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Valorisation de l’expérience des salariés lors de leur mobilité internationale dans le secteur industriel: Outils et enjeux pour les RH

Dans le cadre de la gestion des talents à l’international dans le secteur industriel, quels outils doivent être utilisés par le DRH pour valoriser l’expérience acquise par le salarié lors de sa mobilité à l’étranger ?

Introduction générale

La mobilité internationale est devenue une des tendances de comportement des travailleurs actuels. La quête d’un nouvel emploi au sein d’une autre entreprise, dans un pays étranger, le recrutement d’immigrés sont deux phénomènes qui sont appelés à s’accroître dans les années à venir dans différentes localités dans le monde. Cette tendance pourrait expliquer en partie les flux migratoires (Pellerin, 2011 : 57). Price Waterhouse Coopers prévoit une augmentation de 50% par rapport à 2000 des expatriations chez les entreprises multinationales en 2020. Par ailleurs, il a été démontré que les jeunes talents aspirent à une carrière à l’étranger. La mobilité professionnelle est désormais entreprise non seulement dans le but de gérer les filiales des grands groupes, mais aussi d’acquérir de nouvelles compétences et des connaissances (Barmeyer et Davoine, 2012 : 46). La mobilité internationale est donc un phénomène qui est amené à s’intensifier dans les années à venir et devant de tels faits, il semble inévitable pour les entreprises.

La valorisation des expériences du salarié lors de sa mobilité externe constitue donc une opportunité pour l’entreprise pour améliorer sa performance. Pourtant, force est de constater que cette valorisation des expériences des salariés constitue un enjeu de taille pour les RH. En effet, la mobilité professionnelle à l’étranger demande d’importants investissements de la part de l’employeur tant du point de vue financiers que du point de vue temps (Barmeyer et Davoine, 2012 : 46). Pour le DRH, il s’agit alors de trouver des moyens efficaces pour que les expériences acquises par le salarié contribuent à l’accomplissement du travailleur et au développement de l’employeur. Cela nous amène à nous poser la question inaugurale suivante : Dans le cadre de la gestion des talents à l’international, dans le secteur industriel, quels outils doivent être utilisés par le DRH pour valoriser l’expérience acquise par le salarié lors de sa mobilité à l’étranger ?

Pour répondre à cette question, des entretiens semi-directifs ont été menés auprès de responsables RH et de salariés. L’échantillon est composé de salariés et de  chargés RH, des coordinateurs RH, de DRH, de DAF, de responsables MI. Ces personnes ont été choisies pour leurs expériences et leurs activités qui touchent le domaine RH. En ce sens, ce sont des personnes ressources les mieux placées pour répondre aux questions et de faire des remarques objectives concernant le rôle du DRH dans la valorisation des expériences acquises par les employés ayant été mobilisés à l’étranger. Au total, douze entretiens ont été menés. Les entretiens physiques ont été favorisés. Cependant, vu que les répondants sont très occupés, les entretiens se sont faits au téléphone. Dans certains cas, les entretiens ont pu être menés aussi bien en tête-à-tête qu’au téléphone.

La présente étude comporte trois parties distinctes. La première partie va porter sur la mobilité externe et sur l’importance de celle-ci pour les RH. Elle va entre autres, aborder les enjeux du management des talents à l’international pour les RH et la mise en œuvre de cette démarche. La deuxième partie pour sa part, va tenter étudier les différentes démarches de valorisation des acquis par les ressources humaines lors de leurs mobilités externes. Cela passera par l’analyse des acquis pouvant être exploités par l’employeur lors des mobilités externes de leurs employés. Ensuite, quelques outils de valorisation des acquis des expériences des employés seront analysés. A la fin de cette partie, les enjeux de cette valorisation des acquis des expériences à l’étranger seront étudiés. Après ces deux analyses, nous allons donner des recommandations dans la troisième partie.

Partie 1. La mobilité externe, une stratégie RH

Introduction partielle

La mobilité est une notion polysémique. Selon le dictionnaire français Encarta, la mobilité pourrait désigner la « capacité de déplacement physique – passage d’une qualification à une autre, d’un poste à un autre ou d’une entreprise à une autre (d’une personne ou d’un groupe de personnes) – disposition ou aptitude à se déplacer géographiquement – aptitude à changer d’aspect ou d’expression ». La mobilité renvoie alors à un déplacement géographique, ou du passage d’un état, d’un statut, d’un poste à un autre. La mobilité professionnelle peut se faire en interne ou en externe. Et pourtant, ces dernières années, c’est plutôt la mobilisation externe qui prend un essor considérable au sein des entreprises. La mobilité internationale est un processus qui comprend trois étapes : la phase de préparation à la mobilité, la mobilité proprement dite et enfin, le retour de la mobilité[1].

L’intensification de la mobilité interne semble se réaliser en parallèle avec les instabilités économiques connues par les entreprises actuelles. Devant les attentes d’innovations des consommateurs et la forte pression concurrentielle, les entreprises n’ont d’autres choix que de se lancer dans la recherche active d’avantages concurrentiels. Ces dernières années, la fonction RH gagne l’intérêt des employeurs depuis qu’ils ont découvert l’importance de celles-ci dans la performance de l’entreprise.

Avec ces différents changements, il semblerait que les missions de la fonction RH se sont aussi multipliées et se sont intensifiées. Désormais, l’homme est devenu une ressource importante à la disposition de l’entreprise pour améliorer sa performance et sa productivité. C’est dans cette situation que les mobilités externes sont devenues plus fréquentes. Ce phénomène est souvent évoqué sans que les différents contextes qui conduisent à sa mise en place ni même son contenu ne soient clairs aux yeux des chercheurs et des praticiens. Dans cette première partie alors, nous tentons de répondre aux questions suivantes : Qu’est-ce que la mobilité professionnelle ? Pourquoi et comment est-elle mise en place ? Ainsi, nous allons aborder d’abord les l’intervention de la fonction RH dans la mobilité professionnelle. Puis, nous poursuivrons les différents enjeux de la gestion des talents et de leur mobilité à l’international.

  1. La mobilité professionnelle comme outil de gestion des ressources humaines
  • Les causes de la mobilité professionnelle

La mobilité professionnelle surtout, la mobilité externe constitue pour le directeur des ressources humaines (DRH), une stratégie pour recruter des expatriés ayant déjà des compétences et des connaissances-clés permettant de développer l’activité de l’entreprise. D’autre part, il s’agit également d’une démarche pour satisfaire les demandes des nouveaux marchés acquis par l’entreprise. L’acquisition de travailleurs internationaux est une source de nouveaux talents capables de développer les marchés émergents. Par ailleurs, les expatriés sont des sources de nouvelles expériences que le DRH pourrait exploiter. Il n’est pas rare de constater certaines entreprises disposer d’élites étrangers pour relancer leur développement à travers les connaissances qu’ils partagent au reste de l’organisation (Farndale et al., 2010 : 161).

La mobilité externe s’inscrit alors dans la stratégie mise en place par l’entreprise pour optimiser ses bénéfices. En effet, elle favorise la complémentarité entre les différents capitaux humains. Les employés mobilisés sont amenés à se spécialiser dans un domaine précis et dans une entreprise ciblée. La spécialisation dans un domaine permet de devancer la concurrence. Par ailleurs, les entreprises peuvent mobiliser leurs ressources humaines dans le but de connaître les stratégies de la concurrence (Pellerin, 2011 : 64). En favorisant la mobilité professionnelle, une entreprise contribue à la transmission de connaissances d’un individu à un autre. Pour ses salariés, c’est également un moyen pour acquérir de nouvelles connaissances ainsi que des compétences indispensables à l’employeur (Rousier, 2010 : 13). Lafarge Holcim par exemple, opte pour la mobilisation de ses employés dans le but d’acquérir les talents lui permettant d’innover et de répondre aux nouveaux besoins de ses clients ainsi que de ceux de l’ensemble de ses parties prenantes[2].

Cet aspect stratégique de la mobilité internationale a été également mentionné par le responsable RH de l’entreprise 2 : « Lorsqu’un besoin stratégique du groupe se dessine, nous élaborons un profil avec les ressources humaines. Puis, nous nous réunissons avec les managers du pôle concerné afin d’identifier les talents susceptibles de pallier au besoin du groupe. Ces talents sont identifiés à la fois par les managers mais également, sur la base des entretiens annuels ». Cette réponse indique que la décision de mobiliser le personnel à l’international répond à des besoins stratégiques particuliers. Mais il n’a pas été le seul à faire allusion à cet aspect stratégique de la mobilité internationale. Trois des quatre responsables RH des entreprises enquêtées ont répondu que la mobilité internationale est adoptée pour acquérir des compétences et des connaissances élargies sur un domaine spécifique.

L’engouement pour la mobilité professionnelle provient d’autre part, de la nouvelle tendance chez les travailleurs. En effet, les salariés actuels tendent plus à évoluer dans leurs carrières plutôt que d’occuper un seul poste toute leur vie. La mobilité professionnelle vient du besoin de personnaliser les parcours professionnels des employés (Berghmans, 2016 : 16). Néanmoins, pour les employeurs, les mobilités professionnelles constituent des opportunités pour entamer des changements organisationnels. En mobilisant leurs ressources humaines, les entreprises s’affranchissent des coûts liés aux recrutements. Dans ce cadre, les mobilités ne dépendent pas de la volonté des employés, mais résultent des stratégies générales de l’entreprise, pouvant entraîner quelquefois, des réticences de la part des concernés[3].

Chez les salariés enquêtés par contre, la mobilité internationale découle de leurs initiatives et de leurs désirs qu’ils ont formulés dans le cadre d’entretiens. Ils ont alors saisi l’opportunité qui se présentait pour atteindre leurs objectifs personnels comme le mentionne le salarié de l’entreprise 1 : « Personnellement, … j’ai une double culture franco-mexicaine et j’ai toujours voulu travailler à l’international et c’est donc tout naturellement que j’ai choisi Mersen qui proposait à l’époque des offres à l’international ». Les salariés présentaient différentes motivations. Pour le salarié S3, il s’agit de « l’envie de découvrir de nouvelles expériences et d’évoluer plus rapidement. Le souhait de mon manager et le mien aussi était que j’acquière de l’expérience à l’étranger afin de pouvoir le seconder et lui permettre de reprendre son poste car, lui, allait évoluer vers des responsabilités de direction ».  Pour le salarié S4, les expériences culturelles ont commandé sa décision : « En fait, j’ai postulé chez Snetor car je savais qu’il y avait des possibilités de travailler à l’étranger aussitôt après être embauché. J’étais célibataire et l’envie de m’enrichir culturellement a été la plus forte ». Ainsi, la mobilité internationale découle aussi bien des décisions stratégiques de l’entreprise que des initiatives personnelles du salarié qui, dès le début de son intégration au sein d’une entreprise peut déjà cibler la mobilité internationale.

  • Les stratégies RH de la mobilité externe
  1. Les différentes modalités de mobilité externe

La mobilité externe suppose que l’employé passe d’une entreprise à une autre, mais elle peut aussi désigner dans certains cas, la mobilité géographique. Dans ce cadre, on parle de nomadisme concernant principalement des employés qualifiés. D’une manière générale, la mobilité externe intéresse principalement les femmes que les hommes. La raison en est la recherche de l’évolution professionnelle qui semble être plus difficile en interne pour les femmes par rapport à leurs homologues masculins[4]. La mobilité externe peut se faire de manière directe ou non. Dans le premier cas, l’employé est directement transféré vers une autre entreprise. Dans le deuxième cas, l’employé traverse une période de chômage avant de pouvoir intégrer une autre entreprise. Dans la nouvelle entreprise d’accueil, l’employé peut accomplir les mêmes missions qu’avant, ou réaliser des activités totalement différentes de celles-ci. Il peut également occuper une autre fonction mais dans le même domaine d’activité[5].

La mobilité externe peut se faire des filiales vers le siège (impatriation) ou du siège vers les filiales. Cette forme de mobilité est observée au niveau des grands groupes. Les grands groupes mondialisés optent parfois pour des mobilités de leurs cadres à l’international. Parfois, les mobilités se font d’une filiale à une autre. Les expatriations sont principalement adoptées pour mieux contrôler les activités des filiales et pour échanger les savoirs des employés du siège vers ceux des filiales. Par la même occasion, les entreprises peuvent aussi entrer en relation avec les partenaires locaux notamment, les clients, les fournisseurs ou encore les banques[6].  Cela a été rapporté par le RH3 : « En général, il s’agit d’une promotion ou d’un même poste mais avec une dimension plus importante. Exemple : le cas de RH de filiale promu au sein d’une filiale de taille plus importante avec des challenges différents ».

La mobilité externe a comme objectif, la promotion de l’individu, sa réorientation voire dans certains cas, sa reconversion (Dupray et Recotillet, 2009 : 33). Pour l’employé, la mobilité externe constitue un gage d’employabilité. L’employeur pour son compte, trouve à travers cette stratégie une autre démarche pour adapter l’offre à la demande du marché[7]. La mobilité géographique contribue entre autres, à pallier aux déséquilibres entre les travaux à travers les pays ou les régions. Le recrutement de travailleurs compétents et efficaces au sein d’une région est un des éléments permettant le développement régional[8].

Le RH3 a confirmé ce fait comme étant une des motivations et une des formes de mobilité internationale le plus fréquent : « Généralement, les projets sont propres aux contextes particuliers des pays. Un pays où la filiale n’a pas de chiffre d’affaires versus une filiale où le chiffre d’affaire est important n’a pas les mêmes problématiques. Cependant, les projets développés par la maison-mère et applicables à l’ensemble des filiales sont effectivement les mêmes. En effet, Servier est une entreprise très centralisée et de ce fait, beaucoup de projets groupes sont initiés par la maison-mère ». Ce propos fait allusion alors à une forme d’expatriation dans laquelle, les salariés de l’entreprise –mère sont mobilisés vers les filiales.

La mobilité externe peut parfois être motivée par la recherche d’une nouvelle spécialisation dans une autre entreprise et dans le cadre d’un changement de métier. Mais dans la majorité des cas, la mobilité externe signifie un changement de lieu de travail qui s’accompagne d’une mobilité géographique. Chez la plupart des salariés interviewés, la mobilité internationale suppose un déplacement d’un pays à un autre. Le but en est d’acquérir de nouvelles compétences et de découvrir de nouvelles cultures. Mais si elle ouvre la voie à de nouvelles opportunités pour l’employé, la mobilité géographique peut parfois entraîner des bouleversements au niveau de la vie familiale de l’individu. Ainsi, elle est plus facile à réaliser par les célibataires que par les mariés. La mobilité externe peut se traduire par une promotion mais dans d’autres cas, elle est le résultat de la perte du poste par l’employé[9].

  1. Les étapes de mise en œuvre de la mobilité externe

D’une manière générale, la gestion des talents passe par trois étapes cruciales. La première étape consiste à déterminer les talents que l’entreprise doit acquérir et d’évaluer les talents à la disposition de l’entreprise. Après l’identification, les entreprises mettent en œuvre des stratégies pour attirer les talents les plus intéressants. Puis, à la fin, ces talents sont retenus, fidélisés et développés (Thévenet et al., 2009 : 209 – 211). Il faut noter cependant, que ces étapes de gestion des talents peuvent varier d’une entreprise à une autre en fonction des caractéristiques de celle-ci et de ses objectifs, de sa politique RH, etc.

