Pourquoi la grève des sages-femmes françaises n’a pas abouti à un compromis répondant favorablement à leurs revendications ?
Problématique : Pourquoi la grève des sages-femmes françaises n’a pas abouti à un compromis répondant favorablement à leurs revendications ?
Plan
Partie 1- La grève des sages-femmes
1.1- Rappel théorique de la négociation
1.2.1- Origine et contexte de la grève
1.3- Les principales parties prenantes
1.3.1- Organisations syndicales et grève des sages-femmes
1.4- Les points chauds de la négociation
Partie 2- Analyse de l’échec de la négociation
2.1.1- Fragmentation d’intérêts au niveau des grévistes
2.1.2- Faible poids face au pouvoir argumentaire des médecins
2.1.3- Rapport de force politique asymétrique
2.1.4- Alliance implicite entre les négociateurs
2.1.5- Manque de préparation et de coordination stratégique
2.2- Points à améliorer pour la négociation
La négociation est souvent considérée comme un art qui ne s’apprend pas, une vocation ou un don qui s’exerce instinctivement sans qu’un individu soit obligé de l’apprendre. Pourtant, l’existence d’échec et de réussite pour des situations et acteurs comparables donne des intérêts aux expériences dans la négociation. L’observation des différents types de négociation collective dans la société contemporaine, notamment ceux mettant en relation des personnes publiques, donne des idées de l’importance de la maîtrise des techniques de négociation. Les savoirs relatifs à ce domaine ne sont pas seulement réservés à des associations et organismes spécialisés dans ces types de négociation. Certains cas fréquents, dont celui de la grève des sages-femmes en 2013-2014, semble indiquer qu’il n’y a pas de métier qui devrait mépriser les techniques de négociations.
Ce cas récent incite alors à se pencher sur les éléments qui influent sur les issues d’une négociation. Une question centrale se pose ainsi : Pourquoi la grève des sages-femmes françaises n’a pas abouti à un compromis répondant favorablement à leurs revendications ? Autrement dit, cette étude se concentre à identifier et à analyser les principaux facteurs qui risquent de mettre en échec le processus de négociation.
Il convient alors de réaliser la présente étude en deux étapes :
- Dans la première partie, il faut définir le cadre de l’étude, c’est-à-dire de décrire le contexte de la grève du Collectif des sages-femmes ainsi que la négociation qui s’ensuit pour régler la crise ;
- Dans la deuxième partie, les analyses des différents facteurs d’échec de la négociation donnent lieu à quelques propositions à retenir pour améliorer la qualité d’une telle négociation.
Il convient d’abord de présenter le cadre de l’étude, c’est-à-dire le contexte dans lequel les analyses seront réalisées. Il est important de noter que la présente étude cherche à faire des analyses les plus objectives et les plus neutres possibles des situations. Des efforts ont été effectués pour présenter les faits sans prendre partie dans les circonstances annoncées.
Dans cette section, il n’est pas question d’aborder de manière exhaustive tous les aspects théoriques acquis (en cours). Il importe surtout d’émettre quelques réflexions qui paraissent utiles ensuite pour l’étude de cas dans la partie suivante. Désormais, il est mieux d’articuler les analyses pratiques sur des éléments qui vont déjà servir de balises pour l’étude.
A rappeler que la négociation est une forme de communication (entre au moins deux parties) cherchant à résoudre un certain nombre de problèmes, cela en tentant de trouver des points consensuels. En d’autres termes, la négociation est un outil nécessaire pour améliorer l’équilibre socio-professionnel, dans un contexte de crise sociale (existante ou menaçante). Par opposition à d’autres modes de régulation des rapports sociaux (décision unilatérale, par exemple), c’est la voie favorisant le caractère unanime des décisions prises en conséquence. Une négociation qui aboutit à un accord (unanimement accepté) donne alors des résultats acceptés de ces parties.
Il faut comprendre que la négociation est juste un moyen pour atteindre l’équilibre (entre avantages et coûts mutuels des parties en négociation), le véritable extrant d’une réussite attendue. Cela dit, la négociation ne résout pas toujours les relations socioprofessionnelles, du moins, elle pourrait constituer un moyen pour déterminer les stratégies efficaces pour une sortie de crise. C’est un moyen de gestion optimale des ressources (surtout humaines) qui se construit à partir des données (historiques) sur le déséquilibre. Par conséquent, une vraie négociation (qui aura plus de chance d’aboutir à un compromis, par la suite) se base sur des éléments historiques pour adopter un modèle plus adapté aux situations futures (obligation de moyen et non de résultat).
Comme le cas étudié se trouve dans un environnement professionnel bien déterminé, les rôles de chaque interlocuteur (dont les syndicats) sont primordiaux qui varient suivant les thèmes (problèmes) discutés. Il faut reconnaitre que, tout en se focalisant sur des faits les plus objectifs possibles, la négociation est associée à des composantes très subjectives, dont la conviction, la croyance, l’éthique, la façon de voir, de faire, … (négociation qualitative vs négociation quantitative). En somme, la réussite (l’aboutissement à un compromis) dans une négociation ne peut nier en aucun cas l’importance de la place que tient le facteur humain. D’ailleurs, négocier, c’est reconsidérer les écarts entre la réalité et la théorie, c’est-à-dire, rediscuter les erreurs des modèles utilisés.
Le contexte de l’étude concerne un environnement professionnel de la fonction publique où il faut s’attendre, à priori, d’une distorsion dans les relations entre des fonctionnaires (les salariés), d’une part, et les représentants de l’entreprise (ou des entreprises) publique (patronat, en quelque sorte), d’autre part. Mais le problème à résoudre, notamment pour le cas étudié, ne se concentre pas seulement dans la dimension verticale puisque d’autres acteurs du côté des salariés, non préalablement impliqués, viennent également animer les discussions en prenant partie.
