Qu’est-ce que le Centre Public d’Action Sociale (CPAS) ?
I – LES CENTRES PUBLICS D’ACTION SOCIALE
« Vivre conformément à la dignité humaine » est ce à quoi aspire tout un chacun mais tous n’ont pas la chance de connaître cette situation. C’est pourquoi les Centres Publics d’Action Sociale (CPAS) ont été créés. Qu’est-ce que le Centre Public d’Action Sociale (CPAS) ?
Après avoir défini le CPAS (1), nous aborderons ses missions (2). À l’instar de toute entité morale, il possède son organisation qui lui permet de fonctionner adéquatement à sa mission (3). Nous accorderons ensuite une attention particulière aux travailleurs sociaux qui sont les interlocuteurs de proximité des usagers (4). Nous terminerons cette partie par la procédure d’octroi de l’aide sociale (5).
1 Définition du centre public d’action sociale
Le Centre Public d’Action Sociale (CPAS) est un organisme public rattaché à une commune ou une ville belge. Il existe autant de CPAS que de communes, soit 589 centres répartis sur l’ensemble du territoire du Royaume de Belgique. Du point de vue régional, la répartition des CPAS se fait comme suit : 308 en Flandre, 262 en Wallonie et 19 à Bruxelles[1]. Il offre un large éventail de services sociaux aux usagers conformément à sa mission.
2 Missions du centre public d’action sociale
Le Centre Public d’Action Sociale a pour mission principale de veiller au bien-être de chaque citoyen. On l’appelle le « bras social » de la ville. Il s’agit d’un établissement public qui, de ce fait, offre des services publics aux usagers. Ainsi, il assure des prestations de nature à leur garantir des conditions de vie « respectueuses de la dignité humaine »[2]. Selon le SPP intégration sociale, « l’octroi d’aides sociales constitue la tâche principale des CPAS »[3]. Comme la dignité humaine est incompatible avec l’état de misère profonde, il convient alors de ne pas attendre de se retrouver dans une telle situation avant de se rendre auprès de la CPAS de sa commune. La mission et le mode de fonctionnement de la CPAS lui sont dévolus par la loi.
Le Centre Public d’Action Sociale est institué par la loi organique du 8 juillet 1976. Cette dernière érige « l’aide sociale » en un droit accessible à toute personne, telle que le stipule son article 1er. Cette aide faisait référence au droit de disposer d’un minimum de moyens d’existence, droit prévu par la loi du 7 août 1974. L’évaluation de la dignité humaine était alors faite à partir de l’état de besoin. Cette définition est réductrice de l’aide sociale qui était prise au seul sens économique. D’où la volonté du législateur d’en élargir la portée pour éviter des conclusions hâtives.
La loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale a même apporté des modifications dans certaines parties de la loi organique de 1976. En effet, elle remplace toutes les mentions « droit à un minimum de moyens d’existence » par « droit à l’intégration sociale ». Selon cette terminologie, l’aide peut prendre diverses formes : matérielle, sociale, médicale, socio-médicale, psychologique (voir article 57 §1 de la loi de 1976).
Il convient de remarquer que la loi de 1976 a fait l’objet de nombreuses modifications ou des ajouts par voie de décret. Ce sont notamment les décrets du 2 avril 1998, du 30 mai 2002, du 8 décembre 2005, du 19 juillet 2006, du 26 avril 2012 ou encore du 31 janvier 2013.[4]
En effet, l’intégration sociale d’un individu ne saurait être assurée par la seule possession d’un « minimum » de moyens d’existence. Car, pour s’intégrer, l’individu a besoin de participer à la vie en société dans tous ses aspects : manger à sa faim, avoir un travail, pouvoir fonder une famille, effectuer des dépenses de loisir, entretenir de bonnes relations de voisinage, etc. En définitive, ce sont tous ces aspects qui lui assurent son bien-être. Intégration sociale et bien-être sont interdépendants.
L’article 60 §3 prévoit une aide matérielle « sous la forme la plus appropriée », ce qui exclut l’aide pécuniaire exclusive. Elle prend plusieurs formes :
- Une aide financière périodique ou occasionnelle ;
- Des avances sur prestations sociales ;
- Des prestations de service comme des repas à domicile ;
- Une aide en nature : alimentation, logement, chauffage, etc.
Quant à l’article 57§1, il précise que le CPAS « a pour mission d’assurer aux personnes et aux familles l’aide due par la collectivité. Il assure non seulement une aide palliative ou curative, mais encore une aide préventive ».
La mission du CPAS se décline en la fourniture de deux formes principales d’aides : le revenu d’intégration sociale et l’aide sociale.
Le revenu d’intégration sociale (RIS) est institué par la loi du 26 mai 2002. Il bénéficie à « toute personne qui ne dispose pas de revenus suffisants et qui remplit les conditions légales »[5]. Il s’agit d’un droit résiduaire dans la mesure où il ne bénéficie qu’aux personnes qui remplissent d’abord les conditions fixées par ladite loi. Les conditions pour en bénéficier sont prévues à l’article 3 : la résidence effective sur le territoire belge, l’âge minimum de 18 ans, la nationalité, l’insuffisance des ressources et la disposition au travail. Le montant du RIS auquel un individu peut prétendre mensuellement dépend de sa situation personnelle. Depuis le 1er septembre 2013, ce montant est de :
- 544,91 € s’il cohabite avec un/des tiers ;
- 817,36 € s’il vit seul ;
- 1 089,82 € s’il a une famille à charge[6].
Si un individu n’est pas éligible au RIS, il peut toujours bénéficier d’autres formes d’aide. Le CPAS peut l’assister dans la recherche d’un emploi rémunéré à condition d’être apte à travailler immédiatement (formation et/ou expérience professionnelle suffisantes). Pour les moins de 25 ans, le CPAS privilégie la recherche d’études et d’école, cela dans le but de développer leurs qualités et leur donner les moyens de prendre leur vie en mains et de s’épanouir. Le CPAS peut élaborer avec l’individu un projet individualisé conforme à ses attentes[7]. Même si l’insertion socioprofessionnelle n’est pas décrite comme une priorité par la loi du 8 juillet 1976, le CPAS assiste les usagers dans cette démarche.
3 Fonctionnement du centre public d’action sociale
Tout CPAS est constitué d’un certain nombre d’organes qui en assurent le bon fonctionnement. Le Conseil de l’Action sociale, le directeur général et le directeur financier, et les travailleurs sociaux sont les principales catégories de postes à pourvoir au sein des CPAS.
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- Le Conseil de l’Action Sociale
Le CPAS est administré par un Conseil de l’action sociale (CAS) à la tête duquel se trouve un président. Ce conseil est prévu dans les articles 6 et suivants de la loi de 1976. Le nombre de membres est déterminé par la taille de la population dans la commune d’implantation de la CPAS. Il existe quatre possibilités pour la composition du Conseil. En effet, le Conseil des CPAS des plus petites villes, c’est-à-dire celles de moins de 15 000 habitants, seront administrés par un conseil de neuf membres. Au-delà, le Conseil sera pourvu de deux membres supplémentaires, respectivement à partir de 15 001, 50 001 et 150 001 habitants. Les villes ayant une population supérieure à 150 000 seront donc dirigées par un conseil de quinze membres.
Le Conseil constitue en son sein un bureau permanent chargé de l’expédition des affaires d’administration courantes (art. 27 §1er) et peut également constituer des comités spéciaux aux attributions bien définies. Le §3 du même article fixe le nombre de membres du bureau permanent à trois, quatre et cinq, respectivement pour un Conseil de neuf, treize et quinze membres, le président du Conseil inclus.
Les conditions d’éligibilité en tant que membre du conseil sont déterminées par l’article 7. Si un membre en perd ne serait-ce l’une, il ne pourra plus continuer à exercer ses fonctions (article 18 §1er). Elles sont relatives à l’état, à la capacité et à la moralité des individus : être électeur, avoir 18 ans au minimum, avoir sa résidence dans les registres de la commune au sein de laquelle on souhaite se faire élire en tant que membre du conseil ; n’être frappé d’aucune interdiction ni ne faisant l’objet d’aucune condamnation. Au moment de leur entrée en fonction, les membres du Conseil ne peuvent avoir entre eux de lien de parenté ou d’alliance jusqu’au second degré. Cependant, leur mandat n’est pas remis en cause par une alliance survenant ultérieurement (art.8 alinéa 2). La même interdiction frappe les membres du bureau permanent et des comités spéciaux. Ils « ne peuvent être parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement » (art.27 §5).
Le Conseil est un organe politique. En effet, l’article 10 de la loi des CPAS fixe les modalités de détermination des candidats aux postes de conseillers de l’action sociale. Les groupes politiques « au sens de l’article L1123-1, §1er, alinéa 1er, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation » proposent une liste de candidats qui contient autant de noms que de sièges acquis par chaque groupe politique participant à l’élection. Le nombre de sièges acquis par chaque groupe est proportionnel au nombre de sièges qu’il possède au sein du conseil communal. La formule est la suivante pour chaque groupe : nombre de sièges à pourvoir divisé par le nombre de conseillers communaux et multiplié par le nombre de sièges détenus par chaque groupe au sein du conseil communal (art.10 §1er, alinéa 2). Sous peine d’irrecevabilité, la liste d’un groupe doit être signée d’une part, par la majorité des conseillers communaux du groupe et, d’autre part, par les candidats eux-mêmes.
