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Quel est l’impact des réseaux sociaux sur le comportement humain dans le cadre d’une guerre civile ?

Introduction

Q

uelque soit l’époque considérée, l’histoire de l’humanité a démontré que l’homme ne peut s’empêcher de se quereller avec ses voisins. Des milliers d’exemples de conflits ont opposé et continuent encore d’opposer deux ou plusieurs protagonistes pour des raisons politiques, économiques, religieuses, etc. Phénomène quasi permanent du monde moderne, les guerres sont les manifestations les plus meurtrières des conflits. La Première et la Deuxième Guerres mondiales sont certainement deux des plus grands conflits qui se sont déroulés au cours du siècle dernier. En effet, c’est à cause de leur caractère particulièrement meurtrier que la communauté internationale a été obligé de réfléchir sur les moyens d’en limiter l’étendue. C’est notamment grâce à ces réflexions que l’Organisation des Nations Unies a vu le jour.

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945, les conflits de cette ampleur se sont raréfiés. Pour autant, le phénomène de la guerre n’a pas complètement disparu : il a simplement changé de nature. En effet, les conflits aujourd’hui regroupés sous l’appellation de « guerre civile » se sont multipliés. Ainsi, la guerre civile américaine, la plus meurtrière du continent qui a eu lieu entre 1861 et 1865 (620 000 soldats morts, morts indéterminés chez les civils)[1], opposa les États nordistes de l’Union en faveur de l’abolition de l’esclavage aux États sudistes de la Confédération, esclavagistes. Les guerres de Yougoslavie sont causées par les revendications territoriales de la part de plusieurs communautés (Serbes, Croates, Bosniaques, nées de l’éclatement de l’URSS.

Par ailleurs, si l’existence de ces nombreux conflits a été portée à la connaissance de tous, c’est grâce aux multiples évolutions des moyens de communication. En effet, les journaux, la radio et, plus tard, la télévision, n’ont jamais simplement servi qu’à transmettre l’information. Ces médias ont également été sciemment utilisés pour véhiculer les idéologies au sein de la population. L’un des exemples les plus marquants du XXe siècle est la propagande faite par Goebbels en faveur de la propagation de l’idéologie nazie durant la guerre. Cette absence de neutralité dans l’utilisation des médias montre qu’ils sont souvent utilisés dans le but d’influencer la masse. Et cette réalité n’est pas près de changer d’autant plus qu’internet permet aujourd’hui d’atteindre toute personne en quelque lieu qu’il se trouve.

D’ailleurs, internet ou world wide web (le « Web » en plus court) a connu une révolution au cours de la dernière décennie. En effet, dans la première version d’internet que l’on peut désigner par l’expression « Web 1.0 », l’internaute n’avait pas la possibilité de réagir sur les informations auxquelles il a accès sur les sites qu’il visitait. Il les consommait uniquement. Aujourd’hui à l’ère dite du « web 2.0 », les internautes disposent de nouvelles possibilités. En effet, le Web 2.0 ou web participatif leur donne accès à de nouvelles techniques et fonctionnalités qui leur permettent d’interagir avec le contenu des sites web. Cette expression renvoie à « une évolution d’un web statique et unidirectionnel vers un réseau dynamique et interactif, caractérisé par une large participation des usagers à la création et à l’échange de contenus »[2]. Désormais, l’internaute n’est plus simplement consommateur : il est également acteur, et plus précisément participant. Il peut participer à la création de contenu sur internet notamment en rejoignant les réseaux sociaux.

À travers les réseaux sociaux, des millions d’internautes peuvent s’échanger à très grande vitesse des quantités énormes d’informations, créer des contenus, partager des fichiers multimédias, modifier et commenter des contenus publiés par d’autres internautes. Cette dynamique fait que les événements qui se produisent en un point du globe ne restent jamais longtemps inconnues. Ainsi, toutes les possibilités offertes par ces nouvelles plateformes ont été exploitées dans la médiatisation des guerres civiles récentes dans le but manifeste de susciter des réactions de la part des internautes. C’est dans ce contexte de circulation quasi-totale de l’information que s’inscrit la présente étude.

En effet, les réseaux sociaux constituent une nouvelle sorte de média auxquels des milliards d’individus à travers le monde ont accès et ils ne cessent d’attirer toujours plus de monde chaque jour. Par exemple, le réseau social Facebook se trouve en tête du classement des réseaux sociaux avec 1,59 milliards d’utilisateurs actifs en janvier 2016, devant Youtube et Whatsapp (1 milliard chacun)[3]. En tant que médias, les réseaux sociaux peuvent être utilisés de la même manière que leurs prédécesseurs (journaux, radios, télévision, etc.) c’est-à-dire à des fins politiques, religieuses, etc.

Ainsi, l’usage des réseaux sociaux par certains individus est délibérément fait dans le but d’influer sur le comportement des autres utilisateurs. Les réseaux sociaux sont véritablement intégrés dans la stratégie de communication globale qui porte sur des événements d’importance, notamment les récentes guerres civiles qui ont frappé le monde arabe à partir de décembre 2010. C’est sur cet aspect précis que le problème fondamental de cette étude se pose. Il est formulé comme suit : Quel est l’impact des réseaux sociaux sur le comportement humain dans le cadre d’une guerre civile ?

Dans le but de répondre à cette problématique, le présent mémoire sera divisé en trois parties. La première partie sera consacrée à l’étude du phénomène de la guerre civile dans le but de mieux le comprendre. Seront d’abord abordés ses éléments théoriques du point de vue du droit. Ensuite, seront analysés les signes précurseurs et le processus qui mène au déclenchement de la guerre civile. Après avoir dressé une typologie des guerres civiles, des exemples ayant eu lieu au cours du siècle dernier serviront d’illustration (chapitre 1). Ensuite, la question des réseaux sociaux et des communautés dans un contexte de guerre civile constituera le fil conducteur du deuxième chapitre de cette partie. L’utilisation des réseaux sociaux et son impact sur le comportement humain seront traités (chapitre 2).

Dans une deuxième partie, une étude sociologique du comportement humain sera faite. Y seront notamment abordés les différentes approches existantes en la matière ainsi que les approches touchant les communautés (chapitre 1). Puis, on recherchera la relation qui existe entre le comportement humain et les réseaux sociaux (chapitre 2).

Enfin, la troisième partie sera axée sur le thème de l’anticipation ou de la prévention d’une guerre civile grâce aux réseaux sociaux. On tentera non seulement de proposer une méthode de collecte de données destinées à cette fin (chapitre 1) mais également une stratégie destinée à apaiser les tensions liées à la guerre civile (chapitre 2).

I – Étude du phénomène de guerre civile

 

S

elon une maxime célèbre attribuée au philosophe anglais Thomas Hobbes : « L’homme est un loup pour l’homme ». L’économiste et philosophe allemand Karl Marx avait également analysé que les luttes des classes caractérisaient l’histoire de la société humaine. Ces allocutions mettent en exergue une vérité historique : les conflits entre nations ou à l’intérieur d’une même nation foisonnent dans l’histoire de l’humanité.

Par ailleurs, les conflits se transforment au gré des évolutions sociales. En effet, si à l’origine ceux-ci opposaient des groupes humains réduits (clans, tribus, villages, etc.), le développement de la civilisation entraîna également l’extension des conflits d’un point de vue géographique, finissant alors par toucher des territoires plus vastes (royaumes, États, plusieurs États, etc.). Parallèlement, les conflits gagnaient en importance en termes numérique car de plus en plus d’individus s’engageaient dans les affrontements.

Il est alors normal que cette récurrence constante des conflits ait été un terrain propice à l’apparition de nombreuses réflexions de la part des diverses branches de la connaissance humaine comme le droit, l’histoire ou la sociologie. Les guerres civiles constituent les manifestations des conflits qui intéressent la présente étude. C’est pourquoi, l’étude de l’état de l’art disponible sur les guerres civiles s’avère opportune. Ensuite, les réseaux sociaux seront étudiés notamment des points de vue de leur utilisation et de leurs impacts avant, pendant et après une guerre civile.

 

1.1. Éléments théoriques sur la guerre civile

 

En tant que phénomène social, la guerre civile a intéressé et continuent d’intéresser diverses branches des sciences sociales. Cet intérêt est compréhensible et justifiée face à la recrudescence de cette forme de violence. En effet, le Secrétaire Général des Nations-Unies Kofi Annan observait en 2000 que : « (…) Au cours des dernières décennies, les guerres civiles, les nettoyages ethniques et les actes de génocide, alimentés par des armes largement disponibles sur le marché mondial, ont tué beaucoup plus de personnes »[4]. Cette analyse est partagée par Jean-Pierre Derriennic (2002) : « Les guerres civiles sont en effet, depuis une vingtaine d’années, la principale cause de mortalité violente dans le monde, et leur prévention fait moins de progrès que celle des guerres entre Etats »[5].

Parmi les plus grandes contributions à la compréhension de ce phénomène se trouvent certainement celles du droit de la guerre. En effet, il n’est aucun domaine de la vie qui ne soit régie par le droit : définir des règles fait partie de ses fonctions. Une définition juridique de la guerre civile sera donnée. Ensuite, il ne faut pas oublier que des spécialistes issus d’autres disciplines s’y intéressent également (des sociologues, des économistes, des historiens, etc.) : leurs analyses permettront notamment de relever les signes précurseurs d’une guerre civile. Par ailleurs, les réflexions ont poussé des organisations ou instances d’envergure internationale comme les Nations-Unies à codifier l’usage de la violence dans le cadre des guerres civiles. Enfin, une typologie ainsi que des exemples de guerres civiles seront rapportés dans ce chapitre à titre d’illustration.

1.1.1. Définitions et signes précurseurs de la guerre civile

1.1.1.1. Définitions de la guerre civile

Pendant longtemps, les tentatives de définition de la guerre civile se sont heurtées à plusieurs obstacles, notamment à la conception même de « conflit armé international » : il s’agit exclusivement de la guerre entre Nations souveraines, forme de conflit la plus répandue dans la première moitié du XXe siècle. La deuxième raison est que le droit international s’évertue à limiter son accès au problème de qualification des conflits internes[6]. Un deuxième obstacle est lié à la variété terminologique[7] pour désigner la violence plus ou moins durable qui affecte les États (Du Bois, 2001)[8]. Un troisième obstacle trouve son origine dans la société elle-même et à cause de ses répercussions sur l’ordre établi. En effet, jusqu’au XIXe siècle, la guerre civile est une notion péjorative qui accuse les insurgés de briser la cohésion sociale et de détruire le pays de l’intérieur (guerre intestine) alors qu’ils défendent l’idée d’un ordre meilleur (Caron 2009).

Ces divers obstacles ont retardé la reconnaissance d’un statut international à la guerre civile, celle-ci étant relativement récente. Selon Revah, (2010 : 47) ce sont les Conventions de Genève de 1949 et leur protocole additionnel (II) du 8 juin 1977 qui consacrent juridiquement leur reconnaissance en commençant par la formulation « en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international… (Article 3). Malgré cette reconnaissance, il n’existe aucune définition stable et consacrée du conflit armé non international et que ses formes très variées devraient appeler à une acception très extensive (Revah 2010 : 46). Malgré cela, deux limites doivent être posées.

D’une part, les parties à un conflit armé non international, dont la guerre civile, ne sont pas des Etats souverains, mais le gouvernement d’un seul d’entre eux aux prises avec une ou plusieurs factions armées dans les limites de son territoire. D’autre part, la présence d’hostilités ouvertes entre forces armées organisées exclut les troubles intérieurs sporadiques et isolés[9]. En effet, les insurgés font souvent de la guerre civile la première étape vers l’instauration d’un changement plus profond : démocratisation du pays, lutte contre la kleptocratie, coup d’État, sécession, etc. D’autres définitions sont proposées.

Le dictionnaire de la terminologie du droit international (1960, 308)  met l’accent sur l’ampleur de la violence à l’intérieur des frontières d’un État[10]. Selon Nguyen Quoc Dinh, les économistes considèrent qu’il y a guerre civile à partir de mille morts[11]. Pour Gersovitz et Krieger (2013), la guerre civile est caractérisée par différents critères qui la distingue des épisodes de violence politique intenses mais limités : la durabilité, l’ampleur des violences, l’organisation des parties, l’existence de groupes de citoyens qui se disputent le monopole de la force. Ils ne nient pas également la possible implication d’acteurs externes dans les troubles internes[12]. L’équipe Perspective monde de l’Université de Sherbrooke insiste sur la composante sociale qui caractérise toute guerre civile qui oppose classes sociales, ethnies, ou groupes religieux. Mas (2015) va plus loin en parlant de scission au sein d’une communauté politique préétablie où des groupes mènent une lutte sanglante : empire monarchie, tribu, califat, État ou nation.

1.1.1.2. Les signes précurseurs et l’évolution d’une guerre civile

1.1.1.2.1.      Les causes d’une guerre civile

Les définitions ci-dessus fournissent plusieurs indices sur certaines des causes qui peuvent déboucher sur une guerre civile. On pense notamment à la discrimination et la contestation de l’autorité politique. Par ailleurs, on pourrait y ajouter l’existence de difficultés économiques persistantes auprès de la population.