Chez Motorix par exemple, la mobilité professionnelle de ses employés à l’étranger se fait en plusieurs étapes. D’abord, le RH inculque à l’employé les informations pratiques sur le pays d’accueil et sur la culture de celui-ci. Ceci a pour but de faciliter l’adaptation de l’individu et son intégration dans le pays et l’entreprise d’accueil. L’employé pour sa part, peut aussi trouver ces informations  au niveau du site du service de formation de Motorix, ou en discutant sur les réseaux sociaux avec les personnes ayant déjà eu des expériences dans l’entreprise ou le pays d’accueil. Une fois sur place, un séminaire d’intégration de l’employé et sa famille est organisé par des parrains ou des mentors (Barmeyer et Davoine, 2012 : 47).

Quand sa mission dans l’entreprise d’accueil est terminée, le RH de l’entreprise qui a mobilisé l’individu prépare un atelier de réintégration pour lui. A cela s’ajoute l’intégration de celui-ci dans le réseau d’experts pays. De cette manière, l’ancien expatrié pourra aider à son tour ses collègues qui vont à l’étranger. Il devient donc, une personne ressource pour ses collègues de travail. Enfin, le service de mobilité internationale prévoit une gestion des carrières visant à insérer l’ancien expatrié dans des postes vacants pour retenir l’individu pour au moins huit ans. Trois postes lui sont proposés et l’individu va choisir parmi eux (Barmeyer et Davoine, 2012 : 47).

La mobilité externe des employés encourage l’entreprise à adopter certains changements au niveau de ses stratégies et de son organisation. Dans cette optique, elle va plus développer des compétences spécifiques, répondant à ses besoins au lieu de développer des compétences générales qui pourraient être transmises à d’autres entreprises concurrentes. D’autre part, la mobilité externe incite plus les entreprises à diminuer leurs investissements dans le domaine de la formation de leurs employés, misant sur la capacité de l’individu à acquérir des connaissances à partir de ses expériences à l’extérieur. Par ailleurs, pour la fonction RH, la mobilité externe pourrait aussi faciliter le discernement des employés détenant les talents spécifiques et les avantages concurrentiels pour l’employeur. Ainsi, elle va directement cibler les talents et les compétences stratégiques, sans être obligée de recourir à la formation d’employés moins talentueux ou ne détenant aucune compétence (Charest, 2012 : 61).

Chez les interviewés, les trois principales étapes de la mise en œuvre de la mobilité externe ont été retrouvées. Dans un premier temps, les RH identifient les talents les plus intéressants. L’identification des salariés se base sur les qualités du candidat telles qu’elles sont discernées par des managers et des responsables de mobilité internationale. Selon le RH1, le recrutement des talents éligibles se base sur « l’entretien avec le responsable de mobilité internationale. La gestion des talents est donnée en amont aux managers qui sont chargés d’identifier les candidats susceptibles d’effectuer une mobilité internationale ». Dans un deuxième temps, il s’agit d’intégrer le salarié au sein de l’entreprise d’accueil et de faire le suivi des salariés et  de leurs missions. Pour ce faire, « un parrain est désigné pour l’ [le salarié] accompagner dans son intégration dans l’entreprise mais également pour l’assister dans ses missions au tout début » (RH1).

Quant au suivi des missions de l’expatrié au sein de l’entreprise d’accueil, l’entretien professionnel reste le moyen le plus fréquent pour évaluer les progressions de l’employé. Le RH4 dit à ce propos : « Oui, nous restons très proches de nos salariés et nous tenons à les faire évoluer au sein de notre entreprise. L’évaluation professionnelle est très importante car, cela nous permet d’être à l’écoute du salarié et d’être en mesure de valoriser son expérience de manière plus juste et appropriée ». Ce suivi très proche est également rapporté par les salariés interviewés. Les trois salariés ont tous parlé du lien étroit avec leurs entreprises d’origine malgré leur intégration au sein de l’entreprise d’accueil. Ainsi, S3 parle de son « lien avec Servier est maintenu dans le sens où j’ai toujours eu mes entretiens annuels d’évaluation dans le pays d’accueil et que ces derniers sont reportés en France. Un point sur mes missions est également effectué tous les trois mois à peu près ».

Dans un troisième temps, l’employé retourne vers l’entreprise d’origine et l’entreprise d’origine l’accueille chez elle pour exploiter les résultats de sa mobilité internationale. Les liens et les contacts avec l’entreprise d’origine ont permis aux employeurs et aux salariés de gérer et d’optimiser les retours d’expatriation. Ainsi, les trois salariés ne se plaignent pas d’avoir eu des difficultés à revenir. S4 illustre ce fait en disant : « Mon retour d’expatriation s’est déroulé parfaitement puisque j’ai toujours été en contact avec Snetor France ».

  1. Les talents à l’international : de nouveaux enjeux pour les RH
  • La notion de gestion des talents
  1. Définition

La gestion des talents est un processus stratégique qui consiste à chercher des ressources humaines stratégiques et à les développer à l’échelle internationale. Cela requiert la sélection des talents stratégiques c’est-à-dire, les employés présentant des hauts potentiels à l’échelle internationale. Ces employés ne sont pas uniquement retrouvés dans les pays développés, mais parfois aussi dans les pays émergents ou les pays sous-développés (Farndale et al., 2010 : 162). La gestion des talents suggère entre autres, que le manager soit apte à assigner les missions pouvant être accomplies par une personne. En d’autres termes, cette dernière doit occuper un poste adapté à son profil et à ses capacités, et pouvant répondre aux objectifs de l’employeur[10].

La gestion des talents revient à la fonction RH dans la mesure où c’est elle qui prévoit les talents dont l’entreprise a besoin pour le futur et dans le contexte d’émergence de talents irremplaçables d’une entreprise à une autre. Dans ce cadre, la fonction RH doit être en mesure de déterminer les talents les plus intéressants vu leurs compétences, leurs forces de travail. Parfois, la rareté des compétences et la performance de l’individu font de lui, un talent à retenir ou non. Dans ce cadre, la fonction RH a pour mission de planifier les besoins de l’entreprise en termes de ressources humaines. Cela revient à considérer la démographie et les caractéristiques de ces ressources. Par la suite, la gestion des talents suggère aussi une gestion des compétences afin de se procurer les personnes les plus intéressantes. Enfin, la fonction RH doit aussi mettre en place des stratégies permettant d’attirer ces talents et de les retenir au sein de l’entreprise. Mais ces différentes démarches ne devraient aucunement impacter négativement sur les autres travailleurs qui ne possèdent pas les talents requis par l’entreprise (Mundschau, 2013 : 17).

La gestion des talents nécessite donc la détermination de ceux-ci. Lors de son interview par MercuriUrval, Pascale Schütz donne la définition du talent comme étant « une personne faisant preuve d’une aptitude remarquable… Un talent, c’est un collaborateur qui, par sa performance et/ou par son potentiel dans la fonction ou en dehors de celle-ci, représente une valeur ajoutée pour l’entreprise ». A partir de cette définition du talent, elle extrapole la définition de la gestion de talents en disant que « La gestion des talents consiste donc en la définition, l’implémentation et la gestion d’un processus pour accompagner le développement de ces collaborateurs qui représentent une haute valeur ajoutée pour l’organisation. Elle vise à augmenter les résultats et la compétitivité de l’entreprise en permettant au meilleur de chacun de s’exprimer »[11]. Cette définition avancée par Pascale Schütz permet alors de définir le talent comme étant un des avantages compétitifs de l’entreprise. Il constitue une des ressources de l’entreprise[12].

La gestion de talents va de pair avec la gestion des compétences. La fonction RH cerne les personnes détenant des savoirs spécifiques et aptes à améliorer leur production. Ces personnes ressources deviennent alors des avantages concurrentiels pour l’entreprise (Mundschau, 2013 : 21 – 22). Pour la fonction RH, le défi est donc de savoir discerner les compétences à la disposition de l’employeur et les besoins qui doivent être comblés. Pour elle, la gestion des talents revient à réduire les écarts entre les besoins de l’entreprise en termes de compétences et ceux qui sont effectivement détenus par elles comme le montre la figure suivante :

 

 

Ecart
Environnement (évolution des besoins, entrée/sortie de compétences)
Besoins en compétences
Compétences disponibles

 

 

 

 

 

Figure 1: La démarche de gestion des compétences par la fonction RH (source : Mundschau, 2013 : 24)

Cette figure montre que la gestion des compétences suppose la considération de l’environnement dans lequel se développe l’entreprise notamment, les besoins de celle-ci, les compétences ayant entré ou celles qui ont quitté l’entreprise pour les compétitrices. C’est à partir de la considération de cet environnement que la fonction RH peut déterminer les besoins en compétences de l’entreprise pour les années à venir. Par la suite, elle analyse les compétences à sa disposition et évaluer l’écart entre les besoins et les offres disponibles dans le but de mener des actions correctives.

  1. Les raisons de la mise en œuvre de stratégies de gestion des talents

Chaque talent est considéré comme étant une source d’avantage stratégique et en ce sens, mérite d’être géré comme étant une ressource stratégique pour l’entreprise (Farndale et al., 2010 : 162). Ainsi, les entreprises et plus particulièrement, celles de grande taille mettent en place une stratégie basée sur la gestion des managers et des employés présentant des hauts potentiels. La nouvelle stratégie RH est donc plus axée sur l’économie de connaissances et le développement de celles-ci[13]. Dans cette démarche, les RH ne peuvent plus sous-estimer aucune compétence, ce qui suggère la considération de chaque employé et la gestion individualisée des talents. Le but en est l’acquisition et le développement des compétences à la disposition de l’employeur (Berghmans, 2016 : 16).

Les responsables des ressources humaines se sont exprimés sur les compétences recherchées par l’entreprise dans leur politique de mobilité internationale. Les réponses sont très diverses montrant ainsi que la mobilité internationale est faite dans le but de transférer des compétences ou d’acquérir des compétences inexistantes sur le marché local. Pour RH2 ; il s’agit du « transfert de compétence lorsqu’en local, il n’y a pas la compétence ou que le marché de l’emploi n’est pas favorable ». Pour le RH1, c’est le « transfert de compétences ESE d’origine vers l’entreprise d’accueil ou de l’entreprise d’accueil vers l’entreprise d’origine ». Pour le RH4, « On lui demande d’être plus proactif … sur le terrain en s’imprégnant de la culture de la vie locale… de s’intégrer à la culture locale ». Parfois, les objectifs sont très stratégiques comme le montre RH1 : « Lors du retour du salarié en expatriation, on attend à ce que les relations entreprise d’origine – entreprise d’accueil soient renforcées afin de fluidifier les échanges et faire mieux passer les politiques stratégiques du groupe ».

Les talents sont désormais considérés comme étant des avantages concurrentiels. En ce sens, leur gestion est une stratégie pour l’entreprise pour rester compétitive sur le marché. Dans cette optique, la fonction RH doit recruter les talents internes et externes, les développer et les retenir. Mais le recrutement des meilleurs talents ne peut se faire à moins que l’entreprise ne déploie des moyens pour améliorer sa politique de recrutement des talents. L’entreprise doit être apte à recruter les meilleurs talents et à battre les entreprises concurrentes, qui, elles aussi, développent des stratégies pour attirer les jeunes talents prometteurs (Loufrani-Fedida et Saint-Germes, 2015 : 101). La gestion des talents a pour objectifs de recruter les employés talentueux aux postes adaptés et au bon moment.[14] Le RH2 confirme cette importance des talents en disant que « …les talents susceptibles de pallier aux besoins de l’entreprise ».

La gestion des talents répond entre autres, aux besoins stratégiques de l’entreprise d’acquérir les compétences les plus déterminantes pour la survie et le développement de celle-ci. Le talent suppose non pas des connaissances et des compétences acquises par le biais des formations, mais innée chez l’employé et lui permettant de faire des exploits. Ainsi, ce sont ces talents cachés que l’entreprise cherche à valoriser afin de rester performante (Thévenet et al., 2009 : 207 – 208). L’enquête menée par l’Association Nationale des DRH (ANDRH) en 2015 sur les entreprises françaises a permis de démontrer que la gestion des talents aide 71% des entreprises à rester performante. La performance provient d’une meilleure implication et d’un plus grand engagement des collaborateurs aux projets d’entreprise[15].

Les petites entreprises et les startups sont les plus enclines à mettre en place des stratégies de gestion des talents. Dans la grande majorité des cas, ces entreprises se penchent plus sur les talents externes que sur les talents internes. En effet, les talents externes leur permettent d’avoir des nouvelles idées conduisant à l’innovation. Par ailleurs, les nouveaux talents apportent également de nouvelles connaissances ce qui épargne à l’entreprise acquéreur de faire de nombreux investissements avant de pouvoir jouir des impacts de ces connaissances et savoir-faire. Cette démarche de gestion des talents s’inscrit donc dans le cadre du développement et de l’expansion de l’entreprise (Spies, 2009 : 15).

  • L’intervention du domaine RH dans la gestion des talents à l’international
  1. La mise en œuvre d’un programme de gestion des talents

La gestion des talents suppose le respect et la valorisation de la diversité ainsi que le développement des compétences des managers pour que ceux-ci soient plus aguerris aux différents enjeux de la gestion de talents internationaux et l’émergence de ressources humaines issues de différentes disciplines (Farndale et al., 2010 : 166). Aussi bien les processus que les pratiques de gestion des talents changent d’une entreprise à une autre. Néanmoins, Loufrani-Fedida et Saint-Germes (2015 : 105) ont fait une synthèse des pratiques globales mises en œuvre par les entreprises pour gérer leurs talents. Le tableau suivant montre cela.

Tableau 1 : Le système de management global des talents (source : Loufrani-Fedida et Saint-Germes, 2015 : 105)

Processus Activités Pratiques
Attirer les talents Identifier et attirer –       Gérer les viviers et les CVthèques

–       Identifier les compétences rares et détecter le potentiel humain en interne

–       Analyser les besoins actuels et futurs en talents

–       Développer une réputation RH voire une image de marque employeur attractive

–       Bâtir un véritable plan marketing RH

–       Attirer les individus avec un intérêt pour les activités en carrières internationales

Recruter et intégrer –       Recruter en continu des profits de talents pour différents postes

–       Diversifier les méthodes de recrutement (site emploi généraliste, site internet RH entreprise, salons et forums, réseaux sociaux numériques, applications mobiles, jeux virtuels, etc.)

–       Inscrire les talents dans la politique de responsabilité sociale de l’entreprise

–       Accueillir et intégrer le nouveau talent

–       Développer de nouveaux arguments en direction de la génération Y

Développer les talents Evaluer et développer –       Fixer le niveau de responsabilités et de résultats

–       Evaluer et former en continu les talents

–       Généraliser les outils de développement personnel et professionnel (coaching, mentoring, challenging, cocooning)

–       Faire des managers et des seniors des développeurs de talents

–       Apprendre aux talents à se valoriser

–       Développer des « global leaders »

Fidéliser les talents Motiver et fidéliser –       Comprendre les facteurs motivationnels

–       Développer l’engagement des employés

–       Rémunérer les talents

–       Valoriser les performances exceptionnelles

–       Investir dans la qualité des conditions de travail et la reconnaissance au quotidien

–       Organiser la mobilité interne à l’international

–       Diminuer le turn-over des « rapatriés » (gestion des retours des expatriés)

–       Repenser les plans de succession et évolutions de carrière

–       Communiquer en interne sur les pratiques de management des talents

Ce tableau montre que d’une manière générale, la mise en œuvre de la gestion des talents se fait en trois étapes : le recrutement des talents dont l’entreprise a besoin, leur développement et enfin, leur fidélisation.