Quelques 23 000 sages-femmes françaises prennent désormais en charge les 810 000 naissances et les 1,5 millions de grossesses dans le pays au cours de l’année 2013 (Le Collectif des Sages-Femmes, 2014). Ces professionnelles de la santé périnatale ont évoqué un certain nombre de problèmes qui peuvent être résumés en une crise identitaire professionnelle. Des associations et organisations syndicales de la profession (de sage-femme) ainsi que de la Fonction Publique Hospitalière (FPH) se sont regroupées au sein d’un Collectif pour représenter les sages-femmes en mouvement.
Plusieurs demandes de rendez-vous auraient été déposées par le Collectif auprès du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé pour discuter de ces problèmes. A défaut de réponse, le 5 septembre 2013, le Collectif a décidé de faire pression en lançant un mouvement de grève : Un sit-in a été organisé devant le Ministère concerné, le 16 octobre 2013 pour obtenir une rencontre avec la Ministre, Marisol Touraine. Ce sont les membres du cabinet de cette dernière (et sans elle) qui ont reçu les membres de la délégation des manifestantes : les propositions du Ministère n’ayant pas satisfait les sages-femmes en mouvement, elles ont décidé (le 18 octobre 2013) de poursuivre la « grève ».
Il faut préciser que le sit-in du 16 décembre a réuni un peu moins de 300 sages-femmes, mais cela marque pourtant le début d’une importante chaîne de mouvements n’ayant existé au niveau de cette profession depuis l’année 2001. D’autres démonstrations de force ont eu lieu, dont 4 marches à Paris :
- Le 7 novembre 2013, réunissant des milliers (entre 4 000 et 6 000 selon le bulletin trimestriel du Conseil de l’Ordre des Sages-femmes(Conseil de l’Ordre, 2014)) de sages-femmes, étudiantes et professionnelles. La Ministre elle-même a alors reçue la délégation des grévistes, annonçant par l’occasion la création d’un groupe de travail entre le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé et le Ministère de l’Enseignement Supérieur. Ce groupe de travail a entamé les négociations le 19 novembre 2013, ce fut la première réunion de ce groupe.
- Le 16 décembre 2013, pendant la troisième réunion du groupe de travail.
- Le 19 février 2014, dans la dernière réunion du groupe de travail avant la décision de la Ministre, Marisol Touraine qui devait se prononcer sur le sujet en fin mars 2014.
- Le 5 mai, à l’occasion de la journée mondiale des sages-femmes : le Collectif a dénoncé la « circulaire Touraine » rendue en avril 2014.
Outre les moments chauds de la grève (ces marches et d’autres évènements créés comme la semaine noire en mi-mars 2014, jeudi noire du 17 avril 2014, etc.), les sages-femmes ont décidé de travailler tout en manifestant dans leurs lieux de travail (affiches « en grève », par exemple).
Les revendications du Collectif des sages-femmes peuvent être agrégées en quelques grands points, sans entrer dans les détails :
- Obtention du statut de personnel médical hospitalier avec une place dans la gouvernance hospitalière ;
- Une reconnaissance en tant que praticiens de premier recours, et un positionnement dans le parcours de santé pour les femmes ;
- Un niveau de salaire à la hauteur de leurs responsabilités ;
- La révision de certains articles sur les compétences des sages-femmes en termes de droit de prescription des sages-femmes (L.4152-4 du Code de Santé Publique ou CSP), d’examen post-natal (L.4151-1 du CSP), de couche pathologique (L.4151-3 du CSP), de pratique de l’Interruption Volontaire de Grossesse ou IVG, de durée d’arrêt de travail prescrit par les sages-femmes (L321-1, D.331-1 et D.331-2 du Code de Sécurité Sociale) et de consultation préconceptionnelle (Collectif des Sages-Femmes, 2014) ;
- Formation dans des structures universitaires ayant l’autonomie de la filière maïeutique ;
- Un statut pour les sages-femmes enseignantes ;
- Un statut d’étudiant hospitalier pour la filière à l’instar des étudiants en médecine, pharmacie ou odontologie ;
- L’attribution d’une prime à la performance pour les sages-femmes libérales, à l’instar des médecins libéraux.
A l’origine (au début des manifestations, octobre 2013), le Collectif des sages-femmes (en grève) et l’Administration (représenté par les Ministères concernés) apparaissent comme les véritables protagonistes de la crise. Cette situation persistait jusqu’à ce que d’autres acteurs du même rang (dans la négociation) que le Collectif entrent en jeu, mais élevant la voix nécessairement contre ce dernier. La négociation connut alors un changement de cap : à certains moments, les discussions sont surtout relancées entre les associations et organisations syndicales participantes (à la négociation) tandis que l’Administration profite de la circonstance pour prendre le rôle d’arbitre. Toutefois, ce dernier a toujours été interpelé par le Collectif des sages-femmes pour revenir à la répartition de rôles d’origine (dialogue entre le Collectif et l’Administration).
Outre l’Administration qui prend désormais la place de l’entrepreneur devant rendre les décisions finales, les principaux acteurs de la négociation (dont des associations et organisations syndicales), peuvent être classés en trois groupes :
- Plus à gauche (qualification purement subjective, relative seulement au présent document pour faciliter la distinction) se trouve le Collectif des sages-femmes revendiquant de grande réforme pour le statut de sages-femmes ;
- Plus à droite, ceux qui soutiennent le statu quo (voire très hostiles aux revendications du Collectif) ; il s’agit essentiellement des acteurs en dehors de la profession de sage-femme (dont les médecins et une partie des gynécologues obstétriciens, infra).
- Plus au centre, ceux qui ne veulent pas se prononcer explicitement sur des questions discutées et/ou ceux qui sont opposés à une partie de la revendication du Collectif.
Le Collectif des sages-femmes regroupe principalement :
- L’Organisation nationale des syndicats de sages-femmes (ONSSF), le véritable leader (de facto) du mouvement, essayant de réunir toutes les revendications des divers syndicats et associations. Plus particulièrement, la présidente de l’ONSSF, Caroline Raquin, a généralement représenté le Collectif dans les négociations ;
- Le Collège national des sages-femmes de France (CNSF), la Société savante, en étroite collaboration avec l’ONSSF ;
- L’Association nationale des étudiantes sages-femmes (ANESF) se focalise surtout sur les revendications en matière de formation en maïeutique. Membre de la FAGE, l’ANESF manifestait son intérêt pour le mouvement dans un souci d’amélioration de la formation et de revalorisation du statut professionnel des sages-femmes ;
- La Conférence nationale des enseignants en maïeutique (CNEMa), sans doute à l’origine des revendications pour le statut des sages-femmes enseignantes ;
- L’Association nationale des sages-femmes cadres (ANSFC) défendant principalement les intérêts des sages-femmes occupant un poste d’encadrement.
- Le CFTC Santé-Sociaux y est en qualité de centrale syndicale.
Le Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes (CNOSF) considère le mouvement dirigé par le Collectif comme légitime. Ainsi, le CNOSF soutient la demande des sages-femmes du statut de PH en dehors de la FPH.
Les grandes centrales syndicales, regroupant la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération française démocratique du travail (CFDT), etc. ne font pas partie du Collectif, à l’exception de la CFTC Santé Sociaux. Deux mois environ après le début des manifestations, les intersyndicales tentent de s’emparer de la place du Collectif dans la négociation. D’ailleurs, les grandes centrales avec l’Union Nationale Syndicale des Sages-Femmes (UNSSF) ne sont pas favorables à la grève, d’autant plus qu’elles se sont opposées au statut de praticien hospitalier en dehors de la FPH, jugeant que cela mènerait à une précarisation de la profession[1].
En fait, les grandes centrales syndicales ont rencontré la Ministre, Marisol Touraine, le 13 novembre sur une négociation qui portaient exclusivement sur la question salariale. Les discussions faisaient alors abstraction de tout changement de statut ainsi que toutes les autres revendications du Collectif. En guise de résultat, le responsable de l’animation du collectif de sages-femmes de la CGT, Annie-Claude Ottan, a précisé que le Ministère a « proposé 100 euros mensuels de plus par sage-femme ». De tel projet ne saurait alors satisfaire les attentes de la CFDT santé sociaux (Communiqué de Presse, n°18 du 13 novembre 2013).
Il faut dire que le Collectif a obtenu le soutien « sans réserve » de l’ensemble des chefs de service dans les maternités, plus précisément ceux de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), le 6 novembre 2013[2]. En outre, le Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens Français (SYNGOF) qui soutient la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale (FNCGM), a évoqué sa désapprobation du mouvement des sages-femmes, dans sa généralité. Une nuance est toutefois apportée par le SYNGOF (via sa Vice-Présidente[3]) :
- Le SYNGOF soutient la revalorisation salariale demandée par le Collectif ;
- Le SYNGOF est pour la « visibilité » des sages-femmes, sans pourtant soutenir le statut de PH hors FPH pour ces dernières.
Le soutien du mouvement de la part des autres métiers médicaux est essentiellement fonction des intérêts personnels que défendent les associations et organisations syndicales associés à ces métiers. En effet, les gynécologues des hôpitaux pourraient même être qualifiés de partisans de la grève des sages-femmes, étant entendu qu’ils sont des collaborateurs très proches. En revanche, les gynécologues libéraux sont plutôt hostiles au mouvement dirigé par le Collectif puisque cela risque d’accroitre le dénominateur commun de leur patientèle.
Par ailleurs, les médecins sont probablement ceux qui ont le plus (avec les gynécologues obstétriciens) manifesté des propos hostiles au mouvement de grève des sages-femmes. Désormais, cinq intersyndicales de praticiens hospitaliers (SNAM-HP, INPH, CPH, CMH, Avenir Hospitalier) ont communiqué que l’autonomie des sages-femmes avec le statut de PH présenterait de danger aux patientes[4] : risque de déstructuration des salles d’accouchement. Les médecins arguent ainsi que les accouchements devraient toujours être considérés comme « à risque » (Prioux, 2014).
Ceci étant, les Ministères concernés se situent entre deux forces principalement opposées qui rendent difficile son rôle d’arbitre. Bien que la Ministre, Marisol Touraine, avait la compétence de satisfaire certaines revendications du Collectif, elle refuse de se mettre dans une position désagréable vis-à-vis des médecins et autres praticiens hospitaliers.
Il est important de survoler les grands moments marquant la négociation :
La première étape pourrait être attribuée à la discussion entre la délégation du Collectif et les membres du Cabinet de la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé (sans cette dernière), le 16 octobre 2013. Le Cabinet a alors proposé aux sages-femmes de créer une mission d’Inspection Générale des Affaires Sociales ou d’Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche concernant la revendication de positionner les sages-femmes comme praticiens premier recours. Un atelier « périnatalité » est aussi proposé en ce qui concerne la loi de santé publique de 2014. Aucun accord n’a ainsi été trouvé, et le Collectif a voté pour la poursuite de la grève.
