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Mémoire portant sur l’internationalisation des sociétés de gestion et de la gestion d’actifs.

 

L’INTERNATIONALISATION DES SOCIÉTÉS DE GESTION ET DE LA GESTION D’ACTIFS

 

 

 

L’internationalisation des sociétés de gestion et de la gestion d’actifs répond à un souci d’optimisation de la fiscalité du portefeuille à gérer. D’une façon générale, les intéressés poursuivent trois objectifs :

  • la création d’un outil de capitalisation exonéré d’impôt, ou faiblement imposé ;
  • la réduction de l’impôt sur la fortune, par le jeu du plafonnement ;
  • ou bien encore une moindre visibilité de leur patrimoine.

 

Les deux premiers objectifs, souvent concomitants, étaient, avant la loi de finances pour 1999, liés aux possibilités d’accumuler des revenus dans des pays dont le régime fiscal est privilégié, en franchise d’impôt dans notre pays tant qu’ils n’étaient pas redistribués. Mais, si cette stratégie n’était pas couplée avec celle d’un transfert ultérieur du domicile fiscal hors de France, il ne s’agissait, au fond, que d’un report d’imposition puisque l’impôt sur le revenu était nécessairement dû dans notre pays soit en cas de distribution des revenus soit en cas de réalisation de plus-values de cession.

 

L’avantage lié au report de l’imposition dans le temps, joint à la réduction de l’impôt sur la fortune dans la mesure où le plafond d’imposition était plus vite atteint (plafonnement supprimé puis réintroduit à compter de l’ISF 2013, au taux de 75 %), a cependant paru suffisamment significatif pour que des stratégies diverses se mettent en place dans ce domaine.

 

Ces pratiques ont amené le législateur à réagir dans le cadre de la loi de finances pour 1999 par l’introduction d’un dispositif analogue à celui de l’article 209 B du CGI, par lequel les revenus accumulés dans certaines structures étrangères bénéficiant de régimes fiscaux de faveur sont, dans certaines conditions, réimposés en France, même en l’absence de distribution.

 

Compte tenu de ce texte, applicable depuis le 1er janvier 1999, il est aujourd’hui plus difficile d’utiliser les sociétés étrangères de gestion de portefeuille. On essaiera d’en cerner les contours en examinant les avantages fiscaux proposés par certaines législations étrangères, les contraintes suscités par leur utilisation, et, enfin, le dispositif anti-abus codifié à l’article 123 bis du CGI.

 

 

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  1. AVANTAGES FISCAUX PROPOSES PAR CERTAINES LEGISLATIONS ETRANGERES

 

Afin de répondre aux objectifs cités plus haut, la question immédiate, avant toute autre, consiste à déterminer dans quels pays la société peut être Les pays le plus souvent envisagés à ces fins sont les paradis fiscaux classiques ; mais la constitution, dans certains pays européens, de sociétés qui bénéficient, en raison des règles locales, d’un traitement fiscal privilégié peut permettre de réaliser le même objectif.

 

  1. Les paradis fiscaux classiques

 

On peut imaginer une grande variété de territoires qui pourraient répondre aux caractéristiques nécessaires : Jersey, Guernesey, l’île de Man, le Liechtenstein, Curaçao et Saint-Martin, les Bermudes, etc. Tous les paradis fiscaux « classiques » peuvent ainsi être des lieux de création d’une société écran ou relais, sous réserve d’en mesurer les contraintes d’utilisation.

 

Ces pays présentent des caractéristiques communes, dont les principales sont les suivantes :

  • absence ou très faible niveau d’imposition ;
  • absence de contrôle des changes ;
  • facilité et extrême rapidité de création de sociétés ;
  • sécurité politique et économique.