Les interviewés n’ont pas fait mention de recrutement de talents externes, mais ont identifié les talents aptes à la mobilité internationale parmi les ressources disponibles. Ces talents d’intérêt sont poussés pour aller vers l’international. L’intégration fait appel aux interventions d’un parrain. RH1 en fait mention : « Un parrain est désigné pour l’accompagner dans son intégration dans l’entreprise mais également, pour l’assister dans ses missions au tout début ». Une fois intégrés au sein de l’entreprise d’accueil, les missions des employés sont évalués par les supérieurs hiérarchiques de l’entreprise d’origine, mais également de ceux de l’entreprise d’accueil.

En ce qui concerne le développement des talents, les répondants ne mentionnent pas directement la stratégie mise en place par leurs entreprises respectives afin de développer les talents en mobilité internationale. Par contre, ils ont mentionné le fait que ces personnes étaient régulièrement suivies dans leurs progressions au sein de la société. Les stratégies de fidélisation non plus n’étaient pas mentionnées par les répondants. Cela pourrait prouver l’absence de stratégies de fidélisation mise en œuvre par l’entreprise d’origine pour que les talents développés reviennent chez elles. Seul, le RH1 n’a pas éprouvé de problèmes particuliers à retenir les salariés mobilisés à l’international. Pour lui, « le pourcentage de départ est de l’ordre de 15% mais correspond plus au turnover habituel de l’entreprise pour les postes considérés ». Le RH4 n’a pas mentionné de stratégies de fidélisation des employés. Certes, il reconnait la difficulté à retenir les employés, mais il trouve quand même que dans la majorité des cas, les départs sont peu nombreux comme il le dit lui-même : « Parfois, on éprouve des difficultés à faire revenir le salarié qui veut rester sur place mais généralement, cela se passe bien. Jusqu’à maintenant, on n’a aucune démission suite à un retour d’expatriation dans les trois ans qui ont suivi ».

Le RH3 constate aussi que la fidélité du salarié dépend de son statut, de son poste au sein de l’entreprise d’accueil. Ainsi, « il ya peu de démission de ces salariés car ils considérés comme des talents et beaucoup de mesures sont mises en place pour favoriser la rétention. Pour les salariés en mobilité internationale, il y a peu de retour car une fois les mouvements validés, ceux-ci sont gérés totalement par la filiale d’accueil… leur contrat avec leur entité d’origine est rompu ». Le RH2 montre un autre cas où il devient difficile de retenir les employés mobilisés à l’international : « On a des cas de directeur de site qui sont en poste depuis de nombreuses années et qui finiront sans doute leur carrière à l’international ».

  1. La sélection et la gestion des talents externes

La gestion des ressources humaines ne devrait pas être considérée uniquement au niveau d’une seule entreprise, mais à l’échelle internationale. Il s’agit de sélectionner les talents stratégiques internationaux et de mettre en œuvre des stratégies pour permettre aux employés de se mobiliser à l’extérieur. La technologie permet une plus grande aisance aux candidats pour postuler dans différentes entreprises dans le monde. L’entreprise peut également trouver des CV à partir des réseaux sociaux, ou des réseaux professionnels. Désormais, la gestion des talents devient internationale et les candidats doivent faire face à une compétition globale. Cette dernière est particulièrement observée au niveau des entreprises multinationales. Les entreprises doivent aussi refléter une image positive pour attirer les meilleurs talents vers elles (Farndale et al., 2010 : 162). D’autre part, elles devraient également être en mesure de trouver des moyens pour aider l’employé ainsi que son (sa) conjoint (e) à s’intégrer au sein de la société d’accueil (Loufrani-Fedida et Saint-Germes, 2015 : 116). Le tableau suivant montre le contexte et les enjeux de l’acquisition de ces talents externes et de leur développement en interne.

Tableau 2: Les différents contextes de recrutement externe et de développement interne des talents (source : Mundschau, 2013 : 22)

Contexte Recrutement externe Développement interne
Contexte économique Marché changeant, difficulté de se projeter vers l’avenir Vision du futur de l’entreprise/ des marchés
Spécificité des compétences Compétences peu spécifiques à l’entreprise, supposées facilement accessibles Compétences spécifiques nécessitant un long apprentissage
Culture d’entreprise Culture d’entreprise plus ouverte, facilité d’intégration et/ou possibilité d’apporter du « sang neuf » Forte culture interne, nécessité d’une longue appropriation des codes internes
Coût / disponibilité Coût externe : durée et coût du processus de recrutement, mesures éventuelles d’attraction Coût interne (ex. formation, mesures de rétention) disponibilité rapide de la ressource

Dans le cadre du recrutement de talents externes, l’entreprise doit être plus attractive par rapport à ses concurrentes aux yeux du candidat. L’attractivité de l’entreprise dépend de l’image qu’elle donne à ses employés en interne et aux candidats qui pourraient être intéressés par ses offres. La construction de cette image nécessite la mise en œuvre d’une stratégie pour améliorer la perception de l’entreprise et de son activité par l’employé. Cela passe par la construction d’une marque employeur au sein de laquelle, l’entreprise relate ses politiques, sa culture, les procédures qu’elle déploie pour gérer ses ressources humaines. C’est à travers de la marque employeur que l’entreprise pourra également retenir les talents externes qui intègrent l’entreprise[16].

Conclusion partielle

La mobilité externe constitue pour l’entreprise, une démarche d’optimisation de sa productivité et de son organisation. Elle garantit en effet, la construction de capital humain et d’une société de connaissances qui constituent un avantage concurrentiel difficile à imiter par les concurrents. La mobilité externe garantit les échanges entre différents acteurs et par conséquent, l’innovation au sein des organisations et une nouvelle vision des situations problématiques. De ce fait, elle permet à l’entreprise d’avoir aussi une nouvelle vision des démarches à mettre en place pour résoudre les problèmes. Mais en même temps, la mobilité externe favorise les relations interentreprises et interfiliales. A l’heure actuelle en effet, les relations professionnelles nouées entre les employés constituent des bases solides pour une association stratégique et une entraide mutuelle.

D’autre part, la mobilité externe permet aussi à l’entreprise d’acquérir de nouveaux talents sur le marché. Certes, les talents disponibles en interne sont aussi intéressants. Mais devant les exigences des consommateurs et l’importance d’innover pour rester sur le marché, les entreprises au lieu d’investir dans la formation de leurs collaborateurs, se lancent dans la mobilisation de ceux-ci dans une entreprise ayant les compétences sur un domaine spécifique. Elles en profitent entre autres pour entreprendre des changements organisationnels.

La mobilité professionnelle peut se faire d’un service à un autre dans le cadre d’une mobilité interne. Du point de vue externe, la mobilité peut se faire d’une localité géographique à une autre ou seulement, d’une filiale à une autre. Dans certains cas, il est possible de voir une mobilité de la maison mère vers les filiales ou des filiales vers la maison mère. Mais dans la plupart des cas, les employés sont mobilisés de la maison mère vers les filiales. Et c’est ce cas, qui est également fréquent chez les interviewés. Le processus de mobilité externe dans le cas des répondants interviewés est entrepris au niveau des employés internes qui sont envoyés en mission pendant un délai déterminé, à l’étranger afin d’acquérir les compétences et les connaissances requises par l’employeur.

Partie 2. La valorisation des acquis par les ressources humaines lors de leurs mobilités externes

Introduction partielle

La mobilité externe comprend trois phases : le recrutement et la préparation de l’individu à sa mission à l’étranger, l’intégration au sein de l’entreprise et le développement de ses compétences et enfin, la gestion du retour et la valorisation des acquis de l’expérience à l’étranger. Le retour du missionnaire dans son entreprise d’origine ne signifie pas la fin de la mission en soi. En effet, cette mission continue après la mission car, les acquis de l’expérience doivent encore être mis en évidence, évalués et exploités. Cela constitue encore un défi notable pour la fonction RH puisque c’est elle qui va devoir évaluer ces acquis et mettre l’individu à sa place de manière à ce qu’il puisse mettre à profit de l’entreprise toutes les compétences et les savoirs acquis à l’issue de sa mission.

Dans la première partie, il a été démontré que la mobilité externe constitue une démarche stratégique pour les entreprises actuelles. Dans cette deuxième partie, nous allons essayer de répondre aux deux questions suivantes : Comment évaluer les compétences acquises par les missionnaires ayant eu des expériences à l’étranger ? Quels pourraient être les démarches à mettre en place pour que les acquis des expériences à l’étranger soient mis à profit du salarié et de son entreprise ? Nous allons commencer d’abord par étudier les différents acquis lors de l’expérience à l’étranger. Ensuite, nous allons analyser les différents outils de valorisation des acquis des expériences à l’étranger, avant de déterminer à la fin, les enjeux de cette démarche de valorisation aussi bien au niveau de l’employeur qu’au niveau de l’employé.

  1. Les acquis lors de l’expérience à l’étranger
  2. Les connaissances, les compétences et les savoirs liés au poste et au marché

L’heure actuelle est marquée par de profondes et rapides changements des exigences des consommateurs et de la société en général, quant aux produits proposés par les entreprises. En recrutant de nouveaux employés à l’extérieur, les entreprises acquièrent non seulement de nouveaux talents, mais également des connaissances concernant le domaine d’activité de l’employé et du marché. Cela permet à l’employeur de faire une analyse sur ses potentiels par rapport à ses concurrentes mais également de mesurer, les possibles opportunités et menaces sur le marché. Par la même occasion, l’entreprise peut également avoir des connaissances concernant les clients et les marchés au niveau international, la culture des entreprises d’où les nouveaux talents émergent, leurs valeurs et les normes institutionnelles du pays d’où ils viennent (Basly, 2017 : 18).

Selon RH1, les postes proposés aux employés mobilisés à l’international répondent à ce besoin de connaître les caractéristiques et les enjeux de l’activité de l’entreprise dans une zone géographique bien déterminée. Il affirme à ce propos : « Ce sont des postes de manager ou de responsable sur une zone géographique donnée. Le salarié est en totale autonomie ou presque, avec parfois un responsable hiérarchique local. Il est en charge de coordonner son périmètre géographique. Avant son départ en mission, le poste est plus opérationnel et beaucoup moins stratégique ». Ce propos souligne l’aspect stratégique du déplacement du salarié à l’étranger parce que cela aide l’entreprise d’origine à comprendre ce qui se passe dans une zone géographique bien déterminée. RH4 conclut en disant : « De retour de mission, les salariés deviennent des référents sur la partie géographique considérée ».

Chez les multinationales, les cadres étrangers sont fortement requis car ceux-ci détiennent des connaissances importantes concernant des domaines spécifiques. Leurs entreprises de départ en effet, leur ont permis d’avoir plusieurs expériences qu’ils pourraient exploiter dans leurs nouvelles entreprises. Leurs connaissances leur permettent également de gérer les activités des entreprises à l’international (Farndale et al., 2010 : 164). Les employés étrangers sont aussi susceptibles de détenir les informations concernant les différentes démarches de production et de stratégies marketing développées par leurs entreprises de départ. Or, ces informations sont indispensables pour la nouvelle entreprise qui les accueille. Les nouveaux employés externes sont les mieux placés pour connaître la compétence organisationnelle de leurs entreprises de départ. En d’autres termes, les employés ayant fait des expériences à l’étranger sont des réservoirs de connaissances et de savoirs que la nouvelle entreprise pourrait exploiter. Pour ces professionnels, l’acquisition de ces connaissances leur inculque une manière de se comporter devant une situation. Cela constitue également un atout pour l’entreprise qui les accueille (Basly, 2017 : 19).

Les échanges de connaissances entre la maison mère et les filiales, les transferts de compétences entre les talents provenant de l’entreprise d’origine vers l’entreprise d’accueil et le cas inverse constituent des raisons qui poussent les entreprises à opter pour une mobilisation internationale de leurs employés. Vu que les contextes sont différents d’un pays à un autre, même s’il s’agit d’un même groupe, les entreprises n’ont d’autres choix que de faire des échanges et dans ce cadre, le RH2 affirme : « On s’attend à ce que le salarié tisse des relations avec l’entreprise d’accueil qu’il pourrait ensuite réutiliser lors de son retour. Cela permet les échanges entre pays et d’avancer plus vite sur les projets ».

Pour l’employeur, la mobilité internationale d’un collaborateur constitue une opportunité pour renforcer ses liens avec ses partenaires et pour augmenter son chiffre d’affaire dans la zone géographique en question. RH4 parle à ce propos : « De retour de mission, les salariés deviennent les référents sur la partie géographique considérée…sont amenés à gagner de nouveaux territoires et à repartir en mission s’ils le souhaitent…. C’est un tremplin car ils deviennent une véritable valeur ajoutée dans l’entreprise. Leur expérience avec les partenaires sur le terrain et après une mission dans un pays, l’activité et le chiffre d’affaires peut aller jusqu’à tripler ».

Mais ce ne sont pas uniquement les responsables RH qui constatent l’importance de la mobilité internationale sur la compétence et l’acquisition des compétences sur le marché étranger. Les salariés le confirment aussi. S1 y fait allusion en disant que « c’est un poste responsable pays où j’étais chargé de développer le marché ». Ce cas souligne bien que les missions des expatriés peuvent consister à caractériser le marché et à trouver des moyens efficaces pour le développer. S1 et S4 parlent outre à cela, de « nouvelles techniques commerciales complémentaires », puisque leurs expériences à l’étranger leur ont permis de comprendre les spécificités du marché et d’adapter par la suite, leurs stratégies à ces contextes particuliers.

  1. L’élargissement du réseau professionnel

Profitant de leurs voyages et de leurs expériences à l’étranger, les personnes mobiles à l’échelle nationale sont invitées à agrandir leurs réseaux professionnels par leurs propres moyens (Pellerin, 2011 : 63). La mobilité professionnelle à l’étranger permet d’aiguiser les compétences sociales de l’individu. A force de côtoyer des personnes issues d’autres disciplines et d’autres cultures, les expatriés sont les plus à même de discuter et de faire des échanges avec les autres. Ces compétences sociales sont indispensables pour améliorer les relations entre collègues ainsi que l’atmosphère de travail. Lors de l’encadrement des employés, les expatriés sont plus aptes à collaborer et à motiver leurs pairs (Barmeyer et Davoine, 2012 : 48).

La mobilité externe des employés élargit entre autre, le réseau professionnel de l’employeur, et pour renforcer les liens entre les filiales et la maison mère. Par ailleurs, les professionnels qui entrent en relation avec l’employé, pourraient aussi interagir avec l’employeur (Barmeyer et Davoine, 2012 : 48). L’établissement d’un capital humain par l’entreprise passe par sa capacité à favoriser les échanges entre les différents talents. Celles-ci pourraient constituer en effet, des sources de nouveautés et de collaboration (Daraut, 2010 : 142). Les grandes firmes favorisent les mobilités internationales dans le but de diffuser leurs savoir-faire, mais également la culture du groupe (Mérignac et Grillat, 2012 : 117).

Le RH1 dit à ce propos : « Lors du retour du salarié en expatriation, on attend à ce que les relations entreprise d’origine – entreprise d’accueil soient renforcées afin de fluidifier les échanges ». Les relations entre l’entreprise d’accueil et l’entreprise d’origine sont fortement requises par les responsables RH. Ainsi, RH2 affirme : « On s’attend à ce que le salarié tisse des relations avec l’entreprise d’accueil qu’il pourrait ensuite réutiliser lors de son retour. Cela permet les échanges entre pays et d’avancer plus vite sur les projets ». Il ajoute par la suite : « Chez Schneider, nous sommes très tournés vers l’international et on accorde comme dit précédemment une grande importance à la mobilité internationale, synonyme de vecteur de transfert de compétence et de cohésion intrafiliale ». Ces propos rejoignent les constatations selon lesquelles, la mobilité internationale favorise la création de liens avec de nombreux partenaires multidisciplinaires et permet d’élargir en même temps, les réseaux professionnels. Il en découle des talents multidisciplinaires qui vont faire des échanges entre eux (Point et al., 2012 : 17).

Pour les expatriés, la réussite de leur expérience réside sur sa capacité à s’adapter aux contextes locaux. Or, il a été démontré que plus les expatriés sont aptes à nouer des liens sociaux de la part des communautés locales et des groupes d’autres expatriés, plus ils sont capables de surmonter leurs stress et s’intégrer facilement dans le pays hôte. C’est également un moyen pour renforcer l’adaptation interculturelle (Mérignac et Grillat, 2012 : 117). Pour les entreprises, les liens noués avec des cadres, des travailleurs de différents niveaux hiérarchiques et de différentes disciplines sont intéressants pour obtenir des conseils, des informations, des expertises. Ils peuvent même devenir des personnes ressources auxquelles, l’entreprise peut se fier (Mérignac et Grillat, 2012 : 127). Pour les expatriés, la création de réseaux professionnels conduit à faciliter leur visibilité quand il y a des opportunités qui se présentent. Les réseaux professionnels aident les expatriés à trouver leurs places au sein de l’organisation sans passer pour autant, par la voie classique de recrutement (Guillaume et Pochic, 2010 : 44).

L’élargissement du réseau professionnel dépend de la capacité de l’individu à nouer des relations avec les autres et de son degré d’ouverture aux autres cultures. C’est ainsi que le RH4 dit : « Ils vont être confrontés à des manières d’aborder les partenaires différents que s’ils étaient restés en France ». Les salariés se montrent également satisfaits de l’expérience à l’étranger et de ses impacts sur leurs réseaux professionnels. S3 affirme : « Cela m’a permis aussi de faire la connaissance de tout le personnel de l’entreprise…. J’ai amélioré mes compétences managériales et différentes manières de travailler…nouvelles manières d’aborder les conflits et de les résoudre ». Les propos tenus par S3 démontrent que les nouveaux liens au sein de l’entreprise d’accueil lui ont permis non seulement d’avoir de nouvelles collaborations, mais surtout aussi de faire des échanges à travers ces réseaux professionnels pour avoir une nouvelle vision de la façon de résoudre les problèmes.

Un des défis majeurs dans l’élargissement des réseaux professionnels réside dans l’adaptation et l’ouverture de l’individu à de nouvelles cultures. Par ailleurs, cela constitue un des critères de sélection des candidats à la mobilité comme l’affirme RH4 : « Nous demandons à notre salarié une grande capacité d’adaptation et d’autonomie ». Et le salarié pour sa part, est amené à côtoyer des acteurs issus de différentes disciplines et différentes cultures. Or, pour pouvoir mener à bien ses missions au sein de l’entreprise d’accueil, il doit nouer des liens avec les professionnels sur place.

  1. Les compétences techniques

Les employés ayant fait des expériences à l’étranger ont une vision plus ouverte sur la stratégie et les approches adoptées par l’entreprise pour atteindre ses objectifs. Ils peuvent par conséquent, mettre en place une approche plus efficace pour répondre aux problèmes et aux enjeux de l’entreprise (Barmeyer et Davoine, 2012 : 48). Le cas de Toyota permet d’illustrer l’acquisition des compétences techniques par les personnels qui ont eu une expérience à l’étranger. La stratégie de Toyota consiste à faire des échanges avec des fournisseurs pour faire une rotation des postes des personnels. Ainsi, un ingénieur peut être envoyé dans la chaîne de montage pendant un certain temps, avant d’être muté par la suite dans un autre poste comme la direction de la division commerciale et ainsi de suite. Dans sa mobilité entre les entreprises et entre les postes, il acquiert des expériences lui permettant d’accumuler des connaissances pour créer un nouveau modèle de voiture. Une fois de retour de ces déplacements, il peut également apporter des remarques constructives et critiques sur les procédés techniques de Toyota permettant ainsi à la firme de perfectionner son mode de production (Daraut, 2010 : 137).

Les entreprises d’accueil des employés possèdent souvent des potentiels que l’entreprise d’origine n’a pas. Ainsi, en mobilisant ses personnels, elle espère que ceux-ci puissent acquérir de nouvelles compétences techniques dans le domaine qui l’intéresse. Chez Motorix par exemple, certains employés étaient partis avec une seule compétence et en venant à l’étranger, leurs échanges avec les acteurs locaux leur ont permis d’acquérir de nouvelles connaissances (Barmeyer et Davoine, 2012 : 49). D’autre part, dans un contexte de compétition globale et de différence au niveau de l’adoption de nouvelles technologies, l’innovation constitue un défi majeur. En effet, pour attirer les consommateurs, les entreprises sont amenées à faire des innovations et dans la plupart des cas, celle-ci se fait à travers le recours à une technologie sophistiquée tout en veillant à proposer des services et des produits à des prix très compétitifs (Schuler et al., 2011 : 508).

Avec l’évolution des attentes des consommateurs, et la nécessité d’y répondre, de nouveaux emplois sont créés et les personnes qui occupent un poste stable se trouvent dans l’obligation de reconsidérer leurs visions du travail. En d’autres termes, ils sont contraints de développer des compétences additionnelles à travers l’acquisition d’expérience dans d’autres postes ou dans des firmes étrangères même (Schuler et al., 2011 : 509). Cela a été observé en Inde par exemple. De nombreux Indiens ont décidé de se mobiliser dans des pays étrangers notamment aux Etats-Unis pour exercer des métiers dans le domaine de la technologie de l’information. Or, ce domaine demande des compétences très spécifiques, ce qui encourage l’employeur à mettre en place des stratégies pour attirer les immigrés Indiens à revenir en Inde (Varrel, 2009 : 270).

Aussi bien les responsables RH que les salariés ont reconnu l’acquisition de compétences techniques de la part des expatriés. Dans certains cas, les salariés travaillent sur un projet similaire ou sur le même projet mais en abordant un autre aspect de la question pour créer chez lui, une certaine compétence et une capacité de réflexion ainsi qu’une réactivité devant une situation. S4 a dit à ce sujet : « Ce sont des projets complémentaires.  Je reste dans la continuité de mes projets mais je suis amené à développer mon activité plus facilement ».

Les expériences à l’étranger conduisent souvent à l’acquisition de nouveaux savoirs sur les métiers. Parfois, les expatriés acquièrent un poste complètement différent de celui qu’ils détenaient à leur départ. Mais parfois aussi, il peut s’agir d’un même poste mais avec des responsabilités élargies. En restant au sein d’un seul pays, l’individu n’a pas une vision plus ouverte sur la question et sur les moyens de résoudre le problème. Par contre, en côtoyant de nouveaux milieux, il peut très bien être en mesure de savoir ce que ses homologues font pour faire face à la situation. Ainsi, S3 parle des acquis de son poste à l’extérieur : « Je me suis retrouvé directeur de site et cela m’a permis de me familiariser avec des facettes du métier que je ne connaissais pas ». D’après lui donc, chaque métier peut comporter plusieurs facettes qui restent à découvrir grâce à une ouverture d’esprit. Et cela est étayé par le RH4 qui dit que les expatriés « vont être confrontés à des manières d’aborder des partenaires différents ».

Ces faits semblent être en cohérence avec les différentes compétences pouvant être acquises par les salariés en mobilité internationale comme la rapidité dans la prise de décision avec une plus grande autonomie parce que le contrôle fait sur l’individu n’est plus aussi important que dans l’entreprise d’origine. Mais cette expérience constitue entre autres, une opportunité pour prendre en charge des missions diverses qui ne sont pas toujours assignées à l’individu dans son entreprise d’origine. Parmi elles se trouvent par exemple, la gestion d’une équipe pluridisciplinaire et plus élargies, la conception de projets, etc.[17]

  1. Les échanges culturels

Les échanges culturels constituent une des raisons de la mobilisation des employés à l’étranger. L’objectif en est de s’imprégner des cultures locales et d’adapter les stratégies de la maison mère avec le contexte des filiales à l’étranger. Cela permet entre autres, de renforcer les liens entre les filiales et la maison mère. Cela est constaté par exemple chez le groupe allemand Motorix, spécialisé dans la production d’automobiles. Ces échanges culturels conduisent à l’acquisition de compétences culturelles des employés (Barmeyer et Davoine, 2012 : 47). Les employés qui ont déjà côtoyé de nombreuses cultures sont ceux qui sont les plus susceptibles de montrer une forte capacité d’adaptation à un environnement multiculturel. Certes, les formations interculturelles permettent d’ores et déjà à l’employé d’accepter et de se familiariser aux autres cultures, mais le déplacement dans les pays étrangers, ayant une culture autre que le pays d’implantation de son entreprise de départ constitue un atout (Dziatzko, 2016 : 398).

Nos répondants RH ont évoqué l’importance des compétences culturelles  pour l’entreprise d’origine. Ainsi, l’employeur déploie des stratégies pour faciliter l’acquisition de cette compétence culturelle chez les individus en mobilité internationale. RH3 s’explique sur ce point : « Quel que soit le statut (expatriation ou mobilité internationale), le salarié a droit à des cours de langue du pays d’accueil. La formation interculturelle est toujours mise en place en situation d’expatriation et laissée à l’appréciation du manager dans le cas d’une mobilité internationale ». Et RH4 ajoute aussi : « Des formations interculturelles et des cours de langues sont données sur demande en fonction des besoins du salarié ». Mais en retour, l’entreprise d’origine lui exige « d’être plus proactif et agressif sur le terrain en s’imprégnant de la culture, de la vie locale, … de s’intégrer à la culture locale ».

Les expériences à l’étranger permettent aux employés entre autres, de parler la langue de leurs pays hôte et d’adopter en même temps, leurs comportements. Les personnes ayant des expériences riches à l’étranger sont les plus à même de comprendre et d’expliquer les différences entre les comportements et les cultures de leurs entreprises de départ et de leurs entreprises d’accueil[18]. De ce fait, les personnes qui sont mobilisés à l’étranger sont celles qui feraient preuve de compétences culturelles élevées. Pourtant, force est de constater que 5% des travailleurs ayant fait des expériences internationales seulement montrent cette compétence interculturelle. Il existe en effet un seuil pour l’acquisition de cette dernière[19].

Chez les salariés interviewés, le départ à l’étranger est motivé par la curiosité et le désir de découvrir les autres cultures. Pour S1 par exemple, ses origines l’ont motivé à s’ouvrir à l’international et à travailler dans un domaine lui permettant de s’ouvrir à d’autres cultures. « Personnellement, je suis sorti des études et j’ai une double culture franco-mexicaine et j’ai toujours voulu travailler à l’international. Et c’est donc tout naturellement que j’ai choisi Mersen qui proposait à l’époque, des offres à l’international ». La même motivation a également été retrouvé chez S4 qui dit « J’étais célibataire et l’envie de m’enrichir culturellement a été la plus forte ». Cependant, leurs compétences culturelles réelles après leur déplacement à l’étranger semblent encore difficiles à jauger. Les répondants ont seulement avancé leur satisfaction quant à la découverte de nouvelles cultures. S4 parle à ce sujet : « J’ai la possibilité d’être sur place et de m’adapter à la culture locale ».

Aucun salarié ne parle de la valorisation de leurs compétences culturelles ni de moyens mis en œuvre par leurs employeurs pour évaluer leurs compétences culturelles. Par ailleurs, il semble difficile d’évaluer les compétences culturelles d’un individu par rapport à ses autres formes de compétences. Néanmoins, pour les individus, l’expérience à l’étranger constitue une démarche importante pour la construction d’un capital international c’est-à-dire, pour pratiquer d’autres langues et pour découvrir des cultures étrangères. Pour certaines catégories de travailleurs ayant subi des formes de discriminations comme les femmes par exemple, ont eu l’opportunité de se mettre sur le même pied d’égalité que les hommes lors de leurs déplacements à l’international. Ceci est rencontré particulièrement dans les pays européens (Guillaume et Pochic, 2010 : 40).

  1. Les outils de valorisation des acquis des expériences à l’étranger
  2. La valorisation des acquis de l’expérience (VAE)

La valorisation des acquis de l’expérience s’inscrit dans le cadre d’une politique d’apprentissage et du développement des compétences et des connaissances de l’entreprise[20]. La VAE permet à toute personne de valoriser ses acquis de l’expérience et d’obtenir un diplôme lui permettant de décrocher une profession ou un certificat de qualification professionnelle. La VAE découle principalement d’initiatives personnelles, mais certaines entreprises proposent d’accompagner leurs salariés dans ce dispositif de VAE. Mais dans ce cas, l’entreprise n’accompagne pas un seul mais plusieurs employés d’où la naissance d’une VAE collective (Nicolas et Renault, 2014 : 108). McDonald par exemple, a permis à ses employés de faire de la VAE une opportunité pour accéder à des postes plus prometteurs et à développer leur carrière. La VAE agit entre autres, comme étant un facteur pour développer l’image de soi des employés. Cependant si la grande firme reconnait et valorise les acquis de ses employés en apprenant sur le tas, force est de constater que le niveau de qualification qu’il délivre reste bas (Nicolas et Renault, 2014 : 122).

La VAE s’inscrit également dans le cadre de la formation tout au long de la vie afin de constituer un capital humain au sein de l’entreprise. En effet, de plus en plus d’entreprises sont conscientes de la nécessité de baser leur performance et leurs réussites non seulement sur des actifs tangibles, mais aussi sur des actifs intangibles dont la connaissance. Les expériences personnelles ou professionnelles des individus leur permettent d’accéder à certains savoirs, à des propositions de formation dans les universités. Mais pour l’entreprise,   il s’agit d’un moyen pour renforcer son capital humain. L’individu valorise en effet des compétences qui pourraient être utiles à l’employeur[21].

La VAE peut découler des initiatives de l’employé, mais pour l’entreprise, il s’agit principalement d’une politique de ressources humaines. Pour l’employé, la VAE permet de garantir qu’il détient toutes les compétences assurant son employabilité au sein des l’entreprise. Cette dernière pour sa part, peut bénéficier de l’amélioration de son image vis-à-vis de ses employés voire même, des parties prenantes externes. La VAE permet de fidéliser et de professionnaliser les employés tout en réduisant les coûts liés à la formation des employés[22].

Lors de nos entretiens, aucun répondant n’a fait allusion à la VAE. Il semblerait que les employeurs mettent en œuvre d’autres stratégies pour valoriser les acquis des expériences de leurs employés à l’étranger. Dans ce cadre, ils procèdent non plus à l’attribution de diplômes ou de qualifications pour les personnes ayant fait une expérience à l’étranger mais les proposent des postes à plus hautes responsabilités, symbolisant ainsi, la validation et la reconnaissance des compétences qu’ils ont acquis lors de leur mobilité internationale. Dans cette optique, à leur retour dans l’entreprise d’origine, les expatriés et ceux qui ont fait une mobilité internationale ont tous évoqué le fait d’avoir eu un poste.

Deux sur quatre responsables RH affirment que les employés ayant bénéficié d’une expérience à l’étranger vont avoir des postes tournés vers l’international. RH1 s’exprime ainsi : « A leur retour, les salariés se voient proposer des postes à responsabilités qui ont été déterminés avant leur départ. Ce sont tous des postes tournés vers l’international ». RH3 pour sa part, parle du cas particulier des directeurs et des cadres qui ont été mobilisés à l’international : « Pour les DG, cela correspond souvent au jeu de chaises musicales. Lorsque l’un quitte un pays, il est remplacé par un autre et lui-même, rentre soit à la maison mère pour accéder à un poste corporate plus important, soit, pour partir en mobilité au sein d’une autre filiale ». RH4 donne une vision plus générale de la situation : « De retour de mission, les salariés deviennent les référents sur la partie géographique ».

Les salariés eux aussi, bien qu’ils n’aient pas mentionné de validation des acquis de l’expérience lors de leur retour, parlent de valorisation de celle-ci à travers l’acquisition de postes stratégiques. Deux des trois salariés interviewés disent avoir obtenu un poste intéressant après leur expérience à l’étranger. Ainsi, S1 dit : « C’était le poste pour lequel, j’ai postulé. C’est un poste responsable pays où j’étais chargée de développer le marché ». et S4 ajoute : « Je me suis retrouvé general manager aussitôt que j’ai pris mon poste. Ce poste, je n’aurais pas pu le prendre sans partir à l’étranger ». Ainsi, l’employabilité des employés suite à leurs expériences professionnelles n’est plus remise en question par l’employeur. Certes, ils n’attribuent plus une VAE pour récompenser l’employé pour ses efforts, mais il lui accorde directement un poste à la hauteur de ses attentes.

  1. L’évaluation des employés après leurs expériences à l’étranger et la reconnaissance de l’expérience professionnelle

L’expérience à l’étranger devrait conduire à une meilleure connaissance du marché, une compétence technique, à l’élargissement du réseau professionnelle et à une compétence interculturelle. De ce fait, il serait possible de baser l’évaluation des personnels mobilisés à l’étranger sur ces quatre points. La compétence interculturelle devrait conduire à une plus grande adaptabilité de l’individu face aux situations qui se présentent. Dans ce cadre, il existe une échelle de mesure qui reprend les différentes facettes de cette adaptabilité notamment, sa confiance quant à ses compétences techniques, la capacité de l’individu à substituer les éléments présents dans son pays d’origine par d’autres présents sur son pays hôte, sa capacité à nouer des liens professionnels ou amicaux avec les communautés locales ou avec d’autres personnes étrangères à son service, sa capacité à communiquer devant les autres et avec leur langue. Les employeurs peuvent entre autres évaluer la capacité d’ouverture de son employé, notamment sa capacité à comprendre la culture des autres, sa capacité à lutter et à vaincre les stress imposés par son retour de l’étranger. Afin d’évaluer l’expérience internationale du travailleur, l’employeur peut lui demander la durée de sa mobilité internationale[23].

Dans d’autres cas, l’évaluation des acquis de l’expérience des professionnels se fait à travers des entretiens de positionnement. Ce type d’entretien permet à la fois de déterminer les situations professionnelles auxquelles, les employés ont été confrontés, le vécu de l’individu et les activités qu’il a accomplies au sein de l’entreprise étrangère[24]. Certaines entreprises disposent de référentiels qui leur permettent de recenser les différentes compétences acquises par le travailleur dans le cadre de l’accomplissement de leurs missions. Ces référentiels constituent donc des outils de reconnaissance des acquis d’expérience des salariés. Cependant, les entreprises ne voient que les compétences acquises de manière formelle dans le cadre d’expérience formatrice[25].

Dans les cas de nos répondants, l’évaluation des professionnels qui réalisent une mission à l’étranger se fait à travers les entretiens annuels. Le RH1 s’exprime à ce propos : « Les salariés restent dans le processus des entretiens annuels d’évaluation et des entretiens professionnels de l’entreprise d’accueil. Et en tant que RH, nous suivons de près ces entretiens car, ils sont importants pour nous lors du retour en France…. Il existe également des entretiens dans l’entreprise d’accueil dans la mesure où tous les six mois, un point est fait entre le salarié, le parrain et l’entreprise d’accueil ». RH2 expose une autre approche pour évaluer les salariés au sein de l’entreprise : « Cela dépend du poste mais effectivement, lorsque le salarié a un supérieur hiérarchique (pas un directeur), il y a une évaluation qui se fait à peu près tous les trois mois entre nos services en France et nos services en pays d’accueil. Cela nous permet de jauger le salarié et de préparer au mieux son retour ».

Du côté des salariés, ce lien avec l’entreprise d’origine est aussi mentionné et contribue à la reconnaissance des progressions du missionnaire. Mais en même temps, des entretiens réguliers sont effectués pour évaluer leurs acquis. Pour les salariés, il s’agit d’une opportunité pour décrocher des emplois très intéressants. S1 dit alors : « J’ai toujours eu une évaluation professionnelle où je leur avais fait part notamment de mes différents désirs en termes d’évolution ». Pour certains, cette évaluation a ouvert la voie à de nouveaux postes comme le cas de S4 : « J’ai toujours eu une évaluation professionnelle où je leur avais fait part notamment de mon désir de repartir à l’étranger. Ce souhait a été pris en compte puisque mon expatriation est prévue pour cette année ».

  • Les enjeux de la valorisation des expériences acquises lors des déplacements à l’étranger
  1. Les enjeux liés à la différence de culture entre l’entreprise de départ et l’entreprise d’accueil

La différence de culture cause toujours un problème tant du côté du salarié que du côté de sa famille. Au moment de départ, différents dispositifs sont mis en place par l’employeur pour faciliter l’intégration du salarié dans le pays d’accueil. Ces dispositifs sont efficaces et l’intégration du salarié peut se faire sans difficulté. Néanmoins, au moment du retour, le contexte connu par le salarié peut être différent du contexte qu’il va observer lors de son retour (Guillaume et Pochic, 2010 : 45). Le retour du salarié dans son pays d’origine après sa mission à l’étranger s’accompagne souvent du choc culturel à l’envers caractérisé par des changements au niveau du mode de vie, de la perte du statut social et du changement des habitudes par rapport aux anciennes habitudes dans le pays d’accueil. La grande majorité des expatriés (75%) enregistrent une baisse de niveau de vie une fois qu’ils rentrent chez eux. Outre à cela, des études montrent que les compétences acquises à l’étranger ne sont pas toutes valorisées chez le pays d’origine. Ainsi, le tiers des expatriés seulement exploitent et valorisent leurs acquis à l’étranger, ce qui conduit à des frustrations[26].

Les problèmes d’adaptabilité surviennent lorsque les expatriés ou les immigrés retournent chez eux. Dans le cas des informaticiens indiens qui ont travaillé en Amérique, même s’ils ont l’occasion de rentrer chez eux, ils doivent encore se réadapter à la situation locale. L’adaptation aux nouvelles méthodes de travail, d’encadrement et d’organisation des entreprises indiennes sont souvent pénibles parce que les employés se sont déjà habitués aux méthodes et aux modes de gestion américains. Devant ce fait, les acquis des expériences des travailleurs à l’étranger ne sont d’aucune utilité ou ne donnent que de faibles résultats. La culture d’entreprise ne peut être en effet « globale » même si les entreprises vivent dans un contexte de globalisation. En ce sens, les techniques et les compétences acquis d’un pays ne sont pas forcément applicables au niveau d’un autre pays à cause de la différence de culture (Varrel, 2009 : 274).

Les répondants par contre, n’ont pas mentionné de problèmes relatifs à leurs retours d’expatriation. Ceci pourrait provenir du fait que les retours soient bien gérés à l’avance. RH1 par exemple explique le mode de gestion des retours d’expatriation au sein de son établissement : « Pour les missions temporaires, les retours sont préparés généralement au départ du salarié et peut être affiné avec les retours de son évaluation dans le pays d’accueil….Les retours sont programmés au moins six mois à l’avance, en lien avec le supérieur hiérarchique local (s’il existe) et le RH dans l’entreprise d’origine ».

Mais ce ne sont pas uniquement les responsables RH qui se montrent satisfaits des approches de gestion des retours d’expatriation mais également, les salariés. Les raisons qui facilitent leurs retours d’expatriation peuvent être diverses. S1 dit qu’il a fait un « excellent retour. J’ai même pu participer au développement d’un nouveau marché. J’ai su à l’avance (un an avant mon retour), les postes que l’on me proposait ». S3 pour sa part, pense que l’absence de difficultés liées à son retour provient du lien fort qu’il a établi avec l’entreprise d’origine comme il l’explique : « Je n’ai pas à me plaindre de mon retour d’expatriation et lorsque je suis rentré, je n’avais pas l’impression d’être parti tant le lien avec Servier était permanent ».

La même stratégie a été adoptée par l’entreprise de S4 qui dit que son « retour d’expatriation s’est déroulé parfaitement puisque j’ai toujours été en contact avec Snetor France ». Ces différents faits tendent à montrer que les entreprises sont conscientes des enjeux relatifs au choc culturel et au bouleversement lié au retour d’expatriation. Pour pallier à ces problèmes, ils ont donc opté pour une préparation à l’avance et pour l’établissement d’un lien fort avec l’employé pour le soutenir mais également, pour le fidéliser et l’inciter à valoriser ses compétences acquises dans le cadre de ses missions à l’étranger, au sein de son entreprise d’origine.

  1. Les enjeux relatifs aux salariés

Les acquis de l’expérience lors de la mobilité à l’étranger devraient être transmis aux collègues de travail pour pouvoir atteindre les objectifs communs. Et pourtant, force est de constater que les expatriés ne sont pas toujours disposés à partager leur connaissances et leurs compétences avec leurs pairs. Les écarts provoqués par la distance géographique entre l’employé et son réseau professionnel interne pourraient d’autre part, pousser l’employé à s’isoler et à garder ses acquis professionnels (Barmeyer et Davoine, 2012 : 50).

Dans le cas de nos répondants, l’isolement et le non partage des expériences n’a pas été trouvé et ce, malgré l’absence de structure formelle ou informelle permettant d’échanger les expériences professionnelles. RH1 affirme à ce propos : «Non, rien de formel à ce niveau. C’est quelque chose à mettre en œuvre ». Tous les autres responsables RH ayant répondu à nos questions parlent aussi de l’inexistence de cette structure. Néanmoins, deux sur quatre responsable RH cherchent une alternative pour compenser ce manque et pour permettre le partage d’expérience entre employés ayant eu des expériences à l’étranger et employé en interne. Pour RH2, les expatriés sont sollicités lors de la prise de décision dans les filiales. Elle affirme à ce propos : « Chez Schneider, il n’existe pas encore de structures clairement définies mais entre RH, nous nous arrangeons pour faire participer ces anciens expatriés lors des décisions qui doivent être prises dans nos filiales ». Pour RH4, l’absence de structure formelle de partage d’expérience ne constitue pas un problème parce que la petite taille de l’entreprise empêche l’isolement entre les expatriés et les employés en interne. Il s’exprime comme suit : « Pas de structures mais notre société n’a pas la taille d’un grand groupe donc les contacts sont plus faciles entre salariés ».

Les propos des responsables RH sont corroborés par les salariés. S1 dit : « Avec les anciens expatriés, on se voit souvent ». La même tendance est revue chez S4 : « Entre anciens expatriés, on a pour habitude d’échanger nos expériences. Cela créé un lien qui nous permet d’échanger et d’apprendre des nouvelles techniques commerciales et d’appréhender à mieux le client ». Outre à cela, les trois salariés interviewés ont tous mentionné leur sollicitation dans certaines situations. Pour S1, il joue « un rôle de conseiller auprès des nouveaux futurs expatriés ». S3 pour sa part, est « régulièrement sollicité pour des décisions à prendre dans mon ancienne filiale d’accueil. A ce jour, je n’ai pas été sollicité lors de l’envoi de nouveaux salariés en mobilité internationale ». Il faut remarquer dans ce dernier propos, que S3 montre que ses compétences sont beaucoup plus valorisées dans son entreprise d’accueil que dans son entreprise d’origine. Enfin, pour S4, « Le RH… me sollicite effectivement tout comme les anciens expatriés pour « jauger » les nouveaux expatriés ».

Les employés qui se déplacent à l’extérieur détiennent de nombreuses connaissances à l’issue de leurs expériences. Mais dans la grande majorité des cas, les déplacements sont plus fréquents chez les jeunes que chez les employés âgés. Bien que considérés comme étant des détenteurs de savoirs et de compétences, les personnes âgées sont moins sollicitées par les entreprises parce qu’elles sont jugées moins adaptables par rapport aux jeunes diplômés. Par ailleurs, bien qu’ayant des expériences en interne ou en externes, ils ne sont plus à même de fournir des travaux intenses. Dans cette optique, l’employeur pourrait voir chez les personnes d’âge avancé un investissement supplémentaire mais dont la rentabilité est faible (Dupray et Recotillet, 2009 : 35).

Les employés qui ont eu une expérience à l’étranger sont aussi susceptibles de quitter leurs entreprises hôtes au même titre que leurs entreprises de départ. Les contrats stables et les postes stables permettent à l’individu de construire son identité. Par contre, les postes détenus pendant un certain moment seulement à l’étranger pourrait traduire la seule volonté du salarié de gagner plus d’argent. Il peut de ce fait, ne pas être très impliqué dans son travail. Les employés qui travaillent à l’étranger peuvent manquer de motivation vu les sacrifices et les contraintes que cette situation entraîne. Ainsi, ils ne peuvent être considérés que comme étant des ressources qui viennent uniquement compléter une absence ou un manque passager (Lillie et al., 2014 : 227). Les interviewés n’ont pas mentionné d’importants départs des personnes en mobilité internationale. Ils ne se sont pas non plus plaints d’un manque d’implication de la part des expatriés ou des salariés en mobilité internationale. Cela pourrait provenir du fait que les postes qui ont été proposés aux salariés en mobilité sont déjà préparés avant leur retour et que les suivis soient rigoureux, ne permettant pas à l’employé de négliger ses missions à l’étranger.

Puis, il y a les enjeux relatifs à la vie familiale des employés qui ont eu des expériences à l’étranger. Leurs conditions de retour ne coïncident pas toujours à leurs attentes et à celles de leurs familles. Pour illustrer ce fait, il y a le cas des informaticiens indiens qui ont travaillé aux Etats-Unis dans le secteur de la technologie de l’information. Certes, ils ont acquis de nombreuses compétences techniques spécifiques faisant d’eux des candidats très intéressants pour les recruteurs. Ces derniers décident alors de les recruter et ils reviennent en Inde. Seulement, les sièges de ces entreprises se trouvent très loin des villages natales des recrutés. Par conséquent, ceux-ci doivent trancher entre leurs carrières et leurs vies de famille (Varrel, 2009 : 273 – 274).

  1. La faille au niveau de l’offre d’emploi à proposer aux expatriés

Dans la plupart des cas, les mobilités externes sont considérées comme étant des opportunités qui s’offrent aux employés qualifiés. Chez les pays moins développés, les personnes ayant suivi des formations approfondies et qualifiées sont encouragées à postuler pour un poste à l’étranger et plus particulièrement, dans les pays développés. Mais il a été observé que la mobilité externe peut également concerner les employés ayant peu ou pas de qualifications. Ceci vient du fait de l’écart entre les conditions de travail dans les pays d’origine des candidats qui postulent pour un poste, et les conditions imposées par l’entreprise qui recrute (Pellerin, 2011 : 59). Ce cas a été mentionné notamment par RH2 : « On a également un programme destiné aux nouveaux arrivants leur permettant de commencer directement par une mobilité internationale pour un à deux ans ». Dans cette figure, les employés ayant été mobilisés à l’international peuvent ne plus revenir au sein de l’entreprise d’origine causant ainsi, une faille au niveau des talents disponibles en interne.

Par ailleurs, les entreprises ne parviennent pas toujours à valoriser les compétences et les acquis des expériences à l’étranger de leurs employés. Il n’est pas rare de constater que les nouveaux postes confiés aux expatriés n’exploitent plus les acquis dans le cadre de la mobilité externe (Barmeyer et Davoine, 2012 : 50). Il faut mettre une réserve quant à la capacité des personnes ayant eu une expérience à l’étranger à trouver du métier. Il semblerait en effet que la facilité d’acquisition de nouveaux postes plus prometteurs pourrait être observée et être variée en fonction des activités principales du pays et du secteur d’activité de l’employé. Ainsi, les Indiens qui ont quitté l’Inde pour rejoindre les Etats-Unis n’auront pas beaucoup de mal à trouver un poste en Inde. Ils rentrent chez eux et valorisent leurs acquis à l’étranger pour trouver un poste d’encadrement dans les grandes firmes indiennes. Une progression de carrière est alors observée dans ce cas (Varrel, 2009 : 270).

La mobilité internationale ne demande pas uniquement, la préparation des postes que l’individu va occuper lors de son retour de mission. Nous avons vu au fil de notre analyse théorique qu’il existe des facteurs personnels qui influencent aussi cette réussite du retour d’expatriation notamment, le statut familial de l’expatrié, sa culture, etc. Le retour d’expatriation demande donc la préparation du retour professionnel incluant le poste qui sera occupé par le salarié et son suivi, mais également le retour personnel englobant d’autres éléments comme la situation familiale, le contre-choc culturel, etc. Le tableau suivant montre les différents aspects de la gestion du retour d’expatriation des personnels mobilisés à l’international chez les firmes multinationales (FMN) et les organisations non gouvernementales (ONG).

Tableau 3 : Comparaison des stratégies de gestion du retour des salariés mobilisés à l’international chez les ONG et les FMN (source : Garbe et Vignal, 2014 : 9)[27]

  Retour personnel Retour professionnel
Accompagnement logistique Préparation au contre-choc culturel Prise en compte de la situation familiale Suivi du salarié Poste suite au retour
FMN Bien pris en considération Très peu pris en considération Peu pris en considération Pris en considération Pris en considération
ONG Très peu pris en considération Très peu pris en considération Très peu pris en considération Peu pris en considération Pris en considération

Ce tableau montre deux cas de figures très différents chez les FMN et les ONG. En ce qui concerne le retour personnel, les ONG ne prennent pas en compte de l’accompagnement logistique, du contre-choc culturel ou de la situation familiale de l’employé. Les FMN pour leurs cas considèrent bien l’accompagnement logistique. La situation familiale des expatriés est peu considérée, mais le contre-choc culturel n’est pas du tout pris en compte. Il semble alors que les FMN mettent en œuvre dans leurs stratégies des éléments du retour personnel contrairement aux ONG. En ce qui concerne le retour professionnel, le suivi du salarié et le poste suite au retour sont bien considérés chez les FMN. Au contraire, chez les ONG, seul le poste au retour de la mission à l’étranger est pris en compte. Le suivi du salarié n’est pas suffisamment réfléchi chez les ONG.

En se tournant vers nos répondants, nous constatons que la mobilité externe leur a permis de faire évoluer leur carrière mais en même temps, il semblerait que cela leur a permis d’exploiter leurs acquis expérientiels à l’étranger. Ceci est retrouvé dans le tableau suivant :

Tableau 4 : Les différents postes des salariés interviewés après leur mobilisation à l’étranger

N° répondant Poste occupé après mobilisation
S1 Je suis devenu responsable de plusieurs pays
S3 Je suis devenu responsable au niveau de ma zone géographique alors qu’au début, j’étais simplement chargé de mission
S4 Je suis devenu general manager sur mon compte et on m’a proposé de m’occuper des autres secteurs géographiques

Il semblerait que ces postes soient à la hauteur des attentes des interviewés. La réussite de cette évolution de carrière par le biais de la mobilité internationale semble découler de la stratégie générale de mobilité internationale de l’employeur. Avant même de partir à l’étranger, les objectifs stratégiques des missions de l’employé à l’étranger sont déterminés ainsi que son poste après la mission comme l’affirme RH1 : « A leur retour, les salariés se voient proposer des postes à responsabilités qui ont été déterminées avant leur départ. Ce sont tous des postes tournés vers l’international ». Dans ces différents cas, la mobilité internationale a été bien considérée tant au niveau des RH mais aussi au niveau des salariés. Ces deux parties avaient bien une motivation et un objectif particulier qui leur a poussé à adopter cette stratégie. Et une fois réalisée, les deux parties ont atteint leurs objectifs.

Cependant, à l’instar de ce qui est observé chez les FMN et les ONG, seul le poste suite au retour des mobilisés à l’international est pris en compte par les employeurs. Aussi bien les responsables RH que les salariés ne font mention de stratégies ou de politiques permettant d’améliorer le retour personnel des expatriés. Aucune des deux parties non plus n’a fait mention de la possibilité de faire un suivi de l’évolution du travail des employés une fois qu’ils ont décroché le poste qui leur a été promis lors de leur départ à l’étranger. Or, le manque de suivi pourrait aussi s’accompagner d’une faille au niveau de la visibilité des compétences et des connaissances que les individus ont acquis lors de leurs expériences à l’étranger. Dans ce cadre, la faible valorisation des compétences des salariés mobilisés à l’étranger pourrait avoir lieu.

Conclusion partielle

Cette deuxième partie a montré que les mobilités externes permettent effectivement d’acquérir de nouvelles compétences sur le marché et le domaine d’activités de l’entreprise, la culture du pays d’accueil ainsi que la culture organisationnelle. En même temps, c’est une démarche permettant l’acquisition de nouveaux comportements bénéfiques à l’entreprise tout en nouant de nouvelles relations. Désormais, les missions des employés à l’étranger élargissent non seulement les réseaux professionnels de ceux-ci, mais contribuent également au renforcement des liens entre entreprise d’accueil et entreprise d’origine. Du point de vue technique et stratégique, ce sont les mobilités externes des employés qui contribuent à l’acquisition de nouvelles connaissances sur une zone géographique bien déterminée. En effet, même étant membre d’un seul groupe, les contextes changent d’une entreprise à une autre selon la zone géographique.

Mais encore faut-il que les entreprises parviennent à mesurer les compétences et les acquis des expériences de leurs collaborateurs à l’étranger et à les valoriser. Les différents cas rapportés montrent que les entreprises en général évaluent régulièrement les missionnaires à travers les entretiens professionnels annuels, et cela se fait en concertation avec l’entreprise d’accueil. Après leurs missions, les employés accèdent directement à un poste à plus haute responsabilité, symbolisant ainsi la reconnaissance de leurs acquis par leurs établissements. Pourtant, la valorisation des acquis des expériences à l’étranger se heurte souvent aux problèmes culturels notamment, le choc culturel des expatriés. En effet, les employeurs considèrent le retour professionnel des missionnaires et négligent leur retour personnel. Or, ce sont deux éléments interdépendants. A cela s’ajoute la faible valorisation de toutes les compétences acquises à l’étranger. Dans certains cas, il existe des barrières empêchant l’employé de partager ses acquis à l’étranger. Il peut s’isoler et ne pas partager ses expériences avec ses pairs. Mais dans le cas des interviewés, il semble qu’ils sont moins sollicités pour le partage d’expérience.

Partie 3. Préconisations

Action 1. Mettre en place des espaces de discussions et de partage d’expériences pour améliorer les pratiques professionnelles des employés mobilisés et des employés internes.

Lors de nos interviews, nous avons constaté que les entreprises d’origine ne mettaient pas en place des structures formelles permettant de promouvoir les échanges entre les expatriés et les personnels internes. Nous avons vu qu’à l’unanimité, les employeurs et les employés reconnaissent que la mobilité externe constitue une démarche pour acquérir des compétences culturelles, comportementales, émotionnelles, techniques, relationnelles, etc. Par ailleurs, les employeurs ont envoyé leurs collaborateurs à l’étranger dans le but d’acquérir ces compétences qui devraient être exploitées en retour.

Vu sous cet angle, l’exploitation des acquis de l’expérience ne devrait :pas profiter uniquement au salarié mobilisé à l’international, mais à l’ensemble de l’organisation. En parlant de compétences techniques par exemple, celles-ci pourraient être exploitées afin d’améliorer les pratiques professionnelles des employés qui n’ont pas eu l’opportunité de partir à l’étranger. Or, cette démarche exige que les expatriés et les personnels qui sont restés au sein de l’entreprise d’origine fassent des échanges fréquents pour que les acquis de l’expérience à l’étranger puissent être aussi utilisés par les employés en interne.

Pour faciliter les échanges, il est indispensable qu’il existe des structures permettant de discuter entre les employés mobilisés à l’international et leurs collègues en interne. Pourtant, lors de nos interviews, aucun répondant n’a mentionné la présence de telles structures d’échanges. Il pourrait être intéressant dans ce cas, de créer des espaces à l’intérieur desquels, les employés peuvent échanger sur leurs pratiques professionnelles et sur les problèmes qu’ils rencontrent au travail. Les espaces de discussion pourraient permettre cette démarche. L’Association Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ARACT) définit les espaces de discussion comme étant des « espaces collectifs qui permettent une discussion centrée sur l’expérience de travail et ses enjeux, les règles du métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes pour réaliser le travail…. Ce sont des espaces inscrits dans l’organisation du travail qui visent à produire des propositions d’amélioration ou des décisions concrètes sur la façon de travailler »[28].

  • Mise en œuvre
  • L’espace de discussion physique

L’espace de discussion physique est constitué par une grande salle permettant aux différents employés de se rencontrer. En principe, les entreprises devraient déjà disposer d’une salle de réunion, mais dans le cas contraire, il est possible d’aménager de l’espace pour accueillir les intervenants. Cet espace ne devrait pas être hostile. Afin de détendre le climat entre les participants, le design de l’espace de discussion devrait être revu. A titre d’exemple, la salle devrait être bien éclairée et bien aérée et assez spacieuse pour que les participants se sentent à l’aise. Au lieu de mettre en avant une table, une chaise et un vidéoprojecteur en avant, et d’arranger les chaises comme dans une conférence, il serait plus intéressant d’aménager une table ronde pour que les participants se sentent sur le même piédestal et pour qu’ils puissent s’échanger entre eux plus facilement.

Les acteurs concernés par la création de ces espaces de discussion sont les responsables RH, les employés mobilisés à l’international et les employés en interne. Ces derniers peuvent être issus de différents services. Mais dans ce cas, il revient au responsable RH d’animer et non pas de diriger les rencontres entre les employés. De même, en tant que DRH, il devrait aussi être en mesure de discerner en avance les problèmes rencontrés par les ressources humaines, et d’en tirer le prochain thème. Le DRH anime, mais tous les acteurs présents participent. Ces différents acteurs sont amenés à se rencontrer régulièrement pour discuter d’une situation problématique lors de la réalisation des activités de chaque acteur.

L’espace de discussion est mis en place au sein de l’entreprise d’origine puisque c’est pour elle que les compétences des missionnaires à l’étranger sont mises à profit. Des réunions peuvent être organisées au niveau de cet espace de discussion tous les mois ou tous les quinze jours, en fonction de la taille de l’organisation. Plus l’organisation est de grande taille, plus les employés sont nombreux et plus la distance entre eux porte atteinte à la qualité de leur communication. Dans ce cadre, il est plus intéressant de faire des réunions tous les quinze jours. Par contre, chez les entreprises de plus petite taille, les employés sont beaucoup plus proches et les réunions peuvent alors être moins fréquentes puisqu’il n’existe pas beaucoup de frontières aux échanges professionnels. De plus, de telles entreprises peuvent jouir d’échanges informels qui s’avèrent très intéressants pour les échanges sur le travail.

  • L’espace de discussion virtuelle

Nous avons parlé en premier lieu d’un espace de discussion physique, mais étant donné que la nouvelle technologie permette des échanges instantanées, sans barrière de temps ou d’espace physique, il est également possible de mettre en place en plus de l’espace physique, un espace virtuel ou forum de discussion interentreprises permettant les rencontres non seulement des différents employés de l’entreprise d’origine, mais également, ceux issus de l’entreprise d’accueil. L’espace de discussion virtuelle constitue une interface entre l’entreprise d’origine et toutes les autres entreprises étrangères, vers lesquelles, elle envoie ses employés. Mais ce forum de discussion ne devrait réunir que les employés de l’entreprise d’origine et des entreprises d’accueil.

La fonction RH pourrait désigner alors un modérateur au sein de cet espace virtuel pour lancer les discussions tout en limitant les possibles incidents qui peuvent se passer. A l’instar de ce que fait le DRH au niveau de l’espace de discussion physique, le modérateur a pour mission de lancer la discussion et d’atténuer les possibles tensions qui pourraient découler des affrontements d’idées. L’espace de discussion virtuel est opérationnel tous les jours et réunit un nombre plus important de participants par rapport à l’espace de discussion physique. L’objectif étant d’optimiser les échanges concernant les pratiques professionnelles entre l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil.

  • Contenu

Les espaces de discussion devraient servir à la promotion des échanges sur les pratiques professionnelles et sur les difficultés rencontrées au travail. Un thème est défini à l’avance. Le choix du thème à aborder dépend des demandes des employés concernant les pratiques professionnelles, l’environnement de travail, les difficultés relationnelles dans le milieu de travail, les visions de l’entreprise d’accueil sur une question déterminée, les approches mises en œuvre par l’entreprise d’accueil pour résoudre les problèmes, les différences entre la culture de l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil, etc. Les sujets sont très divers, mais tout devrait commencer par la constatation d’une situation problématique. Durant les séances, chaque acteur devrait participer à la discussion pour donner son point de vue, ses angoisses, ses critiques et ses propositions.

En mettant en place cette stratégie participative, l’employé mobilisé à l’international certes, apporte une vision extérieure, mais dans ce cadre, il s’ouvre aussi à la vision des autres collaborateurs. Le style participatif bannit le style directif dans lequel, l’employé détenant les connaissances et les savoirs impose les pratiques et les visions qu’il a acquis de son entreprise d’accueil sur ses collaborateurs. Nous avons constaté qu’effectivement, une fois de retour, ces personnes jouissent d’un poste à responsabilité, mais nous ne pouvons pas émettre non plus le fait que chaque organisation est unique et se développe dans un contexte particulier, ce qui fait que toutes les stratégies efficaces au sein de l’entreprise d’accueil ne sont pas directement transposables sur l’entreprise d’origine. Là encore, la question des échanges pour trouver la bonne entente dans laquelle, les points forts de la démarche de l’entreprise d’accueil et de l’entreprise d’origine sont couplés.

Dans le cas d’un espace de discussion physique, le statut de l’employé ayant été mobilisé à l’international semble être privilégié. Par contre, au sein des espaces de discussion virtuels, d’autres acteurs ayant fait des expériences à l’étranger voire même, des employés de l’entreprise d’accueil, partenaire de l’entreprise d’origine sont amenés à discuter sur un thème précis. La communication est moins formelle dans ce cas et la distance hiérarchique qui pourrait aussi empêcher parfois les échanges entre professionnels s’estompent. Les employés peuvent s’exprimer plus librement.

  • Analyse des avantages, des limites, des opportunités et des menaces qui pourraient résulter de la mise en place de l’espace de discussion

La mise en place d’espaces de discussion comporte plusieurs avantages. D’abord, il permet aux employés de s’exprimer sur les difficultés qu’ils rencontrent et de les soutenir moralement. C’est également une plateforme permettant les échanges sur les pratiques professionnelles. De cette manière, l’entreprise peut améliorer les pratiques professionnelles de ses collaborateurs ainsi que sa performance. En favorisant la participation de chacun, il se pourrait que de telles approches conduisent à une augmentation de l’implication des employés dans leur travail.

Les espaces de discussion ont également des limites. En effet, il se peut que l’expatrié ou les autres collaborateurs ne veuillent pas partager leurs expériences et dans ce cas, l’espace de discussion s’avère inutile. En d’autres termes, l’efficacité des espaces de discussion dépend de la volonté de chacun à participer. Or, il faut reconnaître que certaines personnes peuvent ignorer les propos tenus par leurs collaborateurs, surtout, lorsqu’ils ont un poste à responsabilité et qu’ils ont des expériences à l’international. Outre à cela, c’est la relation entre les ressources humaines elle-même qui conditionne la réussite de la communication au sein des espaces de discussion. C’est donc au niveau de l’environnement de travail qu’il faut aussi agir.

En ce qui concerne les opportunités créées par les espaces de discussion, il se peut que ceux-ci deviennent des appuis pour les personnes qui veulent faire aussi des expatriations dans l’entreprise d’accueil. Les espaces de discussion pourrait entre autres favoriser la visibilité des candidats à la mobilité internationale.

Toutefois, des menaces existent en ce qui concerne les espaces de discussion virtuels. En effet, il pourrait s’avérer très difficile de gérer les discussions surtout lorsqu’il s’agit d’employés au sein d’un grand groupe.

Action 2. Etablir des moyens d’évaluation des compétences culturelles des employés mobilisés et valoriser les compétences culturelles.

Les propos des interviewés dans notre étude ont permis de montrer que les compétences culturelles sont fortement requises par les entreprises. D’abord, les compétences culturelles leur permettent de s’imprégner et de s’ouvrir à la culture de l’entreprise et du pays d’accueil. Comme résultat, les employés qui retournent dans l’entreprise d’origine montrent une plus grande capacité d’adaptation aux autres cultures. Cela est très important vu que les entreprises actuelles sont toutes multiculturelles. Notons que la mobilité internationale accompagne le mouvement de la globalisation, de la mondialisation et de l’internationalisation. Nous-mêmes, avons repris dans la revue de la littérature, l’importance de gérer les talents internationaux puisque les entreprises ne détiennent pas toujours les talents qui sont requis par les entreprises actuellement. Ce fait les contraint à recruter des talents externes. Mais au cas où les employés ne feraient pas preuve de compétences culturelles, il est probable que l’environnement de travail s’altère et que la performance de l’entreprise soit aussi remise en question.

Il est indiscutable alors que les compétences culturelles devraient d’une part, être acquises par les salariés mais d’autre part aussi, elles devraient être valorisées, exploitées par l’entreprise d’origine. Seulement, nous avons discerné un problème majeur dans la valorisation de cette compétence culturelle : la faille au niveau de son évaluation. En effet, il va falloir que l’employeur puisse évaluer les acquis de son employé en terme de compétences culturelles, de les énumérer pour pouvoir les exploiter par la suite. Or, il est difficile d’évaluer cette compétence culturelle. Cela vient du fait que les compétences culturelles peuvent se manifester de différentes manières qui ne sont pas toujours palpables. Parmi elles se trouvent par exemple l’adaptabilité de l’individu par rapport aux autres coutumes, le respect des autres cultures (Belhaj, 2010 : 26). Et dans cette optique, il est difficile de mesurer les compétences  culturelles de l’individu.

  • Mise en œuvre

Etape 1 : mesurer les compétences culturelles de l’individu

Avant de pouvoir établir des moyens pour mesurer les compétences culturelles de l’individu, il est nécessaire d’avoir un aperçu sur les manifestations de celles-ci. Une personne ayant une compétence interculturelle fait preuve d’une ouverture et d’une capacité d’écoute à son interlocuteur parce qu’elle n’est pas influencée par les préjugés et les stéréotypes sur telle ou telle culture. D’autre part, elle est apte à comprendre les raisons de la différence entre sa culture et les autres cultures. Par conséquent, elle est bien capable de discerner les possibles causes des tensions interculturelles. Dans cette optique, il n’est pas uniquement question de la culture du pays et de la région d’accueil, mais également de la culture de l’entreprise, du service voire même du groupe, du métier. Plusieurs mesures devraient être combinées pour évaluer les compétences culturelles de l’individu : les rapports sur ses activités à l’extérieur, l’enquête quantitative et qualitative.

  • Rapports de mission

Nous avons démontré lors de nos entrevues que les expatriés faisaient effectivement des rapports réguliers à leurs supérieurs hiérarchiques au niveau de l’entreprise d’origine et de l’entreprise d’accueil quant à leur progression dans leurs missions à l’étranger. Cependant, le contenu de ces rapports n’a pas été évoqué. Ainsi, nous pourrions envisager d’améliorer la rédaction des rapports de mission à travers l’addition d’une rubrique allouée à la culture.

Outre le fait de faire apparaître dans son rapport de mission, les aspects techniques et managériaux, il s’avère également intéressant de démontrer les acquis culturels. La rubrique culture devrait mentionner :

  • La culture du pays d’accueil
  • La culture de l’entreprise d’accueil
  • La culture du service d’accueil
  • La culture du groupe d’accueil
  • Les problèmes relatifs à la différence de culture entre l’expatrié et ses collaborateurs dans l’entreprise d’accueil ainsi que les stratégies qu’il a développé pour résoudre le problème

Les faits rapportés concernant la culture ne devrait pas reprendre ce qu’il a déjà connu ou ce qui lui a été inculqué avant son départ à l’étranger. Il devrait être en mesure de décrire lui-même sa vision de la culture de l’entité d’accueil pendant et après son expérience à l’étranger

  • Avantages et inconvénients du rapport

Le rapport de mission permet de suivre la progression de l’expatrié dans son pays d’accueil. Il va permettre entre autres, d’avoir un premier aperçu concernant la perception de l’individu sur l’autre culture. Outre à cela, c’est un moyen pour connaître si l’individu a déjà été confronté à des problèmes relatifs à la différence culturelle et s’il a été en mesure de le résoudre.

D’un autre côté, le rapport de mission n’est pas uniquement lu par le responsable de l’entreprise d’origine, mais également par le responsable au niveau de l’entreprise d’accueil. Dans ce cas, l’expatrié pourrait faire des réserves sur ses pensées profondes concernant l’autre culture. Le responsable au niveau de l’entreprise d’accueil pourrait également percevoir à travers cette démarche, une tentative d’espionnage ou de critique non constructif à l’endroit de l’entreprise d’accueil d’où la nécessité de compléter cette méthode d’évaluation par l’entretien mêlant la méthode quantitative et qualitative.

  • Entretien auprès de l’expatrié

Les questions posées à l’individu devraient reprendre les principaux indicateurs caractérisant les compétences culturelles de l’individu. Une personne est dite compétente culturellement lorsqu’elle est apte à

  • Communiquer aisément avec la langue maternelle du pays d’accueil
  • Communiquer aisément avec ses collaborateurs issus de l’autre culture
  • Comprendre les différences culturelles
  • Travailler et à gérer une équipe multiculturelle

Les différentes questions reprennent alors ces différentes manifestations de la compétence culturelle. Le niveau de compétence de l’individu culturellement compétente est évalué à partir d’une échelle définie pour chaque item. Ces différents items sont présentés dans le tableau suivant

Tableau 5 : Les principales questions à poser lors de l’évaluation de l’expatrié

Items Questions Eléments de réflexion
Adaptabilité 1.    Comment qualifiez-vous les conditions de vie offertes par votre pays d’accueil : pas du tout satisfaisantes/ pas satisfaisantes/ pas très satisfaisantes/ satisfaisantes/ plutôt satisfaisantes/ très satisfaisantes

2.    Comment trouvez-vous les conditions de travail offertes par l’établissement qui vous a accueilli ? Très dur/ assez dur/ dur/ plutôt dur/ facile à vivre/ très facile à vivre

3.    Qu’est – ce qui rend le séjour dans le pays d’accueil agréable ?

4.    Qu’est-ce qui rend le séjour dans le pays d’accueil désagréable ?

1.    Les salariés qui ne sont pas satisfaits de leurs conditions de vie sont moins adaptables que ceux qui en sont satisfaits.

2.    Les salariés qui ne sont pas satisfaits des conditions de travail offertes par l’entreprise d’accueil sont moins adaptables que ceux qui en sont satisfaits.

3.    Ceux qui parviennent à annoncer plus de facteurs qu’il juge agréables sont plus adaptables par rapport à ceux qui n’énonce qu’un faible nombre d’éléments rendant son séjour agréable. (idem pour 4)

Distance culturelle 1.    Comment évaluez-vous la distance entre la culture du pays d’origine et du pays d’accueil ? très distante/ assez distante/ plutôt distante/ distante/ assez distante

2.    Comment trouvez-vous la distance entre la culture de votre établissement d’origine et celle de votre établissement d’accueil ? très distante/ assez distante/ plutôt distante/ distante/ assez distante

3.    Pour vous, quelles seraient les conséquences de cette distance culturelle ?

1.    Ceux qui perçoivent une importante distance culturelle pourraient être moins adaptables que ceux qui ne la perçoivent pas du tout.

2.    Ceux qui perçoivent une petite distance entre les deux cultures d’entreprises sont plus ouverts et plus adaptables que ceux qui perçoivent une grande distance.

3.    Ceux qui ont une vision positive ont développé une plus grande capacité culturelle que ceux qui en ont une vision négative.

Acceptation de l’autre 1.    La vision que vous aviez de l’équipe d’accueil au moment de votre départ est-elle la même que celle dont vous aviez après votre expérience à l’étranger ? Oui / Non

2.    La vision actuelle que vous avez du pays d’accueil dépasse-t-elle vos attentes au moment de votre départ ?

1.    Le changement de vision de l’ « autre » pourrait marquer une ouverture d’esprit après l’expérience à l’étranger.

2.    Une meilleure vision de l’ « autre » pourrait supposer son acceptation par l’expatrié.

Capacités interculturelles 1.    Lors de votre mission, avez-vous travaillé au sein d’une équipe multiculturelle ? Oui/ non

2.    De quels pays viennent les membres de l’équipe d’accueil ?

Remarque : Cette question devrait être couplée avec l’analyse des rapports d’entretiens réalisés avec l’entreprise d’accueil pour déterminer si l’individu s’est isolé ou a travaillé en équipe, s’il a été rapporté qu’il est entré en conflit avec les membres de son équipe.

1.    Le fait d’avoir travaillé au sein d’une équipe multiculturelle pourrait aussi supposer la capacité de l’individu à s’adapter à l’interculturalité.

2.    Plus les collaborateurs de l’expatrié à l’étranger sont issus de différentes provenances, plus il est apte à s’ouvrir à d’autres cultures.

 

  • Avantages et inconvénients de la méthode d’évaluation

Cette méthode pourrait être intéressante pour obtenir les informations concernant le degré d’ouverture du salarié et sa capacité d’adaptation aux autres cultures dans le pays d’accueil. Néanmoins, elle dépend de la sincérité du répondant. En effet, les répondants peuvent aussi cacher leurs sentiments profonds et donner par la suite, des informations erronées. Outre à cela, c’est une méthode qui pourrait reprendre ce qui est négligée lors des entretiens annuels d’évaluation des professionnels : la dimension culturelle. Mais dans cette démarche, seule la capacité  culturelle et la compétence sociale de l’intéressé sont évaluées, ce qui laisse un manque au niveau des autres facettes de la compétence de l’individu. En plus, c’est une méthode qui demande un peu plus de temps. Mais une fois qu’elle est réalisée, il est probable que l’employeur détienne des informations supplémentaires sur les compétences culturelles de l’individu et agissent par conséquent. Il s’agit alors de valoriser les compétences culturelles acquises par l’individu.

Etape 2 : valorisation des compétences culturelles

Nous avons observé dans les entretiens faits avec les répondants qu’ils étaient tous des cadres. Dans ce rôle d’encadrement, ils sont déjà amenés à animer et à gérer des équipes multidisciplinaires et multiculturelles. Les entreprises réunissent de plus en plus de cultures et différentes disciplines. Ces dernières devraient être facteur de performance et non pas de conflits. Dans cette diversité, l’expatrié joue un rôle prépondérant dans la mesure où il garde sa propre culture, mais est aussi l’ambassadeur de la vision des autres et de la culture d’autres entreprises. Il partage cette « autre » vision afin d’en faire une richesse au sein de l’entreprise. Par ailleurs, c’est bien pour connaître cette culture qu’il s’est déplacé à l’étranger parce qu’il ne peut pas se contenter de considérer sa propre identité, la culture de son organisation, même en se focalisant sur un seul problème. Il doit aussi valoriser les points de vue, les manières d’appréhender, et les manières de résoudre les problèmes par les autres entreprises, les autres cultures. Les différences devraient dans ce cas, se trouver au cœur des confrontations d’idées pour trouver les pratiques les plus efficaces.

Pour reprendre ce qui est dit dans la littérature, une personne culturellement compétente devrait parvenir à la création d’une culture commune d’action. En effet, elle a été déjà en contact avec différentes cultures et dans ce cas, elle est la plus à même de comprendre les points communs, les points sensibles pouvant entraîner des disputes, etc. Les différences sont donc à transformer en ressources et les points forts de chaque culture sont à mettre en commun pour trouver des valeurs communes, suscitant l’accord de tous. Cela relève de la composante co-culturelle.

Comme les valeurs culturelles s’accompagnent également de l’adoption de nouveaux comportements, il est nécessaire que l’expatrié puisse transmettre et faire accepter à ses collaborateurs les attitudes et les comportements qui soient admis par tous. Ils devraient constituer des règles de conduite pour éviter les conflits lors des rencontres pluriculturelles. Ensuite, il devrait aussi être capable d’expliquer les incompréhensions et les interprétations, les stéréotypes pouvant être adoptés par ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de sortir à l’étranger et de corriger les visions erronées pour permettre les échanges constructifs. Or, cette démarche demande une connaissance de la culture des autres. Enfin, le partage de valeurs générales à l’issue de la considération de la culture d’entreprise d’origine et celle de l’entreprise d’accueil est  indispensable pour que les collaborateurs ne se cantonnent pas uniquement sur des valeurs spécifiques qui pourraient être mal compris par les autres[29].

En d’autres termes, la valorisation des compétences culturelles devrait s’affirmer à travers sa progression au niveau de la hiérarchie et son rôle d’encadrement. Cela a été déjà rapporté par les expatriés questionnés. Ils devraient également devenir des experts pays et être sollicités lors des déplacements des futurs expatriés. En tant qu’experts pays, leurs rôles ne devraient pas se limiter à l’aide mutuelle attribuée à l’expatrié, mais également à sa sollicitation lors des partenariats entreprise d’accueil – entreprise d’origine.

Actions 3. Renforcer les réseaux professionnels créés lors de la mobilité à l’international et les valoriser lors du retour de l’expatrié.

Lors des entretiens, deux responsables sur quatre uniquement ont fait allusion à la relation entre entreprise d’origine et entreprise d’accueil. Chez les salariés, un sur trois uniquement a mentionné les relations et la connaissance du personnel au sein de son entreprise d’accueil. Ces différentes constatations pourraient suggérer que les personnels de l’entreprise d’origine, aussi bien les responsables RH que les salariés mobilisés ne prêtent pas assez d’attention aux relations professionnelles tissées pendant le séjour à l’étranger. Et pourtant, dans un contexte de globalisation, les réseaux professionnels sont fortement requis pour améliorer la visibilité, l’entraide mutuelle et la performance de l’entreprise. Nous ne détenons pas assez d’informations concernant les réseaux professionnels créés par l’individu pendant son séjour. Mais il existe une probabilité pour que ce manque d’informations provienne de la négligence des réseaux professionnels et de l’isolement du salarié ayant été mobilisé à l’extérieur.

Nous avons montré que les salariés disent ne pas avoir rompu leur contact avec leurs entreprises d’origine, mais nous ne savons pas si cela se fait au détriment du contact avec l’entreprise d’accueil. De ce fait, il est nécessaire de renforcer le lien avec les employés de l’entreprise d’accueil afin que les échanges sur les pratiques professionnelles continuent. Les échanges supposent un climat favorable à la communication dans les entreprises d’origine et l’entreprise d’accueil. Il semble que les liens entre ces deux entités soit uniquement forte lors de l’envoi et de la mission du salarié à l’étranger. Le suivi pendant cette période et les échanges entre les deux parties sont plus intenses. Mais une fois de retour dans l’entreprise d’origine, les échanges se raréfient. Ainsi, il est important de nouer des liens forts entre l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil. La création de ces liens nécessite l’optimisation des communications entre les deux parties.

Pour parvenir à cet objectif, certains critères sont requis : un climat d’entente, le respect mutuel, la communication entre les différentes parties et l’intervention des fonctions RH chez l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil. Ces dernières sont amenées à travailler et à collaborer de concert.

Etape 1 : Création d’un réseau professionnel interentreprises

Etant donné la distance géographique entre l’entreprise d’accueil et l’entreprise d’origine, le renforcement du réseau professionnel interentreprises devrait se faire à travers la création d’une interface virtuelle au niveau de laquelle, tous les employés se rencontrent. Le réseau professionnel regroupe uniquement les personnels des deux entreprises : l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil. Ce réseau pourrait aussi être une continuation de l’espace de discussion précédemment proposé. A l’instar de ce qui se passe chez LinkedIn, les parcours professionnels et les postes occupés par les différentes personnes au sein des entreprises respectives y sont présentés. De cette manière, les futurs expatriés peuvent déjà connaître leurs collaborateurs avant même de partir. De leur côté,  l’entreprise d’accueil peuvent également connaître les parcours de la personne qu’ils vont accueillir.

Mis à part la présentation des employés, le réseau professionnel est également un réseau de partage d’informations et d’actualités concernant la culture, la politique de l’entreprise d’accueil et de l’entreprise d’origine. En d’autres termes, cela constitue déjà une démarche dans le processus d’intégration/ d’accueil  du futur expatrié. Le réseau professionnel permet entre autres, de contacter les personnes ressources et de se lancer déjà dans une discussion professionnelle et créer au fur et à mesure un climat professionnel détendu.

Au moment du retour de l’expatrié dans son entreprise d’origine, c’est également à travers ce réseau professionnel que les liens entre l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil sont renforcés. Il permet une autre forme de mobilité et de discussion entre l’expatrié et ses collaborateurs. Les échanges se font en temps réels et le partage d’informations est de rigueur. Avec cela, les discussions sur les pratiques professionnelles peuvent aussi être promues.

  • Les avantages et les inconvénients de la création de réseau professionnel

Le réseau professionnel ainsi créé permet déjà d’avoir une vision globale de la culture de l’entreprise d’accueil, des personnels qui vont devenir les collaborateurs de l’expatrié à l’avenir. C’est une plateforme qui favorise la communication et donc qui optimise les liens entre l’entreprise d’accueil et l’entreprise d’origine à travers les échanges informels entre les employés et les cadres. Il permet entre autres, d’améliorer la visibilité de l’employé vis-à-vis des acteurs internes et externes.

Mais si ce réseau permet d’améliorer la visibilité de certains candidats, l’utilisation unique de ce réseau professionnel risque de cacher ou de mettre au deuxième plan les compétences acquises qui ne sont pas toujours formelles et ne figurant pas dans les CV.

Etape 2 : Création d’évènements permettant de réunir les deux parties prenantes

Certes, les discussions dans le milieu de travail concernent principalement les difficultés rencontrées lors de l’accomplissement des missions, les solutions à un problème, etc. Mais il pourrait également être intéressant de décontracter un peu les employés en créant des évènements sportifs ou culturels permettant de réunir les deux parties. Nous avons démontré dans le cadre des entretiens que seul, l’expatrié était en contact avec l’entreprise d’origine et une fois de retour, il n’est plus très sollicité ni chez l’entreprise d’origine, ni chez l’entreprise d’accueil. Or, il faut que les trois parties soient en contact : les employés, l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil.

Les évènements sportifs ou culturels permettent en général de fédérer les équipes puisque tout le monde est amené à se divertir ensemble et à participer à ces divertissements. Le sport par exemple, intéresse de nombreuses personnes et ce, qu’il soit une discipline collective ou individuelle. Mais il est également possible de renforcer les liens entre l’entreprise d’origine et l’entreprise d’accueil à travers l’organisation de soirées ou de déjeuner rassemblant les employés issus des différentes entreprises. L’objectif de cette démarche est de créer un évènement dans lequel, les employés sont amenés à se réunir et à participer à une activité commune. L’évènement peut être organisé par l’entreprise d’accueil ou par l’entreprise d’origine.

  • Analyse des avantages et des limites de la création d’évènements pour fédérer les employés issus de l’entreprise d’origine et de l’entreprise d’accueil

Les évènements sportifs et culturels pourraient être des moyens pour détendre le climat entre les équipes, les collaborateurs et les employés issus de pays, d’entreprise, de disciplines différentes. Ce sont des rencontres informelles au cours desquels, les distances hiérarchiques et les stéréotypes peuvent être levées ou évitées. Par ailleurs, ces évènements sont des occasions de rencontres physiques. Ce genre de rencontre est très différent de la rencontre virtuelle même si celle-ci peut se faire de manière plus facile.

Cependant, la mobilisation internationale fait que les zones d’implantations de l’entreprise d’origine et de l’entreprise d’accueil soient très distantes. Cela empêche les rencontres physiques entre les employés ou réduit fortement le nombre de personnes pouvant être déplacées dans la zone géographique où l’évènement est organisé. Devant ce fait, il n’est possible de n’organiser qu’une fois par an par exemple, les évènements et d’envoyer des représentants de chaque partie. Il serait intéressant quand même d’organiser l’évènement uniquement dans l’un ou dans l’autre des pays d’origine ou des pays d’accueil. Cela va permettre de découvrir chacune des cultures des pays d’implantation des entreprises considérées. Mais dans ce cas, des conflits peuvent également se produire au cas où certains employés ont plus de moyens pour se déplacer à l’étranger par rapport à d’autres.

Action 4. Améliorer la préparation du retour professionnel à travers la mise en place d’un dispositif de suivi des employés.

Lors de nos entretiens, nous avons montré que le retour des expatriés dans leurs entreprises d’origine était bien considéré et planifié très à l’avance. Par ailleurs, la préparation de la mobilisation externe comprend la phase de retour de l’expatrié dans sa partie. Dans le cadre de ce retour professionnel, les répondants ont rapporté qu’ils ont tous eu les postes qu’ils attendaient. Ainsi, pour les entreprises d’origine, la gestion du retour des expatriés se résume à la réorganisation de l’entreprise elle-même pour que l’expatrié accède à un poste à plus haute responsabilités et tournés vers l’international. Suite à cette démarche, elle a pu fidéliser les employés. Cette fidélité envers l’entreprise se manifeste à travers le fait que les employés ne démissionnent pas trois ans après leur retour d’expatriation.

Il faut noter cependant, qu’il existe encore des cas où les expatriés restent dans leurs entreprises d’accueil ou demandent d’être envoyés vers d’autres entreprises. Il existe donc une faille au niveau de la préparation du retour professionnel des expatriés. Plusieurs problèmes ont été soulevés lors de nos entretiens. Pour chaque problème, il devrait y avoir alors des suggestions qui sont présentées dans ce tableau :

Tableau 6 : Les problèmes relatifs au retour des expatriés et quelques suggestions

Problèmes identifiés Suggestions Actions à mener
Le poste occupé par l’expatrié sous-évalue ses compétences Progression du poste et optimisation de la valorisation de ses acquis à l’étranger – Suivi des acquis de l’individu lors de son expérience à travers les rapports

– Acquisition d’un poste à responsabilité et mettant en valeur ses acquis à l’étranger

Le contexte chez l’entreprise d’accueil est complètement différent de celui de l’entreprise d’origine, ce qui conduit à une inefficacité ou une inutilité des acquis de l’expérience à l’étranger Recherche de consensus pour trouver les moyens et les outils pouvant être transposés directement chez l’entreprise d’origine et évitement des solutions qui ne peuvent pas être appliquées au niveau de l’entreprise d’origine – Analyse des différences culturelles entre entreprise d’origine et entreprise d’accueil par l’expatrié et le DRH de l’entreprise d’origine

– Analyse des impacts de la différence sur l’environnement de travail

– Recherche de consensus par les échanges

Les expatriés qui sont de retour ne bénéficient pas de suivi de la part des DRH une fois qu’ils occupent leurs postes. Suivi des expatriés de retour – Rapports réguliers à retourner au DRH
  • Optimisation de la valorisation des acquis de l’expérience à l’étranger

La reconnaissance des compétences acquises à l’étranger peut se manifester à travers l’attribution d’un poste à responsabilité. Cela a été observé chez nos répondants. Cependant, il ne s’agit pas uniquement d’occuper un poste à plus haute responsabilité pour que toutes les compétences acquises de l’expérience de mobilité internationale soient valorisées. Cela découle d’une part, du fait que les expatriés ne peuvent pas toujours directement transposer les approches de leurs entreprises d’accueil chez leurs entreprises d’origine. Les contextes dans ces deux lieux de travail sont complètement différents et devant de tels faits, il pourrait être amené à penser que ses compétences à l’étranger ne servent plus à rien. Cela le pousse à demander de l’aide de la part de ses pairs pour prendre des décisions et pour résoudre les problèmes[30].

Dans cette optique, il est amené à faire une analyse approfondie des traits communs entre le contexte au sein de l’entreprise d’origine et celui de l’entreprise d’accueil. Par la suite, il est amené à tirer les traits globaux aux deux entreprises afin de déterminer les différentes approches pouvant être directement transposées à l’entreprise d’origine. Par la suite, il est invité à discerner les spécificités du contexte de l’entreprise d’origine puisque c’est pour elle que la mobilité internationale a été entreprise. Les problèmes liés à la valorisation des acquis de l’expérience à l’étranger pourraient être renforcés lorsque les projets sur lesquels, le salarié travaille à l’étranger sont complètement différents du projet sur lequel il travaille dans son entreprise d’origine.

Devant de tels contextes, il serait plus intéressant de valoriser les expériences de l’employé à l’étranger en le promouvant à un poste plus élevé, mais dans la continuation du projet qu’il a accompli au sein de l’entreprise d’accueil. En d’autres termes, pour valoriser les acquis de l’expérience, la situation à laquelle se confronte l’employé après son retour dans le pays d’origine devrait présenter des caractéristiques communes à la situation qu’il rencontre dans sa maison mère pour qu’il puisse valoriser ses compétences.

Puis, il est nécessaire aussi de faire un suivi de l’employé après son retour. Nous avons observé que les suivis étaient rigoureux à l’étranger, mais en ce qui concerne le retour, ils sont devenus lâches. Le but n’est pas de soumettre l’expatrié à des stress supplémentaires, mais bien de discerner les problèmes qu’ils pourraient rencontrer, de l’appuyer et de le soutenir afin de le fidéliser. Nous pensons en effet, que même si l’expatrié obtient un poste intéressant, il ne pourrait avoir un estime de soi à moins qu’il ne soit convaincu que tout ce qu’il a acquis de son expérience à l’étranger ne soit valorisé. Ainsi, il a besoin d’être suivi et accompagné tout au moins, pendant les premiers mois qui suivent son retour dans l’entreprise d’origine.

Le suivi de l’expatrié consiste non seulement à déterminer s’il acquiert un autre poste à son retour. Il s’agit surtout de déterminer les compétences qu’il a acquises lors de son expérience à l’étranger et de vérifier si effectivement, ces dernières pourraient être exploitées lorsqu’il occupe un nouveau poste. Cela demande d’une part, de l’entretien avec l’expatrié et une analyse approfondie de ses rapports de mission à l’étranger. Puis, il s’agit aussi de déterminer le bien-être au travail de l’expatrié après son retour dans l’entreprise d’origine. Le suivi consiste entre autres à revenir sur les projets de carrière de l’individu et les possibilités de réaliser ceux-ci tout en veillant à ce que les démarches entreprises soient alignées à la stratégie générale de l’entreprise et contribue à l’augmentation de sa performance.

Par ailleurs, dans le cadre de la valorisation des acquis des expériences à l’étranger, il pourrait être intéressant d’intégrer l’individu dans un groupe d’experts sur une zone géographique déterminée. