant aussi plurilingue que multiculturel[58].
Afin d’en savoir un peu plus sur l’Ecole, il convient de noter qu’elle est dotée de trois campus, sis sur les cantons de Genève et de Vaud, à savoir notamment la Grande Boissière, la Chataigneraie et le Campus des Nations, ce dernier comprenant deux sites situés rapprochés au cœur du quartier international de Genève. Chacun de ces campus abritent différentes sections, qui passent de la petite enfance à la secondaire, dont les chiffres clés suivants en révèlent la performance :
Tableau V : Les chiffres clés des campus du l’EIG
La Grande Boissière[59] | La Chataigneraie[60] | Le Campus des Nations[61] | |
Nombres d’élèves | 1300 | 1550 | 1000 |
Nombre de nationalités | 100 | 83 | 113 |
Nombre de langues maternelles | 66 | 47 | 79 |
Taux de réussite au diplôme de l’IB | 97% | ||
Taux de réussite au Programme à orientation professionnelle | 100% | ||
Nombre de langues maternelles enseignées | 15 |
Sachant que la finalité de l’Ecole Internationale de Genève est la réussite et l’épanouissement de l’élève dans un cadre multiculturel et multilingue, nous allons évoquer dans ce qui suit les principales raisons qui ont permis de se concentrer sur cette dernière.
2.1.3. Le choix de l’Ecolint :
Bien qu’il existe à Genève de nombreuses écoles qui accueillent, à travers leur excellent curriculum et infrastructures, des élèves issus des quatre coins du globe, l’Ecole Internationale de Genève se démarque à travers son environnement propice à la diversité culturelle avec la présence de près de 140 nationalités, ainsi qu’à travers une éducation qui promeut le respect des valeurs humaines[62].
Dans cette démarche, les raisons pour lesquelles nous avons choisi d’enquêter particulièrement sur l’Ecole sont alors multiples :
- Les ressources dont dispose l’Ecole Internationale de Genève permettent aux professionnels de l’enseignement d’innover de manière continue tout en adaptant les nombreux programmes à l’évolution et à la diversité de la population d’élèves, l’innovation étant encouragée par le Directeur des Ecoles qui supervise également les programmes et transmet aux campus les différentes avancées pédagogiques. En effet, les campus disposent des derniers équipements informatiques et les élèves ont la possibilité de travailler dans un environnement adapté à chaque matière. Il y existe aussi des centres multimédia, des bibliothèques, d’un auditorium, ainsi que de nombreuses salles adaptées aux activités parascolaires.
- A travers les missions qu’elle réalise, les enseignants prônent la réussite de l’élève dans un cadre qui puisse non seulement s’adapter aux mutations de l’environnement socio-économique, mais encore respecter le caractère international du programme éducatif et donc les valeurs internationales, y compris celles des pays hôtes. A ces bonus s’ajoutent les programmes bilingues (français/anglais) pour tous les âges.
- Les enseignants sont expérimentés et privilégient une approche individualisée pour chaque élève sachant que la pertinence est confirmée à travers les différents résultats scolaires.
Après avoir mis en lumière le choix du terrain d’études, nous allons maintenant expliciter le choix de la population étudiée, ainsi que les caractéristiques des participants.
2.1.4. Choix de la population étudiée et caractéristiques des participants
Dans cette étude, nous avons choisi d’enquêter principalement auprès de 04 acteurs de l’apprentissage scolaires dont 01 enseignant, 03 directeurs d’Ecole et 01 chargé de Département. L’objectif étant de savoir comment les enseignants sont encouragés à innover dans cette fameuse école qui est censée développer l’esprit d’innovation dans un environnement en perpétuel changement. Les rôles que les enseignants et les directeurs d’écoles jouent dans le cadre de l’innovation scolaire sont d’autant plus importants dans la mesure où ils en sont les acteurs principaux. Autrement dit, la réussite d’un projet d’innovation scolaire varie en fonction :
- de l’intérêt personnel que les enseignants auraient accordé au changement ;
- de la connaissance des objectifs communs et des démarches à engager pour atteindre ces objectifs ;
- de la qualité des interactions qui découlent du partage d’informations, de représentations et de valeurs ;
- de la qualité de l’accompagnement initié par les directeurs d’écoles
- de l’efficacité et de l’efficience des ressources engagés dans la réalisation du processus.
Le tableau suivant met justement en évidence les informations particulières sur les sujets que nous avons interviewés :
Tableau VI : Informations préliminaire sur l’échantillon
Observations | Nom | Fonction | Années d’expérience en éducation | Années d’expérience à l’EIG |
Acteur 1 | M.R Woods | Directeur de campus | 27 ans | 6 ans |
Acteur 2 | Arnold | Professeur de Chimie | 30 ans | 30 ans |
Acteur 3 | Armstrong | Directeur de campus | Environ 20 ans | |
Acteur 4 | Bernard | Chargé du Département soutien | 26 ans | 26 ans |
Connaissant les raisons qui ont mené au choix du terrain d’études et de la population étudiée, il convient maintenant de révéler le contenu du guide d’entretien.
2.1.5. Contenu du guide d’entretien
Il y a lieu de rappeler que la problématique de la recherche consiste à s’interroger sur la façon dont les acteurs de l’éducation, et plus particulièrement les enseignants et les directeurs d’école s’organisent pour faire briller l’esprit innovateur dans un établissement scolaire, de manière à anticiper l’avenir. Il en découle que le but de notre recherche est d’appréhender le comment et le pourquoi du processus d’innovation en général et du système d’accompagnement en particulier.
Ainsi, à travers le questionnaire attribué aux sujets concernés, il s’agira de :
- Déceler les pratiques et les visions des acteurs concernant l’innovation en milieu scolaire ;
- Comprendre le rôle des directeurs et des enseignants dans cette démarche ;
- Mettre en relief les enjeux de l’innovation dans le système éducatif ;
- Comparer les récits des directeurs d’école et des enseignants sur les tenants et les aboutissants de l’innovation scolaire.
Ceci étant, les similitudes comme les différences entre les propos des personnes interrogées permettront de juger de l’efficacité des moyens qui ont été instaurés pour favoriser le développement de cette double posture d’enseignants-innovateurs, ainsi que de mesurer l’influence du système d’accompagnement des enseignants sur la perception de cette double posture.
A ce propos, un guide d’entretien a été adressé aux différents acteurs interrogés (ANNEXE III), afin justement de déceler les visions et les pratiques en matière d’innovation scolaire à l’Ecole Internationale de Genève. En effet, les informations ci-après relatent les caractéristiques du guide d’entretien :
- Nombre de questions : 08
- Types d’entretien : semi-directif
- Durée moyenne des entretiens : 1h00
- Critère de confidentialité : Anonymat et confidentialité assurée
- Outils utilisés : ordinateur, dictaphone
Au cours de notre enquête, nous avons fait en sort de rédiger des questions plutôt simples de façon à ce qu’elles soient fluides et cohérentes, dans le but justement de mettre le sujet interrogé à l’aise dans la formulation de ses réponses. Nous avons, dans la même veine, ajouté en cours d’entretien des questions de relance qui ont pu permettre de donner des points de précisions et d’obtenir de plus amples explications par rapport à certains propos.
Telles sont alors les éléments clés qui ont amené à l’élaboration du guide d’entretien et donc du questionnaire de recherche. Avant d’évoquer les résultats issus dudit questionnaire, il apparaît opportun d’énoncer les limites associées à notre dispositif de recherche.