  • L’existence d’une discrimination ou d’une intolérance envers l’autre

L’utilisation de concepts appartenant au domaine des sciences humaines et sociales tels citoyens, ethnies, groupes religieux et communautés mettent en évidence l’existence d’une composante sociale dans toute guerre civile. Mieux, elles renseignent sur l’une de ses plus grandes causes : l’existence d’une discrimination. En effet, les guerres civiles naissent souvent de l’intolérance de l’autre à cause de ses valeurs différentes, sa confession religieuse, sa culture, son histoire, sa langue, sa résidence. Le refus de l’autre y est poussé à son paroxysme : violences, barbaries, meurtres, nettoyage ethnique, etc. Le but est son élimination pure et simple (ex : génocide du Rwanda). Mais les guerres civiles peuvent aussi poursuivre un objectif politique.

  • Contestations conduisant à l’effondrement de l’État

L’issue de la guerre civile est souvent la première étape vers un changement social et politique plus profond. Cela n’est pas sans rappeler la situation consécutive à la Deuxième Guerre mondiale au sein des colonies qui refusaient la domination de leurs métropoles. En effet, la décolonisation et l’indépendance ont souvent été acquises au prix d’un lourd tribut. La Guerre froide (1947-1991) a également été le théâtre de nombreuses guerres civiles appelées proxy wars : les États-Unis et l’Union soviétique, les proxies, se livraient à une lutte d’influence indirecte en soutenant ouvertement l’un ou l’autre camp dans une guerre civile dans le but de pouvoir instaurer un nouveau pouvoir servant leurs intérêts. Cette période est ponctuée par de nombreuses crises et conflits d’ampleurs variables opposant les proxies.

  • L’existence de difficultés économiques persistantes au sein de la population

Les guerres civiles revêtent le plus souvent des aspects économiques et sociaux liés au degré de satisfaction des besoins de la population. Plusieurs études économétriques prouvent que la croissance économique réduit les risques de guerre civile tandis que les récessions l’augmentent (Collier et Hoeffler, 2000, 2002 a, 2002 b ; Fearon et Laitin, 2003 ; Humphreys (2003). Ainsi, dans un pays où le PNB par habitant est de 250 $, la probabilité est 15 fois plus élevée (15%) que dans un pays à revenu individuel supérieur à 5000 $ (1%)[13]. Par ailleurs, la mondialisation aggrave les écarts de richesses non pas entre individus mais entre groupes ethniques ou régions appelées inégalités horizontales (Stewart et al., 2001 ; Klugman, 1999) ou inégalités catégorielles (Tilly, 1999), surtout dans les pays en développement. Seule la réduction de ces inégalités diminue la probabilité d’un conflit (Azam et Koidou, 2002). Enfin, les pays qui dépendent de l’exportation des produits de base s’exposeraient à de plus grands risques de conflits.

1.1.1.2.2.      Les étapes d’une guerre civile
  • Du point de vue du droit international

Selon Revah (2010), le droit international distingue trois étapes dans la qualification de la guerre civile. D’abord, la rébellion : elle est constituée d’affrontements sporadiques, de soulèvement et d’émeutes contre les forces de l’État. Ensuite, l’insurrection quand la rébellion a acquis une certaine ampleur et gravité qui paralysent le gouvernement, le rendant incapable d’exercer sa souveraineté et de maintenir l’ordre sur l’ensemble de son territoire. Enfin, la belligérance : la guerre civile devient internationale et les lois de la guerre lui sont appliquées. Dans la pratique, le passage entre l’insurrection et la belligérance n’est pas simple à déterminer parce que les camps dans une guerre civile ne se déclarent pas officiellement la guerre comme il est d’usage dans le cadre des conflits armés internationaux (Mas 2015, Revah 2010).

  • Du point de vue chronologique

Des tensions commencent à apparaître entre les membres d’une communauté qui réussissaient jusque-là à cohabiter. Elles se fondent sur des sources latentes de discorde : un ancien conflit réveillé, des rancunes, des discriminations jusque-là tolérées, des inégalités économiques et sociales criantes, etc. Les plus récentes guerres civiles sont marquées par le refus des populations de gouvernements despotiques et corrompus entraînant la chute de ces derniers, comme ce fut le cas lors des révolutions du Printemps arabe (2011-2012). Ensuite, les camps se construisent progressivement suivant un phénomène de polarisation (cf. infra). Parallèlement, les violences persistent pour durer indéfiniment. Même si le contrôle de l’État est atteint, les violences ne cessent pas toujours.

1.1.2. Les guerres civiles en Europe et dans le monde

1.1.2.1. Typologie de la guerre civile

1.1.2.1.1.      Les différents types de guerre civile

Les guerres civiles sont de trois types. Dans un premier groupe se rangent les guerres de sécession, d’indépendance ou de décolonisation. Ce sont notamment les guerres qui naissent au sein des colonies africaines après la Deuxième Guerre mondiale ou pendant la guerre de sécession américaine. Le deuxième groupe est constitué de proxy wars, ces guerres civiles fomentées par l’un des deux Grands pendant la Guerre froide : Grèce (1946-1949), Indochine (1946-1954), Angola (1975-1992), Mozambique (1979-1992), etc. Enfin, les guerres de succession ou à caractère ethnique, racial, religieux, social ou idéologique composent le dernier groupe.

1.1.2.1.2.      Caractéristiques des guerres civiles modernes selon Cédric Mas

Selon Mas (2015), la guerre civile possède des caractéristiques qui leurs sont communes et qui les distinguent également des autres types de conflits. Celles-ci sont la barbarisation, l’ultra-violence et la polarisation des camps.

  • La barbarisation

La barbarisation constitue un processus systématique qui affecte profondément les psychologies, les réactions individuelles et collectives, les modes de vie, les matériels, etc. Les normes et les repères se perdent brutalement et cette perte déstabilise à cause du chaos engendré. Ainsi, le meurtre devient une obligation à cause, par exemple, de l’appartenance de l’autre à une confession différente. En outre, elle ralentit les activités économiques et compromet la satisfaction des besoins fondamentaux de la population : nourriture, logement, sécurité, santé, transport, etc. D’où un phénomène d’émigration de masse. Enfin, les institutions et les services publics ne fonctionnent plus normalement : hausse de la corruption, démagogie, etc. Même les groupes armés ne sont plus facilement distinguables.

  • L’ultra-violence

La guerre civile obéit rarement aux règles limitant l’usage de la violence au strict nécessaire posées par le droit international. Au contraire, elle s’accompagne des pires actes qu’un humain est capable d’accomplir : éventrations, décapitations, sectionnement des membres, viol massif des femmes par des hommes ou avec des objets tranchants comme durant les guerres civiles du Libéria et de la Sierra Leone (Bat 2015). Celles-ci sont s’expliquent par l’absence de règles, la disparition de la distinction civils/militaires et des moyens de limitations de la violence qui s’appliquent en temps de paix. Ensuite, le conflit est animé par une haine visant la déshumanisation du voisin qui devient un ennemi. Enfin, elle est un signe d’efficacité militaire et facilite le recrutement des membres par la milice.

  • La polarisation des camps

Si dans les conflits armés internationaux les belligérants sont aisément identifiés, dans les guerres civiles les frontières entre les camps sont floues, ce qui oblige les principaux meneurs à rallier la population à leur cause. Suite à la disparition des normes habituelles, la population a besoin de nouveaux repères. Ceux-ci leur sont apportés durant une étape obligatoire et spécifique à la guerre civile : la polarisation. Elle est marquée par une intériorité intrinsèque (Mas 2015) c’est-à-dire des rancunes antérieures plus ou moins niées et qui ressurgissent en force tels des volcans redevenus actifs (Werner 1998 : 25). Pouvant durer des années, elle s’effectue dans un premier temps sur la base de critères anthropologiques (parenté, famille) et géographique (voisinage, territoire) qui vont créer des groupes primaires. Dans un second temps, elle sera complétée par des critères d’ordre racial et/ou territorial, confessionnel, idéologique et/ou social.

1.1.2.1.3.      Difficultés d’application stricte de la définition de la guerre civile

Les conflits armés internationaux et les guerres civiles obéissent à des règles tendant à encadrer l’usage de la force. Maintenant, force est de constater que ces dernières respectent rarement les préconisations des instruments juridiques. En effet, les civils subissent toujours des pertes humaines massives ou sont contraints de participer sous la coercition et la terreur aux affrontements. Lair (2000, 13) estime que les guerres civiles se transforment le plus souvent en guerres contre les civils, comme en Colombie. De même, les hôpitaux et le personnel médical sont souvent ciblés par les attaques du gouvernement syrien[14]. Par ailleurs, les guerres civiles entrainent toujours un déplacement très important de populations qui fuient les combats. Ils sont plus de 2,5 millions de réfugiés en Turquie. Enfin, les guerres civiles s’internationalisent toujours alors que selon leur définition juridique, elles sont sensées restées internes.

1.1.2.2. Exemples de guerres civiles passées ou en cours

Les guerres civiles sont devenues des constantes dans l’histoire mondiale contemporaine et une seule étude ne saurait suffire pour les relater. D’où la nécessité de choisir des exemples dans lesquelles apparaissent bien l’implication de communautés dans les affrontements.

1.1.2.2.1.      Guerre civile de Bosnie (1992-1995)

La guerre civile de Bosnie oppose croates, serbes et bosniaques sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Les causes en sont d’abord politiques : la dislocation de la République fédérative socialiste de Yougoslavie après la chute du mur de Berlin en 1989 et le référendum d’indépendance de la Bosnie en 1992 refusée par les Serbes qui constituent 32% de la population. Les causes sont également sociales et raciales. En effet, deux tentatives de paix menées sur la base d’un critère ethnique ont échoué. Enfin, la population bosniaque subit une épuration ethnique menée par l’Armée de Serbes de Bosnie. Autrefois opposés, les Croates (pressés par les États-Unis) et les Musulmans de Bosnie s’allient en mars 1994 pour faire front commun contre les Serbes. Ces derniers sont acculés et contraints à capituler. Les accords de Dayton du 14 décembre 1995 mettent fin au conflit.

1.1.2.2.2.      Guerres civiles au Yémen et en Syrie

Le Yémen est plongé dans un climat de guerre civile permanente au moins depuis la proclamation d’une république en 1962 à cause de la faiblesse de l’État. Une première guerre civile oppose les royalistes du Royaume mutawakkilite du Yémen aux républicains de la République arabe du Yémen (Yémen du Nord). Il s’agit d’un proxy war entre l’Égypte et l’Arabie saoudite. Une deuxième guerre civile a lieu entre 1994 et 2010 entre la République du Yémen unifiée et les séparatistes du Yémen du sud, suivie par une troisième, après les Printemps arabes, qui vise l’instauration de la démocratie et la chute de la dictature d’Ali Abdallah Saleh au pouvoir depuis 1978[15].

La confession des houthistes, branche chiite minoritaire fondée par Hussein Badreddine Al-Houthi, représente une constante dans les différentes guerres civiles au Yémen. Cette dynastie zaïdiste règne sur le Nord depuis la chute de l’empire ottoman. Les rivalités tribales et le sectarisme attisés par Saleh ont fini par rendre impossible la coexistence entre zaïdistes et sunnites. En 2011, la guerre civile prend désormais une dimension religieuse. Par ailleurs, la rébellion des houthistes dénonce la marginalisation, le sous-développement et les inégalités dont leur région souffre[16].

Cette composante religieuse se retrouve également dans la guerre civile en Syrie débuté en 2011 et qui constitue un nouvel épisode de la rivalité ancestrale entre les branches sunnite (anti-Assad) et chiite (pro-Assad) de l’islam[17]. En outre, sa nature s’est rapidement complexifiée (en même temps guerre froide et guerre sainte) à cause de la présence de pays tiers. D’une part, les États-Unis et les pays européens soutiennent diplomatiquement la coalition nationale syrienne, largement reconnue en décembre 2012 comme le seul représentant du peuple syrien, constitue la principale formation opposée au président Assad. D’autre part, la Chine et la Russie se sont alliées au régime Assad et ont déjà bloqué à trois reprises des projets de résolutions du Conseil de sécurité. Cette guerre civile est toujours en cours.

1.1.2.2.3.      Guerre civile en Ukraine

La guerre civile en Ukraine débuté fin 2013 se déroule essentiellement dans la province du Donbass. Il s’agit d’une guerre par procuration entre les occidentaux et la Russie. Il s’agit également d’une guerre de sécession puisqu’elle divise la communauté ukrainienne. Les deux protagonistes du conflit sont l’armée loyaliste (pro-occidentale) et l’armée séparatiste (pro-russe). L’Ukraine est tiraillée entre la volonté de poursuivre son partenariat de longue date avec la Russie tout en voulant s’ouvrir au marché européen, géographiquement plus proche.

Les exemples de guerre civile ci-dessus montrent non seulement que les causes sont souvent très profondes mais témoignent également d’une opposition entre communautés aux croyances ou valeurs différentes entraînant une polarisation. Dans cette démarche, le rôle joué par les moyens d’informations modernes et notamment des réseaux sociaux est significative.

1.2. Les réseaux sociaux et les communautés dans un contexte de guerre civile

Les guerres civiles dans le monde sont nombreuses et aucune ne reste longtemps inconnue en raison de l’existence de moyens de communication de plus en plus sophistiqués. Les médias traditionnels tels la télévision, la radio et même internet doivent aujourd’hui composer avec un nouveau genre d’acteurs qui joue un rôle non négligeable dans la transmission des informations : les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux sont des nouveaux acteurs qui ont fait leur entrée dans le paysage médiatique au début des années 2000. Ils se positionnent de plus en plus comme des sources d’informations incontournables. Pourtant, le concept de réseau social n’est pas vraiment récent puisqu’il a été introduit par l’anthropologue australien Barnes (1954 : 43) en mettant en évidence les différents liens amicaux qui unissaient les individus entre eux. Son approche fait du réseau social un ensemble d’individus ou d’organisations reliés par des interactions sociales régulières. Pour en revenir aux réseaux sociaux modernes, il s’agit plus précisément de services de réseautage social en ligne. Ce sont des moyens virtuels mis en œuvre pour relier des personnes physiques ou morales entre elles.