 

Parmi les « paradis fiscaux », il y a cependant lieu de distinguer deux groupes, ceux qui sont « coopératifs » et ceux qui ne le sont pas ; en effet, depuis le second semestre 2009, la plupart des paradis fiscaux ont dû se résoudre à accepter la « norme OCDE » relative aux échanges de renseignements en matière fiscale, telle qu’elle est contenue dans l’article 26 du modèle de convention fiscale. Cette norme requiert l’échange de renseignements pertinents sur demande dans tous les domaines de la fiscalité en vue de la gestion et de l’application de la législation fiscale nationale, sans condition d’intérêt fiscal national ni de possibilité pour les Etats d’invoquer le secret bancaire à des fins fiscales. Ceux qui n’acceptent pas cette norme sont considérés comme « non coopératifs » et font l’objet de mesures de rétorsion encore plus fortes de la part des autre pays.

 

Dans les « paradis fiscaux », la production de comptes annuels n’est pas toujours obligatoire et la législation sur les sociétés se caractérise, d’une façon générale, par un très grand libéralisme qui permet de créer rapidement, et sans formalités coûteuses, des sociétés simplement domiciliées, c’est-à-dire enregistrées dans le pays considéré, mais n’y ayant que leur siège sans y exercer aucune activité effective. Domiciliées souvent dans une banque, un cabinet d’avocats ou un cabinet d’expertise comptable, elles permettent de fixer les bénéfices dans un pays refuge, ou sont utilisées comme écrans afin de rendre plus difficile le contrôle fiscal en augmentant le nombre des sociétés interposées ou en interdisant les recoupements. Ces sociétés sont généralement entièrement exonérées d’impôts et ne doivent acquitter annuellement que de modestes taxes d’abonnement ou assimilées.

 

Quant à l’anonymat, il est préservé, dans les Etats « non coopératifs », non seulement par les règles relatives au secret mais également par la possibilité de créer des sociétés dont les titres sont au porteur, ou bien encore détenus par des trusts ou des fiducies.

 

 

  1. Constitution de société de gestion d’actifs en Europe

 

En raison, notamment, de l’article 123 bis du CGI, les sociétés constituées dans les « paradis fiscaux » ne sont guère utilisables par les contribuables résidents de France. C’est la raison pour laquelle ceux-ci peuvent se tourner vers des structures plus classiques, à constituer dans certains pays d’Europe.

 

 

  1. Luxembourg

 

Au Luxembourg, il a longtemps existé un régime spécial applicable aux sociétés holdings régies par une loi du 31 juillet 1929 et qui étaient totalement exonérées d’impôt sous réserve de modestes taxes d’abonnement annuelles ; comme ce régime a dû être supprimé en raison de son caractère d’aide d’Etat, un dispositif de substitution a été mis en place par une loi du 11 mai 2007, celui des SPF, « sociétés de gestion de patrimoine familial ».

 

Il s’agit de sociétés de capitaux qui doivent avoir pour objet exclusif l’acquisition, la détention, la gestion et la réalisation d’actifs financiers, à l’exclusion de toute activité commerciale ; leurs actionnaires doivent être des personnes physiques, résidentes ou non du Luxembourg, et agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine familial, ou des entités patrimoniales (trusts, fondations privées ou autres). Ces actionnaires doivent former un cercle restreint d’investisseurs. Les titres d’une SPF ne peuvent faire l’objet d’un placement public ni être cotés.

 

Ces sociétés bénéficient d’une exonération d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur la fortune et d’impôt communal (dans le passé, étaient exclues les sociétés qui recevaient des dividendes en provenance de « paradis fiscaux » mais cette restriction a été supprimée à effet du 1er janvier 2012) ; les redistributions de dividendes par les SPF à leurs propres actionnaires sont exonérées de retenue à la source.

 

Comme les autres sociétés, les SPF ne supportent pas de droit d’apport proportionnel lors de leur constitution, sauf en cas d’apport d’immeubles.

 

Elles ne subissent qu’une taxe d’abonnement annuelle de 0,25 % (avec un minimum de 100 € et un maximum de 125 000 €) ; la taxe d’abonnement est calculée sur une assiette constituée par le montant du capital libéré augmenté des primes d’émission et de la partie des dettes qui excède huit fois le montant du capital libéré augmenté des primes d’émission.

 

Seul inconvénient réel de ces sociétés, elles sont exclues du bénéfice des conventions fiscales et des directives européennes.

 

  1. Belgique

 

Il existe en Belgique un très bon régime des sociétés holdings, moins utilisé par les personnes physiques domiciliées en France que le système luxembourgeois mais davantage que le système néerlandais.

 

En ce qui concerne les dividendes reçus de filiales, la Belgique applique la méthode de l’exonération, qui permet d’exclure de la base imposable le montant des dividendes perçus à hauteur de 95 %, à condition, notamment, que les dividendes soient versés au titre d’une participation d’au moins 10 % dans le capital de la filiale, ou que son prix de revient soit d’au moins 2,5 M €, et que la participation soit détenue pendant au moins 12 mois. En outre, la filiale doit être soumise à un régime normal d’imposition dans le pays où elle est constituée ; cette exigence conduit à exclure les dividendes distribués par des filiales établies dans des Etats dont les dispositions de droit commun en matière d’impôt sur les sociétés sont notablement plus avantageuses que celles applicables en Belgique (en pratique, un impôt étranger est notablement plus avantageux si son taux nominal est inférieur à 15 % ou si la charge fiscale effective est inférieure à 15 % ; cette condition est réputée satisfaite en ce qui concerne les dispositions fiscales de droit commun des pays membres de l’Union européenne). Certaines exclusions spécifiques sont cependant prévues.

 

En Belgique, de la même façon qu’aux Pays-Bas ou au Luxembourg, il n’y a pas d’exonération totale d’impôt sur les sociétés ; la société belge de gestion de portefeuille reste passible de l’impôt belge sur ses autres revenus, notamment les intérêts des placements en obligations ou en titres de créance, par exemple.

 

Le dispositif belge de droit commun s’accompagne d’une exonération des plus-values de cession des actions, sans que soit exigée la condition de 10 % ou de 2,5 M €. Par suite, toutes les plus-values réalisées par une société belge ordinaire, lors de la cession de ses participations, ou même de simples placements en actions, sont exonérées d’impôt. Il n’y a pas d’exigence d’un délai minimum de détention, ni de conditions particulières à l’octroi de l’exonération.

 

 

  1. CONTRAINTES LIEES A L’UTILISATION DES SOCIETES DE PORTEFEUILLE DANS LE CADRE D’UNE GESTION PATRIMONIALE

 

 

  1. Multiplication des retenus à la source

 

La création d’une société étrangère, interposée entre la source des revenus et les actionnaires, par hypothèse résidents de France, a nécessairement pour conséquence de multiplier les retenues à la source aux différents stades.

 

Soit, par exemple, une société étrangère dont le capital est investi en actions de sociétés françaises ou étrangères et supposons que les dividendes perçus par la société soient redistribués à un actionnaire résident de France. Il apparaît immédiatement que les mêmes dividendes sont assujettis à deux retenues à la source :

 

  • dans le pays d’origine des revenus, lors de la distribution des dividendes à la société ;
  • dans le pays de constitution de la société, lors de la redistribution de ces mêmes dividendes à l’actionnaire résident de France.

 

A condition que la société soit constituée dans un pays de l’Union européenne, ces frottements fiscaux peuvent toutefois être significativement réduits. Ainsi, une directive du 23 juillet 1990 modifiée par une directive du 22 décembre 2003 (aujourd’hui remplacé par la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011), et très généralement incorporée dans les droits internes des différents pays membres, a prévu une exonération de retenue à la source pour les dividendes versés par une société de capitaux à une société mère européenne qui détient au moins 10 % de son capital. En dehors des directives précitées, des exonérations de retenues à la source peuvent être obtenues sur le fondement des libertés de circulation résultant du droit de l’Union européenne, telles qu’elles sont interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne[1].

 

 

 

 

  1. Règles applicables en France aux dividendes versés par la société holding étrangère

 

Si une personne physique domiciliée en France décide de se faire verser des dividendes par la société étrangère de gestion de portefeuille qu’elle a constituée, elle doit vérifier les conditions d’application de la réfaction de 40 % ; en effet, cet avantage n’est pas toujours applicable en raison notamment des restrictions géographiques posées par la loi.