Le 19 novembre a commencé les réunions d’un Groupe de travail rassemblant une vingtaine d’organisations (une cinquantaine d’individus) offrant ainsi une vue sur les différents participants à la négociation. Quatre Groupes de travail ont alors été annoncés, suivant les revendications à étudier :
- Le statut des sages-femmes hospitalières (le point central des revendications) ;
- La stratégie nationale de santé et les sages-femmes ;
- Le décret périnatalité et les sages-femmes ;
- La formation et la recherche en ce qui concerne les sages-femmes.
Le premier groupe a été dirigé par Edouard Couty (Ancien DG d’hôpital et Directeur du DHOS/DGOS). Ce Groupe réunit le Collectif, le CNOSF, l’UNSSF, les grandes centrales syndicales, la Fédération Hospitalière de France (FHF), la Conférence des Présidents de CME de CHU et de CH, la Conférence des directeurs généraux de CHU et de CH, la Mission des formations de santé (Ministère de l’enseignement Supérieur et de la Recherche) et la Direction générale de l’Offre de soins (Conseil de l’Ordre, 2014). Lors de la première réunion de ce Groupe (2 décembre 2013), entamée par un tour de table, tous les participants ont pratiquement reconnu la nécessité d’un changement, mais le contenu de ce dernier les divise :
- Le CNOSF soutient le Collectif pour un statut médical en dehors de la Fonction Publique Hospitalière (FPH), d’un côté ;
- L’UNSSF et les grandes centrales syndicales proposent un nouveau statut mais au niveau de la FPH, d’un autre côté.
Lors de la deuxième session du (premier) Groupe de Travail (10 décembre 2013), Mr Couty dirige les évaluations de ces deux alternatives (FPH et Praticien hospitalier ou PH). La deuxième option est abandonnée pendant la troisième réunion (16 décembre 2013), donnant lieu à deux autres propositions, refusées par le Collectif et le CNOSF : Nouveau statut au niveau de la FPH, ou bien statut de Praticien en maïeutique mais en dehors de la FPH. Le CNOSF décida alors d’interrompre sa participation à ce Groupe de travail (pour les deux dernières séances en présence des Ministres concernées, 18 et 20 décembre 2013). En absence de consensus sur le statut, la parole est renvoyée au camp du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé qui devait rendre sa décision le mois de mars 2014. Mme Touraine a annoncé la mise en place d’autres groupes de travail avec la participation des représentants médicaux hospitaliers. Un « socle commun » (réfuté par le Collectif[5]) a été élaboré à l’issu des réunions de ce Groupe de travail (sur le statut), un document devant servir de base pour la décision de la Ministre de la Santé.
Les résultats de la négociation peuvent être lus dans les décisions de Mme Touraine (ainsi que leurs appréciations par les différents protagonistes), le 4 mars 2014. La plupart de ces décisions annoncées sont traduites dans la circulaire (Circulaire DGOS/RH4/2014/92, dite Circulaire Touraine) parue le 10 avril 2014. Entre autres, les grands axes sont :
- L’annonce de la création du statut médical des sages-femmes des hôpitaux dans la FPH est non conforme revendications du Collectif (PH hors FPH) ;
- Certaines idées dateraient déjà de la période avant la crise (le début de la grève), telles que le renforcement de la représentation des sages-femmes au sein de la Commission Médicale d’Etablissement (décret n°2013-841 du 20 septembre 2013, au 5° alinéa du I de l’article R. 6144-3 du CSP), la gestion des sages-femmes par la direction en charge du personnel médical (Circulaire DHOS/M/P n° 2002-308 du 3 mai 2002 relative à l’exercice de la profession de sage-femme dans les établissements de santé publics et privés appelée Circulaire Couty), etc. ;
- Les salaires des sages-femmes restent indexés sur ceux des professionnels non-médicaux (étant en FPH) et non nécessairement en rapport avec leur responsabilité ;
- Pour le Groupe de travail concernant le vœu des sages-femmes de devenir des praticiens de 1er recours, le Collectif juge « qu’aucune mesure réelle ne soit prise pour valoriser les compétences médicales des sages-femmes» (Le Collectif des Sages-Femmes, 2014, p. 13), outre les questions sur l’IVG et la vaccination (Article L.4151-2 du CSP).
- Les décrets de périnatalité n’ont pas été révisés mais feront l’objet d’une clarification pour les établissements de santé.
- Au sujet de la formation initiale et la recherche, le Collectif dénonce également des réunions non-concluantes du Groupe de travail concerné. Ainsi, non obtention du statut de sages-femmes enseignantes, de même pour les étudiantes hospitalières (malgré la promesse d’amélioration du statut d’étudiant en maïeutique), refus du modèle d’intégration universitaire autonome pour la filière maïeutique dans le Code de l’éducation.
Suite à la parution du décret du 26 décembre 2014, portant statut particulier des sages-femmes des hôpitaux de la FPH, le Collectif des sages-femmes a fait savoir implicitement son désaccord. Jugeant que ce statut mêle « incohérence, ambiguïté et mépris », le Collectif compte poursuivre « ses actions jusqu’à ce que les sages-femmes soient entendues »[6]. A remarquer tout de même que les décisions des Ministères concernés ont, à certains points, satisfait une partie des sages-femmes qui ont manifesté. A considérer en particulier celles concernant les étudiantes en maïeutique qui ont probablement eu une certaine dose de satisfaction pour leur cas ; sentant peut-être une relative passivité de leur part (bien que l’ANESF figure toujours dans le Collectif), le Collectif tente de les conscientiser en rappelant que, « une fois les études terminées (…) [la sage-femme va] être employée à l’hôpital en tant que personnel non médical ».[7]
En somme, la négociation n’a pas abouti à un compromis, étant donné que le Collectif explicite son refus des propositions et décisions (appliquées ou non) des Ministères engagés. Désormais, il (le Collectif) appelle toujours à la continuité du mouvement, ou du moins les actions devant permettre l’obtention des revendications[8].