2.2. Limites méthodologiques de la recherche
Bien que l’Ecole Internationale de Genève soit la première école internationale au monde, elle n’est pas susceptible de représenter pour autant la situation de l’innovation en milieu scolaire dans le contexte de la Suisse, cette dernière ayant un penchant pour le modèle de type bottom-up. De même, les actions et les réactions des enseignants et les directeurs d’écoles qui y ont été interviewés ne sont pas représentatifs de celles des professionnels de l’apprentissage en situation d’innovation. Par ailleurs, il n’a pas semblé aisé de contrôler le fait que les acteurs interrogés puissent avoir pris partie dans leurs réponses. Mais malgré cette (prévisible) partialité dans leurs jugements, un certain degré de subjectivité est tolérable, sachant que les acteurs concernés ont eu tout intérêt à témoigner en faveur de l’Ecole.
Aussi, nous n’avons pas eu la possibilité d’analyser tous les entretiens, sachant que nous en avons effectué 12 au départ, en raison des limites qui ont été fixées quant au contenu du présent mémoire, en termes de pages, bien que le résultat qui en découlerait aurait été plus intéressant. Mais malgré ces limites, nous avons tout de même pu obtenir des informations suffisantes et pertinentes contribuant à l’analyse des données et à la formulation des réponses à la problématique.
Connaissant alors les limites liées à notre méthode d’investigation, il s’agit désormais de passer à la présentation et à l’analyse des résultats de la recherche.
CHAPITRE V : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Nous allons maintenant présenter les résultats de notre recherche à travers ce chapitre, qui constitue l’étape préalable avant la mise en place d’éventuelles analyses. En effet, depuis le recensement des archives et la collecte des données sur terrain, il convient de détailler les résultats de la recherche. Il s’ensuivra une analyse plus approfondie des données.
1. Présentation des résultats :
Dans le cadre de la présentation des résultats de la recherche, il s’agira d’aborder respectivement la perception qu’ont les enseignants et les directeurs de l’innovation scolaire, l’objet et la finalité de celle-ci, les responsabilités de l’enseignant dans le processus d’innovation, ainsi que l’accompagnement de l’enseignant.
1.1. Situation de l’Ecole Internationale de Genève en termes d’innovation scolaire
Il faut d’abord retenir que dans l’histoire de l’école, il y a eu des périodes où cette dernière, en rapport avec le contexte de son époque (c’est-à-dire dans les années 60 ou 70), était très en phase avec l’innovation. Sachant qu’elle avait eu les ingrédients pour innover et réussir, elle avait trouvé l’idée d’innover en termes de cursus, de manière à assurer une éducation d’envergure internationale aux enfants. Cette tendance innovatrice à été facilitée par la liberté donnée aux enseignants. Par exemple, dans les archives rédigées en 1924, il a été mentionné que les craies, l’école, les lettres écrites à la main constituaient quelque chose de nouveau.
Mais depuis ce moment-là, l’école est restée stable en termes d’innovation. En effet, ce qui compte le plus pour les enseignants et les parents actuellement sont plus les résultats des examens que le développement personnel des élèves dans toute sa splendeur. De ce fait, en prenant du recul, l’école a « vraiment loupé des opportunités » (acteur 1). Il apparaît aujourd’hui utile d’étudier le bien-être des élèves et également penser à son avenir, et non plus décider en fonction de nos intérêts, ce qu’il convient d’apprendre aux élèves à travers les cursus. En parlant justement des cursus, les enseignants ont toujours un mandat qui est très traditionnel. En fait, l’école n’a pas changé depuis 30 – 40 – 50 ans, avec le cursus de 45 minutes. D’ailleurs, les « assessments », qui constituent l’innovation du « moment » à l’EIG, sont très traditionnels, car ils n’ont pas vraiment changé depuis très longtemps. A ce propos, les autres écoles ont des systèmes avec lesquels ils ont réussi un meilleur progrès pour leurs élèves, et c’est l’assessment qu’ils ont choisi qui est le point qui a fait plus de différence.
Toujours est-il que les principales innovations réalisées par l’EIG et qui sont à l’ordre du jour concernent le projet sur le bilinguisme. En effet, la direction avait essayé d’accentuer l’aspect bilingue de l’école primaire avec l’ouverture du bâtiment primaire. Au sein des classes 5 et 6, il existe un switch, c’est-à-dire que la moitié de l’année se fait dans une langue (en anglais), et dans une autre (en français) dans la moitié de l’année. Il existe aussi des innovations technologiques portant par exemple sur l’édition des bulletins, l’installation de smartboards pour plus d’interactivité dans les classes. Ainsi, les enseignants gagnent en praticité. Par ailleurs, les projets en cours peuvent par exemple concerner la distribution d’ordinateurs portables à tous les élèves et non seulement à ceux qui avaient des difficultés donc pour écrire manuellement (acteur 4).
1.2. Perception de l’innovation scolaire :
Dans cette section, nous allons aborder respectivement la perception de l’innovation scolaire par les directeurs d’une part et par les enseignants de l’autre.
- Perception de l’innovation scolaire par les directeurs
L’innovation est perçue comme étant une réponse à l’adaptation par rapport aux évolutions technologiques en général et aux évolutions des mentalités en particulier. L’économie ayant changé, il en va de même pour les besoins des élèves. Ainsi, l’innovation constitue une initiative non discutable dans l’enseignement scolaire. L’innovation scolaire désigne une « obligation » d’adaptation à l’environnement socio-économique. D’ailleurs l’acteur 1 avait stipulé : « Enfin, je ne sais pas si c’est vraiment innovation ou c’est la nécessité d’adapter ». Toujours est-il que l’adaptation au changement est l’affaire de tous les établissements, comme quoi, selon l’acteur 3, l’innovation la capacité d’avancer ensemble pour faire mieux. Ainsi dans cette démarche, un groupe de professionnels réfléchissent ensemble sur un projet d’innovation et y donnent une espèce de cohérence pour faire évoluer une vision. Pour lui, ce n’est pas un projet qui est l’innovation, mais l’école, ce qui fait qu’il apparaît important d’évoluer. Quoiqu’il en soit, il s’agit pour l’ensemble d’une expérience globalement positive malgré les réticences de certains enseignants. En ce qui concerne justement l’expérience de l’innovation scolaire au niveau des acteurs interrogés, il convient de se référer à l’Annexe IV : Expérience de l’innovation.
- Perception de l’innovation par les enseignants :
Tous les enseignants s’accordent pour dire que l’innovation scolaire consiste à apporter quelque chose de nouveau à l’école, notamment en termes de pratiques enseignants. Toutefois l’acteur 2, lui, a une vision toute particulière de l’innovation, ou plutôt une vision paradoxale, sachant que cette dernière peut désigner un retour en arrière, du moins que le projet soit créatif, notamment à l’endroit des élèves : « Etre créatif; J’ai l’impression qu’on est très dans le monde virtuel et puis que, même savoir d’où vient une brique de lait, ils ont de la peine à, à le saisir. Donc l’innovation, c’est aussi leur faire redécouvrir des choses très élémentaires et auxquelles ils réfléchissent plus ».
1.3. Objet de l’innovation en milieu scolaire :
L’innovation scolaire porte généralement sur l’élève. Dans cette démarche, il y a lieu d’innover en termes de programmes (ex : pédagogie blilingue), de structure scolaire (ex : la mixité des classes), d’environnement de travail (ex : construction de bâtiments) ou encore de pratique (ex : l’installation de tableaux interactifs), de sorte que les élèves aient les capacités et les outils nécessaires pour vivre et affronter l’école de demain. Elle peut parfois porter sur l’amélioration de la communication avec les parents, comme l’avait évoqué l’acteur 1.
Dans la plupart des cas, les enseignants cherchent à trouver des moyens de rendre plus fort tout ce qui relève de la technologie informatique. A ce propos justement, l’EI est soutenue par les petits projets dans chaque école, sachant qu’il existe des liens directs entre certaines innovations, qui sont pareilles partout dans la fondation. Par exemple en ce qui concerne l’iPad et ce qu’il peut apporter, d’après l’acteur 3.
1.4. Finalités de l’innovation scolaire
La mise en place de pratiques pédagogiques et didactiques sont principalement réalisés en vue de s’adapter aux évolutions technologiques, de manière à s’engager pour l’amélioration des résultats scolaires des élèves. Le but ultime est de contribuer à son progrès (évaluable à travers ses résultats), et aussi à son développement personnel (cet aspect est souvent occulté par les enseignants et les parents). Selon l’acteur 3, ce qui est particulier en termes d’innovation scolaire est justement le fait que le produit se trouve en face de soi, ce qui donne par la suite plus d’assurance et d’énergie.
1.5. Les responsabilités des acteurs dans le processus d’innovation :
Le rôle des directeurs auprès des enseignants serait de faire preuve de leadership d’une part (à travers le pilotage du changement et l’accompagnement des enseignants) et de manager les ressources de l’autre, à savoir les ressources humaines et les ressources financière et les ressources matérielles, sans oublier les espaces de travail. Comme le stipule l’acteur 1 : « Il y a tout ça et en même temps, mon travail, je crois que je suis là pour, pas protéger mais, susciter les profs d’être les meilleurs qu’ils peuvent être. Donc je dois améliorer l’administration qu’il faut faire, des contraintes de ressource, de cursus, de train d’emploi du temps et tout ça ». En ce qui concerne particulièrement les ressources humaines, l’acteur 1 s’engage tout particulièrement à trouver de nouveaux professeurs ayant de visions nouvelles sur l’enseignement. Dans le cadre d’un désir de transfert, il appartient au directeur de vendre le projet et d’organiser en conséquences les visites. En effet, chacun pourrait rajouter les projets prioritaires qui pourraient semer les graines dans une autre école. Par exemple, le « trans languaging » qui est d’ailleurs devenue une norme en Suisse, est à priori une innovation qui se transfère dans chaque module et dans chaque format, et ce, à condition que les populations soient stables. A ce propos l’acteur 3 avait mentionné que : « nous avons beaucoup à apprendre en voyant d’autres manières de le faire. Et c’était intéressant parce que toutes les formules bilingues ont les mêmes résultats positifs ».
En ce qui concerne tout particulièrement les enseignants, ces derniers estiment ne pas vraiment avoir d’obligations en ce qui concerne l’innovation scolaire. Par contre, ils sont encouragés à prendre des initiatives, aussi bien sur le plan individuel que collectif.
1.6. Le fonctionnement du processus d’innovation :
Le processus d’innovation passe par l’incitation à l’innovation, l’établissement de plans d’actions, la réalisation, l’évaluation, le partage d’expérience (acteur 1). Pour être plus précis, le processus varie en effet en fonction des types d’innovations. D’une manière générale, l’initiative commence bien des années avant. Puis, il s’ensuit un processus de consultation qui s’organise à travers les réunions entre les acteurs de l’éducation, notamment le corps enseignant. Après cela vient le projet en question. A cela s’ajoute la mise en place de séances d’information, d’accompagnements, et de formation, tout en essayant de le vendre à l’intérieur de l’école. Lorsque le projet est implémenté (par exemple à travers une approche Ready Fire In), il est en cours de processus analysé, discuté et modifié.
1.7. L’accompagnement de l’enseignant :
D’une manière générale, les directeurs reconnaissent qu’il existe, dans l’école, une des professionnels qui ont beaucoup d’émotion. L’introduction d’un changement induit justement des réactions émotives, parfois grandes, parfois petites. A ce propos l’acteur 1 avait justement mentionné que les professeurs n’aimaient pas le changement, ce qui paraîtrait normal, au regard de la nature humaine. Cette crainte du changement est partagée par les parents.
Il apparaît dans ce cas utile, d’aider chaque acteur à reconnaître l’action émotionnelle, ainsi que son origine afin de mieux engager la réflexion, notamment lorsqu’ils sont confrontés à une certaine résistance (qui n’a souvent rien à voir avec l’innovation en question). Parmi l’origine des résistances à l’innovation, il existe par exemple la mauvaise conception de celle-ci ou encore la peur du changement. Par exemple, les parents craignent souvent que l’innovation influe négativement sur la réussite de leurs enfants, mais encore les parents viennent des cultures très différentes, ce qui engendre des expectations différentes.
Dans la mesure où les résistances concernent l’innovation en question, il est possible d’orienter leur réflexion en leur offrant la recherche. Il s’avère important de travailler sur leur motivation. Ainsi pour mieux accompagner les enseignants, des réunions et des séances de formation peuvent être organisées, avec le soutien notamment de l’institution et des Comités de Direction. Par exemple, l’acteur 3 avait évoqué que les formations complètes sur le child Management se sont succédés dans son établissement quelques temps après son arrivée. Il s’agissait selon lui, d’apprendre aux gens comment mener des discussions difficiles, comment ne pas contourner la situation et la laisser fossiliser, comment aller vers la personne pour trouver un moyen de régler la situation.
Hormis les résistances au changement, il existe de nombreuses contraintes que les directeurs d’école doivent affronter lors de l’accompagnement des enseignants : les contraintes par rapport au changement de priorités des enseignants sachant qu’ils ont également une vie à l’extérieur de l’école, ainsi que par rapport aux contrats en cours. A ce propos, les enseignants doivent être engagés sur le long terme et avoir plus de flexibilité.
Après avoir présenté en détail les résultats de notre recherche, il convient maintenant d’en établir une analyse approfondie.
2. Analyse approfondie :
Afin de mieux appréhender les points forts et les points faibles relatifs à l’innovation scolaire à l’EIG, nous allons d’abord analyser les innovations présentes et passées. Ensuite, nous énoncerons les bilans incombant au processus d’innovation et au système d’accompagnement.
2.1. Analyse des innovations scolaires de l’EIG
Dans l’objectif d’analyser dans son ensemble les innovations scolaires à l’EIG, nous allons comparer le contexte incombant respectivement aux innovations passées et aux innovations présentes. Dans cette optique, il s’ensuivra une comparaison entre les innovations instiguées par l’école et celles réalisées par les autres écoles.
- Analyse par rapport aux innovations passées :
Dans les années 70, l’EIG était réputée comme étant un établissement de référence en ce qui concerne le cursus orienté à l’international. Les innovations associées étaient perçues par les autres écoles comme étant des modèles à suivre. Mais s’il faudrait comparer les innovations scolaires des autres écoles autour des années 70-80, comme par exemple celui vécu auparavant par l’acteur 3 à Toronto, il faut dire que les enseignants avaient eu une grande liberté par rapport au fait d’innover, comme quoi il n’y avait pas beaucoup de demandes de mesure. De plus, les évaluations de standards par le conseil scolaire se faisaient nombreuses, notamment lorsqu’il s’agissait des classes préparatoires. Autrement dit, rien n’était imposé. D’ailleurs, à l’EIG, l’innovation n’était pas pour autant soutenue par l’institution, de telle sorte que le manque de formation associée pourrait amener à la démotivation des enseignants. En effet, ils ne disposaient pas de ce qu’il fallait pour nourrir cette initiative puisqu’il y avait peu de matériels à l’époque. Ainsi, même s’ils avaient beaucoup d’enthousiasme au départ, au bout d’un moment, ils arrivaient dans un mur, de manière à retomber sur des méthodes traditionnelles. Sachant que les gens étaient plus à l’aise de cette façon, l’école n’avait pas pris non plus le temps de former les enseignants à enseigner de cette façon-là (acteur 2).