 

La réfaction de 40 % ne s’applique aux dividendes étrangers qu’à condition qu’ils soient distribués en vertu d’une décision régulière des organes compétents des sociétés distributrices, que celles-ci soient passibles dans leur Etat de constitution d’un impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés et qu’elles soient résidentes d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat lié à la France par une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales (la notion de convention d’assistance administrative n’est pas définie par la loi ni par la doctrine administrative. Elle s’entend en principe d’une convention qui permet l’échange d’informations d’une façon générale entre les deux Etats.

 

 

  1. Imposition des plus-values en France

 

  1. En ce qui concerne l’actionnaire

 

Si une personne physique résidente de France est actionnaire d’une société étrangère, les plus-values de cession des actions qu’elle détient sont imposées en France dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’une société française ; il n’y a donc pas, sur ce point, de frottement fiscal particulier.

 

Néanmoins, il est à noter, en ce qui concerne les sociétés étrangères, que le mécanisme de report d’imposition sous condition de remploi des plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux mis en place par l’article 80 de la loi 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 (art. 150-0 D bis du CGI modifié) ne s’applique que si la société dont les titres sont cédés a son siège social dans un Etat membre de l’Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein (outre la condition tenant à l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent et celle tenant à l’exercice par la société d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ; la société peut aussi avoir pour objet social exclusif la détention de participations dans des sociétés exerçant ces activités). Ces mêmes conditions doivent être réunies en ce qui concerne le réinvestissement du produit de la cession si la société bénéficiaire des apports est étrangère (80 % du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux doit être réinvesti dans un délai de trente-six mois dans la souscription en numéraire au capital initial ou dans l’augmentation de capital en numéraire d’une société).

 

  1. En ce qui concerne la société étrangère

 

Il arrive que les plus-values réalisées par la société étrangère lors de l’aliénation de ses propres participations soient imposables en France. Il résulte, en effet, de l’article 244 bis B du CGI que les produits de cession des droits sociaux mentionnés à l’article 150-0 A du CGI et détenus dans les conditions du f de l’article 164 B, I du même Code, même réalisés par des personnes morales non résidentes de France, sont imposables dans notre pays. L’imposition est subordonnée à la condition que la société holding étrangère ait détenu, au cours des cinq dernières années, plus de 25 % du capital de la société française dont il s’agit (ce texte est également applicable lorsque le cédant est une personne physique).

 

Dans cette situation, l’impôt est perçu en France au taux de 19 % (les divers prélèvements sociaux additionnels ne concernent pas les non-résidents). Le taux d’imposition est porté à 50 % en présence d’un Etat ou territoire non coopératif[2].

 

Cet impôt est exigible au moment de l’enregistrement de l’acte, ou bien, à défaut d’enregistrement, dans le mois de la cession sous la responsabilité d’un représentant fiscal.

 

 

  • IMPOSITION DES REVENUS ACCUMULES DANS DES SOCIETES DE GESTION D’ACTIFS ETRANGERES

 

Afin de dissuader les contribuables fiscalement domiciliés en France de gérer leurs avoirs par l’intermédiaire de structures étrangères bénéficiant de régimes fiscaux de faveur, et dans le cadre d’un programme général de lutte « contre l’évasion fiscale des grandes fortunes », la loi de finances pour 1999 a prévu d’imposer en France les revenus accumulés dans certaines sociétés étrangères de portefeuille (CGI art. 123 bis). L’objectif poursuivi par le législateur était de permettre à l’administration de soumettre à l’impôt en France les revenus capitalisés dans une société étrangère de gestion de portefeuille, même si ceux-ci n’ont pas été distribués, à condition que la société bénéficie d’un régime fiscal privilégié et qu’elle soit détenue, directement ou indirectement, à hauteur d’au moins 10 % par une personne physique fiscalement résidente de France.