1.2.1. L’utilisation des réseaux sociaux dans une guerre civile

L’individu est un être social par nature et recherche à établir des liens sociaux avec ses semblables grâce aux moyens de communication disponibles. C’est pour cela que les récentes guerres survenues, par exemple, pendant et après les événements du Printemps arabe entre 2011 et 2012, profitent également de l’essor des réseaux sociaux auprès des internautes. Cette section essaiera de comprendre l’utilisation et l’influence de ces outils du XXIe siècle dans la diffusion des informations sur les guerres civiles.

1.2.1.1. L’usage fait des réseaux sociaux par les acteurs publics

Quelle que soit leur position hiérarchique, les décideurs politiques peuvent utiliser les réseaux sociaux pour diverses raisons. L’usage peut d’abord être positif conformément à leur vocation de « réseaux ». En effet, en dehors de tout contexte de désordre interne au sein d’un État, les réseaux sociaux peuvent être utilisés par les décideurs politiques pour maintenir le lien avec les électeurs « connectés ». Selon Lominet (2012), il faut leur reconnaître un rôle émergent et une influence dans le débat public, notamment dans les campagnes électorales. Grâce à eux, le responsable politique interpelle les journalistes, maintient ses « troupes » mobilisées et permet le jeu d’opposition démocratique de fonctionner sur une nouvelle plateforme. Le lancement des campagnes locales y trouvent également leur compte.

Par contre, un usage négatif des réseaux sociaux consiste en la prise de mesures plus ou moins strictes. Il s’agira souvent de demander aux responsables de ces plateformes de supprimer ou de bloquer l’accès d’un ou de plusieurs utilisateurs en raison d’abus matérialisés par exemple par des propos racistes. Ce fut le cas de Twitter, contraint par la justice française de livrer des données sur les auteurs de tweets antisémites et racistes sous les hashtags #unbonjuif et #unjuifmort[18]. Dans d’autres pays où l’expression démocratique est moins garantie, notamment au Proche-Orient et dans le golfe Persique, des mesures plus sévères sont pratiquées. Parmi celles-ci : la censure des publications, l’interdiction des réseaux sociaux d’inspiration occidentale, le blocage et la traque des utilisateurs ou la coupure d’internet dans le pays.

1.2.1.2. Les réseaux sociaux : plateforme de mobilisation

En face des institutions publiques se trouve une autre catégorie d’acteurs, beaucoup plus nombreux et qui peuvent ainsi peser significativement sur certains événements : les citoyens. Nous entendons ici par citoyen tout internaute qui s’intéresse aux réseaux sociaux et qui y est actif.

1.2.1.2.1.      Utilisations citoyennes des réseaux sociaux

L’apparition des réseaux sociaux apporte une diversification des moyens de communication à la disposition du citoyen. En effet, si la citoyenneté comporte un ensemble de devoirs et de droits dont la liberté d’expression. Selon Huyghe, les réseaux sociaux donnent à chaque citoyen une faculté d’expression qui était réservée aux élites, d’autant plus que leur usage ne requiert aucune condition préalable hormis de savoir les manipuler[19]. Même si le fait d’exprimer ses opinions à travers les réseaux sociaux n’est pas aussi encadré que le sont les médias traditionnels, une censure a posteriori reste pratiquée. L’utilisation des réseaux sociaux peut aussi être engagée.

La mobilisation collective est également une autre manière d’exercer la citoyenneté afin de défendre des valeurs et des droits. Elle consiste à coordonner les activités d’un groupe qui poursuit la défense d’un intérêt, qui consiste généralement à changer une situation sociale dans un sens qui leur est favorable. Car sans les droits ni les devoirs qui font la citoyenneté, le citoyen n’en serait plus vraiment un. Traditionnellement mise en œuvre à travers des actions publiques visibles dans le monde physique (grèves, sit-in, meetings ou boycotts) les réseaux sociaux permettent une mobilisation virtuelle dont l’impact géographique n’est pas limité par les frontières.

Enfin, grâce aux réseaux sociaux,  les informations partagées sont accessibles en tout lieu à toutes personnes qui savent utiliser internet. Dès lors, un individu peut exprimer son soutien à l’endroit d’un de ses semblables ou partager une certaine communauté d’esprit vis-à-vis d’événements joyeux ou tragiques. Par exemple, plusieurs communautés Facebook nommées « Je suis Charlie »[20] et « Pray for Paris »[21] ont été créées notamment pour rendre hommage aux victimes respectivement des attentats des 7 janvier 2015 et 13 novembre 2015. Des chansons d’hommages créées spontanément ont également eu beaucoup de succès[22].

1.2.1.2.2.      Les réseaux sociaux, un outil de mobilisation militante : le web participatif

Les réseaux sociaux font partie des nouvelles plateformes de communication regroupées sous la qualification de web participatif ou web 2.0 et à travers lesquelles les internautes interagissent sur des contenus publics. Grâce à internet, chacun participe à la création d’un flux continu de contenu qui se structure progressivement au fur et à mesure des besoins des uns et des autres (Membrado, 2006). Les barrières liées aux structures et hiérarchies que l’on retrouve encore dans un système collaboratif disparaissent pour donner une nouvelle forme de relation d’égal à égal, transversale et hétérarchique.

Selon Huyghe, les réseaux sociaux se prêtent à ce que Perriaut (2008) dénomme la logique de l’usage puisque leurs concepteurs n’ont pas toujours prévu les utilisations qu’en font les internautes. Ainsi Facebook était initialement utilisé comme un signe de reconnaissance entre étudiants des plus prestigieuses universités américaines ; il est ensuite devenu la vitrine d’un milliard d’utilisateurs et un moyen pour propager la révolution (Huyghe, 13) ». On reconnaît aux réseaux sociaux un impact sur les événements qui se produisent dans un pays, notamment les guerres civiles naissantes. La prochaine section abordera ce thème.

1.2.2. L’impact des réseaux sociaux sur l’engagement humain dans une guerre civile

1.2.2.1. L’utilisation des réseaux sociaux avant l’éclatement de la guerre civile

1.2.2.1.1.      Les utilisateurs des réseaux sociaux avant la guerre

En général, il n’existe aucun mouvement de mobilisation sans meneur. En effet, il a été démontré depuis longtemps que le comportement de l’individu dans les foules n’est pas le même que s’il avait été isolé. L’individu en foule est plus ouvert aux suggestions extérieures, facilitant ainsi la contagion. Il suffit d’une seule suggestion pour que toute la foule agisse dans le sens de sa concrétisation (Le Bon 1895, 27). La foule devient ainsi des manifestants et sympathisants d’une cause commune qu’elle défend.

Avec les réseaux sociaux, la première suggestion peut venir d’un individu qui va incarner la contestation à travers ses actions qui seront médiatisées. C’est ainsi que Wael Ghonim, un cyber-activiste et responsable marketing de Google au Proche-Orient, est devenu une icône contestataire « du mouvement de protestation égyptienne sur Facebook » après sa détention de onze jours par les services secrets (Mirande 2012). Du côté tunisien, ce fut l’immolation de Mohamed Bouazizi qui déclencha la contestation populaire.

1.2.2.1.2.      Les objectifs de l’utilisation des réseaux sociaux

L’analyse des actions des différents intervenants sur les réseaux sociaux avant l’éclatement d’une guerre civile montre la volonté de relayer les mouvements de contestation auprès du plus grand nombre, tant de l’opinion publique nationale qu’internationale. Le but est de justifier le mouvement à travers un sentiment d’indignation face aux violations de droits de l’homme qui doivent être sanctionnées. Partager tels quels sur les réseaux sociaux des faits et des actes violents traduit une volonté intentionnelle de transformer le sentiment d’indignation naissant en haine féroce qui tendra à se radicaliser via la contagion.

Virtuellement, l’expression « viralité du contenu » est celle qui se rapproche le plus du phénomène de contagion théorisé par Le Bon. La viralité ou buzz consiste à la diffusion et au partage massifs d’un contenu grâce aux boutons de partages sur les réseaux sociaux : le « j’aime » sur Facebook, le « retweet » sur Twitter (Viard 2014) ». En ces instants, l’heure n’est certainement plus à l’apaisement.

1.2.2.1.3.      Les cibles des utilisateurs de réseaux sociaux

L’utilisation des réseaux sociaux à des fins de contestations politiques cible essentiellement les membres de la communauté dans laquelle celles-ci naissent. En effet, ces nouvelles technologies servent avant tout d’outil de mobilisation de la population, de la diaspora et de l’opinion internationale contre les pouvoirs politiques en place et pour diffuser la parle venue de la base (Huyghe, 27). Si on analyse les révolutions arabes, on peut avancer que l’objectif de l’utilisation des réseaux sociaux est de créer un effet boule de neige ou effet domino pour précipiter l’enchaînement des événements vers le déclenchement d’une guerre civile.

1.2.2.2. L’usage des réseaux sociaux pendant la guerre civile

Grâce aux réseaux sociaux, il devient facile de relayer les violences dans le monde et de sensibiliser les internautes. Ces derniers se constituent en groupes pour s’informer sur l’avancement de la révolution, se soutenir pour poursuivre la contestation et pour que la réalité et la violence des affrontements ne soient plus censurées (Mirande 2012). Il est également le fait des hackers qui ont piraté des sites officiels (comme le collectif Anonymous en Tunisie) pour empêcher le pouvoir de censurer la mobilisation. Les médias traditionnels finissent par couvrir sur le terrain les mouvements de contestations : cas d’Al Jazeera en Égypte[23].

1.2.2.2.1. Maintenir la mobilisation pour faire aboutir les objectifs de la guerre civile

La mobilisation citoyenne par les réseaux sociaux pendant la guerre civile respecte la logique inhérente à toute mobilisation : obtenir des améliorations durables dans une situation perçue comme négative. Cet objectif complète le précédent dans la mesure où le relais des violences subies par les manifestants crée un sentiment d’indignation. L’engagement se construit et est maintenu grâce à des images fortes, de symboles destinés à rappeler la nécessité d’atteindre l’objectif pour que les sacrifices et le martyrisme ne soient pas vains. Ainsi, de l’immolation d’un certain Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010 devant les locaux, acte qui a déclenché les Printemps arabes[24].

1.2.2.2.3. Mobiliser pour faire cesser ou mater la guerre civile

Les autorités utilisent aussi des réseaux sociaux pour dissuader ou riposter contre les mouvements de mobilisation citoyenne et réprimer sévèrement les cyberdissidents. En Tunisie par exemple, le pouvoir a fait pression sur les fournisseurs d’accès internet pour espionner les manifestants, ont interdit les médias sociaux (flickr, dailymotion, youtube, facebook) et bloqué les recherches sur les mots-clés liés aux contestations. Les deux camps se livrent à une guerre d’information par électrons interposés. On trouve déjà à ce stade l’usage de la stratégie du fort au faible.

1.2.2.2.4. Mobiliser pour demander l’aide internationale

Les guerres civiles font toujours de très nombreuses victimes civiles ainsi que des millions de déplacés et réfugiés politiques. À titre d’exemple, la guerre en Syrie : en décembre 2014, ce conflit a déjà fait 200 000 morts, 6,5 millions de déplacés et 3 millions de réfugiés (en Jordanie, Liban, Turquie, Irak et Égypte). Le PAM avait alors lancé une campagne de levée de fonds sur les réseaux sociaux pour recueillir 1$ de la part de 64 millions de personnes[25]. Le gouvernement fédéral canadien, qui a accueilli à ce jour plus de 25 000 réfugiés syriens[26], a aussi fait campagne sur les réseaux sociaux pour encourager ses ressortissants à utiliser les mots-clés « WelcomeRefugees » ou « Bienvenueauxréfugiés »[27].

1.2.2.2.5. Contenir la contagion dans les pays voisins

Cette forme d’usage des réseaux sociaux s’inscrit dans une stratégie globale de contrôle de l’espace informationnel (Nocetti 2015, 20). En effet, elle répond à la crainte justifiée d’une contagion causée par des événements extérieurs. Ainsi, les Printemps arabes, particulièrement la révolution en Tunisie, ont constitué un précédent contre lequel les régimes autoritaires ont cherché à se prémunir. C’est ainsi que le contrôle du web, la censure, la centralisation du paysage médiatique notamment par le rachat de sociétés privées (comme le réseau social russe VKontakte), l’adoption de lois répressives à l’égard d’internet, la propagande, la désinformation et le dénigrement ciblé des informations contestataires sont souvent plébiscités. Ainsi, le régime russe emploie une « armée invisible » composée de centaines de bloggeurs défendant les intérêts de Poutine (Balland 2015).

1.2.2.2.6. Les utilisateurs des réseaux sociaux

Au plus fort de la guerre civile, plusieurs catégories d’acteurs font usage des réseaux sociaux mais on retrouve toujours un antagonisme. Cette opposition se manifeste par la théorie du fort au faible. D’un côté se trouvent les forts : incarnés par les représentants du système établi. Ces derniers considèrent les réseaux sociaux comme politiquement nuisibles. Ainsi, la stratégie du fort consiste en l’emploi de la contrainte : censure[28], interdiction, géolocalisation des « suspects », interception des messages et répression sont les moyens les plus communs mis en œuvre. Face aux forts se trouvent les « faibles » représentés par la masse des utilisateurs des réseaux sociaux. Leur stratégie consiste à contourner les restrictions posées par les autorités grâce à des logiciels de cryptologie et des vecteurs de communication de secours (Huyghe, p.18).