Aujourd’hui, les lacunes persistent en ce qui concerne le manque de suivi et d’évaluation des pratiques innovantes, ainsi que le manque de formation par rapport aux innovations en cours. La différence est que les enseignants d’aujourd’hui seraient capables de mieux se débrouiller même sans formations. D’ailleurs, même si les enseignants bénéficient des journées pédagogiques dans cette école, les formations continues et spécialisées ne sont pas toujours ciblées sur leur intérêt direct. Ils se voient obligés de choisir des « adclimes », et pourtant ils souhaiteraient utiliser les ressources internes, notamment spécifiques au département sachant qu’il existe des enseignants qui disposent des compétences dans de nombreux domaines (acteur 2).
- Analyse par rapport aux pratiques innovantes des autres établissements :
Il est clair que l’EIG dispose des ingrédients pour produire quelque chose de spécial, notamment avec des parents engagés dans la réussite de leurs enfants, des enfants eux-mêmes très motivés, des réseaux puissants, ainsi que des professeurs qualifiés et expérimentés (acteur 1). D’ailleurs, l’école est connue pour disposer de moyens importants pour ressourcer les parents et les élèves, grâce notamment au renouvellement périodique et programmé des matériels.
Mais par rapport aux autres écoles genevoises qui se spécialisent dans l’éducation à l’international, l’EIG n’est plus considérée comme étant l’école numéro 1. Bien qu’elle ait réussi à conserver un certain prestige, les autres écoles l’ont dépassé de très loin au niveau technologique, voire même au niveau du cursus. Comme l’affirme l’acteur 1 : « Non mais c’est clair qu’il y a des écoles maintenant qui travaillent avec des moyens de travail complètement différents que nous, ils ont vraiment innové, fait des changements mais nous, on est resté dans la même façon de travailler, je crois depuis des dizaines d’années ».
2.2. Bilan relatif au processus d’innovation
Il s’agira ici d’évaluer le processus d’innovation en termes de résultats dans un premier temps et en termes de fonctionnement dans un second temps.
- En termes de résultats :
Lors de l’évaluation des pratiques innovantes, il est souvent constatable qu’elles ne sont pas toujours conformes au projet initial. Des modifications ont lieu en cours de route. Comme l’affirme l’acteur 2, « Moi très sincèrement, je crois que le projet il évalue au cours…il évolue, il évolue et que l’idée de départ, on doit souvent la modifier, l’adapter à… à la réalité d’une classe et c’est, c’est souvent ce qui se produit. On a une idée au départ assez large et puis finalement, on doit la… On doit réduire un tout petit peu pour cibler vraiment ce qu’on aimerait atteindre avec des enfants ».
Par ailleurs, les méthodes d’évaluation sont partout à peu près les mêmes. Cela commence en effet par une analyse systémique des données dans chaque discipline puis se termine en fin d’année par la réalisation de sondages auprès des enseignants et des parents. Ces derniers consistent principalement à leur demander ce qu’ils ont trouvé de positif, de négatif ou de difficile, et surtout à demander des informations sur la manière dont les enseignants ont affronté les défis. Il en découle des données qualitatives qu’il conviendrait d’interpréter avec une certaine prise de recul. A ceux-là peuvent s’ajouter, comme l’avait indiqué l’acteur 1, des enquêtes de satisfaction auprès des élèves. Ces résultats peuvent compléter ceux réalisés par le bureau de marketing.
Mais il faudrait quelques années (3 à 5 ans pour que les résultats soient réellement observables. En ce qui concerne justement les impacts sur les usagers, nous pouvons citer :
- Le niveau atteint par les élèves : par exemple, l’acteur 3 avait mentionné que les enfants avaient atteint le niveau que leur parent en France et leur père en Angleterre par rapport à la langue, dans le cadre de la mise en place du projet bilingue.
- La motivation des élèves : sachant que l’acteur 1 avait eu l’opportunité de contribuer à la construction de bâtiments supplémentaires au sein de l’Ecole Publique à Singapour, il avait mentionné que les élèves manifestaient une plus grande motivation lors des cours. Comme l’affirme l’acteur 1 : « Et la chose qui m’a étonné après, ça a vraiment changé la vie des élèves et aussi comme ils ont pensé être dans le bâtiment, quand ils ont été dans le bâtiment, ils étaient vraiment heureux d’être là. Donc ça les motivait à faire plus d’effort et je n’avais pas pensé à ça avant, c’était très intéressant de voir comme l’environnement peut influencer les élèves ».
Les résultats de ces évaluations peut en effet être rendus visible à l’endroit de la communauté des parents. Pour ce faire, les établissements utilisent par exemple les newsletters.
- En termes de fonctionnement :
Les acteurs du processus d’innovation scolaire, peuvent à un moment ou à un autre, être confrontés à des embûches, ou au contraire, ressentir une certaine sécurité par rapport à leur rôle.
Les enseignants ont effet mentionné qu’il n’existait pas d’éventuelles opportunités d’échanges ou de réunions qui leur sont mis directement à disposition, excepté lors des évaluations (acteur 2). Cette absence de négociation entre le staff et l’Administration amène à penser que l’esprit de l’école et la charte de l’école ne sont pas respectés (acteur 4). En ce qui concerne particulièrement les évaluations, les acteurs préfèrent courir derrière le progrès sans en faire un bilan. Ce qui revient à dire qu’il ne soit pas sûr qu’un progrès soit un progrès. Malgré l’encouragement des initiatives individuelles et collectives, ce qui manque à chaque adoption est le suivi du projet. En outre, les expérimentations qui ont été menées auparavant concernant l’innovation ne sont pas forcément prises en compte, sans parler de l’absence de souplesse du processus. En ce qui concerne ce dernier cas, les avis divergents n’étaient pas forcément considérés dans le cadre de l’implémentation (acteur 4). Par ailleurs, plus les enseignants gravissent les niveaux, moins il y a des chances de pouvoir innover avec une grande marge de manœuvre. En effet, à l’heure d’aujourd’hui, les enseignants doivent quand même bénéficier de l’accréditation de l’Administration pour innover, sachant que les programmes dépendent de l’IBO. Toujours est-il que cette contrainte limite les possibilités d’initiatives (acteur 4) : « Alors il y a des initiatives, mais il y a une façon de manager aussi qui… qui fait qu’on coupe court à tout ça, qu’on prend les personnes individuellement, et qu’on n’aborde pas les… les questions fondamentales ou qui seraient soulevées, par exemple, en réunion de profs ».
Les directeurs d’établissement ont toutefois relaté que la mise en œuvre du processus d’innovation passait par l’utilisation des pratiques réflexives et collaboratives quant à la résolution de problèmes et qu’il existait bien des évaluations auprès des usagers. Cependant, dans le cadre de l’innovation, les enseignants étaient plus focalisés sur leurs attentes personnelles, plutôt que sur des attentes globales, d’où un manque d’implication des enseignants dans l’avenir de l’école proprement dit. Selon l’acteur 1, ce manque d’implication est peut-être dû au fait que l’innovation soit imposée par l’institution. Cette met la pression sur le corps enseignant pour qu’ils puissent améliorer les pratiques par rapport à l’année passée.