 

 

  1. Champ d’application

 

  1. Conditions tenant à l’actionnaire

 

Le dispositif s’inspire très étroitement de l’article 209 B du CGI, qui permet d’imposer, dans certaines conditions, les résultats accumulés dans des sociétés étrangères détenues par des personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés. D’une certaine façon, l’article 123 bis a été calqué sur l’article 209 B, ce qui permet d’ailleurs de penser qu’il doit être interprété de façon identique. L’article 123 bis est ainsi, pour les personnes physiques, le pendant de l’article 209 B pour les personnes morales (avec des conditions d’exonération et des seuils de déclenchement différents).

 

  1. Conditions tenant à la structure étrangère

 

Le champ d’application du dispositif est très général ; sont concernés non seulement les personnes morales, mais également les organismes, fiducies, ou institutions comparables établis ou constitués hors de France et soumis à un régime fiscal privilégié, quelle que soit la date de leur création, avant ou après l’entrée en vigueur de l’article 123 bis.

 

La structure étrangère peut donc revêtir une forme généralement quelconque, c’est-à-dire, bien entendu, celle d’une société, mais également d’un organisme ou bien encore d’un trust. En ce sens, les droits dans des fiducies, trusts ou institutions comparables sont clairement visés par l’instruction administrative du 18 février 2000 (quoique celle-ci ne précise pas comment le dispositif doit s’appliquer à leur égard). L’idée générale, d’après les travaux parlementaires, est de couvrir toutes les entités qui sont dotées d’une personnalité fiscale distincte de celle de leurs actionnaires.

 

Sont seulement visées celles des structures étrangères établies ou constituées hors de France qui bénéficient, dans leur Etat de constitution, d’un régime fiscal privilégié. A cet égard, la loi précise que le caractère « privilégié » d’un régime fiscal est déterminé conformément aux

dispositions de l’article 238 A du CGI, par comparaison avec le régime fiscal applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de l’article 206 (champ d’application de l’impôt sur les sociétés). Le renvoi par l’article 123 bis à l’article 238 A impose la transposition, au cas particulier, de la jurisprudence du Conseil d’Etat relative à la notion de régime fiscal privilégié[3]. Il est donc nécessaire d’effectuer une comparaison entre le régime fiscal qui serait applicable en France si la structure était constituée dans notre pays et le régime fiscal appliqué localement. Plus précisément, il faut comparer l’impôt effectivement acquitté localement avec celui qui serait exigible en France si cette entité, ou cet organisme, était constituée en France.

 

 

  1. Conséquences

 

Lorsque l’article 123 bis du CGI s’applique, ses conséquences sont radicales ; le revenu accumulé (ou réputé accumulé) dans la structure étrangère, même s’il n’a pas été distribué à son actionnaire résident de France, est en effet imposable entre ses mains, dans des conditions variables selon la localisation de l’entité.

 

  1. Détermination des revenus imposables

 

Il faut distinguer selon que la société étrangère de gestion de portefeuille est, ou non, résidente d’un pays avec lequel la France est liée par une convention d’assistance administrative, c’est-à-dire une convention fiscale ou un autre traité qui lui permet d’obtenir des renseignements, notamment sur la consistance de la structure étrangère, la nature de ses actifs et de ses revenus, ainsi que son régime fiscal.

 

Si la société est résidente d’un pays lié avec la France par une telle convention, les résultats de l’entité étrangère sont déterminés selon les règles fixées par le CGI, comme si les personnes en cause (personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables) étaient imposables à l’impôt sur les sociétés en France. La loi exige donc une reconstitution des résultats imposables, selon les règles du droit fiscal français, comme pour l’article 209 B du CGI.

 

Quoiqu’il s’agisse d’un texte qui gouverne l’impôt sur le revenu, il convient donc de se livrer à un calcul du résultat imposable de l’entité étrangère en appliquant les règles françaises relatives à l’impôt sur les sociétés. Dès lors, par exemple, si la structure étrangère reçoit des dividendes qui auraient été éligibles au régime des sociétés mères et filiales si elle avait été située en France, l’exonération sera acquise sur les dividendes si les conditions sont par ailleurs remplies.