Le Conseil est un organe où sont également représentés les deux genres, femmes et hommes. À ce propos, des règles sont prévues à l’article 10. En cas d’égalité entre deux ou plusieurs formations politiques, il existe un mode de répartition suivant le pacte de majorité. Le pacte de majorité est « un texte signé par l’ensemble du collège communal pressenti (bourgmestre, échevins et président du CPAS) et par la majorité des membres de chaque groupe politique qui compose la majorité »[8].
- Les limitations relatives à une incompatibilité de fonctions
En outre, certaines fonctions publiques sont incompatibles avec la qualité de membre du Conseil de l’action sociale. Elles sont détaillées à l’article 9 de la loi de 1976. Entre autres, ne peuvent faire partie des membres du Conseil « les gouverneurs des provinces, le gouverneur et le vice-gouverneur de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale et le gouverneur adjoint de la province du Brabant flamand (…), les greffiers provinciaux, les commissaires d’arrondissement ». Les membres de l’administration judiciaire (conseillers du Conseil d’État, greffiers, membres du parquet) sont également concernés par cette limitation. Ainsi, le candidat à un siège au sein du CAS doit démissionner de ses mandats incompatibles s’il est élu. S’il souhaite ultérieurement remplir une fonction incompatible en sa qualité de conseiller du CAS, il doit démissionner de ce dernier poste.
- Le Directeur général et le directeur financier
Les articles 41 et suivants traitent des fonctions de directeur général (DG) et le directeur financier (DF) du CPAS. Ces derniers font partie de son personnel. Ces deux postes peuvent être pourvus par voie de recrutement, de promotion et de mobilité et doivent l’être au plus tard dans un délai de six mois à partir de la vacance. Leur statut est réglé par un règlement établi par le conseil du CPAS. Les titulaires devront effectuer un stage à l’issue duquel ils seront définitivement nommés si le bureau permanent les évalue positivement. Ils prêteront alors serment devant le président du CPAS.
Les missions du DG sont décrites dans le contrat d’objectifs qui lui est transmis par le bureau permanent sous forme de lettre de mission (art. 41 bis alinéa 1er). Il doit ensuite les traduire « en initiatives et projets concrets » (alinéa 2). Le Conseil d’une CPAS d’une commune à plus de 10 000 habitants peut nommer un DG adjoint qui aide le DG dans l’exercice de sa fonction (art. 41 ter).
Les attributions du DF sont fixées par l’art.46. Sans entrer dans les détails, il est le premier responsable du recouvrement des recettes du CPAS (§2 1°) et de l’acquittement des dépenses ordonnancées (§2 2°).
4 Le personnel du centre public d’action sociale : les travailleurs sociaux
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- Le travailleur social : l’interlocuteur de proximité
Quand un individu se rend dans un Centre Public d’Action Sociale, il est normalement accueilli par le personnel habilité à lui fournir des renseignements ou donner suite à la demande d’aide qui lui est adressée. Il s’agit du travailleur social. Il est l’interlocuteur direct des usagers. La place qu’occupe le travailleur social varie d’un CPAS à un autre en fonction de l’organisation du service. Dans certains, une distinction est opérée avec le personnel administratif et seul le travailleur social s’occupe des nouveaux arrivants; dans d’autres, ce n’est pas le cas[9]. Sa mission est déterminée par l’article 47 de la loi organique CPAS :
Le travailleur social a pour mission (…) d’aider les personnes et les familles à surmonter ou à améliorer les situations critiques dans lesquelles elles se trouvent. À cette fin, il procède, notamment, aux enquêtes préparatoires aux décisions à prendre, fournit la documentation et les conseils et assure la guidance sociale des intéressés.
Avant son entrée en fonction, le travailleur social prête serment devant le président du Conseil de l’action sociale du CPAS auprès duquel il exercera (article 17 §1 de la loi de 1976). Il prêtera de nouveau serment après une période d’essai concluante dont la durée est fixée par le CAS (article 44 alinéa 2).
Le travailleur social remplit, à titre principal, la fonction de personne aidante. Son « travail d’accueil avec l’usager est primordial parce qu’il engage inévitablement la relation future avec ce dernier »[10]. L’usager qui approche le CPAS de sa commune se trouve le plus souvent dans une situation précaire. Certains hésitent même longtemps avant de s’y rendre et n’envisagent cette alternative qu’en dernier recours. C’est-à-dire qu’ils ont entretemps perdu leur travail et/ou leur logement ou encore se sont endettés, etc. De tels individus ont besoin d’être rassurés et être mis en confiance pour qu’ils puissent confier sans honte leurs problèmes[11].
Une attitude d’écoute de la part de l’assistant social est le seul garant d’une communication réussie. En effet, certains usagers sont plus à l’aise dans un environnement familier et se livrent mieux. S’il l’estime nécessaire, le travailleur social peut être amené à visiter le domicile de l’usager pour mieux cerner sa personnalité et déterminer avec précision l’état réel des besoins. D’ailleurs, il mènera une enquête sociale de l’usager qui effectue une demande. Nous reviendrons sur la question dans la prochaine section. Ces données lui permettront d’établir un diagnostic précis en vue de remplir son rôle de guidance sociale. Pour mener à bien sa mission, le travailleur social doit être à l’aise pour communiquer avec les autres. De préférence, il devrait avoir suivi une formation sociale adaptée, ce qui lui facilitera dans son approche.
- Les origines du travail social : la définition des nations-Unies
Le travail social est un métier à part entière. Il est relativement récent car il n’a connu son essor que depuis la fin des Trente Glorieuses (1945-1973). Les Nations-Unies en donnent une première définition en 1959. Pour l’organisation, le travail social est :
Une activité visant à aider à l’adaptation réciproque des individus et de leur milieu social, cet objectif est atteint par l’utilisation de techniques et de méthodes destinées à permettre aux individus, aux groupes, aux collectivités de faire face à leurs besoins, de résoudre les problèmes que pose leur adaptation à une société en évolution, grâce à une action coopérative, d’améliorer les conditions économiques et sociales.
On peut retenir plusieurs points de cette définition. D’abord, la définition est certainement influencée par le développement du bénévolat et des œuvres caritatives qui sont une expression de la solidarité sociale. Ensuite, elle met en exergue le fait de donner aux individus plus qu’une simple assistance passive: leur donner les moyens d’être autonomes. Enfin, le travail social vise une amélioration globale aux niveaux économique et social, un but supérieur au seul but d’améliorer la vie des bénéficiaires directs du travail social[12]. Ce but ultime plus « noble », si l’on peut dire, caractérise le travail social.
- La nouvelle définition de la Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux
La Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux (FITS) a également proposé deux définitions en 2004 : l’une sur le travail social et l’autre sur le travailleur social. Les deux sont quasiment identiques à la seule différence qu’elles sont axées soit sur le travail social soit sur le travailleur social. Selon l’organisation, « la promotion du changement social, la résolution de problèmes dans le contexte des relations humaines et la capacité et la libération des personnes afin d’améliorer le bien-être général » incombent au travailleur social ; on retrouve l’idée de but supérieur prônée dans la définition donnée par les Nations-Unies en 1959. Ce but est plus précis dans la nouvelle définition : « Les principes des droits de l’homme et de la justice sociale sont fondamentaux pour la profession »[13].
Il est maintenant intéressant de voir plus en détails l’activité des CPAS. Cela nous amène à aborder la procédure d’octroi des aides sociales aux usagers qui en font la demande.
5 La procédure d’octroi des aides sociales au sein des Centres Publics d’Action Sociale
L’octroi des aides sociales se fait suivant une procédure. Cependant, il est des cas où l’aide urgente est obligatoirement accordée par le président du Conseil de la CPAS. Cela est le cas pour une personne sans-abri qui sollicite l’aide du centre (voir l’art. 28 §1er alinéa 5 de la loi de 1976). Mais il faut pour cela être résident régulier sur le territoire du Royaume. Pour les étrangers qui séjournent irrégulièrement en Belgique, l’article 57§2 1° précise que seule une aide médicale d’urgente leur est fournie. Il s’agit d’une « dérogation aux autres dispositions de la loi ». De même pour un étranger alors bénéficiaire d’une aide sociale (car était détenait un permis de séjour régulier) et qui est ultérieurement expulsé du territoire : l’aide sociale est arrêtée à l’exception de l’aide médicale (art. 57 §2, 2° alinéa 5). Il appartient au Roi de déterminer les caractéristiques de l’aide urgente (art. 57 §2, 2° alinéa 3).
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- Le Centre public d’Action Sociale compétent pour recevoir une demande d’aide
Il existe des CPAS dans toutes les communes belges. Il faut alors introduire la demande auprès du CPAS de la commune dans laquelle l’usager réside. En effet, la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accorés par les CPAS, stipule dans son article 1er 1° le principe en la matière : « « Centre secourant » : le centre public d’action sociale de la commune sur le territoire de laquelle se trouve une personne qui a besoin d’aide sociale ». En général, il s’agit de la commune dans laquelle se trouve le domicile du demandeur.