2.3. Analyse du système d’accompagnement
D’une part, nous avons les enseignants qui pensent que les enseignants sont tous encouragés à développer des pratiques innovantes. Ils ont d’ailleurs carte blanche en ce qui concerne la mise en place de tels projets, à partir du moment où ces deniers rentre dans le cadre du curriculum. Cependant, ils ne sont pas formés à l’application des nouveaux outils qui leur sont donnés. Ils sont obligés de se débrouiller entre eux et de se donner les tuyaux, de manière à s’auto-former (acteur 2). Et même si les formations existent, les enseignants ont très d’inputs dans le choix des formations et comme les soutiens ne sont pas suffisants, ils se voient organiser cela entre eux, de manière à pouvoir répondre à leurs besoins spécifiques. Par exemple l’acteur 4 avait relaté que : « On a des formations, on a des… ouais on a des… des formations, bon qui sont internes parfois…Après ce qui est plus rare, mais très formateur aussi, c’est de… d’avoir des formations sur les profils des élèves ». En conséquence, lorsqu’ils sont confrontés à un nouveau programme, certains ne savent pas trop comment l’empoigner lorsqu’ils manquent d’expériences, quoique cela permette de travailler entre collègues et de s’entraider. Cette insuffisance d’accompagnement est d’ailleurs reconnue par les directeurs : « Et ce que moi je fais comme Directrice, c’est que j’arrose les plantes qui poussent parce qu’ils poussent déjà, ils sont en cours de croissance. Et j’ignore les rochers, ça n’en vaut pas la peine de verser trop d’eau sur les rochers. Ça a du sens ? C’est un peu brutal comme image » (acteur 3).
D’autre part, nous avons les directeurs qui estiment que ce manque d’accompagnement découle lui-même du manque de formation de ces derniers. Selon l’acteur 1, les directeurs d’école ne sont pas formés dans leur rôle de leader en vue de fournir aux enseignants l’appui nécessaire dans l’accompagnement des innovations. Pourtant, la plupart d’entre eux ne disposent pas d’expériences en leadership. Toutefois, à l’occasion de la réalisation d’un changement, les chefs de département travaillent ensemble pour assister les autres chefs, sans oublier que la collaboration avec des experts et consultants de mise dans l’identification des priorités. Pour confirmer cela l’acteur 3 avait affirmé qu’il n’existait pas de leader au niveau moyen dans l’école à son arrivée, et pourtant il y avait beaucoup de projets à entamer. Il avait même énoncé qu’il était difficile à ce moment-là de savoir qui prenait les décisions. Malgré la bonne volonté des acteurs, les enseignants ne disposaient pas de soutien nécessaire pour réaliser vraiment la fin de chaque projet. Autrement dit, l’encadrement dans le projet n’a pas été efficient comparé à l’ampleur du changement qui allait en découler. Ainsi, avant de parvenir à la mise en place d’infrastructure, et à la désignation de chefs de projet de coordinateurs de programme, une réunion a été organisée et les formations en leadership ont vu le jour sur Child Management, la gestion, le changement. Aujourd’hui, il avoue extrêmement soutenue dans ce projet, notamment par les ressources humaines par exemple.
Force est de constater que le processus d’innovation en milieu scolaire est loin d’être un fleuve tranquille. Un sens fort de leadership de la part des directeurs, des prises de risques de la part des parents, de la motivation de la part des élèves et des formations adéquates pour les enseignants : telles sont les clés d’une innovation scolaire réussie. Ceci étant, quelles discussions convient-il d’en tirer ?
CHAPITRE VI : SYNTHESE ET DISCUSSION DES RESULTATS
Avant de pouvoir répondre à notre problématique, il convient de mettre en lumière une discussion des résultats observés précédemment. Ainsi, nous pourrions mettre les barres sur les « t » en ce qui concerne les tenants et les aboutissants de notre recherche. Le dernier chapitre de notre recherche consistera à synthétiser et à discuter les résultats de cette recherche.
1. Synthèse des résultats :
Les résultats de notre recherche nous ont permis de constater que l’Ecole Internationale de Genève était une école de renommée grâce notamment aux différents projets « innovants » menés dans le cadre du bilinguisme des élèves, mais aussi en raison des moyens dont l’école dispose en matière de technologies informatiques. Elle a puisé sa réputation des « prouesses » des années 70 où elle fût la première école mondiale à fournir une éducation internationale. Mais depuis cette période, les autres écoles l’ont rattrapé et l’Ecole Internationale est restée stable dans le domaine de la créativité. Mais qu’est ce qui explique ce renversement de situation ? Est-ce fonction de la marge de manœuvre accordée aux enseignants ?
A ce propos justement, la majorité des acteurs interrogés s’accordent pour dire que l’innovation constitue un moyen de s’adapter aux évolutions de l’économie en général et de la société en particulier, et donc de ne pas périr face à la mondialisation des nouvelles technologies. En effet, l’innovation peut porter sur les programmes, l’environnement de travail, les pratiques éducatives ou carrément le cursus scolaire. Dans tous les cas, la finalité reste le bien-être de l’élève, mais plus pour ses résultats scolaires que pour son développement personnel. Quoiqu’il en soit, la prédisposition d’une école à innover passe par une démarche bien distincte qui va de la prise d’initiative (ascendante ou descendante) à l’implémentation, en passant par l’évaluation. En ce qui concerne cette phase en particulier, les non-dits sont nombreux entre les directeurs d’établissement, les enseignants et les parents, sachant que les innovations ne font pas toujours l’objet d’une évaluation. En tout cas dans la foulée, ou en parallèle, un système d’accompagnement est de mise en ce sens qu’une innovation nécessite de nouvelles compétences et peut engendrer des éventuelles résistances. Mais encore faut-il que les directeurs eux-mêmes soient à même d’accompagner ces enseignants et de conduire le changement à son terme, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi, les outils comme les mesures mis en place ne permettent pas toujours de contribuer à la motivation des élèves, à la compétence des professeurs et au bon fonctionnement de l’organisation dans son ensemble.
Pour toutes ces raisons, l’Ecole Internationale se voit être talonnée par certaines grandes écoles du monde. D’ailleurs, dans ces écoles, les pratiques collaboratives et les initiatives des enseignants sont encouragés, voire même mises en avant, de telle sorte que la créativité des professeurs puisse faire des recherches-actions entamées, un facteur déterminant de leur potentiel.
Après que nous ayons synthétisé les résultats, une discussion des résultats est effectivement de mise.
2. Discussions des résultats :
La discussion des résultats constitue en effet une étape cruciale de notre recherche. Toujours est-il que dans cette optique, il s’agit de comparer le récit des enseignants et ceux des chefs d’établissement dans un premier temps. Dans un second temps, nous allons comparer le processus entamé par l’Ecole Internationale de Genève avec le modèle théorique. Il convient dans un troisième temps de donner une ample réponse à notre problématique de recherche.
2.1. Comparaison entre le récit des enseignants et ceux des chefs d’établissement :
Il convient de rappeler que l’instauration d’une innovation en milieu implique une synergie entre les enseignants et les directeurs d’école, afin justement de mieux lutter les éventuelles résistances au changement et afin que les acteurs puissent mieux vivre les remises en cause des pratiques. Toujours est-il que le directeur découle a compétence pour accompagner les enseignants dans leur initiative pour l’innovation et dans leur expérimentation. Mais encore faut-il que ce dernier fasse preuve de leadership et opte pour un management dit participatif. Et c’est justement là où il convient d’insister en ce qui concerne les pratiques innovantes à l’Ecole Internationale de Genève.
En effet, la plupart des directeurs n’ont pas reçu des formations en termes de « leadership ». Bien que ces derniers aient été pour la plupart d’anciens enseignants, il est communément admis que le fait de « diriger » exige d’autres compétences, mais aussi une autre forme de relations avec les enseignants. Ceci dit, certains ne sont pas à même d’accompagner correctement les enseignants dans la démarche d’innovation. Par ailleurs, le directeur est censé développer une vision pédagogique commune tout en ayant un esprit novateur. Pourtant dans notre cas, les directeurs avaient stipulé que les enseignants agissaient le plus souvent pour leur intérêt personnel et non pas forcément suivant une réflexion globale, c’est-à-dire en conformité avec l’avenir de l’école. En outre, ils prétendent également inspirer une certaine confiance, de sorte de pouvoir créer ce que nous appelons une « communauté d’apprentissage ». Mais dans la pratique observée, les enseignants manifestent davantage de la méfiance plus qu’autre chose à l’égard de la hiérarchie, et les moments d’échanges et de pratiques réflexives, si elles ont lieu, sont plutôt limitées. De plus, tous les avis n’ont pas été pris en compte lors des évaluations.
De leur côté, les enseignants avaient rétorqué qu’ils ne disposaient pas réellement des moyens nécessaires pour développer leur créativité. En effet, les projets d’innovations doivent faire l’objet d’une accréditation de la part de l’Administration et donc rentrer dans un cadre précis et inclus dans le cursus. De quoi restreindre les marges de manœuvre des enseignants. D’ailleurs, les projets qui parviennent à être adoptés viennent pour la plupart de l’institution. Et lorsqu’une pratique est censée être maîtrisée, le manque de formation et de soutien se font ressentir. Comme quoi, les enseignants ne sont pas en mesure de réagir de manière improvisée aux interactions propres à chaque classe, et encore moins de maîtriser toutes les nouvelles technologies à leur disposition.
Il en découle un constat : les enseignants et les directeurs d’école se renvoient la balle quant à l’inefficience du processus d’innovation en général et du système d’accompagnement en particulier. Ceci revient à dire que l’Ecole Internationale de Genève a encore du chemin à faire pour ce qui est de la promotion de l’apprentissage par les pairs et de partage des meilleures pratiques.
Nous pouvons remarquer que l’Ecole Internationale de Genève, aussi prestigieuse soit-elle, peut cacher en son sein des divergences nuisibles entre les acteurs de l’innovation scolaire. Mais comment se situent alors les démarches d’innovation et d’accompagnement de l’Ecole Internationale de Genève par rapport aux modèles théoriques ?
2.2. Comparaison du processus entamé par l’Ecole Internationale avec les modèles théoriques :
Au regard des analyses des données issus des récits des professionnels de l’apprentissage de l’Ecole Internationale de Genève, nous constatons que cette dernière adopte dans une large mesure un modèle top down de diffusion de l’innovation. L’esprit innovateur, est, selon les dires, imposés par l’institution, notamment lorsque les innovations concernent les cursus et la structure scolaire. Dans les rares cas où les innovations émergent des enseignants, ces derniers doivent recevoir une accréditation.
En ce qui concerne particulièrement le processus d’innovation scolaire, il s’agit souvent d’un modèle de recherches-actions. A la base, ce modèle met en relief le développement professionnel des enseignants, le développement et l’évaluation du curriculum, la créativité et la recherche à travers une reproduction unifiée de la pratique éducative orientée vers la réflexivité. En effet, l’enseignant qui s’engage dans cette voie de réflexion se crée sa propre méthodologie au fur et à mesure de la mise en œuvre d’actions qui aspirent à l’innovation et tout en enrichissant ses connaissances théoriques. Les pratiques collaboratives qui découlent des réflexions organisées permettent effectivement aux enseignants de développer leurs compétences, voire leurs performances. Aussi, des nombreuses recherches-actions ont permis d’innover en termes de programmes, d’organisation et de pratiques. Cependant, dans le contexte de l’EIG, les méthodes ne paraissent pas originales pour autant et nous parlons plus d’auto-formation que de formation continue. Les propositions d’enseignement qui en résultent concernent des thématiques rentrant dans le cadre autorisé et il n’a pas été question de documents pouvant représenter un apport pour l’enseignant, aussi bien par rapport à la discipline qu’il enseigne que du point de vue de sa pratique. Par ailleurs, le processus, qui commence par un diagnostic et qui se termine par une discussion entre les pairs, ne permet pas toujours aux enseignants d’avoir des réponses à leur question, notamment les conséquences sur les élèves et les impacts sur la pratique régulière, lorsque les évaluations ne sont pas effectuées correctement.
Enfin, pour ce qui est du processus d’accompagnement, les directeurs d’école, après avoir accueilli les demandes des enseignants et identifié les besoins de ces derniers, n’est pas toujours en mesure d’élaborer, comme il se doit, un projet d’accompagnement approprié. Toutefois, il promeut les expérimentations entre les pairs et privilégie la pratique réflexive des enseignants. Toutes ces actions sont réalisées dans le cadre d’une approche parfois coercitive en raison de l’obligation des enseignants à s’adapter, parfois normative lorsque ces derniers sont amenés à collaborer.
Telles sont donc les comparaisons que nous pouvons effectuer eu égard aux apports théoriques. Ainsi, qu’en est-il de la réponse à la problématique ?
2.3. Réponse à la problématique :
A la question « Comment les enseignants sont-ils encouragés à innover en milieu scolaire en général et à l’Ecole Internationale de Genève en particulier ? », il convient de répondre que les pratiques collaboratives entre les enseignants et les relations qu’elles ont avec la hiérarchie ne permettent pas de valider l’existence d’une organisation apprenante. Il s’agirait plutôt d’une organisation où la collaboration est régie par une forme de pression exercée par les directeurs d’établissement, une école où l’organisation pyramidale serait la cause de la frustration de certains enseignants en quête de projets innovants, un établissement où la marge de liberté offertes aux enseignants quant à la création de nouveaux outils est limitée par le cadre institué, une organisation où le transfert de l’innovation est fonction de la stabilité des populations.
Quoiqu’il en soit, la formation des enseignants, tout comme la pratique réflexive sont autant de facteurs influençant fortement la réussite des innovations développées dans l’école. Si le sens des projets innovants se construit de manière collective, ces derniers peuvent également être freinés par des habitus de l’organisation où les logiques individualistes émergent parfois. C’est dans cette optique que les directeurs d’établissements se voient être les garde-fous qui questionnent les nouvelles pratiques.
L’Ecole Internationale de Genève peut alors être considérée comme étant une organisation apprenante, ou du moins en devenir. Connaissant la réponse à notre problématique de recherche, il apparaît logique de terminer cet ouvrage par une conclusion.
CONCLUSION
L’innovation recouvre une multitude de domaines, depuis l’économie aux sciences sociales. Rien que pour cette raison, sa définition est sujette à confusion avec de nombreux termes de la langue française. Mais les caractéristiques de l’innovation font toute sa spécificité. En tant que phénomène durable générateur de progrès, l’innovation peut avoir diverses intensités, diverses finalités et divers objets. En ce qui concerne justement l’objet, nous pouvons parler d’innovation sociale. Telle une innovation qui concerne directement la société et qui peut influer sur les pratiques quotidiennes, notamment à l’école. D’ailleurs, cette dernière constitue l’arène de la société. Au sein d’un établissement scolaire, l’innovation occupe une importance capitale, en ce sens qu’elle en constitue le système régulateur. Il s’agit en effet d’une nouveauté qui consiste à résoudre un problème donné où à améliorer une pratique, une méthode d’enseignement. Dans toutes les circonstances, et à tous les niveaux, la finalité tend vers le bien-être de l’élève. Mais toujours est-il que l’enjeu se situe principalement au niveau du changement du rôle des acteurs. Si les directeurs doivent ajouter le sens du leadership à leur arc, les enseignants eux, doivent faire preuve de créativité et d’autonomie. Et tous sont censés entamer des pratiques réflexives et collaboratives. Pour mener à bien ces pratiques, les enseignants bénéficient de mesures d’accompagnement et de formations de la part des directeurs d’école.
L’état de l’art précédemment établi se fonde sur une approche sociologique de l’innovation. En suivant ce courant de pensée, il a été établi les différents modes de diffusion de l’innovation, à savoir celui ascendant et celui descendant qui est plus contraignant. Quelque soit le mode, l’innovation scolaire reste un processus. Dans cette optique, nous avons choisi de nous focaliser sur la recherche-action, telle une démarche courante en milieu scolaire, mais aussi significative au regard du statut du praticien. Il s’agit aussi d’un processus qui favorise les pratiques participatives et donc l’apprentissage organisationnel, ce dernier étant un moyen de développer le savoir-faire des enseignants et de les accompagner dans les projets d’innovation.
L’établissement de la revue de la littérature sur le sujet et la rédaction du cadre théorique et conceptuel ont permis de s’interroger sur la transférabilité de l’innovation, sur la réalisabilité des pratiques collaboratives, sur les risques de résistance au changement et sur l’efficacité et la portée des mesures d’accompagnement des enseignants. Ainsi, il a été décidé de poser comme problématique principale : Comment les enseignants sont-ils encouragés à innover en milieu scolaire en général et à l’Ecole Internationale de Genève en particulier ?
Afin de pouvoir y répondre, nous avons mis en lumière la méthodologie de recherche. En effet, c’est en analysant quelques archives de l’Ecole Internationale de Genève et en effectuant une enquête exploratoire auprès des enseignants et des directeurs de cette école qu’il nous a été possible de comprendre l’évolution de l’Ecole en termes d’innovations, ainsi que la manière dont les acteurs perçoivent l’innovation scolaire. Par ailleurs, en appréhendant le fonctionnement de l’innovation et celui du système d’accompagnement au sein de l’établissement, nous avons pu en dresser un bilan.
En effet, l’Ecole Internationale de Genève s’était taillée, dans les années 70, une réputation via les projets de bilinguisme, et les technologies informatiques. Si l’innovation en termes de curriculum, de pratiques ou de structure constitue un véritable moyen de continuer à exister pour le bien-être de l’élève, cette dernière ne fait pas toujours l’objet d’une évaluation et les systèmes d’accompagnement ne semblent pas optimisés. Ainsi, l’Ecole Internationale se voit de plus en plus devancée, quoiqu’elle conserve son prestige.
En discutant des résultats obtenus, il a été constaté que les relations entre les enseignants étaient déterminantes dans le bon fonctionnement d’une organisation apprenante. Comme quoi, l’Ecole a encore à expérimenter en ce qui concerne l’apprentissage organisationnel. Pour l’heure, les enseignants sont encouragés à innover, sans trop être encouragés, la marge de manœuvre étant limitée et les réflexions entre pairs n’étant pas privilégiées.
Ainsi, cette recherche nous a permis de comprendre comment les directeurs s’y prennent pour concilier son projet stratégique avec les réformes et les projets initiés par les enseignants. Il a également permis d’appréhender les enjeux du pilotage du changement, notamment ceux ayant trait à la pratique collaborative. Nous avons aussi eu l’occasion de comprendre ce qu’il en était réellement du fonctionnement du processus d’innovation et du système d’accompagnement, ainsi que les rôles tenus par les acteurs dans cette démarche. Mais nous avons surtout pu comprendre le sens que les enseignants accordaient aux projets d’innovation, ainsi que les tensions qui en résultent. Cependant, il ne nous a pas été possible de voir de plus près le comportement des enseignants au regard de l’innovation. Les entretiens menés n’ont pas permis de mettre en évidence qui étaient les réfractaires et quelles étaient leur motivation. Ainsi, nous n’avons pu établir les profils respectifs des novateurs et des réfractaires.
Comme perspectives professionnelles, il convient de mettre l’accent sur la communication, sachant que celle-ci joue un rôle capital lorsque les acteurs de l’innovation décident de concevoir et d’implémenter un projet. A travers une régulation pas à pas de l’action, les chercheurs, les praticiens et les enseignants et la Direction entrent dans un processus d’échange, de sorte que les acteurs puissent passer du statut d’équipiers au statut de partenaires. Dans cette démarche, la communication est censée devenir plus fluide, plus variée et être effectuée avec une plus grande stratégie, tel un moyen de servir l’équipe pour son propre épanouissement professionnel. Mais encore faut-il savoir que la communication n’est pas la même durant les différentes étapes du projet. En effet, en cours d’expérimentation et en fin d’expérimentation, les résultats comme les failles constatées doivent être communiquées, ce qui manquait à nos acteurs de l’Ecole Internationale de Genève. Cela implique en effet la production d’outils, de techniques et de supports de communication diversifiés. Il serait par exemple idéal de mettre en place un comité éditorial, de se partager des comptes-rendus en version numérique ou encore de rédiger des bulletins périodiques. Par ailleurs, des évaluations devraient être mises en place systématiquement afin de pouvoir valider les éventuels diagnostics, réorienter en conséquence les objectifs et surtout mesurer les effets qui en découlent. Ceci étant, il s’agit d’outils communs d’évolution et de changement et parmi ceux existants, nous pouvons citer l’analyse des écarts ou encore les bilans d’étapes. Dans cette même lignée, il apparaît nécessaire de recourir aux compétences d’experts, de valoriser les récits d’expérience et de préparer la diffusion des résultats. Dans le cas où ces derniers sont avérés positifs, l’extension et le transfert du projet peuvent être envisagés.
Par ailleurs, d’un point de vue plus subjectif, l’heure ne devrait plus être aux discours incantatoires vis-à-vis de l’innovation car toute institution ou établissement scolaire a besoin de se transformer et d’accepter, de temps à autres, certains écarts à la norme. De toute façon, si l’esprit novateur était réellement le crédo des écoles actuellement, si l’esprit d’équipe et la recherche régissaient les pratiques pédagogiques, si les enseignants bénéficiaient d’une plus grande marge de manœuvre par rapport aux programmes et à la structure organisationnelle, et si leur accompagnement était effectif, l’innovation serait monnaie courante.
A ce propos, l’accompagnateur n’est ni un juge, nu un hiérarchique, ni un émancipateur mais plutôt un conseiller dans la construction de sens à travers l’action. Ainsi, la nouvelle question qui se pose est alors la suivante : comment transformer l’accompagnement pour qu’il devienne une fonction à part entière en situation d’apprentissage, de sorte de considérer les enseignants dans toute la complexité de leur trajectoire et de leur histoire ?
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[4]Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), (2005), « Manuel d’Oslo : principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation, (3ème édition), Paris : Editions de l’OCDE , 2005, 184 pages.
[5]PERRENOUD P., (2003), « Pourquoi et comment rendre les établissements scolaires innovateurs ? », Bulletin de l’UNETP (Union nationale de l’enseignement technique privé, Paris), n° 86, février 2003, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève, pp. 11-42.
[6]PERRENOUD, P. (2002) « Les cycles d’apprentissage : Une autre organisation du travail pour combattre l’échec scolaire », Presses de l’Université du Québec, Sainte-Foy.
[7]DÖRNER, D. (1997), « La logique de l’échec », Paris : Flammarion.
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[9]Synersud, Créalia (2012), « Lexique de catégorisation de l’innovation élargie », Version du 30 mai 2012, p.1.
[10]Synersud, Créalia (2012), « Lexique de catégorisation de l’innovation élargie », Version du 30 mai 2012, p.2.
[11]Synersud, Créalia (2012), « Lexique de catégorisation de l’innovation élargie », Version du 30 mai 2012, p.3.
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[24] SAHLBERG P., (2011), « Creativity and Innovation through lifelong learning ». In Lifelong Learning in Europe. Vol. 16.
[25]CHARLIER, B., BONAMY, J., SAUNDERS, M. (2003). « Apprivoiser l’innovation ». in Technologie et innovation en pédagogie. Dispositifs innovants de formation pour l’enseignement supérieur, Bruxelles : De Boeck, p. 48.
[26]De KETELE, J-M. (2002). «L’évaluation de et dans l’innovation». In Ministère de l’Education et de la Recherche, Evaluer les pratiques innovantes, Centre National de documentation pédagogique, Paris : Centre National de documentation pédagogique, pp.35-42.
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[28]PERRENOUD, Ph. (2003). « Peut-on réformer le système scolaire ? », Université de Genève : Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.
[29]GATHER THURLER M., PERENNOUD P., (2005), « Coopération entre les enseignants : la formation initiale doit-elle devancer les pratiques ? », Recherche et formation pour les professionnels de l’éducation, pp.91-105.
[30]IVEY S., BROWN K-S., TESKE Y., SIVERMAN D., (1988), « A model for teaching about Interdisciplinary Practise in Health Care Settings », Journal of Health, pp.189-195.
[31]Le blog du Huffigton Post (2014), « L’innovation en éducation », Marc-André Girard, 04/12/2014, Québec, En ligne http://quebec.huffingtonpost.ca/marc-andre-girard/linnovation-en-education_b_6248682.html
[32]CERI (2008), « Des environnements d’apprentissage innovants (auparavant intitulé « modèles alternatifs d’apprentissage ») », Optimiser l’apprentissage : les implications de la recherche en sciences de l’apprentissage, Conférence Internationale OCDE/CERI, En ligne http://www.oecd.org/fr/sites/learninginthe21stcenturyresearchinnovationandpolicyapprendreauxxiesieclerechercheinnovationetpolitiques/40583343.pdf
[33]DUPUIS P. (2004). « L’administration de l’éducation : quelles compétences? Education et francophonie ». En ligne http://www.acelf.ca/c/revue/pdf/Administrateur.pdf, consulté le 24 février 2012.
[34]CROS F., (2009), « Accompagner les enseignants innovateurs : une injonction ? », in Recherche et formation, 62 | 2009, En ligne http://rechercheformation.revues.org/409 mis en ligne le 01 septembre 2013, consulté le 04 janvier 2014.
[35]Joseph SCHUMPETER est un économiste autrichien qui fût à l’origine de ce que nous appelons l’innovation de rupture, cette dernière étant favorisée par les progrès technologiques.
[36]SAY J-B, (1806), « Traité d’économie politique ».
[37]OCDE (1992), Manuel d’Oslo.
[38]ROGERS E., (2003), « Diffusion of Innovation ».
[39]Callon et Latour (1981, 63) définissent traduction par « l’ensemble des négociations, intrigues, des actes de persuasion, des calculs, des violences, grâce à quoi un acteur ou une force se permet ou se fait attribuer l’autorité de parler ou d’agit au nom d’un autre acteur ou d’une autre force. »
[40]Cahiers pédagogiques, « De haut en bas, de bas en haut, l’autodidactisme au centre », Caro P., Rubrique Publications, Dossier « La culture scientifique », n°443, En ligne http://www.cahiers-pedagogiques.com/De-haut-en-bas-de-bas-en-haut-l-autodidactisme-au-centre, consulté le 08/06/2016
[41]Cahiers pédagogiques, « De haut en bas, de bas en haut, l’autodidactisme au centre », Caro P., Rubrique Publications, Dossier « La culture scientifique », n°443, En ligne http://www.cahiers-pedagogiques.com/De-haut-en-bas-de-bas-en-haut-l-autodidactisme-au-centre, consulté le 08/06/2016
[42]CATROUX M., « Introduction à la recherche-action : modalités d’une démarche théorique centrée sur la pratique », Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité [En ligne], Vol. XXI N° 3, 2002, mis en ligne le 16 mars 2014, consulté le 10 juin 2016, https://apliut.revues.org/4276 ; DOI : 10.4000/apliut.4276
[43]Action-research may be defined as “the Study of a social situation with a view to improving the quality of
action within it”. It aims to feed practical judgement in concrete situations, and the validity of the “theories” or hypotheses it generates depends not so much on “scientific” tests of truth, as on their usefulness in helping people to act more intelligently and skilfully. In action-research “theories” are not validated independently
and then applied to practice. They are validated through practice”. (ELLIOTT J., (1991), « Action-research for educational change », p. 69)
[44]VAN TRIER W.E, (1980), « La recherche-action », In: Déviance et société, Vol. 4 – N°2, pp. 179-193, DOI : 10.3406/ds.1980.1758
[45] MARSOLLIER C., (2000), « L’innovation pédagogique : ses figures, son sens et ses enjeux », p.23.
[46]WATSON, G. (1967) « Resistance to change », Concepts for social change, NTL Institute for Applied Behavioral Science, NEA, Washington D.C., pp. 11-25.
[47]HUBERMAN M. (1989), « La vie des enseignants », Évolution et bilan d’une profession, Paris : Delachaux et Niestlé.
[48]FULLAN M. (1992), « Successful School Improvement », The Implementation Perspective and Beyond », Buckingham : Philadelphia.
[49]HUBERMAN, M. (1984). « Du projet éducatif au plan de formation ». Université d’été, Grenoble.
[50]CHIN, R; BENNE, K.D. (1961), « General strategies for effecting changes in human systems ». The planning of change. New York, Holt, Rinehart and Winston, 1961, pp. 32-59.
[51]PERRENOUD P. (1993)., « L’organisation, l’efficacité et le changement, réalités construites par les acteurs ». Education et Recherche, n° 2.
[52]GATHER-THURLER M., PERRENOUD P. (1990)., « L’école apprend si elle s’en donne le droit, s’en croit capable et s’organise dans ce sens ! Actes du Congrès de la Société Suisse de Recherche en Éducation « L’institution scolaire est-elle capable d’apprendre ? », Einsiedeln, 8-9 juin 1990.
[53]MAULINI, O. & PROGIN, L. (2016), « Des établissements scolaires autonomes ? Entre inventivité des acteurs et éclatement du système ». Paris : ESF
[54]Site officiel de l’Ecole Internationale de Genève, « Notre Mission », Rubrique A propos, En ligne http://ecolint.ch/fr/propos-de-lecolint/notre-mission consulté le 25/06/2016.
[55] QUIVY R., VAN CAMPENHOUDT L., (1995), « Manuel de recherche en sciences sociales », Paris : éditions DUNOD, p. 196.
[56] MUCCHIELLI R., (1984), « L’analyse de contenu des documents et des communications », Edition ESF, p. 17.
[57] Conseil Suisse de la Science et de la Technologie (2016), « Recommandations du CSST relatives à l’encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation : Apports à la préparation du message FRI pour la période 2013–2016, Document CSST 2/2011, pp.4-8.
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[61] Site officiel Ecole Internationale de Genève, « Camp des Nations », Rubrique Vue d’ensemble, en ligne http://www.ecolint.ch/fr/campus/campus-des-nations consulté le 19/08/2016.
[62] Site officiel Ecole Internationale de Genève, « Pourquoi l’Ecolint », Rubrique Vue d’ensemble, en ligne http://www.ecolint.ch/fr/pourquoi-lecolint consulté le 19/08/2016.
Mémoire de fin d’études de 91 pages.
€24.90