Cette deuxième partie de l’étude se concentre sur les failles qui ont conduit à l’échec de la négociation. Il faut préciser d’ailleurs qu’il s’agit d’échec pour le Collectif (et non pour la ou les autres parties), c’est-à-dire d’une négociation sans issue, sans compromis.
Il existe un certain nombre d’éléments qui apparaissent comme de facteurs d’échec dans cette négociation entre l’Administration et le Collectif des sages-femmes en grève. La présente étude ne peut pas se vanter pouvoir analyser tous ces facteurs, l’idée est seulement d’apprécier l’utilisation dans la réalité des acquis du cours.
Déjà au début des manifestations, le Collectif semble éprouver une certaine difficulté à formuler les revendications. Ayant de sérieux problèmes de préparation préalable au mouvement (cf. infra), le Collectif réunissant désormais plusieurs associations et organisations syndicales est confronté à des revendications de toute sorte, assez difficiles à agréger, à arranger/ordonner, puis à négocier (présenter, les soutenir, etc.). Il semble que les responsables n’ont pratiquement éliminé aucune des revendications exprimées par les membres de ces associations/organisations alliées. Ceci aurait certainement favorisé la division d’idées au niveau de l’ensemble des sages-femmes, et du coup, aurait considérablement diminué la portée des actions menées ultérieurement.
En effet, il apparait que les sages-femmes elles-mêmes n’ont pas été unanimes sur plusieurs points. Cette divergence d’idée des sages-femmes ont été même observée sur la question centrale du statut. Le Collectif a insisté sur le changement de statut (vers le PH, hors FPH), tandis qu’une part (non objectivement évaluée) aurait partagé l’avis de l’UNSSF et les grandes centrales syndicales, estimant que sortir de la FPH conduirait à une précarisation de l’emploi. Bien que faiblement fiable, les différents forums de discussion et sites/blogs spécialisés (pour la profession de sages-femmes, plus particulièrement) témoignent de la diversité d’opinion sur les sujets débattus dans les groupes de travail[9].
Une partie des sages-femmes s’allient alors au côté des « adversaires » du Collectif, constituant une importante preuve à l’appui des avis opposés à la grève. D’habitude, ce sont les intersyndicales qui prennent en charge des négociations, mais cette fois, il règne un manque crucial de confiance entre les deux camps des sages-femmes.
Il faut dire que la divergence d’idées observée entre le Collectif des sages-femmes et les autres professionnels médicaux démontre une certaine maladresse de la part des dirigeants du mouvement à mener la négociation. Beaucoup des presses locales ont rapporté et interprété le mouvement comme une guerre entre sages-femmes, d’un côté[10], et un conflit important entre les sages-femmes et les praticiens hospitaliers, d’un autre côté. Le Collectif a émis un communiqué tout juste avant que la Ministre, Marisol Touraine, ai pu rendre sa décision, qui durcit le ton (envers la Ministre et les médecins). Il a même mis en garde la Ministre contre l’intensification de la crise si elle accorderait l’avantage à « une poignée de médecins » au mépris des revendications des grévistes[11].
En fait, les différents points de vue sont vraisemblablement opposés, mais avec des appréciations plutôt subjectives (d’une part) de la part des sages-femmes en grève et (d’autre part) des médecins et gynécologues obstétriciens, en l’occurrence. La Ministre qui devait être l’interlocuteur des sages-femmes dans la négociation devient arbitre, en quelque sorte.
Les Ministères concernés (et surtout le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé) profitent de ces divergences d’idées pour mettre fin à la négociation et décider avec des éléments loin des revendications des manifestantes. Il faut se rappeler qu’au départ, ce Ministère a subi les pressions des manifestantes et a été plus ou moins contraint d’entamer la négociation, sinon la situation risquait de dégénérer au profit du Collectif (l’opinion publique risquait de sympathiser avec le Collectif). A partir du moment où le Collectif a accepté de s’asseoir sur la table de négociation, et dès que le Ministère concerné découvre la division au niveau des sages-femmes sur le sujet central, c’est le renversement de la situation : le Collectif a intérêt à ce que la négociation continue. L’arrêt de la négociation est surtout au désavantage des manifestantes.
Il est observé une sorte de complexe dans les comportements des sages-femmes et des médecins, notamment dans les moments chauds de la négociation :
- Complexe d’infériorité du côté des sages-femmes, essayant toujours de répondre/répliquer aux problèmes de niveau (nombre d’années) d’étude suivi par les deux types de professionnel médical ; ce fait nourri davantage la crise identitaire qui anime le mouvement, outre les problèmes de visibilité, de non-reconnaissance, … évoquées dans les revendications ;
- Complexe de supériorité du côté des médecins, estimant que leurs arguments sont largement plus pesants que ceux des sages-femmes, et cela d’une manière générale. D’ailleurs, les médecins se considèrent comme incontournables avec des avis décisifs (par rapport aux sages-femmes), limitant ainsi la possibilité pour les sages-femmes d’emporter la victoire dans les négociations (dans les réunions des groupes de travail).
En tout état de cause, il apparait que le Ministère est moins enclin à répondre aux exigences des sages-femmes lorsque les médecins et les spécialistes sont opposés à celles-ci. En guise de réplique, les sages-femmes utilisent surtout leur ton et la démonstration de force en espérant de réveiller l’opinion publique pour les soutenir. A certains moments, les manifestations d’opinion tournent à l’agressivité entre les sages-femmes du Collectif et les autres organisations syndicales relativement opposées à la grève. Le Ministère a fait le bon choix d’éviter les affrontements hors négociation, laissant le temps tuer la ferveur du mouvement, espérant aussi peut-être des débordements pour réduire à néant les manifestations.
Mais, il semble que ce ne sont pas seulement les sages-femmes qui sont pris au piège par les affrontements déraisonnés, ou bien cela faisait partie des stratégies malignes de leurs adversaires. Un exemple montrant le dérapage et l’agressivité du moment, qui déborde le stade de la négociation, est matérialisé par les différents communiqués du Collectif, d’une part, et les syndicats des gynécologues obstétriciens, d’autre part. Il arrive même que le CNOSF décide de porter plainte contre la présidente de la FNCGM (en la personne du Dr Michèle Scheffler) et le président du SYNGOF (Dr Marty) devant les instances de l’Ordre des médecins[12]. Mais, généralement, chaque manifestation d’idées a été accompagnée d’une touche plus ou moins importante d’agressivité.
Incontestablement, le problème d’invisibilité de la profession de sages-femmes est un élément important handicapant le Collectif dans la négociation, en termes de rapports de force politique. Cette invisibilité influerait aussi bien au niveau des autres professions médicales, non seulement au sein des divers praticiens hospitaliers et des autres fonctionnaires publics hospitaliers, mais surtout au niveau des sages-femmes elles-mêmes. Cette invisibilité joue surtout en défaveur du mouvement des sages-femmes aux yeux du grand public (usager ou non). Pratiquement tous les acteurs de la santé présents dans les réunions des groupes de travail (professionnels et Administration) ont reconnu l’existence de cette invisibilité. Bien que les leaders du mouvement ont essayé d’utiliser ce problème d’invisibilité en tant qu’argument pour « rendre plus visibles » leurs manifestations, il faut admettre que les effets de cette stratégie sont tout de même limités.
En matière de négociation, il faut dire que les intersyndicales ont largement de l’expérience sur ce terrain par rapport au Collectif, alors que celui-ci a tout de suite pris la distance des grandes centrales syndicales. D’ailleurs, ces dernières auraient plus d’influences politiques, ses idées auraient mieux impacter sur les décisions des gouvernants. Ceux qui auraient dû être les alliés imposants pour le Collectif devenaient ainsi leurs adversaires redoutables.
Cette asymétrie étant manifeste dès les débuts de la négociation, le Collectif devait trouver des partenaires de taille pour faire du lobbying, réaliser un « travail de couloir ». De leur côté, les presses semblent vouloir maintenir des positions neutres, ce qui est tout à fait compréhensible. Les autres leaders d’opinion, dont les responsables politiques, ont très peu réagi sur le sujet bien que des débats ont plusieurs fois été organisés dans les médias populaires. Plusieurs fois, et presque systématiquement à chaque manifestation, les animateurs du Collectif des sages-femmes ont sollicité (ou sensibilisé leurs membres de solliciter) ces responsables politiques (essentiellement locaux) pour soutenir le mouvement. Toutefois, bien que certains élus (dont des députés, selon le Collectif) ont, par endroit, manifesté leur soutien aux revendications des sages-femmes grévistes, il n’en reste pas moins que les actions de ces politiciens sont très limitées, voire subtiles.
Des parlementaires auraient interrogé par écrit la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé concernant la situation des sages-femmes. Pendant les séances de questions aux gouvernements (6 et 26 novembre, puis 18 décembre), quelques questions orales ont été posées à l’endroit de la Ministre sur le contexte de la crise. Le CNOSF rapporte que « de nombreux parlementaires » auraient loué la profession des sages-femmes. D’ailleurs, ces acteurs (ppolitiques) ne voulaient pas « se salir » les mains à l’aube des municipalités (mars 2014), d’autant plus que l’opinion publique est également divisée sur la question.
Il faut reconnaitre l’existence d’une alliance implicite entre certains interlocuteurs du Collectif dans la négociation. Cela donne un visage encore plus divisé des parties en face de l’Administration, d’une part. Cela donne davantage de chance pour ce dernier de gagner la négociation, un prétexte pour nier toute légitimité évoquée des revendications des manifestantes. D’autre part, cette alliance de facto donne du poids supplémentaire aux adversaires du mouvement et, par conséquent, diminue la probabilité de trouver de compromis dans la négociation, ce qui signifie l’échec pour le Collectif.
Dès les prémisses de la négociation, il parait que le Collectif a refusé toute alliance avec les grandes centrales syndicales par manque de confiance et à cause du désintérêt des intersyndicales concernant de nombreux points de la revendication. D’ailleurs, les leaders du mouvement ont même manifesté publiquement (incitant ainsi les grévistes à épouser leur position) l’inutilité d’une telle alliance par le fait que les grandes centrales se focalisent seulement sur la question de valorisation salariale. De cette manière, le Collectif élimine toute possibilité de négociation avec les intersyndicales.
L’une des raisons avancées par les manifestantes qui leur ont conduit à écarter le travail avec les grandes centrales serait probablement cette alliance de facto existant entre ces dernières et les institutions de l’Etat. Or, cela devrait être un argument de taille pour le Collectif devant les inciter à négocier avec les intersyndicales. En fait, cette alliance de facto peut être une conséquence « naturelle » des relations (non nécessairement sans conflit) issues des circonstances qui rassemblent habituellement autour d’une même table les intersyndicales et l’Administration. Les questions sur les relations professionnelles dans le cadre de la FPH sont fréquemment abordées dans ces circonstances.