Hormis l’application de la stratégie du fort au faible, les informations relayées sur les réseaux sociaux ne souffrent d’aucune restriction particulière quant au public à qui elles s’adressent : elles visent les citoyens du monde entier notamment dans le but de créer un sentiment d’indignation pour inciter la communauté internationale à intervenir.

Par ailleurs, il convient d’observer que la Syrie constitue un cas spécifique car les réseaux sociaux sont utilisés pour manipuler sciemment l’opinion publique. Avec une opposition peu structurée et un régime particulièrement répressif, la manipulation par les réseaux sociaux vise à contrôler les flux d’informations. En face, des « opposants » qui généralement ne participent pas aux conflits s’adonnent aussi à la même pratique.

1.2.2.3. L’usage des réseaux sociaux après la guerre civile

1.2.2.3.1.      Les objectifs de l’utilisation des réseaux sociaux après la guerre civile

Le dénouement des guerres civiles décide de l’usage des réseaux sociaux. Deux situations peuvent se produire : la guerre civile est remportée par les opposants ou par le régime en place qui réussit à se maintenir. Si la guerre civile ne cesse pas ou aboutit au maintien de la classe politique au pouvoir, les réseaux sociaux seront sans doute hautement surveillés et la répression amplifiée. Cependant, les plus récentes guerres civiles ne permettent pas d’illustrer ces propos puisque les Printemps arabes ont toutes abouti à la chute des régimes en place[29]. Même si la guerre civile entraîne la chute des régimes, elle ne garantit pas l’apaisement social et politique. Ainsi en Tunisie où la fuite du président tunisien Ben Ali n’a pas suffit à faire cesser les désordres intérieurs. De même en Égypte[30] et Lybie où le chaos continue de régner face aux groupes armés comme l’État islamique[31].

Sinon, les réseaux sociaux peuvent servir à mobiliser la population pour la reconstruction et la mise en place de nouvelles institutions. C’est ainsi qu’au Sri Lanka, Facebook et Twitter avaient joué un rôle important lors des élections présidentielles et législatives de 2015. Le pouvoir sri-lankais souhaite aujourd’hui recueillir les suggestions des connectés sur ces réseaux sociaux avant de voter le projet d’une nouvelle constitution[32].

1.2.2.3.2.      Les utilisateurs et les cibles des réseaux sociaux après la guerre

Après la guerre civile, les utilisateurs des réseaux sociaux sont d’abord les autorités politiques qui souhaitent surveiller l’activité en ligne et faire régner la terreur (Syrie) ou communiquer avec leur électorat (Sri-Lanka). Ensuite, ce sont la société civile et les ONG ou les programmes des Nations-Unies qui utiliseront les réseaux sociaux pour fournir un appui aux civils. Par ailleurs, les gouvernements et citoyens étrangers, comme dans le cas des réfugiés syriens, pourront également être mobilisés grâce aux réseaux sociaux. Ainsi, utilisées après une guerre civile, les réseaux sociaux ciblent la population dans son ensemble, diaspora comprise, ainsi que la communauté et la société civile nationales et internationales.

II – Approche théorique de l’impact des réseaux sociaux sur le comportement humain

L

es réseaux sociaux constituent une nouvelle forme d’outils de communication qui a marqué les premières années de ce début de XXIe siècle, de la même manière que la télévision et la radio avaient couvert les grands événements du siècle dernier, notamment la Deuxième Guerre mondiale. Ces médias traditionnels avaient alors été utilisés par des régimes fascistes pour transmettre leur haine des juifs. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que le potentiel des réseaux sociaux est beaucoup plus élevé en termes d’impact sur le comportement.

Cette partie sera divisée en deux chapitres. Après une étude sociologique du comportement humain, faite à partir des approches dominantes, l’individualisme et l’holisme, le concept de communauté sera étudié (chapitre 1). Ensuite, le chapitre 2 tentera d’établir les relations entre les réseaux sociaux et le comportement humain.

2.1. Étude sociologique du comportement humain

Le comportement humain intéresse les sciences sociales dans leur ensemble. Dans la présente étude, l’intérêt portera uniquement sur les approches sociologiques développées par deux courants de pensée dominants : l’holisme et l’individualisme. Une première section mettra en évidence leurs points saillants, leurs différences et leur regard respectif sur le comportement humain. Une deuxième section présentera les différentes approches de la communauté ainsi que les typologies des communautés.

 

2.1.1. Une opposition traditionnelle entre deux approches majeures

La sociologie est une branche des sciences sociales dont l’objet d’étude est les phénomènes sociaux et les comportements des individus en tant que membres d’un corps social donné : famille, État, tribus, etc. Elle tente d’expliquer les fondements de ces comportements. Deux grandes approches sociologiques ont été développées : l’holisme et l’individualisme méthodologique.

2.1.1.1. L’approche holiste

Marx et Durkheim sont considérés comme les fondateurs de cette approche. Si pour Marx l’histoire de toutes sociétés est marquée par des luttes de classes, Durkheim estime que les faits sociaux auxquels le sociologue s’intéresse sont :

Des manières d’agir, de penser, et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles. Non seulement, ces types de conduites ou de pensées sont extérieurs à l’individu mais ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive, en vertu de laquelle ils s’imposent à lui, qu’il le veuille ou non » (pp.18-19)[33]. Dans les deux conceptions, le sociologue analyse les faits sociaux de l’extérieur.

Du point de vue de cette approche, la société ne se définit pas comme la somme des individus qui la composent. Elle est une réalité nouvelle. La définition des faits sociaux de Durkheim permet de retirer le point le plus important de l’holisme : l’individu qui vit en société est déterminé par cette dernière dans ses manières d’agir, de penser et de sentir. En d’autres termes, non seulement il n’est pas libre de ses choix car les règles sociales s’imposent à lui, le façonnent et le prédestinent[34] à devenir un individu donné (un délinquant, un suicidaire, etc.). Ce déterminisme n’est pas toujours conscient. Le sociologue utilise principalement l’observation et les statistiques pour l’analyse des faits sociaux.

Dans cette approche, l’individu est un agent car il ne peut transformer la société comme il le désire. En effet, toute société adopte des normes et ses membres partagent des valeurs qui sont sensées être respectées par tous à travers le processus de la socialisation. Ainsi, l’individu doit se conformer à ces règles impératives s’il ne veut pas être considéré comme un déviant et être rejeté les autres membres. Bourdieu introduit le concept d’habitus qui implique que l’individu adopte un comportement type par rapport au capital économique, culturel et relationnel qu’il possède. Mais il lui reconnaît une certaine autonomie individuelle qui le pousse à évoluer.

2.1.1.2. L’individualisme méthodologique

De Tocqueville et Weber sont les pères du courant sociologique de l’individualisme méthodologique. Aux antipodes des tenants de la première approche, les individualistes considèrent que la société est le produit de la somme de ses parties : ce sont les interactions individuelles qui façonnent la société. Boudon, Goffman et Becker sont les autres auteurs majeurs de cette approche.

Pour le sociologue partisan de l’approche individualiste, les faits sociaux doivent être analysés à la lumière des actions individuelles qui se combinent pour former le social. Le point saillant de cette approche consiste au fait que l’individu est un être rationnel : c’est avant tout un acteur qui est capable de calculer les coûts et avantages de ses actions et fait ensuite des choix stratégiques qui fondent ses actions. Une vision utilitariste découle de cette approche. Ainsi, pour expliquer les faits sociaux, il faut avant tout comprendre le sens que les individus donnent à leurs actes. Les méthodes participative et directe seront privilégiées.

Même si l’individu est membre d’une société et qu’il en respecte normalement les normes et les valeurs, il n’en est pas moins doué de raison. Sa rationalité se manifeste à travers ses aspirations propres, sa vision du monde, sa conception du bonheur, etc. De ce fait, si ce que la société lui offre ne satisfait ses attentes, sa rationalité peut le pousser à initier des actions allant dans le sens de ses intérêts. Le tableau ci-dessous résume les traits principaux des deux approches sociologiques qui viennent d’être étudiées.

Schéma n°1 : Les grands traits d’opposition entre holisme et individualisme méthodologique

Source : Dglaymann.com (2006), « Les grands traits de l’opposition holisme / individualisme méthodologique ».

Nous estimons que, dans un contexte de guerre civile marqué par le rôle des réseaux sociaux, les deux approches se complètent. D’une part, l’explication des guerres civiles par l’approche holiste devrait aboutir à la conclusion que les structures sociales, les valeurs et les normes sociales sont tellement intériorisées qu’elles ne sont pas de nature à permettre la mobilisation contre un pouvoir autoritaire. D’autre part, en considérant que la médiatisation des guerres civiles s’est faite par les réseaux sociaux, celle-ci a été possible car une minorité de personnes ayant créé des groupes de discussion ont été massivement suivis par des milliers d’autres. Grâce aux divers outils de partage mis à la disposition des utilisateurs (« j’aime », partage, commentaire, tweet, etc.), de véritables communautés virtuelles se sont formées autour des événements et ont contribué à la réussite des mouvements sociaux.

2.1.2. Le concept de communauté

Le concept de communauté ne fait pas l’objet d’un consensus en sociologie tant il existe de nombreuses acceptions. Selon Hillery G.A. Jr (1955), il en existerait au moins 86. C’est la sociologie anglo-saxonne qui s’intéresse le premier à l’étude des communautés dans les années 1920.

2.1.2.1. Différentes approches du concept de communauté

2.1.2.1.1.      La communauté au sens sociologique

Les premières études sociologiques portaient sur les communautés dites spatiales dans le but de comprendre ce qui est commun aux petits groupes humains isolés. Les éléments communs sont le lien de famille, d’amitié, de nécessité et un sentiment d’appartenance. Les membres y partagent des liens sociaux et défendent une identité et des traditions communes. D’autres études se sont focalisées sur l’analyse des impacts des mutations sociales sur les communautés, ces dernières étant perçues comme des menaces ou des opportunités selon les contextes. Les communautés seraient « en quelque sorte produite par l’imminence d’un changement social, dans des espaces moins clos que les villages reculés »[35].

Enfin, les recherches portant sur l’étude des grandes villes ont constate l’absence d’un sentiment d’appartenance et de traditions partagées, notamment quand les habitants ne partagent pas un intérêt commun et cherchent à les quitter « l’envie de fuir le quartier ainsi que la constitution de groupes d’intérêts rivaux empêchent la constitution d’une communauté » [36]. Par contre, ce sentiment existe chez certains groupes humains au sein de la population grâce à « l’existence de liens communautaires à travers la transmission de rites et de codes, l’existence de solidarités ou encore le partage d’une culture et de références communes ».

À l’opposé de ces précédentes approches sur les communautés, d’autres ne se concentrent pas sur des objets d’études spatialement définis. Ainsi, les études des communautés de métier dans les années 1950 (les mineures, les routiers, les marins, etc.) ont fait ressortir une identité et des valeurs communes partagées par leurs membres. Cette approche s’intéresse plus tard qui présentent des similitudes : fort sentiment d’appartenance, code de bonne conduite à respecter sous peine d’exclusion.

Par ailleurs, puisque l’existence d’une communauté repose sur des points communs partagés, il existe alors autant de communautés que de groupes humains partageant une culture commune : communautés culturelles, linguistiques, religieuses, ethniques, idéologiques, scolaires, etc.

Enfin, toutes les communautés partagent un point commun : elles admettent une certaine dimension psychologique. On pourrait ainsi parler de communautés psychologiques.

2.1.2.1.2.      La communauté au sens psychologique

Si la sociologie s’est toujours intéressée aux communautés en tant que faits sociaux inscrits dans un double contexte spatial et temporel, on pourrait également parler de communautés psychologiques étant donné la nature des liens partagés entre leurs membres. En effet, la communauté renvoie plus à sa « représentation psychique et affective » qu’à la réalité elle-même[37] puisqu’il est impossible de saisir tous ses aspects en même temps. Ainsi, chacun se forge une idée de ce qu’est la communauté. Ainsi, elle ne peut donc qu’être « une création de l’imaginaire puisque l’ensemble désigné par ce mot est autant fantasmé qu’objectivé »[38].

2.1.2.2. Typologie des communautés en fonction de leur emplacement

Sur la base du critère de l’emplacement, les communautés sont de deux types : réelles (ou physiques) et virtuelles.

2.1.2.2.1.      Les communautés physiques/réelles

Les communautés physiques ou réelles sont celles sur lesquelles ont porté les premières recherches sur les communautés. Il s’agit de groupes humains implantés sur un espace géographique donné et dont les membres partagent un sentiment d’appartenance fort et plusieurs points communs : histoire, culture, etc. Même si certains quittent le lieu géographique d’origine (expatriés, réfugiés politiques, etc.) et n’y reviennent pas, la communauté perdure. Ceux qui partent sont libres de continuer à se considérer comme en faisant partie ou non.

  • Les communautés virtuelles

À l’opposé des premières, les communautés virtuelles n’existent pas sur un espace défini. Ainsi, si dans le cadre des communautés physiques, la distance peut constituer un frein au sentiment communautaire, il en va différemment pour les communautés virtuelles. En effet, c’est la nature même de l’ « espace » dans lequel leurs membres interagissent qui dépasse l’idée de frontière. Elles se constituent plus sur un intérêt commun. Trois définitions sont proposées. Selon l’office québécois de la langue française, la communauté virtuelle est un ensemble de personnes reliées par ordinateur dans le cyberespace, qui se rencontrent et ont des échanges par l’intermédiaire d’un réseau informatique, tel Internet, et qui partagent un intérêt commun.

Pour Foorsyth, l’utilisation de réseaux informatiques pour se rencontrer et échanger suffit à attribuer le qualificatif « virtuelle » à une communauté. Enfin, pour l’université de Genève la communauté virtuelle regroupe surtout d’autres types de communautés : communauté d’intérêt, communauté de pratique, communauté d’apprentissage ». La communauté est bien réelle, mais les rencontres et les échanges sont délocalisés dans un espace virtuel[39]. Ainsi, les guerres civiles médiatisées sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter sont véritablement des conflits où des communautés virtuelles se sont formées autour d’un intérêt commun, de pratiques communes. Le lien entre réseaux sociaux et comportements humains mériterait d’être éclairci dans le prochain chapitre.

2.2. Réseaux sociaux et comportements humains

2.2.1. L’approche des communautés de pratique

2.2.1.1.  La signification de la communauté de pratique

2.2.1.1.1.      La communauté de pratique chez Wenger

La communauté de pratique est un concept développé par deux auteurs, Lave et Wenger (1991), qui avancent que l’apprentissage en milieu professionnel se fait à travers un processus de participation. Wenger (1998) l’approfondit, étudie le processus d’apprentissage qui en résulte et propose une approche pour favoriser leur apparition, leur croissance et leur maintien. Ainsi, les membres de la communauté de pratique partagent une forme de compréhension commune de leurs actions pour eux-mêmes et pour leur communauté (Lave et Wenger 1991, 98). Ce mode d’apprentissage existerait depuis l’âge des cavernes, ou plus tard dans les corporations et les structures de compagnonnage (Wenger et al. 2002).

L’objectif principal des membres des communautés de pratique est d’apprendre sur l’objet qui les rassemble. Trois dimensions structurent toute communauté de pratique. D’abord, l’existence d’un engagement mutuel marqué par la confiance et l’ouverture aux autres. Cet engagement se forme de deux manières. Pour Wenger (1998), elles naissent de manière informelle et se forment spontanément autour d’une passion commune. Mais leur formation peut aussi être provoquée intentionnellement : elles deviennent structurées et formelles (Saint-Onge et Wallace 2003). La deuxième dimension est l’existence d’une entreprise commune dont le but sera de faire interagir les membres de la communauté en vue d’atteindre l’objectif et de la faire évoluer. La dernière dimension est le répertoire partagé. Il s’agit d’élaborer différentes ressources (mots, outils, routines, procédures, etc.) qui serviront de base pour l’action, la communication, la recherche de solutions, la performance et la responsabilité.

2.2.1.1.2.      La communauté de pratique virtuelle

Les membres des communautés de pratique peuvent se rencontrer face à face ou virtuellement. Dans ce dernier cas, il s’agit de communautés de pratiques virtuelles. Elles sont définies pour la première fois pour désigner les regroupements socioculturels qui naissent dès qu’un nombre suffisant de personnes interagissent régulièrement dans le cyberespace et créent des liens entre eux (Rheingold 1995). Pour Lazar et Preece (2002), il y a lieu de parler de communauté de pratique dès qu’un groupe de personnes qui partagent des intérêts, des buts et des ressources communs communiquent via l’ordinateur. En entreprise, ces communautés sont créées par des employés disséminés qui se communiquent grâce aux forums, courriels ou vidéoconférences.

Ainsi, lors des guerres civiles nées des Printemps arabes, des communautés de pratiques virtuelles ont été créées sur les réseaux sociaux dans le but de mobiliser les citoyens pour contester et renverser les régimes autoritaires qui les gouvernaient. D’une part, les membres de cette communauté pouvaient se rencontrer face à face lors des manifestations dans les rues. D’autre part, l’essentiel de la médiatisation des mouvements sociaux s’est faite sur internet, ce qui pousse à se poser la question de savoir si les technologies avaient le pouvoir d’influencer sur le comportement humain.

2.2.1.2. Structuration du comportement par les technologies

2.2.1.2.1.      La théorie de la structuration

Le concept de structuration doit sa paternité à Giddens. Il vise à appréhender les structures sociales sous un angle dynamique pour savoir si ce sont les individus ou les forces sociales qui formaient la réalité sociale. En d’autres termes, le théoricien cherche à comprendre dans quelle mesure les actions humaines influent sur la structure sociale. La théorie de la structuration repose sur le postulat d’une « dualité du structurel » inscrite dans une vision circulaire de la construction du monde social. D’une part, les structures sociales (les règles et les ressources) conditionnent l’action individuelle mais, d’autre part, l’action individuelle (agency) crée, reproduit les mêmes structures (par la routine) ou les font évoluer (Giddens, 1987 : 15).

Selon Giddens, l’individu n’est pas entièrement libre de ses choix à cause de ses savoirs limités et de la structure sociale qui constitue pour lui une forme de contrainte. Cependant, il lui reconnaît le pouvoir de reproduire la structure sociale ou de mener le changement social à travers l’agency, c’est-à-dire sa capacité à agir sur le monde par ses actions, ce qui présuppose l’existence d’une intention avant l’action. Dès lors, les individus qui comprennent les raisons (rationalisation) qui fondent leurs actions et les motivations qui les ont poussés à agir ne sont plus de simples agents mais des actants. En d’autres termes, ils sont capables de créer une différence et d’exercer du pouvoir (Giddens, 1987 : 63). À ce sujet, les actions continuent de produire des effets dans le temps et l’espace alors même que celles-ci ont déjà disparu.

La théorie de la structuration de Giddens a été appliquée au domaine des technologies informatiques et est notamment très utilisée en science de gestion.

2.2.1.2.2.      Les technologies : outils agissant sur le comportement humain

Selon De Vaujany, la théorie de la structuration de Giddens a été transposée au domaine des technologies et est devenue une perspective importante du champ système d’information  et, d’autre part, les structurationnistes s’intéressent à l’évaluation des technologies de l’information. Dans l’étude des dynamiques d’usage des technologies, leur préoccupation est double. D’abord, ils cherchent à comprendre l’appropriation qui en est faite par les utilisateurs : les fonctionnalités utilisées, le sens qu’ils donnent à l’usage de la technologie, les interactions entre les utilisateurs. Ensuite, ils essaient de comprendre en quoi cet usage est reproducteur des structures sociales ou producteur de nouvelles.

De Vaujany propose un archétype technologique matérialisé par un triptyque. Dans le premier cas, les usages de la technologie sont neutres s’ils correspondent à des processus de structuration liés aux activités de l’organisation ou s’intègrent dan les routines organisationnelles préexistantes pour en améliorer l’efficience. Dans le deuxième cas, la technologie est perturbatrice quand elle rentre en contradiction avec les structures sociales existantes et oblige ses destinataires à se la réapproprier. Enfin, elle peut être régénérante et produire de nouvelles structures sociales (communication, modes d’organisation, normes) qui vont redéfinir les tâches individuelles ou collectives.

Ainsi, cet archétype clarifie les différentes interactions entre la technologie et les humains ou entre ces derniers en créant de nouvelles habitudes d’usage et en remplaçant celles existantes. À la lumière de cette approche, l’usage des réseaux sociaux dans le cadre d’une guerre civile serait alors d’une double nature. D’une part, il serait régénérant puisque les concepteurs des réseaux sociaux n’ont pas spécifiquement prévu une utilisation politique ou citoyenne. D’autre part, il est également perturbateur car les contestations s’attaquent à des structures sociales établies. Il convient aussi de ne pas oublier que les guerres civiles en elles-mêmes remettent toujours en cause un certain ordre établi.

Enfin, les technologies font partie de notre environnement quotidien. Ce besoin de technologie se manifeste en tout lieu : au domicile, au bureau ou dans les transports en commun. Selon une veille effectuée sur les réseaux sociaux, le temps passé sur les réseaux sociaux est de 2h par jour dans le monde et 1h30 heure en France[40]. Ces chiffres montrent qu’il est difficile de s’en passer. De ce fait, il paraît alors évident que l’on soit « obligés » de s’adapter aux technologies notamment en consacrant un créneau horaire dans leur utilisation.

2.2.2.            L’influence des communautés virtuelles sur le réel

Ainsi, l’archétype proposé par De Vaujany montre les conséquences de l’usage des nouvelles technologies sur les utilisateurs. Dans l’un des cas (neutre), ces derniers ne voient pas leurs habitudes changer tandis que dans les deux autres cas (perturbatrices et régénérantes), les technologies sont de nature à les influencer leurs comportements. En d’autres termes, le virtuel (la technologie) influe sur le réel (les utilisateurs). Ainsi, il semblerait que, lors des guerres civiles où la mobilisation s’est principalement faite sur les réseaux sociaux, l’usage de ces moyens de communication ait non seulement été perturbateur de l’ordre social établi. Mais il a également été régénérant car la mobilisation qui s’ensuivit était l’expression d’un désir en faveur de nouvelles structures sociales : démocratie, plus de liberté d’expression, plus d’emploi, etc.

2.2.2.1. Les communautés virtuelles : de nouvelles forces en présence sur l’échiquier politique et social

Au moment des événements du Printemps arabes, le pouvoir de l’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade avait été contesté par le mouvement « Y’en a marre ». Un peu plus tôt, en 2008, la plateforme Ushahidi avait permis à des journalistes de cartographier les violences postélectorales au Kenya. Ces deux exemples montrent que les réseaux sociaux connaissent aujourd’hui une forme de participation collective qui ne peut plus être ignorée des pouvoirs publics sans prendre le risque de subir les effets d’une nouvelle forme de mobilisation sociale.

Alors que certains observateurs pariaient sur un effet de mode (Benhida, 2015), une fièvre des réseaux sociaux se propage dans d’autres pays, comme en Afrique[41] où les exemples sont nombreux, tant par les personnalités politiques que les populations. En Côte d’Ivoire, le décès en 2014 du mannequin Awa Fadiga suite au manque de soins prodigués par le CHU où elle a été admise est relayé sur Facebook[42]. Le ministre de la santé avait limogé des responsables[43]. En Afrique du sud, le président Jacob Zuma est le plus suivi sur Twitter. L’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, avait annoncé sa candidature aux présidentielles sur Facebook en 2010.

Les réseaux sociaux constituent véritablement une nouvelle force sur laquelle les politiques devront composer.

2.2.2.2. La porosité du réel et le triomphe de l’individualisme

Les limites entre ce qui appartient au monde virtuel et ce qui appartient au monde réel ne sont pas toujours aisées à définir. Il existe une certaine porosité du réel et cela en raison de deux considérations. D’abord, parce que le monde réel en lui-même est constitué d’une part de virtuel. En effet, toute communauté se structure grâce à des règles permanentes, contraignantes et partagées pour ses membres. Cependant, ces règles – la structure sociale – n’a qu’une existence virtuelle et celle-ci est seulement actualisée lors des interactions entre les individus (Giddens 1987). Ensuite, si les communautés fonctionnent, c’est parce qu’il y a derrière des individus qui interagissent entre eux.

Par ailleurs, il convient de rappeler que les réseaux sociaux se sont constitués sur la base d’initiatives individuelles ayant atteint une certaine popularité auprès des membres de la même communauté, fut-elle virtuelle ou réelle. Tout réseau doit son existence à chacun de ses membres liés par les pratiques communes. Malgré le qualificatif de social, les réseaux sociaux marquent le triomphe de l’individualisme en ce début du XXIe siècle. Ils montrent également la capacité de ces nouveaux outils de communication à accélérer les événements politiques et dont les impacts semblent avoir été déterminants.

            Au cours de cette partie deux théories sociologiques ont été exposées. D’une part, l’holisme qui considère l’individu comme le produit du social. D’autre part, l’individualisme qui le croit capable de choix rationnels et donc d’une certaine liberté. Après avoir étudié la notion de communauté sous un angle sociologique et géographique (réelles ou virtuelles), elle a été rapprochée du concept de communautés de pratique de Wenger. Ce concept trouve une application dans les réseaux sociaux qui regroupant virtuellement des individus, formant de véritables communautés de pratiques virtuelles. Leurs actions se font non seulement dans le cyberespace mais leurs retombées n’épargnent pas le réel. En définitive, les frontières entre les deux espaces ne sont pas définies de manière immuable.
Aussi, en vertu de ce lien qui unit réciproquement le virtuel au réel, il serait intéressant de tenter d’anticiper les événements qui se produisent au sein de nos sociétés à partir des informations recueillies auprès de ces réseaux d’un nouveau genre.

III – Anticiper et/ou prévenir une guerre civile grâce aux réseaux sociaux

L

es réseaux sociaux sont des outils d’avenir. Il n’a fallu qu’une décennie d’existence pour qu’ils marquent de leur empreinte le paysage de la communication. Facebook compte 1,59 milliard d’utilisateurs est classé au premier rang du classement 2016 des réseaux sociaux. Les autres plateformes du web 2.0 suivent la même tendance. Au point où nous en sommes, la communication devient de plus en plus virtuelle qu’il ne semble plus si utopique de supposer que c’est désormais par le canal des réseaux sociaux que les plus grands événements de ce siècle se décideront.

            Tout au long de la présente étude, il a été question du phénomène de guerre civile et de l’influence des réseaux sociaux dans leur médiatisation au niveau international, comme ce fut le cas à partir des Printemps arabes de 2011. Durant ces moments de crise, une grande partie de l’activité sur les réseaux sociaux a été très axée sur la couverture des événements. Ainsi Antheaume (2011) observe une frénésie des internautes du monde entier sur les réseaux sociaux par rapport aux révolutions arabes en publiant textes, photos, vidéos et messages[44].