 

A propos de l’imposition des plus-values réalisées par une société étrangère dont les résultats entrent dans le champ de l’article 123 bis, l’administration avait indirectement admis l’application des taux d’imposition français au moyen d’un correctif d’assiette en indiquant que la part imposable de la plus-value nette à long terme réalisée par la structure établie hors de France est déterminée en appliquant à la fraction de la plus-value réputée constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne physique, le rapport existant entre le taux réduit des plus-values à long terme et le taux normal en vigueur de l’impôt sur les sociétés[4]. Cette solution est en principe transposable au régime actuel d’exonération, à supposer toutefois que les conditions soient remplies et en tenant compte de la quote-part de frais et charges imposable (cas où la société étrangère entre dans le champ de l’article 123 bis, compte tenu de sa faible charge fiscale globale sur ses autres revenus, tout en ayant notamment réalisé des plus-values qui auraient bénéficié d’une exonération en France). Il n’y a bien entendu aucun correctif à appliquer dans le cas où la plus-value aurait été pleinement imposable en cas de réalisation par une société française.

 

  1. Imposition des résultats de l’entité étrangère au nom de l’actionnaire français

 

Les revenus de l’entité étrangère, calculés dans les conditions indiquées précédemment, sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne physique actionnaire, dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu’elle détient, directement ou indirectement, à titre personnel. Les droits détenus dans le cadre d’une communauté familiale d’intérêts ne sont pas pris en considération pour l’assiette de l’impôt, alors qu’ils le sont pour l’appréciation du seuil de 10 %.

 

L’assiette de l’impôt ne tient pas compte des droits de vote. Si, par exemple, une personne physique détient plus de 10 % des droits de vote dans une structure étrangère entrant dans le champ d’application de l’article 123 bis du CGI, mais n’a aucun droit à dividende, le dispositif est applicable, mais ses effets sont nuls, en l’absence de droits financiers. Cette remarque est importante en présence d’un démembrement de propriété entre un nu-propriétaire et un usufruitier tous deux résidents de France, l’administration ayant précisé qu’il ne pouvait y avoir cumul d’imposition du chef de deux personnes physiques distinctes de bénéfices correspondant à des droits démembrés[5]. L’usufruitier serait imposable mais non, en principe, le nupropriétaire.

 

Les revenus, réels ou théoriques, de l’entité étrangère sont considérés comme un revenu de capitaux mobiliers imposable entre les mains de son actionnaire français, ce qui impose de les soumettre au barème général de l’impôt sur le revenu, sans qu’ils puissent bénéficier de la réfaction de 40 %. En outre, ils doivent être majorés de 25 %, autrement dit multiplié par 1,25, pour l’établissement de l’impôt sur le revenu (majoration résultant de l’article 76 de la loi de finances pour 2006 et destinée à corriger l’intégration de l’abattement de 20 % dans les taux du barème de l’impôt sur le revenu pour les revenus qui n’en bénéficiaient pas). On remarquera qu’il ne s’agit que des bénéfices ou des revenus « positifs », à l’exclusion des pertes ; comme dans le cadre de l’article 209 B, il n’est donc pas possible de prendre en compte d’éventuelles pertes réalisées dans des entités étrangères, ni, en cas de détention de plusieurs entités soumises au dispositif, d’opérer une compensation entre les profits des unes et les pertes des autres.

 

La loi ne crée donc aucun principe de transparence ; en transformant les revenus en revenus ordinaires, quelle que soit leur origine, elle répond véritablement à un objectif de dissuasion. Si une personne physique réalise des plus-values par l’intermédiaire d’une société holding étrangère entrant dans le champ de l’article 123 bis, ces plusvalues sont réimposées entre ses mains au barème de l’impôt sur le revenu, alors qu’elles auraient éventuellement pu bénéficier d’un taux réduit ou d’abattements pour durée de détention en cas de détention directe.

 

  1. Elimination des doubles impositions

 

Pour éviter une double imposition immédiate, les dividendes distribués éventuellement par l’entité étrangère à son actionnaire français ne constituent pas des revenus imposables, sauf pour la partie qui excède le revenu imposable reconstitué selon les règles indiquées précédemment. Autrement dit, ce qui est bien naturel, si une personne physique a été imposée sur le revenu accumulé par une structure étrangère, elle ne le sera pas une seconde fois en cas de distribution de ces mêmes revenus.

 

Une autre situation de double imposition a été envisagée par la loi, celle qui viendrait d’une imposition concomitante en France et dans le pays étranger ; l’impôt étranger viendra en déduction du revenu de capitaux mobiliers imposable en France, à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés (imputation sur l’assiette et non pas crédit d’impôt). De son côté, le décret d’application a précisé que les prélèvements (retenues à la source) effectués localement lors de la distribution des bénéfices étrangers sont imputables sur l’impôt sur le revenu exigible en application de l’article 123 bis (crédit d’impôt, cette fois-ci), à condition que l’entité distributrice soit située dans un pays lié à la France par une convention fiscale.

 

Enfin, l’administration a admis que les droits financiers détenus par une personne physique par l’intermédiaire d’une société française soumise à l’impôt sur les résultats de l’entité étrangère en application de l’article 209 B du CGI ne doivent pas être retenus pour la détermination du revenu imposable au titre de l’article 123 bis[6], afin d’éviter un cumul d’imposition injustifié.

 

 

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BIBLIOGRAPHIE

 

OUVRAGES

 

Bruneau Ph., Chouvelon Th., Ingénierie fiscale du patrimoine. guide d’optimisation fiscale, 8e éd., EFE, 2004

 

Conan M., Isarel H., Optimisation fiscale des activités internationales et européennes, Ed. Tissot, 2000

 

Editions Francis Lefebvre, Belgique : Juridique, fiscal, social, 8ème éd., Mars 2010.

 

Editions Francis Lefebvre, Paradis fiscaux et opérations internationales, 4e éd. Juill. 2005

 

Gouthière B., Les impôts dans les affaires internationales, 9e éd., Francis Lefebvre, 2012

 

Rassat P., Lamorlette Th., Camelli T., Stratégies fiscales internationales, Ed. Maxima, 2010

 

Schaffner J., Luxembourg : juridique, fiscal, social, comptable, 7e éd., Francis Lefebvre, 2005

 

 

TEXTES JURIDIQUES

 

Code général des impôts

<http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577>

 

Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011

<http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/;jsessionid=zZbPT9fJTlBrKfFly0wr7221b1mz69mnHzjc8X8LLb1r3NVLPwS1!-17543456?uri=CELEX:32011L0096>

 

BOI-RPPM-RCM-10-30-20-20120912

<http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3803-PGP.html?identifiant=BOI-RPPM-RCM-10-30-20-20120912>

      [1]  CJCE, 14 déc. 2006, aff. 170/05, 1e ch., Sté Denkavit International BV et SARL Denkavit.

      [2]  Depuis 2010, la France dresse chaque année une liste des Etats ou territoires non coopératifs (ETNC). Ceux-ci sont définis par l’article 238-0 A du CGI comme étant les Etats ou territoires qui répondent aux caractéristiques

cumulatives suivantes :

  • être en dehors de l’Union européenne ;
  • avoir fait l’objet d’un examen par l’OCDE en ce qui concerne leur situation au regard de la transparence et de l’échange d’informations en matière fiscale ;
  • ne pas avoir conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties ;
  • ne pas avoir signé avec au moins douze Etats ou territoires une convention d’assistance administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties.

      [3]  Sur la notion de « régime fiscal privilégié », v. une instruction administrative du 16 janvier 2007 (Inst. 4 H-1-07).

      [4]  BOI-RPPM-RCM-10-30-20-20 n°340.

      [5]  Ibid,  n° 70.

      [6]  Ibid.,  n° 130.

Mémoire de fin d’études de 15 pages.

24.90

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