Il n’est pas étonnant que les Ministères concernés aient privilégié à plusieurs reprises les négociations avec ces organismes très politisés. Vraisemblablement, une alliance du Collectif avec les intersyndicales devraient avoir d’impacts conséquents sur la négociation avec l’Administration. A constater, par exemple, qu’à la première réunion des intersyndicales avec la Ministre Touraine (sur la valorisation salariale des sages-femmes, en novembre 2013), la négociation a déjà abouti à des propositions du Ministère (même déclarées par les grandes centrales syndicales comme non-acceptables) qui auraient pu ensuite être exploitées pour mener vers des compromis favorables in fine.
Il règne ainsi un sérieux problème de reconnaissance envers les autres parties : au début, le porte-parole du Collectif a évoqué une certaine ouverture de la part de la Ministre, tandis que d’autres membres de la délégation des manifestants ont mis en réserve la bonne foi de leurs interlocuteurs. A plusieurs reprises, le Collectif a manifesté son manque de confiance à ses interlocuteurs directs : en l’occurrence, d’abord à Mr Edouard Couty (le président du Groupe de travail discutant le statut des sages-femmes), à l’ensemble du Cabinet de la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, puis à Mme Touraine. Il arrive un moment où le Collectif a manifesté sa totale défiance envers le gouvernement et à l’ensemble du pouvoir en place. Finalement, les manifestantes voulaient solliciter l’appui des parlementaires pour l’élaboration des lois (du moins pour la forme, pour montrer aux sympathisants que la négociation n’ai pas été un échec pour le Collectif).
Il faut admettre que la naissance du mouvement a connu une certaine spontanéité, plutôt brusque et d’une manière assez agressive. Certes que le Collectif a fait savoir qu’il y avait un préalable à la manifestation, de telle sorte que des demandes de rendez-vous avec la Ministre des Affaires Sociales et de Santé avait été envoyées. Mais il semble qu’une bonne préparation ait été négligée, notamment en ce qui concerne les relations avec les différentes parties prenantes. Le Collectif semble être emporté par les excitations du moment, probablement pour « battre le fer pendant qu’il est chaud » et que « c’est en chemin que l’on construira ».
Outre les préparations en termes de négociations avec les intersyndicales qui sont peut-être négligées, les affrontements avec les autres professionnels médicaux n’ont pas été également évités. Les propos agressifs entre les sages-femmes d’une part, et les gynécologues obstétriciens d’autre part, témoignent du manque de concertation entre les leaders d’opinion de ces deux professions. Le résultat étant alors un conflit amplifié davantage au fur et à mesure que les manifestations s’affirment ; il a fallu que les associations et organisations syndicales des deux côtés cherchent à apaiser les tensions, des actions devant être réaliser en tant que préliminaire du mouvement de grève. Tout cela donne des idées sur un manque d’expérience de la part des dirigeants des syndicats et associations du Collectif, des expériences que les autres organismes devenant adversaires auraient pu combler plus facilement si les préparations ont été convenablement effectuées.
Pour résumer les problèmes de préparation du Collectif pour la négociation avec l’Administration compétente, il s’est surtout appuyé sur des démonstrations de force que sur des stratégies bien définies préalablement. Au niveau du calendrier par exemple, le Collectif n’a presque rien proposé mais suivait seulement les directives de l’Administration, montrant ainsi une relative incompétence et incapacité à mener une négociation garantissant (plus ou moins) une réussite. Si les manifestants se sont bien préparés, le paysage de la négociation aurait énormément différent de la situation d’alors, d’autant plus que ce sont eux qui auraient pu organisé et mené la conversation et non l’autre partie (l’Administration).
L’échec d’une étape de la négociation non convenablement préparée avec des experts a tendance à entrainer un nouvel échec.
Quelques leçons sont alors à tirer :
- La préparation, la planification et la coordination des actions et des ressources sont bien plus que nécessaires : la négociation n’est pas l’affaire de la spontanéité ;
- L’agression ou la démonstration de force n’a pratiquement pas d’apport bénéfique sur la réussite de la négociation : il est plus important de travailler avec une stratégie bien définie et bien maitrisée ;
- Le manque de confiance ne fait que détériorer davantage le climat avec les interlocuteurs, ce qui nuit à l’atteinte des objectifs définis dans la stratégie adoptée ;
- L’expérience est aussi primordiale : il pourrait être plus judicieux de confier la négociation d’une poignée de revendications entre les mains d’experts que de maintenir dans l’incertitude l’intégralité de celles-ci lorsque l’expérience fait défaut en soi ;
- Privilégier parfois (suivant les circonstances) la qualité à la quantité : rien ne sert de détenir un nombre de manifestants colossal si les soutiens politiques sont absents, ces derniers ont souvent la capacité de basculer le rapport de forces ;
- L’égocentrisme est nocif : soutenir ses propres intérêts (même de façon objective) sans considérer ceux des autres est une stratégie à éviter en négociation.
Les cas de négociation collectives sont presque banals, surtout lorsqu’il s’agit de discussion entre l’Administration et une partie des fonctionnaires. Ce sont surtout les composants (de la négociation) qui change, dont les acteurs et les circonstances de la négociation ainsi que les revendications. Pour le cas du Collectif des sages-femmes, il s’agit d’essayer de trouver des compromis avec l’Administration concernant les revendications avancées. Ces dernières sont multiples, et fonctions des membres du Collectif, mais elles sont centrées autour de la demande du statut de praticien hospitalier. D’autres acteurs semblent être nécessaires selon les Ministères concernés dans la négociation, la rendant ainsi beaucoup plus complexe. C’est l’Administration qui a organisé et a mené le dialogue qui se déroule principalement à travers des groupes de travail discutant les demandes des sages-femmes manifestantes. La prise de décisions unilatérales de l’Administration pourrait être considérée comme la résolution finale de la crise, étant donné que le Collectif a manifesté sa désapprobation de ces décisions.
Quelques éléments qui paraissent manifestes sont relevés et analysés, expliquant l’échec de la négociation dans le cas étudié. D’abord, la multiplicité des intérêts à défendre diminue les chances d’aboutir à un consensus, surtout lorsque les avis sont diamétralement opposés du côté des groupes qui devrait être dans la même partie. L’asymétrie des pouvoirs argumentaires et politiques est aussi un élément qui peut être déterminant pour l’issue d’une négociation. Cette asymétrie pourrait être attribuée à des alliances qui existent entre des interlocuteurs, réduisant ainsi les marges de manœuvre des autres parties. Mais il ne faut pas non plus oublier que l’absence d’une bonne préparation (de la stratégie à utiliser, en l’occurrence) au préalable accroit le risque d’échec.
Bien qu’il est pratiquement utopique de croire à des recettes infaillibles pour chaque type de négociation, l’échec de celle du Collectif avec l’Administration donne des idées sur les grandes lignes à ne pas négliger. Entre autres, il est crucial de bien préparer, planifier et coordonner toutes les actions et ressources à utiliser, notamment sur les aspects techniques et psychologiques, voire financiers et matériels de la négociation.
Chesnel, S. (2014, janvier 21). D’après les médecins, plus d’autonomie aux sages-femmes mettrait en danger les patientes. Récupéré sur L’Express: http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/d-apres-les-medecins-plus-d-autonomie-aux-sages-femmes-mettrait-en-danger-les-patientes_1316024.html
Collectif des Sages-Femmes. (2014). La nécessité d’un parcours de santé pour les femmes – Stratégie nationale de santé (Perspectives et propositions). Paris: Collectif des Sages Femmes.
Conseil de l’Ordre. (2014, mars). Mouvement des sages-femmes : une mobilisation historique. Contact Sages-Femmes, 1er trimestre(37), pp. 4-5.
Le Collectif des Sages-Femmes. (2014). Synthèse du mouvement des sages-femmes 2013-2014 à l’usage des parlementaires. Paris: Le Collectif des Sages-Femmes.
Le Monde.fr avec AFP. (2013, 11 13). Les sages-femmes rejettent la hausse « trop basse » des salaires proposée par le ministère. Récupéré sur Le Monde: http://www.lemonde.fr/sante/article/2013/11/13/les-sages-femmes-rejettent-la-hausse-trop-basse-des-salaires-proposee-par-le-ministere_3513294_1651302.html
PORS-LEMOINE, P. L. (2014, février 14). Mouvement des sages-femmes, le Syngof recueille l’avis des gynécologues et obstétriciens et porte leur parole. Récupéré sur SYNGOF: http://syngof.fr/actualite-syndicale/mouvement-des-sages-femmes/
Prioux, J. (2014, janvier 22). Les sages-femmes se heurtent à l’opposition de médecins. Récupéré sur Pourquoi docteur ?: http://www.pourquoidocteur.fr/m/article-5107.html
Raquin, C. (2015, 01). Le mouvement de protestation 2013-2014 a été historique : il appartient à chacun d’entre nous, aujourd’hui, d’en pérenniser les ambitions, afin d’en garantir un jour le succès. Récupéré sur ONSSF: http://www.onssf.org/1.aspx
[1] Vincent Cicero, secrétaire de l’Union nationale syndicale des sages-femmes, in (Le Monde.fr avec AFP, 2013)
[2] Communiqué de Presse des chefs de service des maternités de l’AH-PH, le 6 novembre 2013.
[3] Pascale LE PORS-LEMOINE, « Mouvement des sages-femmes, le SYNGOF recueille l’avis des gynécologues et obstétriciens et porte leur parole » sur le site du Syndicat, syngof.fr (PORS-LEMOINE, 2014)
[4] A lire, « D’après les médecins, plus d’autonomie aux sages-femmes mettrait en danger les patientes », sur www.lexpress.fr (Chesnel, 2014).
[5] Communiqué de Presse du Collectif des sages-femmes, du 21 janvier 2014
[6] Communiqué de Presse du Collectif des sages-femmes, du 29 décembre 2014 (« Décret statut sage-femme hospitalière : il ne faut pas se fier aux apparences…. »
[7] Idem.
[8] A lire, par exemple, le discours de la Présidente de l’ONSSF, Caroline Raquin, à l’occasion de la présentation des vœux pour l’année 2015 sur le site officiel de l’ONSSF, www.onssf.org (Raquin, 2015).
[9] A voir par exemple, l’article « Le guide de la grève sage-femme pour les nuls », du site Carnets d’un Passeur, (lien : http://orcrawn.fr/le-guide-de-la-greve-sage-femme-pour-les-nuls/).
[10] « La guerre des sages-femmes aura-t-elle lieu ? » du 12 mars 2014, sur le site spécialisé WEKA, liens : http://www.weka.fr/actualite/sante-thematique_7850/la-guerre-des-sages-femmes-aura-t-elle-lieu-article_90588/.
[11] Idem.
[12] Une « plainte fait suite aux propos malveillants, injustifiés, portant atteinte à l’honneur de la profession de sage-femme et mettant en cause leurs compétences, tenus publiquement le 19 décembre 2013 et le 21 janvier 2014 », Communiqué de presse du 20 février 2014, « L’ordre des sages-femmes porte plainte contre la FNCGM et le SYNGOF ».
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