Dès lors, on pose l’hypothèse que des événements graves comme les guerres civiles peuvent être anticipés grâce aux activités sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi, un outil de collecte des données issues des réseaux sociaux sera proposé dans le but de vérifier s’il est possible d’anticiper les guerres civiles (chapitre 1). Puis, on proposera une stratégie basée sur les réseaux sociaux pour apaiser les tensions (chapitre 2).

 3.1. Méthodologie de collecte des données : analyse du contenu lié à la guerre civile sur les médias sociaux

 

3.1.1. Méthode de collecte des données : exploitation de données existantes

3.1.1.1. Choix de la méthode de collecte des informations

Pour comprendre l’impact des réseaux sociaux sur le comportement humain, nous avions, dans un premier temps, envisagé de soumettre un questionnaire quantitatif auprès d’un échantillon déterminé de personnes. Pour en étudier la faisabilité compte tenu de diverses contraintes (disponibilité, moyens et délai imparti), nous avions effectué quelques recherches sur les caractéristiques sociales des utilisateurs des réseaux sociaux. La tendance mondiale montre une hausse de leur utilisation par les individus toutes catégories d’âge confondues. Aux États-Unis, les personnes qui y sont actives sont âgées de 18 à 54 ans[45] et les pourcentages sont relativement constants entre les différentes catégories d’âge[46]. En France, les jeunes sont les plus actifs mais l’usage concerne également toutes les classes d’âge puisque 92% des jeunes les utilise au moins une fois par mois contre 88,2% chez les plus de 50 ans[47].

Cette fourchette d’âges très étendue montre que l’attrait des réseaux sociaux concerne presque toutes les personnes actives, professionnellement ou en tant qu’étudiants. Loin de ne présenter que des avantages (plus de chances d’interroger un utilisateur des réseaux sociaux, choix aléatoire de l’échantillon possible), cette situation possède également un inconvénient majeur. En effet, il aurait créé une difficulté pratique au niveau de la représentativité de l’échantillon puisqu’il aurait fallu soumettre le questionnaire à un grand nombre d’individus pour que chaque classe d’âge soit bien représentée.

Par ailleurs, deux études sérieuses nous ont fourni des données particulièrement intéressantes sur l’utilisation des réseaux sociaux dans un contexte de crise. La première présente les résultats d’une enquête réalisée dans le cadre d’un projet de recherche « Reflets Méditerranéens » sur le rôle des réseaux sociaux et des TIC dans les révolutions arabes. 826 personnes habitant au nord (les observateurs des printemps arabes) et au sud (les acteurs) de la méditerranée y avaient participé (Boughzala, Bouzid et Moscarola, 2012). Les résultats sont accessibles sur le blog Sphinx ideas[48]. Dans la deuxième, Reputatio Lab (un laboratoire en ligne spécialisé dans l’étude des crises), a consacré une étude du phénomène « Je suis Charlie » après l’attentat terroriste du 7 janvier 2015 et qui montrent l’usage des réseaux sociaux dans les jours qui le suivirent[49].

Certes, le questionnaire aurait permis de recueillir des informations concernant des pratiques, des opinions ou des attitudes en regard de notre objet d’étude. Mais il n’aurait pas permis autant que ces deux études l’évaluation de l’impact réel des réseaux sociaux à l’occasion de ces deux événements qui ont concerné des millions d’internautes. Nous avons alors fait le choix d’exploiter les données issues de ces deux études et d’abandonner l’idée d’un questionnaire quantitatif. Nous justifions également ce choix par le fait qu’en procédant ainsi nous faisons usage de données directement issues de plateformes du web 2.0 dont les blogs font partie. Quant aux objectifs d’un questionnaire quantitatif, ils auraient été d’analyser l’impact du mouvement « Je suis Charlie » pour comprendre ensuite l’impact des communautés virtuelles sur le réel. Nous garderons lesdits objectifs dans la lecture des données issues des deux études susmentionnées.

 

3.1.1.2.      Les hypothèses de la recherche

Les hypothèses de la présente recherche sont les suivantes :

–                 L’usage d’outils de communication virtuelle comme les réseaux sociaux dans un contexte de crise structure les comportements humains dans le monde réel

–                 L’usage des réseaux sociaux permet d’anticiper une guerre civile

3.1.2.      Collecte des données sur l’utilisation des réseaux sociaux pendant les révolutions arabes et « Je suis Charlie »

3.1.2.1.      Données issues de l’enquête sur les révolutions arabes

L’enquête sur le rôle des réseaux sociaux et des TIC dans les révolutions arabes a poursuivi l’objectif d’identifier, d’une part, les médias impliqués dans les révolutions et, d’autre part, les acteurs et leur degré d’implication. Ces nouveaux médias jouent plus qu’un simple rôle technique en bouleversant le paysage de l’information et de la communication par l’introduction de nouveaux modes de partage marqués par « l’expression de soi, l’interaction sociale et la construction de contenu » (Boughzala, Bouzid et Moscarola, 2012 : 3). Faisant de la participation et de la collaboration des fondamentaux (Boughzara et De Vreede 2011), les réseaux sociaux sont favorables à l’apprentissage et à l’émergence d’innovations collectives, sources d’une véritable intelligence collective (Malone et al., 2009).

Les réseaux sociaux les plus utilisés furent Twitter, Facebook et Youtube. Leur rôle a été inattendu (Brun 2011) et déterminant, surtout dans la révolution tunisienne mais aussi celles égyptienne, libyenne et syrienne (Lecomte 2011). En effet, puisqu’ils ne souffrent pas autant de la censure que les médias traditionnels (presse, télé), ils ont permis une internationalisation des événements initialement locaux. D’où la dénomination de révolutions « numériques » ou « 2.0 ».

Quant aux utilisateurs, l’enquête a révélé qu’ils font surtout partie de la génération Y c’est-à-dire des jeunes nés entre 1980 et 1995, avec une moyenne d’âge de 32,74 ans et qui sont fortement attirés par les TIC. Il s’agit d’une population d’intellectuels puisque 96% d’entre eux ont suivi des études universitaires et 84,3% se déclarent de la classe moyenne. Sans eux, les réseaux sociaux seraient restés anodins. En effet, le web 2.0 est considéré comme un espace de convergence des motivations personnelles et professionnelles des individus (Aguiton et Cardon 2007) : les échanges s’y articulent alors autour d’une logique identitaire ou les utilisateurs adhèrent à des groupes, notamment politiques et selon leurs affinités.

Pour comprendre pleinement le rôle des réseaux sociaux dans les révolutions arabes, l’enquête s’est aussi s’intéressée à la perception et aux attentes de leurs utilisateurs. Les répondants considèrent unanimement la corruption, le manque de liberté d’expression, le chômage, l’inégalité, le manque de perspectives pour les jeunes et l’injustice comme les causes des événements.

Schéma n°2 : consensus et désaccords autour des causes des printemps arabes (Boughzala, Bouzid et Moscarola, 2012 : 7)

L’enquête a aussi utilisé la technique du mur d’images pour comprendre les systèmes de représentation des répondants à travers 36 images. Sur les 3 images les plus utilisées de part et d’autre de la Méditerranée, celle de Facebook est présente : les réseaux sociaux sont donc au cœur des événements.

Schéma n°3 : les images les plus utilisées arabes (Boughzala, Bouzid et Moscarola, 2012 : 8)

Enfin, l’enquête a permis d’établir qu’internet, les réseaux sociaux, les blogs et la vidéo sont les médias ayant contribué à l’expansion des événements.

3.1.2.2.      Données issues de l’analyse de Reputatio Lab à propos de « Je suis Charlie »

L’analyse de « Je suis Charlie » par l’auteur du blog Reputatio Lab est publiée le 9 janvier 2015. Elle a été faite sur la base de l’activité sur Twitter au cours des journées du 7 et du 8 janvier 2015. Deux hashtags, #charliehebdo et #jesuischarlie, des photos (76%) et des textes (22,4%) ont été les plus utilisés sur le réseau social. Selon les statistiques, une très forte activité fait suite aux événements : les tweets commencent en France vers 13h (h Paris), l’Amérique suit le mouvement vers 18h (h Paris) et le pic a lieu vers 22h40[50]. Au total, #charliehebdo fait l’objet de près de 3,6 millions de tweets contre 2,07 millions pour #jesuischarlie. Les deux tweets cessent le lendemain après 12h.

Schéma n°4 : le pic de tweet dans le monde aux environs de 22h44

(www.reputatiolab.com/2015/01/analyse-de-jesuischarlie-sur-les-reseaux-sociaux)

Selon Reputatio Lab, six différentes phases peuvent être définies à partir des tweets publiés sur le réseau social. Elles sont :

  • la phase d’événement : l’information est transmise partout et les réactions sont « neutres »
  • la phase émotionnelle : chacun commente les événements selon son ressenti : choc, tristesse, colère,
  • la phase de transition : l’information se propage très rapidement. Chacun est dans l’attente et le partage avec les autres
  • la phase de rationalisation et d’organisation où les utilisateurs se réunissent autour du hashtag commun #jesuischarlie, porteur d’une certaine valeur commune. Les autres utilisateurs sont exclus
  • la phase d’intérêt où chaque utilisateur essaie de se démarquer en proposant un contenu pertinent et gagner un maximum de retweets
  • la phase de déstructuration : des minorités s’isolent de la majorité qui publie sous les hashtags #charliehebdo et #jesuischarlie. Elles se constituent en véritables communautés qui affirment leur identité propre. Cette phase est aussi marquée par des situations contradictoires avec des hashtags comme #jenesuispascharlie malgré le soutien aux familles des victimes. D’autres estiment que le massacre était « mérité »

Par ailleurs, Reputatio Lab tire des enseignements à partir des activités sur Twitter. Il s’agit du réseau social de référence en cas de crise car il continue de transmettre l’information là où la censure est pratiquée sur Facebook et empêche de voir les statuts récents des utilisateurs. En outre, les premiers rassemblements se font sur Twitter avant de se faire dans les rues. Enfin, il diffuse les renseignements sur les terroristes responsables de l’attentat et on connaît presque tout d’eux en quelques instants (passé, vie personnelle, vie sociale, etc.).

3.1.3.      Analyse des résultats

3.1.3.1.      Recherche des éléments précurseurs d’une guerre civile

L’antagonisme ne se manifeste pas exactement avec la même intensité dans les deux cas.

Dans les printemps arabes, l’usage des réseaux sociaux s’inscrit dans une démarche de contestation des régimes autoritaires en place suite à la non-satisfaction chronique des besoins de la population. Ces événements bouleversent profondément l’environnement économique et social des sociétés qui les ont vus naître. Ainsi, plusieurs des éléments précurseurs des guerres civiles sont réunis : une polarisation autour de tendances antagonistes, l’incapacité de l’État à maintenir l’ordre malgré une répression violente, l’effondrement de l’État (hormis la Syrie), l’internationalisation des contestations et une certaine stabilité du désordre social.

Pour le cas de « Je suis Charlie », l’antagonisme se dessine clairement entre le groupe d’utilisateurs du hashtag #jenesuispascharlie et groupe d’utilisateurs réunis sous les hashtags #charliehebdo et #jesuischarlie. Ce dernier groupe reçoit le plus grand nombre de soutiens et ses tweets constituent la majorité des publications sur le réseau social. On n’y relève pas à proprement parler de polarisation puisque la grande majorité des internautes condamne l’attentat. L’opposition se fait surtout au niveau du soutien ou non envers le mouvement : les uns sont #jesuischarlie, les autres #jenesuispascharlie.

Par ailleurs, les « camps » ne sont pas armés et l’échange se fait de manière virtuelle, ne conduisant ni à la perte du contrôle de l’État ni à son effondrement. En outre, il n’y a pas vraiment de radicalisation de la haine malgré une certaine tendance à stigmatiser les Musulmans en terroristes. Enfin, les informations disponibles ne permettent pas de conclure sur l’imminence d’un déchirement social. Les éléments précurseurs de la guerre civile sont absents.

3.1.3.2.      Recherche de la présence du facteur humain des guerres civiles : la communauté

Les deux événements ont été médiatisés sur les réseaux sociaux. Par leur ampleur, il est approprié de parler d’émergence de communautés de pratique virtuelles. En effet, l’action des communautés revêtait un sens : dans le cas des printemps arabes, la communauté manifestait son désir d’en finir avec les régimes autoritaires, instaurer la démocratie et garantir un meilleur avenir économique et social pour la population. Quant au mouvement « Je suis Charlie », il défendait les valeurs démocratiques de la liberté de presse et de la liberté d’expression en faisant front contre le terrorisme. Dans les deux cas, il y a continuité entre la mobilisation sur les réseaux sociaux et les mobilisations publiques. Mais celle de « Je suis Charlie » s’est d’abord faite sur Twitter avant de se poursuivre dans les rues en raison de la brièveté de l’événement.

Dans les révolutions arabes, l’opposition a eu lieu entre la communauté des citoyens, majoritaire et non armée, et les régimes contestés, minoritaires et armés. Dans le cas des attentats de janvier 2015, les émotions suscitées furent diverses. Elles se traduisent en l’opposition entre les partisans de #jesuischarlie et les partisans de #jenesuispascharlie. Le mouvement #jesuischarlie regroupe surtout des Français alors que #jenesuispascharlie concerne souvent une minorité appartenant à la confession musulmane, comme les terroristes. Malgré leur religion, ils condamnent généralement l’attentat. Cependant, ils ne se reconnaissent pas tous dans le mouvement #jesuischarlie car leur opinion à propos des limites de la liberté d’expression par la presse diverge de celle des partisans de #jesuischarlie. Ils affirment leur identité propre en allant jusqu’à rejeter les pratiques du journal Charlie hebdo.

3.1.4.      Validation des hypothèses

3.1.4.1.      L’usage d’outils de communication virtuelle comme les réseaux sociaux dans un contexte de crise structure les comportements humains dans le monde réel

Tant durant les crises dans le monde arabe qu’à l’occasion de l’attentat à Paris au siège de Charlie hebdo, la mobilisation sur les réseaux sociaux a été de grande envergure. Les événements des printemps arabes ont été déclenchés en Tunisie par l’immolation de Mohamed Bouazizi puis ont constamment été relayés sur les réseaux sociaux. Parallèlement, les rassemblements publics se poursuivaient. Quant à l’attentat en France, les premières mobilisations se sont faites sur Twitter dès la mi-journée du 7 janvier et ont duré jusqu’au lendemain. Les premiers rassemblements ont été décidés sur le réseau social.

Compte tenu de ces observations, il convient alors de confirmer l’hypothèse selon laquelle les réseaux sociaux structurent le comportement dans le réel.

3.1.4.2.      L’usage des réseaux sociaux permet d’anticiper une guerre civile

Durant les deux événements analysés, les réseaux sociaux ont fait l’objet d’un usage massif par les internautes. Dans les printemps arabes, tous les signes précurseurs d’une guerre civile sont constatés. Dans le cas de « Je suis Charlie », ils sont absents malgré l’opposition essentiellement non-violente entre deux communautés aux opinions différentes. La situation post-attentat ne pouvait donc pas dégénérer en guerre civile : il s’agissait d’un épisode temporaire de violence. Ces deux constats montrent qu’il est tout à fait possible de déterminer, à partir d’une analyse des activités sur les réseaux sociaux, le niveau d’effervescence d’une situation donnée pour anticiper sur la survenance ou non d’une guerre civile. Il serait alors intéressant de mettre en place une stratégie d’apaisement basée sur les réseaux sociaux avant qu’ils n’éclatent.

3.2. Mettre en place une stratégie d’apaisement basée sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux constituent des outils révolutionnaires en matière de communication. La rapidité avec laquelle elles permettent de réaliser les échanges d’informations, d’organiser les mobilisations ou d’alimenter les polémiques et les divisions au sein de la communauté, il serait intéressant de leur donner une nouvelle dimension plus positive. En effet, ils pourraient servir à anticiper l’apparition des guerres civiles ou encore d’apaiser les tensions en temps de crises.

3.2.1. Évaluer grâce aux réseaux sociaux l’ampleur des tensions pour prévenir l’apparition d’une guerre civile

3.2.1.1. Utiliser un arbre de décision pour évaluer la situation existante

L’arbre de décision servira d’outil d’évaluation d’une situation existante. Le but est de savoir si un antagonisme existant peut se transformer en guerre civile ou s’il l’est déjà.

Demander l’aide humanitaire, l’asile et la prise en charge des réfugiés
La situation pourrait encore le devenir

 

Demander l’intervention armée de la communauté internationale
Affrontements entre forces régulières et milices

 

Situation pouvant dégénérer en guerre civile
Cohabitation pacifique

Légende

Oui

Épisode temporaire de violence
Ont-elles fait  >1000 morts ?
Usage de la violence par l’État
Sont-elles meurtrières ?
Désobéissance civile, grève, manifestations pacifiques
Y a-t-il division au sein de la communauté ou contestation de l’autorité politique ?

 

La scission ou la contestation crée-t-elle une polarisation de l’antagonisme?

 

Non

 
Les milices armées font-elles aussi preuve d’ultra-violence envers la population ?
GUERRE CIVILE
Les contestations sont-elles violentes ?
Calme, stabilité politique, économique et social
Cohabitation pacifique
PAS DE GUERRE CIVILE
Existe-t-il une discrimination  (ethnique, raciale, religieuse, etc.) dans la population ?
Répression sanglante de la population, régime autoritaire

Conséquence

Décision à prendre

[Tapez une citation prise dans le document ou la synthèse d’un passage intéressant. Vous pouvez placer la zone de texte n’importe où dans le document. Utilisez l’onglet Outils de zone de texte pour modifier la mise en forme de la zone de texte de la citation.]

La situation devient-elle chaotique ? (effondrement de l’État, déplacés et réfugiés en masse, etc.)

 

L’instabilité et la violence deviennent permanentes au sein de l’État

 

Poursuivre les responsables des actes de violence
Appeler l’État à cesser la répression armée
Appeler à la cessation des violences et au dialogue

(Médiation)

Sanctionner toute discrimination envers une communauté
Être à l’écoute des besoins de la communauté subissant la discrimination
Prendre des mesures pour éviter la création de communautés
L’Etat garde t-il le monopole de la force ?

 

L’arbre de décision ci-dessus permet d’évaluer avec assez de précision l’état d’une situation de crise dans un pays puisqu’il se base sur les différentes composantes de la guerre civile étudiée dans la première partie de ce travail : l’existence d’une communauté, d’une violence permanente, etc. À chaque étape de l’évolution de la situation, des décisions peuvent être prises dans le but d’apaiser les tensions. Son ampleur est un indicateur assez fiable qui permet d’anticiper sur la survenance ou non d’une guerre civile.

La communauté constitue l’invariant humain dans toute guerre civile. Les premières mesures à prendre consistent donc à empêcher qu’un tel groupement ne se forme au sein de la population. Pour cela, il convient d’interdire toutes formes de discrimination envers des groupes ethniques, raciaux, religieux, etc. Car les discriminations contribuent au phénomène de polarisation, entraînant la montée des violences. Si une communauté émerge malgré tout, sa radicalisation doit être évitée à tout prix pour qu’elle ne cherche pas à s’isoler pour affirmer son identité.

À partir du moment où l’État perd le contrôle de la situation, il devient difficile de « raisonner » les camps pour faire cesser les violences. Le risque de guerre civile se fait de plus en plus grand à cause du chaos engendré par la chute des institutions. L’instabilité est susceptible de durer indéfiniment.

3.2.1.2.      Sensibiliser sur les conséquences d’une guerre civile sur les réseaux sociaux

S’il apparaît qu’une situation présente une forte probabilité de muer progressivement en guerre civile. Par exemple, on se trouve au stade où un groupement humain souffre d’une discrimination ou à celui où est constatée l’émergence d’une communauté, deux situations qui ne présagent pas encore une guerre civile. Cependant, il est toujours important de poursuivre la sensibilisation de la population sur les conséquences que cela engendrerait sur tous les plans : humains, économiques, politiques, financiers, etc.

C’est d’abord par une sensibilisation permanente sur un bon usage des réseaux sociaux que les autorités peuvent empêcher la radicalisation d’un antagonisme social. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il existe déjà un antécédent de violence affectant la communauté en question. En effet, les guerres civiles naissent souvent sur des rancunes sous-jacentes. L’objectif est double : d’une part, éviter les publications haineuses, les propos racistes et/ou discriminatoires envers une communauté ; d’autre part, les censurer et supprimer les comptes des auteurs desdits propos, au cas échéant. L’exemple le plus récent est celui des tweets #unbonjuif et #unjuifmort. Car éviter d’attiser les différences et la stigmatisation est le plus sûr moyen d’éviter la formation de communautés.

3.2.2. Apaiser les tensions post-guerre civile grâce aux réseaux sociaux

3.2.2.1. Une approche théorique : le triangle dramatique de Karpman

Le triangle dramatique de Karpman est un modèle théorique développé par le psychologue américain du même nom en 1968. Applicable dans les interactions humaines, qu’elles soient dans le domaine personnel, intime ou professionnel, il permet d’identifier certaines situations d’interactions conflictuelles entre les acteurs, c’est-à-dire les individus placés dans une situation sociale donnée. L’interaction interindividuelle est perçue comme un drame dans cette théorie. Ces individus vont créer un jeu psychologique proche de la manipulation (un jeu de pouvoir), chacun endossant un des trois rôles suivants :

  • le Persécuteur : il a tendance à rabaisser les autres, à les critiquer et à les prendre pour responsables de tous les problèmes existants, notamment la Victime. Il se sent dans le droit en croyant faire ce qui est juste. Souvent perçu comme négatif, son rôle s’avère parfois l’initiateur d’un changement salutaire. Le Persécuteur peut prendre la forme d’une personne, d’un événement ou d’une situation
  • la Victime : il s’agit d’une personne qui souffre depuis longtemps et qui ressent un sentiment d’impuissance. Paradoxalement, elle s’estime irréprochable mais elle a besoin des critiques d’autrui pour se sentir malheureuse. Il profite parfois de sa position pour tourner la situation à son avantage
  • le Sauveur : il endosse le rôle du protecteur qu’il impose à la Victime que ce dernier le veuille ou non. Se croyant au-dessus des autres et se considérant comme foncièrement bon

Le triangle dramatique implique généralement trois intervenants même si deux suffisent puisque chacun peut passer d’un rôle à un autre : la Victime peut devenir Persécuteur, le Sauveur un Persécuteur, etc.

Schéma n°5 : Schématisation du triangle dramatique de Karpman

3.2.2.2. Utiliser le triangle dramatique de Karpman en tant que stratégie d’apaisement

Éviter de former des communautés est le plus sûr moyen d’éviter qu’une situation ne dégénère en guerre civile. Face à un événement inattendu et douloureux tels les attentats de 2015 à Paris, les individus ont pourtant tendance à chercher un responsable. L’affirmation « les responsables de l’attentat sont les terroristes » devient « les terroristes sont généralement de confession musulmane » aboutissant finalement à l’affirmation « les Musulmans sont tous des terroristes ». Par cette transposition, tous les Musulmans sont considérés comme des individus dangereux et la communauté musulmane considérée avec méfiance par le reste de la population. Il peut en résulter une discrimination plus ou moins forte appliquée à leur égard.

Et pourtant, bien que souvent de confession musulmane, les terroristes sont avant tout des individus aux idées extrémistes et ressentant un profond mal-être, ce qui n’est pas le cas de tous les Musulmans. Par ailleurs, les Musulmans eux-mêmes n’approuvent pas unanimement les actes terroristes comme le montre l’analyse de Reputatio Lab à propos de « Je suis Charlie »[51].  Pour éviter qu’un tel amalgame ne se produise, l’État peut se servir du triangle dramatique de Karpman comme d’un outil de communication en vue d’apporter l’apaisement des tensions. Prenons l’exemple des événements de janvier 2015. L’opinion publique condamne les actes de terrorisme (le Persécuteur) qui ont fait de nombreux morts au siège de Charlie Hebdo (la Victime). Le mouvement « Je suis Charlie » s’est spontanément formé en réaction aux attentats (le Sauveur) dans le but d’envoyer un signal fort à l’endroit du Persécuteur que, malgré tout, la liberté d’expression n’est pas remise en cause. À son tour, l’État français a réutilisé ce symbole du Sauveur en initiant la désormais historique marche républicaine du 11 janvier 2015. Mais cela peut ne pas suffire pour résoudre la situation d’après-crise qui nécessite une gestion de crise plus poussée.

3.2.2.3. Interdire les velléités en tous genres sur les réseaux sociaux pour désamorcer les tensions

Comme les réseaux sociaux ne sont pas délimités par des frontières, elles constituent un véritable espace de libre-échange virtuel capable de véhiculer toutes formes de propagande, particulièrement celles extrémistes. Ces pratiques sont capables de radicaliser rapidement, notamment les personnes psychologiquement instables à cause de l’étonnante facilité des réseaux sociaux à « contaminer » les cerveaux. À cause d’elles, les menaces très s’exportent facilement et l’État a intérêt à accorder une attention plus soutenue aux activités qui s’y déroulent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

 

À chaque époque son outil de communication de prédilection. Ce début de XXIe siècle est marqué par l’apparition des réseaux sociaux qui facilitent grandement les échanges et suppriment les frontières physiques grâce à un système intuitif de partage de contenus (« j’aime », retweet, commentaire, etc.). Plus que jamais, les événements qui se produisent en un lieu du globe ne restent pas longtemps inconnus, surtout s’ils sont à l’origine d’une forte mobilisation humaine. Ainsi, sans le concours de Facebook, de Twitter ou d’Youtube, les printemps arabes, les guerres civiles au Yémen ou en Syrie ou encore les attentats de Paris n’auraient pas été autant médiatisés sur la scène internationale.

Par ailleurs, les mobilisations tirent généralement profit des possibilités qu’offrent ces nouvelles technologies en matière d’organisation. De mémoire, il n’aura jamais été aussi facile de se regrouper via le cyberespace pour ensuite se mobiliser dans les rues. Dans le cas des printemps arabes, les réseaux sociaux ont été utiles à tous. D’abord, à l’opinion publique internationale qui a pu rester informée, sensibilisée et réactive face aux violences qui ont affecté les populations concernées. Ensuite, aux citoyens eux-mêmes qui sont au cœur de la contestation pour les inciter à persévérer vers l’atteinte de leur objectif : renverser le pouvoir, instaurer un ordre plus juste et équitable, etc.

Toutes ces personnes se regroupent pour finalement former ce que Wenger a dénommé communauté de pratiques puisque l’action qui les unit revêt pour eux un sens. Chacun y partage ses informations, apprend des autres et tous se trouvent confortés dans leur résolution de faire vivre leur communauté. Au-delà de celle-ci, on observe que les réseaux sociaux influencent également le comportement humain puisque chacun est susceptible de suivre les suggestions qui lui sont faites par les autres utilisateurs. En définitive, la mobilisation sur les réseaux sociaux n’est pas si éloignée de ce qui se passe dans le monde réel, à la seule différence que l’espace de rencontre est délocalisé dans le monde virtuel. On pourrait alors comparer les utilisateurs mobilisés sur les réseaux sociaux aux foules rassemblées dans les places publiques. Ces constats nous ont amené à confirmer les hypothèses posées dans le cadre de la démarche visant à évaluer l’impact des réseaux sociaux sur le comportement humain.

Enfin, les réseaux sociaux représentent une véritable source d’informations précieuses. Les responsables publics devraient les considérer avec plus d’attention dans la mise en œuvre de leur politique de lutte contre toutes sortes de velléités véhiculées à l’intérieur des frontières des États. L’agressivité et la violence qui transparaissent sur les contenus mis en ligne peuvent donner des indices suffisamment fiables pour anticiper une guerre civile.

Cependant, chercher à tout prix à anticiper les guerres civiles grâce aux réseaux sociaux peut engendrer de la paranoïa de la part des autorités. Non seulement, parce que si l’information peut y circuler sans limite, cela vaut également pour la désinformation. D’où une perte de fiabilité. Mais aussi parce que cette paranoïa se traduira inévitablement par une surveillance plus accrue d’internet dans son ensemble, la censure voire l’interdiction des réseaux sociaux comme en Russie ou en Chine. Ces derniers perdront la confiance que les internautes ont placée en eux et ils les délaisseront de plus en plus. Situation qui sonnera certainement leur glas. L’avenir des réseaux sociaux repose donc en majeure partie sur un bon dosage entre la surveillance et le laisser-faire des autorités quant aux interactions qui s’y effectuent.

Bibliographie

 

OUVRAGES GENERAUX

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CONVENTIONS

 

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Comité international de la Croix-Rouge, Protocoles additionnels de 1977 aux Conventionx de Genève

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ACTUALITES

 

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[1] WIKIPEDIA, « Guerre de Sécession », < https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_S%C3%A9cession>, 2016.

[2] L’univers de Charles Pauzé, « Le Web 2.0, c’est quoi au juste? », <https://charlespauze.wordpress.com/2010/08/05/le-web-2-0-cest-quoi-au-juste >, 2016.

[3] Webmarketing conseil, « Le classement des réseaux sociaux », < http://www.webmarketing-conseil.fr/classement-reseaux-sociaux >, 2016.

[4] Rapport du Secrétaire général ANNAN K., « Nous, les peuples : le rôle des Nations Unies au XXIe siècle », Assemblée générale des Nations Unies, 27 mars 2000, p.6-7 cité par REVAH O. (2010), « Quelles chances de survie pour l’État post-conflit ? », p.40, extrait en ligne  à l’URL

< https://books.google.be/books?id=DqoKjWDaUeMC&pg=PA51&hl=fr#v=onepage&q&f=false >, 2016.

[5] DERRIENNIC J.-P. (2002) cité par JOURNET N., « Les guerres civiles », Sciences humaines,

< http://www.scienceshumaines.com/les-guerres-civiles_fr_2173.html >, 2016.

[6] REVAH O., « Quelles chances de survie pour l’État post-conflit ? », p.47, extrait en ligne  à l’URL

< https://books.google.be/books?id=DqoKjWDaUeMC&pg=PA51&hl=fr#v=onepage&q&f=false >, 2016.

[7] Le professeur Du BOIS fait référence aux termes suivants: conflit interne, opération de maintien de l’ordre, rébellion, révolte, lutte armée, insurrection, guerre civile, guerre subversive, guerre révolutionnaire, guérilla, focos, soulèvement, nettoyage ethnique et terrorisme.

[8] Du BOIS P ., « Introduction : Guerres civiles et enjeux internationaux », Relations internationales, n°105, printemps 2001, p.3-8 cité par REVAH O., ibid., p.40.

[9] Ibid., voir paragraphes 4339 à 4341.

[10] COLIN J.-P., « Guerre civile », CERI, université de Reims, 2000, cité par Revah, ibid., p51.

[11] DINH N. Q., « Droit international public », 5e édition, LGDJ, p.902, n°586.

[12] GERSOVITZ M. et KRIEGER N. (2013), « World Bank Policy, What Is a Civil War? A Critical Review of Its Definition and (Econometric) Consequences », <http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/IW3P/IB/2013/04/03/000158349_20130403082529/Rendered/PDF/wps6397.pdf >, 2016

[13] HUMPHREYS M., « Aspects économiques des guerres civiles », [extrait en ligne], < http://www.persee.fr/doc/tiers_1293-8882_2003_num_44_174_5386>, 2016, p.271.

[14] LE MONDE.FR, « Un hôpital d’Alep cible de raids des forces gouvernementales »,  <http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/04/28/un-hopital-d-alep-cible-de-raids-des-forces-gouvernementales-des-civils-tues_4909847_3218.html#975P2VYxEwSKRE2M.99>, 2016.

[15] WIKIPEDIA, « Guerre du Yémen », < https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Y%C3%A9men>, 2016.

[16] LE MONDE.FR, « Comprendre les origines de la guerre au Yémen », <http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/17/comprendre-les-origines-de-la-guerre-au-yemen_4617215_4355770.html>, 2016.

[17] LE MONDE.FR, « Comprendre la situation en Syrie en cinq minutes », < http://www.lemonde.fr/proche-orient/video/2014/04/24/comprendre-la-situation-en-syrie-en-cinq-minutes_4407121_3218.html>, 2016.

[18] L’obs avec AFP, « #Unbonjuif : Twitter accepte de livrer des données à la justice »,

<http://tempsreel.nouvelobs.com/les-internets/20130712.OBS9260/unbonjuif-twitter-accepte-de-livrer-des-donnees-a-la-justice.html>, 2016.

[19] HUYGHE F.-B., « Réseaux sociaux, stratégie et géopolitique. Révoltes, guerres et domination 2.0 »,

< http://fr.calameo.com/books/00000512868c558b94ec3 >, 2016.

[20]https://web.facebook.com/JesuisCharlie1/?ref=ts&fref=ts ; https://web.facebook.com/RIPCharlieHebdo/?ref=ts&fref=ts , 2016.

[21] https://web.facebook.com/prayforparisfrance/?fref=ts et https://web.facebook.com/Parisdansnoscoeurs/?fref=ts , 2016.

[22] Exemples pour « Je suis Charlie » : https://www.youtube.com/watch?v=-bjbUg9d64g ; pour « Pray for Paris » : https://www.youtube.com/watch?v=5Zh6kvFhBxc

[23] Ibid. MIRANDE J., op.cit.

[24] FRANCE INFO TV, « Mohamed Bouazizi, l’immolation qui a déclenché le printemps arabe », <http://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/mohamed-bouazizi-l-immolation-qui-a-declenche-le-printemps-arabe_459202.html >, 2016

[25] RADIO CANADA, « Les réfugiés syriens mangeront grâce aux réseaux sociaux », < http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/international/2014/12/09/006-refugies-syriens-nourriture-pam-onu.shtml>, 2016.

[26] La voix de l’est, « Accueil des réfugiés: l’aide des réseaux sociaux », < http://www.lapresse.ca/la-voix-de-lest/actualites/201512/20/01-4933156-accueil-des-refugies-laide-des-reseaux-sociaux.php>, 2016.

[27] URLs : http://www.cic.gc.ca/english/refugees/welcome et http://www.cic.gc.ca/francais/refugies/bienvenue/

[28] Le MONDE.fr, « Facebook face à la censure tunisienne », <http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/01/24/facebook-face-a-la-censure-tunisienne_1470015_651865.html >, 2016 ; SEIBT S., « Comment Ben Ali tentait d’identifier les utilisateurs de Facebook », <http://www.france24.com/fr/20110124-facebook-ben-ali-censure-tunisie-revolution-internet-sidi-bouzid-ammar-confidentialite>, 2016.

[29] Par contre, on peut imaginer que la situation en Syrie constitue le scénario le plus probable  d’un après-guerre civil gagné par les loyalistes : le pouvoir pourrait utiliser les réseaux sociaux comme instruments de diffusion de la terreur.

[30] WIKIPEDIA, « Révolution tunisienne de 2010-2011 », <https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_tunisienne_de_2010-2011>, 2016 ; WIKIPEDIA, « Révolution égyptienne de 2011 », <https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_%C3%A9gyptienne_de_2011 >, 2016.

[31] RT français, «Barack Obama : « Ma plus grande erreur, ne pas avoir anticipé l’après-intervention en Libye » », < https://francais.rt.com/international/18879-plus-grande-erreur-lechec-anticiper>, 2016 ; – « Libye : 5 ans après l’intervention de l’OTAN, le chaos règne en maître », < https://francais.rt.com/international/17475-libye-5-ans-apres-chaos>, 2016.

[32] Courrier international, « Réformes. Le Sri Lanka mobilise les réseaux sociaux pour rédiger sa nouvelle Constitution », < http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/reformes-le-sri-lanka-mobilise-les-reseaux-sociaux-pour-rediger-sa-nouvelle>, 2016.

[33] DURKHEIM E. (1894), « Les règles de la méthode sociologique », <http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/regles_methode/durkheim_regles_methode.pdf>, 2016.

[34] Il s’agit d’un déterminisme sociologique auquel l’individu ne peut échapper.

[35] PICHERE P., « Présentation de l’ouvrage de Cherry Schrecker « La Communauté. Histoire critique d’un concept dans la communauté anglo-saxonne » », <http://www.melchior.fr/La-Communaute-Histoire-critiq.5509.0.html>, 2016.

[36] Ibid. PICHERE P..

[37] Maison des sciences de l’homme, Résumé de l’ouvrage de SANTI S. et DERIVE J., « La communauté. Fondements psychologiques et idéologiques d’une représentation identitaire », <https://www.msh-alpes.fr/fr/communaute-fondements-psychologiques-ideologiques-representation-identitaire>, 2016.

[38] Ibid. Maison des sciences de l’homme Alpes.

[39] EDUSOL, « Notion de communauté virtuelle »,

< http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/travail-apprentissage-collaboratifs/de-quoi-parle-t-on/notion-communaute-virtuelle>, 2016.

[40] Blog du modérateur, « Chiffres réseaux sociaux – 2015 », <http://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux>, 2016.

[41] ESSOUNGOU A.-M., « La fièvre des médias sociaux gagne l’Afrique », < http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/december-2010/la-fi%C3%A8vre-des-m%C3%A9dias-sociaux-gagne-l%E2%80%99afrique>, 2016.

[42] FACEBOOK, « CommunautéAwa Fadiga, stop plus jamais ça », < https://web.facebook.com/pages/Awa-Fadiga-Stop-Plus-Jamais-Ca/1437368106508246?ref=ts&fref=ts&_rdr >, 2016.

[43] BENHIDA B. R., « Elections en Afrique: Quel rôle pour les réseaux sociaux? », <http://www.huffpostmaghreb.com/bouchra-rahmouni-benhida/elections-afrique-role-reseaux-sociaux_b_6491926.html>, 2016 ; DUHEM V., « Affaire Awa Fadiga : le décès d’un jeune mannequin émeut la Côte d’Ivoire », <http://www.jeuneafrique.com/164693/politique/affaire-awa-fadiga-le-d-c-s-d-un-jeune-mannequin-meut-la-c-te-d-ivoire>, 2016

[44] ANTHEAUME A., « La révolution du « live » » in IRIS, « Facebook, Twitter, Al-Jazeera et le “Printemps arabe” », < http://archives.dimed.gouv.fr/sites/dimed.gouv.fr/files/iris_-_facebook_twitter_al-jazeera_et_le_printemps_arabe_-_avril_2011.pdf>, 2016.

[45] EXPETEO, « Infographie: Qui utilise quels réseaux sociaux en 2015? »,

< http://www.expeteo.com/infographie-qui-utilise-reseaux-sociaux-2015-2621.html>, 2016.

[46] Les différentes catégories d’âge sont : 18 à 24 ans, 25 à 34 ans, 35 à 44, 45 à 54, 55 à 64 et plus de 65 ans.

[47] BLOG DU MODERATEUR, « Les réseaux sociaux les plus utilisés en France selon l’âge des internautes », < http://www.blogdumoderateur.com/reseaux-sociaux-france-2015>, 2016.

[48] SPHINX IDEAS, « Le rôle des réseaux sociaux et des TIC dans les révolutions arabes : les résultats d’une enquête »,

<http://www.lesphinx-developpement.fr/blog/le-role-des-reseaux-sociaux-et-des-tic-dans-les-revolutions-arabes-les-resultats-dune-enquete>, 2016.

[49] REPUTATIO LAB, « Analyse de #jesuischarlie sur les réseaux sociaux (mis à jour) »,

< http://www.reputatiolab.com/2015/01/analyse-de-jesuischarlie-sur-les-reseaux-sociaux>, 2016

[50] Suivant la propagation des tweets en dataviz sur  ibid. REPUTATIO LAB, « Analyse de #jesuischarlie sur les réseaux sociaux (mis à jour) ».

[51] REPUTATIO LAB, « Analyse de #jesuischarlie sur les réseaux sociaux (mis à jour) »,

< http://www.reputatiolab.com/2015/01/analyse-de-jesuischarlie-sur-les-reseaux-sociaux>, 2016

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