Le principe est donc que l’usager doit s’adresser au Centre qui est implanté dans la commune de sa résidence (le centre secourant). Aussi, s’il ne s’adresse pas au centre secourant, le CPAS peut se déclarer non compétent. Dans ce cas, le CPAS approché doit rediriger l’usager vers le CPAS qu’il estime compétent et ce dans un délai de 5 jours. De plus, il notifie par écrit le demandeur de la raison qui justifie la mesure. Tant qu’il ne le fait pas, il reste obligé envers le demandeur[14]. Le deuxième CPAS saisi de la demande peut soit l’accepter et se porter au secours du demandeur, soit la refuser. Dans ce dernier cas, il informe le ministre dans les 5 jours. Ce dernier tranchera le conflit de compétence entre les deux CPAS saisis de la demande dans le délai de 5 jours également.
À l’instar de tout principe juridique, celui-ci connaît quelques exceptions.
Il existe trois types d’exceptions à l’endroit de ce principe. Elles sont relatives à la situation des demandeurs[15] :
- Le demandeur est un(e) étudiant(e). Il n’est pas obligé de s’adresser au CPAS qui se trouve dans la commune dans laquelle il effectue ses études et même s’il change de domicile durant celles-ci. Supposons que l’étudiant est inscrit dans les registres de la population de la commune A mais que l’université où il étudie se situe dans la commune B. Il peut se rendre auprès du CPAS de la commune A même s’il a changé de domicile dans la commune B pour les besoins de ses études. Pour que l’exception s’applique, il (elle) doit être étudiant(e) à temps plein et n’avoir pas du tout interrompu ses études[16].
- Le demandeur est un sans-abri qui ne vit pas dans une institution (centre d’accueil, etc.). Il introduit sa demande auprès du CPAS de la commune où il séjourne de fait. Normalement, le demandeur d’asile s’adresse à un Fedasil (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile). S’il vit déjà dans une telle institution, il n’a droit qu’à une aide matérielle de la part du CPAS (logement, repas, vêtements, etc.). S’il refuse de résider dans le centre d’accueil dans laquelle on lui a proposé de séjourner, il ne pourra bénéficier que d’une aide médicale urgente. Par contre, si le Fedasil est dans l’impossibilité de l’accueillir à cause du manque de place, il peut prétendre à une aide sociale complète.
- Le demandeur est un pensionnaire d’une maison de repos agréée, d’un hôpital psychiatrique, d’un établissement agréé pour handicapés ou d’une maison d’accueil. Sa demande est introduite au CPAS de la commune dans laquelle il est inscrit même si l’établissement qui l’accueille n’est pas dans la même commune. Cette inscription est à titre de résidence principale : c’est la condition sine qua non d’application de l’exception (art.2 §1er de la loi du 2 avril 1965). Si le demandeur d’aide auprès du CPAS a été transféré d’une institution à une autre, son séjour doit avoir été successif et non interrompu. En cas d’interruption, est compétent « le CPAS de la commune dans le registre de population de laquelle l’intéressé était inscrit à titre de résidence principale au moment de son admission » dans la nouvelle institution d’accueil[17].
Cependant, pour faciliter sa démarche, le demandeur peut s’adresser au CPAS de la commune où se trouve l’institution. Il se chargera de transmettre au CPAS compétent en vertu du principe du centre secourant.
Envisageons maintenant qu’un CPAS ait déclaré sa compétence pour traiter une demande qui lui a été adressée par un usager, quelle suite doit-il lui donner ?
- L’enquête sociale
Une personne qui sollicite un CPAS est la première étape de la procédure qui peut aboutir à l’octroi d’une aide sociale en sa faveur. Si sa demande a été acceptée, l’enquête sociale est la prochaine étape. Avant de poursuivre, il convient de rappeler que le demandeur peut prétendre soit à un revenu d’intégration sociale soit à une autre aide sociale qui peut être financière, en nature, psychologique, etc.
Contrairement à ce que sa dénomination peut faire croire, l’enquête sociale est bien une enquête individuelle réalisée sur la personne du demandeur d’aide sociale. Elle est effectuée par le travailleur social. L’objectif de cette enquête est de fournir une aide personnalisée, sur-mesure, à l’endroit du demandeur. Pour en accélérer le traitement, ce dernier a tout intérêt à collaborer activement en fournissant toutes les pièces qui lui sont requises par le CPAS (art.60 §1er alinéa 2 de la loi du 8 juillet 1976). En outre, il pèse sur le demandeur une obligation d’informer la CPAS de tout changement survenant dans sa situation et qui serait de nature à modifier le montant de l’aide à laquelle il peut prétendre. Les informations qui lui sont demandées doivent toutefois se limiter à celles qui sont nécessaires au traitement.
Pour connaître l’assistance à laquelle le demandeur peut prétendre de la part du CPAS, le travailleur social doit vérifier un certain nombre d’informations :
- Son identité, sa situation matérielle ainsi que celles des personnes vivant dans son ménage ;
- Ses revenus ;
- D’aides antérieures dont il aurait déjà bénéficié et auxquelles il n’a plus droit. Par exemple, la prime d’installation en faveur d’un sans-abri ne sera donnée qu’une seule fois dans sa vie.
Il est possible que l’usager ne remplisse pas les conditions pour bénéficier de l’aide sollicitée (par exemple le revenu d’intégration sociale). Cela ne signifie pas qu’il ne peut prétendre à aucune aide financière. En effet, il pourrait bénéficier d’une allocation chômage s’il en remplit les conditions. Mais pour cela, il faut que sa situation auprès de la sécurité sociale, des impôts ou des banques fasse l’objet d’une vérification. Le travailleur social peut y procéder à condition de demander préalablement à l’usager l’autorisation de consulter sa situation auprès des organismes détenteurs des données dont il a besoin. Le CPAS doit aussi interroger la Banque-Carrefour de la sécurité sociale (BCSS) s’il l’estime devoir disposer d’informations y figurant et qui lui sont accessibles[18]. Il convient de faire un petit point sur cette institution.
Enfin, une fois que toutes les informations requises seront en la possession du travailleur social, elles constitueront le dossier complet de l’usager demandeur et sera transmis au Conseil de l’action sociale qui statuera dans les 30 jours calendaires.
- La Banque-Carrefour de la sécurité sociale
Paul Vandenabeele définit la BCSS comme suit :
La clé de voûte d’un processus mis en place en vue d’informatiser les flux de donnée nécessaires à l’application de la sécurité sociale et à son financement. Elle sert d’échangeur central d’un réseau électronique reliant les diverses institutions de la sécurité sociale[19]. Sa mission est de « promouvoir et de coordonner la politique d’e-government au sein du secteur social belge »[20].
En tant que « banque » d’informations, la BCSS centralise des données issues de sources diverses. Elle gère un réseau auquel se connectent différentes institutions ou services publics : le service des pensions, le registre national des personnes physiques, les mutualités, caisses d’allocations (chômage et familiale), les données des CPAS, les fonds de sécurité d’existence, etc.
La BCSS constitue une ressource non négligeable d’informations. Elle permet un suivi plus fiable de la situation d’un individu et le contrôle de toutes modifications pouvant influencer la nature ou le montant de l’aide due à l’usager. Le travailleur social qui reçoit un usager devrait faire de la consultation de la BCSS une seconde nature.
- L’examen de la demande d’aide sociale
Comme nous venons de le décrire dans les précédentes sections, une demande nouvelle est examinée en premier lieu par un travailleur social. L’usager est tenu de lui fournir tous les renseignements jugés utiles pour l’instruction de sa demande. Une fois le dossier en bonne et due forme, le travailleur social le transfère au Conseil de l’action sociale pour décision. La décision du Conseil consistera à apporter une réponse à certaines questions :
- Y a-t-il un droit à une prestation en faveur du demandeur ?
- Si oui, à quelle catégorie de bénéficiaire fait partie le demandeur ? Si non, quelle est la raison du refus d’octroi de prestation ?
- Si la prestation est de nature financière, à quel montant le bénéficiaire peut-il prétendre ?
La première question à laquelle le Conseil de l’action sociale doit répondre renvoie à l’éligibilité du demandeur à recevoir une aide de la part du Centre. En général, la demande d’un usager tend à l’obtention du Revenu d’Intégration Sociale (RIS), c’est-à-dire celui octroyé par la loi du 26 mai 2002. Il convient de préciser que le droit au revenu d’intégration sociale est strictement encadré par la loi et ne peut profiter à quiconque le demande. Plusieurs conditions doivent être remplies. Elles sont détaillées ci-après :
- La résidence effective du demandeur
Le demandeur doit être autorisé légalement à séjourner en Belgique et y résider de manière habituelle et en permanence. Par conséquent, un étranger de passage, un individu qui séjourne en Belgique sans visa ou une personne faisant l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire belge ne peut bénéficier du RIS.
- La nationalité du demandeur
Le demandeur doit remplir une condition de nationalité et se trouver dans l’une des situations suivantes :
- Être de nationalité belge
- Être un citoyen de l’Union européenne et en tant que tel avoir un droit de séjour de plus de trois mois sur le territoire belge. Il peut également accompagner sa famille ou le rejoindre en Belgique. En effet, seules ne bénéficient du RIS que les étrangers séjournant au-delà des trois premiers mois sur le territoire ;
- Être un réfugié reconnu ;
- Être un apatride reconnu : selon l’article 1.1 de la Convention de New York du 28 septembre 1954[21], l’apatride est « toute personne qu’aucun État ne reconnaît comme son ressortissant par application de sa législation » ;
- Être un étranger inscrit au registre de la population.
- L’âge du demandeur
L’âge minimum pour déposer une demande auprès du CPAS est de 18 ans, soit être majeur. Cependant, il existe des catégories limitatives d’individus mineurs pouvant bénéficier de l’aide du CPAS. Ce sont les mineurs émancipés par mariage, les mineurs ayant un ou des enfant(s) à charge et les mineures enceintes. Ils sont assimilés à des majeurs.
- L’insuffisance des ressources/revenus du demandeur
Pour être éligible au RIS, il faut que le demandeur n’ait aucune source de revenu, c’est-à-dire qu’il soit au chômage et qu’il ne possède aucun autre moyen de subvenir à ses besoins (par exemple, il n’a aucune maison ou appartement loué). S’il touche un revenu mais qui reste inférieur au RIS, alors le CPAS pourrait combler la différence.
L’insuffisance des revenus s’analyse en fonction de la situation personnelle du demandeur : il vit seul, il vit en ménage ou avec des enfants à sa charge, etc. Le CPAS vérifie la présence ou non de certaines ressources considérées comme des revenus. Ces ressources sont :
- Les revenus professionnels ;
- Les allocations sociales ;
- Les revenus des biens mobiliers. Ce sont l’argent, les actions et les obligations. Ceux-ci sont pris en compte uniquement s’ils dépassent le seuil minimal de 6 200€. En cas de facture commune, le demandeur doit calculer la part qui est réglé par ses soins ;
- Les revenus des biens immobiliers : les habitations, les bâtiments et les terrains. Est considéré le revenu cadastral de l’immeuble. Il s’agit du revenu éventuellement perçu si l’immeuble était mis en location
- Les avantages en nature éventuels ;
- Les pensions alimentaires perçues par le demandeur ;
Il convient de remarquer que la règle fait l’objet d’aménagements concernant les personnes vivant en couple ou un cohabitant. Rappelons que le RIS auquel le demandeur peut prétendre est de 544,91€. Cependant, le revenu touché par le cohabitant sera compté dans le calcul des revenus du demandeur. La règle est que si le cohabitant touche plus de 544,91€, alors le CPAS considèrera la fraction qui dépasse les 544,91€ dans le calcul du revenu du demandeur de RIS.
Par contre, si le cohabitant est l’un ou les deux parents ou l’un ou plusieurs des enfants du demandeur, alors le CPAS peut choisir de ne les considérer que partiellement voire pas du tout. Il y aura donc là une étude au cas par cas. Dans le cas où le demandeur déclare avoir une famille à charge et qu’il est en couple, alors la totalité des ressources du partenaire sera prise en compte.
En revanche, certains revenus dont disposerait le demandeur au jour où il décide de se rendre au CPAS ne seront pas pris en compte dans le calcul de ses revenus[22]. À cette fin, il existe une liste limitative. Ce sont :
- L’aide financière du CPAS ;
- Les allocations familiales pour les enfants à charge ;
- Les pensions alimentaires que le demandeur reçoit pour ses enfants non mariés et à sa charge ;
- Une partie de la somme perçue par le demandeur via l’Agence locale pour l’emploi (ALE) ;
- Les primes obtenues par le demandeur qui suit une formation individuelle en entreprise (plan formation insertion). Celles-ci ne seront considérées que pendant 6 mois au maximum ;
- Les allocations de déménagement-installation-loyer ;
- Les bourses d’études en faveur du demandeur ou de ses enfants ;
- Les allocations que le demandeur reçoit à titre d’accueil d’un jeune en tant que famille d’accueil ;
- Les indemnités payées dans le cadre de la tutelle des mineurs étrangers non accompagnés ;
- Les crédits d’impôt non remboursables ;
- Les jetons de présence que le demandeur reçoit en tant que conseiller provincial, communal ou du CPAS ;
- Les dons non réguliers d’institutions ou de personnes ;
- Les rentes de chevron de front et de captivité ;
- Les rentes attachées à un ordre national pour fait de guerre ;
- Les indemnités perçues pour effectuer des soins à domicile en faveur d’un tiers (Flandre) ;
- Les indemnités perçues en guise de dédommagement que l’État allemand verse au profit des détenus pendant la Seconde Guerre mondiale.
En conclusion, les taux de RIS sont de nature légale. Cependant, elles sont ajustables quand le demandeur vit en cohabitation ou en couple et que son cohabitant perçoit un revenu/salaire. Dans tous les cas, si le demandeur remplit les conditions fixées par la loi sur l’intégration sociale, le CPAS est tenu légalement de lui octroyer cette aide. Il s’agit là d’une compétence liée à laquelle le CPAS n’a pas de pouvoir discrétionnaire de décision.
- La disposition du demandeur à travailler
Cette condition est le corollaire de la précédente. En effet, si le demandeur est sans emploi, il ne doit pas être pour autant inactif dans la recherche d’un emploi. En effet, le demandeur doit avoir fait tout son possible pour obtenir un emploi avant de s’adresser au CPAS. Cette condition ne s’applique pas aux personnes dont l’état de santé ne permet valablement pas d’exercer un emploi. Pour les biens portants, le CPAS peut aider dans la recherche d’emploi. Dans ce cas, le demandeur doit signer un contrat personnalisé qui constituera son projet d’intégration sociale.
Cette condition sous-entend l’existence d’une certaine initiative de la part du demandeur. En effet, le législateur cherche à inciter le chômeur à rechercher effectivement un emploi et non pas se complaire dans sa situation ou se reposer uniquement sur le RIS.
- Le fait de ne recourir au CPAS qu’en dernier recours
S’adresser au CPAS signifie avoir épuisé toutes les voies de recours possibles : recherche infructueuse d’emploi, refus de la demande d’allocation de chômage, de handicap ou autre. Si le demandeur devrait normalement bénéficier du soutien d’un ou de plusieurs débiteurs d’aliments, alors il doit d’abord les requérir de lui venir en aide. Ceux-là peuvent être son conjoint ou à défaut l’ex-conjoint, les parents, les enfants, l’adoptant ou l’adopté. Le fait pour le demandeur de ne pas se plier à cette formalité peut aboutir au refus de sa demande.
- La décision du CPAS à l’égard d’une demande d’aide sociale qui lui est adressée
Le CPAS étudie individuellement les dossiers qu’il reçoit. Le demandeur d’un RIS peut être demandé à être entendu par le Conseil avant la décision. Le demandeur peut aussi se faire représenter à condition d’avoir adressé au Conseil une demande écrite préalable. Celle-ci doit intervenir dans les 30 jours à partir du moment où le CPAS a reçu la demande[23].
Quatre situations peuvent alors se produire :
- Le CPAS accorde l’aide demandée ;
- Le CPAS accorde une aide mais non celle demandée ;
- Le CPAS rejette la demande d’aide ;
- Le CPAS se déclare incompétent.
- Le CPAS accorde l’aide demandée
Il s’agit de la situation que le demandeur souhaite certainement voir se produire, qu’il ait demandé un RIS ou une autre aide sociale. Deux situations peuvent se produire :
- Le demandeur reçoit le RIS qu’il a demandé. En principe, le RIS est octroyé pour une durée illimitée[24]. Il incombe au bénéficiaire de signaler le CPAS de toute modification susceptible d’en modifier le montant le plus tôt possible. Le CPAS vérifie annuellement si la situation du bénéficiaire n’a pas changé ;
- Le demandeur, déjà bénéficiaire d’un RIS, reçoit l’aide sociale qu’il a demandée.
- Le CPAS accorde une aide mais non celle qui a été demandée
Comme on l’a dit, le RIS bénéficie aux demandeurs qui remplissent toutes les conditions légales. Il peut arriver que le Conseil estime qu’elles ne sont pas remplies et ne peut donc l’octroyer. Cependant, le Conseil ne conteste pas l’existence d’un état de manque, d’un risque de ne pouvoir s’intégrer socialement ou de vivre décemment pour le demandeur. Le Conseil peut alors lui accorder une autre forme d’aide, financière ou non. Selon la loi, l’aide prendra la forme la plus appropriée. Cette forme de l’aide dépendra de la situation du demandeur.
Supposons que le demandeur touche un peu plus que le RIS mais qu’il doive aussi s’acquitter de frais médicaux coûteux. Le CPAS peut décider de l’alléger en les prenant en charge. Si le demandeur manque de revenus pour installer un chauffage dans son domicile et demande une aide financière complémentaire, le CPAS peut lui fournir une prestation en nature en prenant en charge ses besoins en chauffage.
La situation inverse peut aussi se produire : une aide sociale a été demandée et le RIS est accordé. Cela arrive quand le demandeur remplit toutes les conditions pour pouvoir bénéficier du RIS. Dans ce cas, il le lui sera alors accordé malgré qu’il n’en ait pas fait la demande[25]. Cet exemple montre bien que le RIS est une question de compétence liée à l’égard du CPAS, ce dernier ne pouvant refuser de l’octroyer à celui qui remplit toutes les conditionnalités.
- Le CPAS rejette la demande d’aide
Le CPAS rejette la demande qui lui a été adressée. Dans cette situation, il est tenu de motiver le rejet. Par exemple, le demandeur souhaite bénéficier d’un RIS alors qu’il perçoit un salaire. Comme le RIS n’est valable que si le demandeur est sans ressources, alors sa demande est susceptible de rejet. Une aide autre que le RIS a été demandée et le Conseil estime que l’état de besoin n’existe pas. Dans ce cas la demande en question sera rejetée.
- Le CPAS se déclare incompétent
Le CPAS estime que la demande doit être adressée à un autre CPAS. Dans ce cas, il la transmet au CPAS qu’il estime compétent. Le demandeur sera notifié de cette décision dans le délai de 8 jours.
- La notification de la décision du CPAS
Le CPAS est tenu de fournir aux usagers les informations nécessaires pour constituer un dossier de demande d’aide, pour connaître l’évolution de celui-ci, etc. A fortiori, il est de son droit d’être informé de la décision que le Conseil a prise concernant sa demande. Cette notification se fait par lettre envoyée en recommandée ou remise en mains propres dans le délai de huitaine à partir de la décision. Dans les deux cas, le demandeur doit signer l’accusé de réception. En cas de refus d’octroi de l’aide demandée, le CPAS doit inclure dans la lettre les motifs qui ont conduit à cette décision.
Si le demandeur entend contester le refus à cause d’une décision non motivée ou d’une décision prise sur la base d’un motif non pertinent, il peut introduire un recours contre le CPAS.
- Le recours contre une décision du CPAS
Une fois la décision du CPAS connue par l’émetteur de la demande, il peut soit l’accepter car elle lui fait bénéficier de l’aide demandée, soit la refuser car sa demande a été rejetée. Dans ce dernier cas, il peut s’adresser au tribunal du travail pour en contester la validité. Cette possibilité de recours est normalement mentionnée au verso de la décision du CPAS. Le recours doit être introduit dans les 3 mois à partir de la notification de la décision ou de l’absence de décision dans le délai imparti.
La procédure de recours est totalement gratuite et le plaignant a la possibilité de recevoir l’assistance d’un délégué d’une organisation sociale ou se faire représenter par ce dernier, par un avocat, le conjoint ou un membre de la famille ou de la famille du conjoint. En cas de représentation, une procuration écrite en faveur du mandataire doit être adressée au juge qui doit l’accepter.
En cas d’usage abusif du recours, le demandeur débouté va devoir régler les dépens de la procédure. De même pour les frais d’avocat. En définitive, le recours contre une décision du CPAS se fait dans les mêmes formes que n’importe quel recours devant une autorité publique.
Pour conclure cette partie, résumons-la un peu. Le Centre Public d’Action Sociale vient en aide aux personnes en difficulté en vertu d’une loi votée et appliquée depuis 1976. À l’origine, le « minimum de moyens d’existence » était octroyé au demandeur d’aide mais cette solution ne correspond plus aux réalités actuelles. D’où, en 2002 une révision faite par le législateur concernant la loi sur les CPAS. Désormais l’intégration sociale de l’individu dans la société était la priorité. Comment faire ?
Un individu en difficulté peut se rendre au CPAS de sa commune et y déposer une demande d’aide. Le CPAS est à saisir en dernier recours quand toutes les autres voies ont été épuisées. Cependant, cela ne signifie pas qu’il faut attendre de se trouver dans une misère profonde avant de demander de l’aide auprès du CPAS.
L’aide peut prendre deux formes générales : un Revenu d’Intégration Sociale ou une aide sociale différente qui peut être financière, en nature, médicale, médico-sociale, etc. Le CPAS détermine la forme la plus appropriée à lui donner. Trois sorts possibles sont réservés aux demandes examinées par le CPAS : l’acceptation de la demande, l’octroi d’une prestation autre que celle demandée et le refus d’aider. Dans les meilleurs des cas, l’aide demandée est octroyée par le CPAS. Dans certains autres cas, le CPAS peut accorder une autre aide.
Le CPAS décide toujours sur la base des informations fournies par le demandeur ou des autres organismes auprès desquels le travailleur social a effectué son enquête sociale. Quelle que soit la profondeur de l’investigation faite à l’encontre d’un demandeur, les risques de fraudes existent toujours.
La fraude sociale est une problématique majeure pour les CPAS. En effet, il arrive qu’un individu bénéficie indûment d’une aide. Et pourtant cette aide n’aurait pas été obtenue si le demandeur avait fourni au travailleur social les informations exactes, c’est-à-dire celles qui correspondent réellement à sa situation personnelle. Dès lors, il nous semble judicieux de consacrer la prochaine partie à la question de la fraude sociale.
II – LES FRAUDES SOCIALES
La fraude sociale est une problématique d’actualité pour toutes les autorités locales en Belgique, en particulier pour les Centres Publics d’Action Sociale (CPAS). Il nous apparaît alors opportun d’aborder ce thème dans cette partie. Nous allons commencer par définir ce qu’on entend par fraude sociale (1). Étant un acte, il existe alors des auteurs (2). En général, les fraudeurs élaborent plusieurs types de fraudes et « ont plus d’un tour dans leur sac » (3). Enfin, nous terminerons par les impacts de la fraude sociale en sachant que celle-ci touche de nombreux domaines : politique, économique, social, fiscal, etc. (4).
1 Définition des fraudes sociales
On appelle communément fraude toute action ou omission qui tend à tromper autrui. Généralement, elle se matérialise par de la falsification, de la dissimulation intentionnelle de faits, d’informations ou de documents pouvant entraîner un résultat à l’opposé de celui désiré par son auteur : le fraudeur. Dans le cadre de prestations sociales, ce que l’on entend par fraude sociale peut donc être défini comme un acte qui vise à l’obtention d’une aide sociale auprès d’un organisme public du type CPAS.
Il existe principalement deux grandes catégories de fraudes : la fraude à l’aide sociale et la fraude aux allocations. La fraude aux cotisations est plus rare. Ces types de fraudes sont définis par Liesbeth Homans, ancienne sénatrice, dans une proposition de loi[26] déposée en 2012[27]. Selon Homans, « la fraude à l’aide sociale consiste pour les allocataires sociaux (potentiels) à fournir des informations erronées ou incomplètes pour se faire octroyer, de manière illicite, une allocation d’assistance (trop élevée), par exemple un revenu d’intégration ou une aide sociale ». Quant à la fraude aux allocations, « elle consiste pour les allocataires (potentiels) à fournir des informations erronées ou incomplètes pour se faire octroyer, de manière illicite, une allocation (trop élevée), par exemple une allocation de chômage ou d’incapacité de travail ». Pour finir, elle désigne par fraude aux cotisations le fait de se soustraire « entièrement ou partiellement au paiement des cotisations sociales (dans le cadre du travail au noir, par exemple) ».
Il y a fraude si les informations données aux services habilités à traiter les demandes d’aides sociales (comme les CPAS) sont erronées et que celles-ci ont pour but d’obtenir indûment des prestations sociales. En général, les auteurs de fraudes souhaitent soit bénéficier d’un avantage auquel ils savent pertinemment ne pas avoir droit, soit bénéficier d’un avantage supérieur à celui auquel ils auraient normalement droit s’ils avaient fourni les informations exactes au CPAS. Une étude du SPP intégration sociale sur la fraude sociale reprend cette définition donnée par Homans[28].
Du point de vue légal, la fraude sociale est répréhensible et constitue donc une infraction. Elle possède alors les trois éléments constitutifs d’une infraction. D’abord l’intention délictueuse qui se manifeste par l’objectif d’obtenir des prestations indues. Ensuite, des faits matériels qui se traduisent par des actes de falsification, de dissimulation, etc. Enfin, ces actes sont répréhensibles et la loi pénale les sanctionne, notamment l’article 496 du Code pénal qui introduit la notion d’escroquerie en droit belge, l’arrêté royal du 31 mai 1993 concernant les déclarations à faire en matière de subventions et allocations (remplacée par la loi du 7 juin 1994) et la loi du 6 juin 2010 introduisant le Code pénal social.
2 Les auteurs des fraudes sociales
Les auteurs de fraudes sociales sont généralement des personnes physiques. Ce sont les usagers qui se rendent auprès d’un service social dans le but d’obtenir une prestation à laquelle ils n’ont pas ou plus droit. En effet, rappelons que certaines prestations ne peuvent être demandées qu’une seule fois. Une fois octroyée, le demandeur ne pourra plus prétendre en obtenir une deuxième. Par exemple, la prime d’installation en faveur d’un sans-abri.
La fraude sociale n’est pas un phénomène exclusivement belge. D’autres États européens en sont également victimes. En France par exemple, les services publics font face à de nombreuses fraudes. Les fraudes aux cotisations sociales, à l’Assurance maladie, aux prestations familiales, à l’assurance chômage ainsi que celles touchant aux prestations de retraite sont les plus courants. Les pertes s’élèvent à 636 millions d’euros en 2013[29].
3 Les types de fraudes sociales
À l’instar de toute infraction, il existe différents types de fraude sociale. On peut en recenser cinq (5). Nous allons reprendre ici les définitions données dans le rapport final de l’étude de SPP intégration sociale sur la fraude sociale[30].
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- La fraude à l’identité
Il y a fraude à l’identité quand une personne obtient, au moyen d’une fausse identité ou de documents faux ou falsifiés, une allocation, un subside ou un avantage économique, qu’elle n’aurait pas obtenu, ou pas dans cette mesure, si elle s’était présentée sous son identité réelle ou son statut réel.
On peut alors imaginer qu’un individu fournisse des documents erronés dans le but par exemple d’obtenir des prestations dont il a déjà bénéficié et dont il ne pourrait normalement plus bénéficier.
- La fraude aux revenus
SPP intégration sociale estime qu’il y a fraude aux revenus quand une allocation, un subside ou un avantage économique n’aurait pas été obtenu en déclarant la totalité des revenus ou en les déclarant de manière exacte. Il convient ici de se rappeler que le montant d’une prestation financière du type RIS est fonction de la situation professionnelle du demandeur et que ce dernier est dans l’obligation légale de déclarer la survenance d’une modification sur le revenu qu’il perçoit mensuellement.
Du point de vue du fraudeur, son intérêt est celui d’avoir à sa disposition le maximum d’argent ou de bénéficier de prestations d’autre nature en plus de ses revenus, on peut alors aisément imaginer deux scénarios concernant la fraude aux revenus. Le premier scénario peut consister au fait de ne pas déclarer une hausse de revenus dans la mesure où celle-ci, si elle était connue de la CPAS, entraînerait une diminution de l’aide. Par contre, une baisse de revenus sera certainement déclarée dans les plus brefs délais par un bénéficiaire. Dans ce cas de figure, le deuxième scénario serait celui d’un individu malintentionné qui se sert du motif d’une baisse fictive de son revenu et qui le déclare sciemment dans le seul but de voir ses allocations révisées à la hausse ou de bénéficier d’autres types de prestations.
- La fraude patrimoniale
La SPP intégration sociale définit la fraude patrimoniale comme « une allocation, un subside ou un avantage économique n’aurait pas été obtenu si la personne avait déclaré son patrimoine réel ».
- La fraude au domicile
La fraude au domicile est caractérisée quand « une personne fait une fausse déclaration concernant sa situation familiale ou au niveau de son domicile afin d’obtenir une allocation plus élevée, un subside ou un avantage économique ».
Cette définition nous rappelle deux faits. Le premier est la situation personnelle du demandeur d’aide sociale : vit-il seul ou en cohabitation ? En effet, sa situation familiale ainsi que la situation financière de son cohabitant ou des autres membres de son ménage (s’il y en a) influent sur le montant de l’aide qu’il peut obtenir de la CPAS. Le deuxième fait auquel cette définition peut renvoyer est le fait pour le demandeur d’être un sans-abri ou non. En général, un sans-abri peut se faire héberger par les centres d’accueil. Le CPAS peut également lui fournir une aide en nature comme le logement ou l’alimentation.
Nous décelons ici deux formes possibles de fraude au domicile. Soit le bénéficiaire d’une aide ne déclare pas que sa situation familiale ou de ménage s’est améliorée grâce à une hausse de revenus (un nouveau cohabitant qui gagne un revenu ou le bénéficiaire lui-même qui a trouvé un travail mieux rémunéré). Soit le bénéficiaire continue de déclarer qu’il n’a pas de logement et qu’il continue de vivre au chevet d’un centre d’accueil.
- La fraude aux attestations
Il y a fraude aux attestations quand une personne utilise une fausse attestation (par exemple un faux certificat médical), afin de bénéficier d’une subvention ou d’un paiement. Ce type de fraude concerne exclusivement la fraude à l’aide médicale.
Cette typologie des fraudes sociales nous montre que les fraudeurs emploient plusieurs artifices pour se procurer un avantage économique, une subvention, un paiement ou une aide médicale auxquels ils n’ont normalement pas ou plus droit. Ces nombreuses fraudes montrent également à quel point le travail de vérification des organismes publics, notamment les CPAS qui nous concernent, est déterminant afin de limiter les retombées négatives de ces pratiques déloyales sur tous les domaines de la vie.
4 Les impacts de la fraude sociale
La fraude sociale est une pratique aux multiples impacts. Ces derniers se situent notamment aux niveaux social, économique ou fiscal. Nous allons nous y intéresser plus en détails dans cette section. Cependant, nous ne prétendons aucunement pouvoir les relever de manière plus exhaustive, tant ce phénomène est vaste.
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- Les impacts sociaux de la fraude sociale
Les premiers types d’impacts de la fraude sociale que nous verrons sont de nature sociale. En effet, les prestations et allocations sociales avaient été instaurées depuis 1976 dans le but de venir au secours d’individus qui manquaient de ressources pour vivre décemment. Le problème de ressources était purement économique à ses débuts à travers la formule « minimum de moyens d’existence ». Ultérieurement, une prise de conscience s’est opérée au et le législateur a senti l’importance que revêt l’intégration sociale dans l’épanouissement personnel.
Les prestations sociales ont été instaurées dans le but de venir en aide aux membres de la société qui en ont réellement besoin. L’objectif est de lutter contre la pauvreté et le risque de voir plusieurs des ses membres vivre dans une misère profonde. Les prestations sociales remplissent alors une mission de solidarité sociale à laquelle tous les membres de la société sont conviés à participer.
Étant des organismes publics, les CPAS sont financés par le trésor public. Aussi, les fraudes sociales ont pour impact potentiel de faire perdre à des personnes réellement dans le besoin, et non moins de potentiels bénéficiaires d’aides, l’opportunité d’améliorer leur existence dans la mesure où des fraudeurs en auraient bénéficié à leur place. Les fraudes s’attaquent alors à la solidarité sociale qui existe en Belgique car la part des fonds publics alloués à l’aide aux « vrais » indigents diminue.
Depuis plusieurs années, on assiste à une augmentation des besoins, notamment dans les grandes villes, alors que les ressources ont du mal à suivre[31]. Par exemple, il est difficile de trouver un logement décent à moins de 400 € à Bruxelles[32] alors que le taux de RIS pour une personne isolée n’est que de 544,91 €. La lutte contre la pauvreté figure parmi les enjeux sociaux des prestations sociales.
À ce propos, le Service belge de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale utilise un « baromètre de la pauvreté »[33]. Trois indicateurs ont été utilisés au niveau européen pour mesurer la pauvreté : le risque de pauvreté sur la base du revenu, la privation matérielle grave et les ménages à très faible intensité de travail. L’enquête EU-SILC (Europena Union – Statistics on Income and Living Conditions) réalisée en 2013 révèle que :
- 15,1% de la population belge connaît un risque de pauvreté basé sur le revenu ;
- 5,1% de la population belge souffre de privations matérielles graves ;
- 14% de la population belge de 0 à 59 ans vit dans un ménage à très faible intensité de travail.
- Le risque de pauvreté
Le seuil de pauvreté est un montant révisé annuellement et en-deçà duquel il existe pour l’individu qui vit avec un revenu moindre un risque de pauvreté. Il équivaut à 60% de la médiane du revenu disponible à l’échelle individuelle[34]. Ci-après l’évolution du seuil de pauvreté en Belgique depuis 2008 :
2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | |
Personne isolée | 10 791 € | 11 588 € | 11 678 € | 12 005 € | 12 168 € | 12 890 € |
2 adultes+ 2 enfants | 22 661 € | 24 334 € | 24 525 € | 25 210 € | 25 553 € | 27 068 € |
Source : Direction générale Statistique – Statisctics Belgium EU-SILC 2008-2013.
Voir tableau 1a sur le site du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale: http://www.luttepauvrete.be/chiffres_nombre_pauvres.htm
Selon ce tableau, la personne isolée qui vit avec moins de 12 890 € en 2013 connaît un risque accru de pauvreté tandis que le seuil est de 27 068 € pour un couple avec deux enfants (<14 ans). On voit également à travers ces données que le seuil de pauvreté augmente chaque année, ce qui revient à dire que la cherté de la vie en Belgique s’accroît au fil des ans.
L’enquête révèle aussi que la « pauvreté subjective », c’est-à-dire l’appréciation que l’interviewé se fait de sa situation personnelle, est également un indicateur intéressant. Selon cet indicateur, 20,9% de la population belge indiquent « avoir des difficultés ou de grandes difficultés à s’en sortir »[35].
La faiblesse de revenu constitue un risque de pauvreté et de précarité en Belgique. L’EU-SILC 2013 révèle que les personnes actives (4,4%) sont beaucoup moins touchées que les chômeurs (46,2%) par le risque de pauvreté. Cela signifie que sur 100 personnes actives, seules 4 courent un risque de pauvreté alors que sur 100 chômeurs, 46 courent le même risque. Cet écart énorme montre à quel point l’emploi est non seulement un garde-fou important contre la pauvreté, mais également que les aides sociales sont réellement cruciales pour les individus qui vivent dans une situation difficile en Belgique[36].
- Les privations matérielles graves
Le revenu permet à tout individu de faire face à ses besoins par l’achat des biens ou services destinés à les satisfaire. Le cas échéant, un individu peut se trouver dans une situation de privation matérielle grave. Cette situation est définie par l’enquête EU-SLIC. Ainsi, si un individu réunit au moins 4 des 9 situations suivantes, alors il se trouve dans un état de privation matérielle grave :
- Ne pas être en mesure de payer un loyer ou des factures courantes
- Ne pas être en mesure de chauffer correctement son domicile
- Ne pas être en mesure de faire face à des dépenses imprévues
- Ne pas être en mesure de consommer de la viande, du poisson ou un équivalent de protéines tous les deux jours
- Ne pas être en mesure de s’offrir une semaine de vacances en dehors du domicile
- Ne pas être en mesure de posséder une voiture personnelle
- Ne pas être en mesure de posséder un lave-linge
- Ne pas être en mesure de posséder un téléviseur couleur
- Ne pas être en mesure de posséder un téléphone.
Le tableau suivant donne le taux de personnes se trouvant dans une situation de privation matérielle grave en Belgique de 2008 à 2013.
Année | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 |
Belgique | 5,6 | 5,2 | 5,9 | 5,7 | 6,3 | 5,1 |
Source : Direction générale Statistique – Statisctics Belgium EU-SILC 2013.
- La très faible intensité de travail
Selon la même enquête EU-SLIC, « cet indicateur décrit la situation de personnes membres d’un ménage dans lequel personne ne travaille (ou dans lequel les membres ne travaillent que très peu) mais qui ne disposent pas nécessairement d’un revenu très faible ». Il correspond au « rapport entre le nombre de mois de travail prestés (par tous les membres du ménage appartenant à la classe d’âge de 0 à 59 ans) et le nombre de mois ouvrables, c’est-à-dire pendant lesquels il est possible de travailler »[37].
Une personne en situation de très faible intensité de travail est une personne âgée de 0 à 59 ans vivant dans un ménage dans lequel les adultes (étudiants exclus) ont travaillé moins d’un cinquième de leur temps pendant l’année de référence.
Le tableau suivant montre le taux de risque de pauvreté selon l’intensité du travail et le fait d’avoir ou non des enfants en Belgique :
Situation | Sans enfants dépendants | Avec enfants dépendants |
Intensité de travail 0 | 50,2 | 71,0 |
Intensité de travail entre 0 et 1 | 5,9 | |
Intensité de travail entre 0 et 0,5 | 43,2 | |
Intensité de travail entre 0,5 et 1 | 8,2 | |
Intensité de travail 1 | 2,8 | 1,4 |
Source : Direction générale Statistique – Statisctics Belgium EU-SILC 2013.
Nous pouvons lire dans ce tableau l’existence d’un rapport inverse entre le nombre de mois travaillés et le risque de pauvreté. Plus le nombre de mois travaillés augmente, plus le risque de pauvreté diminue.
En recoupant ces données avec ce que l’on a appris sur l’aide sociale fournie par les CPAS, il est donc plus que probable que les demandeurs d’aide soient des individus ayant une faible intensité de travail. Rappelons-nous également du fait que le CPAS peut proposer un projet individualisé d’intégration sociale axé sur le travail, une formation ou des études.
Dans tous les cas, les fraudes sociales coûtent aux CPAS et amenuisent les moyens à leur disposition pour venir en aide aux membres de la société qui font face à un risque de pauvreté accru, une privation matérielle grave et à une très faible intensité de travail.
- Les impacts financiers de la fraude sociale
Les fraudes sociales ont également des impacts financiers. En effet, pour pouvoir accomplir leurs missions et supporter les charges, les CPAS ont besoin de financement. À ce propos, le mode de financement des CPAS est en partie fédéral et en partie communal. Les CPAS ne disposent d’aucune ressource propre. Cela signifie que l’État belge et chaque commune finance le budget des CPAS. Pour comprendre les conséquences des fraudes sociales sur le plan financier, prenons l’exemple du financement du RIS.
Cette question est résolue par l’article 32 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale. Son §1er stipule que : « L’État accorde au centre visé à l’article 18 une subvention égale à 55% du revenu d’intégration accordé conformément aux dispositions de la présente loi ». Aussi, le budget de chaque CPAS destiné à financer les Revenu d’Intégration Sociale accordés est financé à hauteur de 55% minimum par l’État fédéral.
En effet, cette part est susceptible d’être augmentée mais elle est soumise à des conditions posées par les prochains paragraphes de l’article 32 :
- Si sur la dernière année un CPAS a accordé plus de 500 RIS mensuels, alors l’État fédéral doit financer 60% du budget RIS (art.32 §2);
- Si sur la dernière année un CPAS a accordé plus de 500 RIS mensuels, alors l’État fédéral doit financer 60% du budget RIS (art.32 §2);
- Si sur la dernière année un CPAS a accordé plus de 1 000 RIS mensuels, alors l’État fédéral doit financer 65% du budget RIS (art.32 §3);
Cette disposition reconnaît indirectement l’existence de plus grands besoins sociaux auprès des populations des grandes communes. Il est une réalité qui n’est plus contestée en Belgique depuis longtemps : les grandes villes concentrent sur leur territoire de nombreux facteurs de pauvreté et d’exclusion sociale.
Au niveau national, le montant total du budget alloué au paiement des RIS financé par l’État belge ne cesse d’augmenter année après année. Il a atteint près de 850 millions d’euros en 2014[38]. L’évolution des dépenses totales nous est donnée par le tableau ci-après :
Année | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
Bruxelles | 219 | 220 | 224 | 242 | 256 |
Flandres | 394 | 178 | 174 | 184 | 195 |
Wallonie | 337 | 346 | 362 | 378 | 392 |
Belgique | 749 | 744 | 760 | 805 | 843 |
Source : SPP Intégration sociale
Ce tableau nous montre l’existence de disparités entre les trois régions belges. La Wallonie concentre à elle seule près de 46,5% des dépenses totales en RIS en 2014. Cependant, il ne nous renseigne pas sur les dépenses effectuées par les CPAS en matière d’aide sociale : aide en nature, soutien financier, aide médicale, caution locative, etc.
Il ressort de ces explications que l’octroi de RIS aux usagers des CPAS sur l’ensemble du territoire belge représente un montant important. Selon SPP intégration sociale dans son rapport définitif de l’étude de la fraude sociale en 2013 : « La fraude sociale au sein des CPAS reste faible parmi l’échantillon analysé. Elle concerne, selon les réponses reçues à l’enquête en ligne réalisée auprès des CPAS, environ 4,59% des bénéficiaires du revenu d’intégration, 4,62% des bénéficiaires de l’aide sociale équivalente et 1,72% des bénéficiaires de l’aide médicale »[39]. Cependant, nous ne possédons aucune donnée concernant le nombre de fraudes décelées. Nous ne pouvons alors évaluer exactement le montant des pertes pour le Royaume. Mais si on suppose simplement que 805 millions d’euros profitent à 100% des bénéficiaires, alors la fraude aurait coûté au moins 425 000 euros à la Belgique en 2013.
- Les impacts fiscaux de la fraude sociale
Les prestations sociales, notamment le RIS et l’aide sociale, représentent des dépenses pour le Royaume de Belgique dans la mesure où celles-ci sont financées du moins en partie par l’État fédéral. Parmi les ressources d’un État, on compte les recettes fiscales. Ce sont par exemple les différents impôts dus par les contribuables qui sont ensuite redistribués sous forme de prestations sociales et d’investissements publics. Les personnes disposant d’un revenu sont taxés.
En Belgique, il existe quatre modes de taxation : l’impôt des personnes physiques, l’impôt des sociétés, l’impôt des personnes morales (qui ne sont pas des sociétés au sens de la loi belge) et l’impôt des non-résidents[40]. Étant donné que les CPAS viennent en aide aux personnes physiques uniquement, il serait intéressant de voir comment ces dernières contribuent aux ressources de l’État belge.
En Belgique, l’assiette ou montant du revenu imposable des personnes physiques est constituée de différents types de ressources :
- Les revenus immobiliers c’est-à-dire les loyers ;
- Les revenus mobiliers : revenus de capitaux investis, intérêts sur compte épargne, etc. ;
- Les revenus professionnels : rémunérations, placements, pension de retraite, indemnisation etc. ;
- Les revenus divers : rente alimentaire.
Supposons maintenant qu’un individu ne déclare pas la totalité de ses sources de revenus à l’État dans le but d’obtenir des prestations sociales du type RIS ou aide sociale de la part des CPAS. Par exemple, il ne déclare pas le loyer qu’il touche pour ne pas être imposé sur son revenu immobilier, ou il déclare être chômeur pour ne pas payer d’impôts sur ses revenus professionnels. Ainsi, l’État belge, au lieu de réaliser des économies, se voit financer des dépenses indues. Bien que les prestations sociales visent un but de solidarité sociale entre les membres de la société, cette solidarité représente un coût important pour l’État surtout si des fraudes existent. Elles creusent encre plus le déficit du trésor public. En outre, elles peuvent inciter certains contribuables à ne plus déclarer une partie de leurs revenus même s’ils ne vont pas nécessairement demander de l’aide auprès du CPAS de leur ville. Comme l’expriment Sminate, Demir et Bracke dans un projet de loi-programme déposé devant la Chambre des représentants de Belgique : « La fraude sociale mine la viabilité financière de notre sécurité sociale et ronge la confiance du citoyen dans les principes fondateurs de notre système social »[41].
- Les impacts politiques de la fraude sociale
Ce type d’impact n’est pas sans lien avec le précédent. En effet, les pouvoirs publics ont besoin de ressources financières pour mettre en œuvre leurs politiques. Les CPAS ne sont pas les seules initiatives de l’État belge. Il existe des projets aux différents niveaux de décision étatique. L’exemple que l’on peut relater est celui donné par Anne Herscovici sur les dépenses communales :
(…) Mais pour le reste, le CPAS n’ayant pas de ressources propres, il doit chercher des ressources complémentaires auprès de la commune, qui est elle-même sensée avoir un budget à l’équilibre. Quand le CPAS présente l’addition à la commune, les échevins s’arrachent les cheveux parce qu’ils vont devoir, eux, renoncer à des politiques éventuellement importantes, en instruction publique, en culture…[42]
Au terme de cette deuxième partie, une petite conclusion s’impose. Les fraudes sociales sont définies comme divers actes de dissimilation ou de falsification dont l’objectif est de bénéficier de prestations sociales de la part des CPAS notamment. Les fraudeurs utilisent pour cela différentes techniques : fausse identité, non-déclaration ou fausse déclaration des revenus réels, du patrimoine ou du domicile et fausses attestations médicales.
Ces actes de fraudes engendrent des coûts pour les pouvoirs publics et impactent sur tous les plans de la vie publique : social, économique, fiscal, politique, etc. L’État belge doit réagir face à ces agissement frauduleux : « Les pouvoirs publics doivent adopter une attitude non équivoque: quiconque tente d’augmenter ses revenus au détriment de ses concitoyens par le biais de la fraude sociale doit être dépisté et sanctionné »[43].
II – LA LUTTE CONTRE
LES FRAUDES SOCIALES
[1] SPP Intégration sociale (décembre 2013). Étude sur la fraude sociale au sein des CPAS. Rapport final, p.11. Disponible à l’URL : http://www.mi-is.be/sites/default/files/doc/2014-01-08_rapport_final_definitif_fr.pdf
[2] Union des Villes et Communes de Wallonie (2014, 1er septembre), Fiche 1 : le Centre Public d’Action Sociale : ses missions [PDF], p.1. Source disponible à l’URL : http://www.uvcw.be/articles/33,38,38,0,2206.htm
[3] Ibid. SPP Intégration sociale (décembre 2013)., p.50.
[4] La loi de 1976 avec les parties complétées, modifiées ou abrogées par les différents décrets est disponible à l’URL : https://wallex.wallonie.be/index.php?mod=voirdoc&script=wallex2&PAGEDYN=SIGNTEXT&CODE=25740&IDREV=12&MODE=STATIC
[5] Ibid., p.2.
[6] Ibid., p.2.
[7] SPP Intégration sociale (septembre 2013). Guide pour les usagers du CPAS [PDF], pp. 2-4. Disponible à l’URL : http://www.mi-is.be/sites/default/files/doc/gebruikersgids_frans.pdf
[8] A. GRUSELIN, Un nouveau code de la démocratie locale [PDF], 6com.be. Disponible à l’URL : www.6com.be/donnees/dossiers/com06/code.pdf
[9] Ibid. SPP Intégration sociale (décembre 2013), p.48.
[10] Groupe de réflexion des travailleurs sociaux des 19 CPAS de Bruxelles (2001, juillet/août), Quelle est la fonction d’un assistant social dans un CPAS? [PDF], Collectif solidarité contre l’exclusion, n°27. Disponible à l’URL : http://www.asbl-csce.be/journal/27fonctionassistantcpas.pdf
[11] RTL INFO (2015, 21 avril). 6000 dossiers en deux mois dans les CPAS wallons et un chiffre noir important. Repéré à l’URL : http://www.rtl.be/info/belgique/politique/6-000-dossiers-en-deux-mois-dans-les-cpas-wallons-et-un-chiffre-noir-important-717535.aspx
[12] C’est comme si on affirmait que c’est la société tout entière qui profitait de l’amélioration de la vie de quelques uns de ses membres. Il y a là une vision individualiste
[13] Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale asbl (2012, 3 février). Thème 6 : Travail social en CPAS : quelle spécification et quelle spécialisation ?, p.2.
[14] Ibid. SPP Intégration sociale (septembre 2013). Guide pour les usagers du CPAS, p.12.
[15] Ibid. Guide pour les usagers du CPAS, pp.11-12.
[16] SPP Intégration sociale (2013). Rapport d’évaluation des demandes de règlement de conflits de compétence entre des CPAS en 2012 [DOC], p.23. Disponible à l’URL :
http://www.mi-is.be/sites/default/files/doc/scc.2012.rapport_evaluation.ok_.doc
[17] Ibid., p.22.
[18] Aide sociale – intégration sociales le droit en pratique P.532
[19] P. VANDENABEELE, (2010, décembre), Guide pratique sur la Sécurité sociale: pour s’informer, se renseigner et se défendre. Edipro, p.69.
[20] SPF Sécurité Sociale (2012). Rapport annuel 2011 : Semer, aimer, essaimer [DOCX], p.11. Disponible à l’URL : http://socialsecurity.fgov.be/rapport/2011/docs/fr/anysurfer/anysurfer-friendly-document-fr.docx
[21] Convention des Nations-Unies relative au statut des apatrides.
[22] Voir : SPP Intégration sociale (septembre 2013). Guide pour les usagers du CPAS [PDF], pp. 17-18.
[23] Ibid., p.23
[24] Ibid., p.8.
[25] Ibid., p.10.
[26] Proposition de loi instaurant un droit de communication pour les membres du conseil et du personnel des centres publics d’action sociale en cas de fraude sociale et de travail illégal
[27] Voir la proposition de loi à l’URL :
http://www.senate.be/www/?MIval=/publications/viewPub.html&COLL=S&LEG=5&NR=1464&VOLGNR=1&LANG=fr
[28] Ibid. SPP Intégration sociale (décembre 2013). Étude sur la fraude sociale au sein des CPAS. Rapport final, p.6.
[29] L’Express.fr avec AFP (2015, 4 janvier), Ce que cache le nouveau record de la fraude sociale. Repéré à l’URL :
[30] Ibid. SPP Intégration sociale (décembre 2013)., p.7.
[31] V. ROCOUR (2010, 10 avril), Augmenter la part du fédéral dans le financement des CPAS. La libre.be. Repéré sur le site de
[32] Fédération des maisons médicales, Les CPAS, au pied du mur des inégalités. Il s’agit d’une interview de la sociologue et ancienne présidente du CPAS d’Ixelles Anne HERSCOVICI. Repéré sur le site de la fédération à l’URL : http://www.maisonmedicale.org/Les-CPAS-au-pied-du-mur-des.html
[33] Voir le site de l’institution : http://www.luttepauvrete.be/chiffres.htm
[34] Définition donnée sur : http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/travailvie/eu-silc/pauvrete/
[35] Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale (2014, 6 novembre), Des faits et des chiffres. Repéré sur le site de l’institution à l’URL : http://www.luttepauvrete.be/chiffres_nombre_pauvres.htm
[36] Voir tableau 1e sur le site du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale à l’URL : http://www.luttepauvrete.be/chiffres_nombre_pauvres.htm
[37] Ibid.
[38] P. DEFEYT (mars 2015), Les budgets du Revenu d’Intégration Sociale: évolutions et explications [PDF], p.1. Institut pour un développement durable. Disponible sur le site de l’institut à l’URL :
http://www.iddweb.eu/docs/RIS_2015.pdf
[39] Ibid. SPP Intégration sociale (décembre 2013)., p.66.
[40]Infos entreprises, « Fiscalité ». Repéré sur le site de l’auteur : http://www.infos-entreprises.be/fr/fiscalite-37
[41] Lire le projet de loi-programme à l’URL : http://www.senate.be/www/webdriver?MItabObj=pdf&MIcolObj=pdf&MInamObj=pdfid&MItypeObj=application/pdf&MIvalObj=83888243
[42] Ibid. Fédération des maisons médicales, Les CPAS, au pied du mur des inégalités. (Voir §4) Il s’agit d’une interview de la sociologue et ancienne présidente du CPAS d’Ixelles Anne HERSCOVICI. Repéré sur le site de la fédération à l’URL : http://www.maisonmedicale.org/Les-CPAS-au-pied-du-mur-des.html
[43]http://www.senate.be/www/webdriver?MItabObj=pdf&MIcolObj=pdf&MInamObj=pdfid&MItypeObj=application/pdf&MIvalObj=83888243
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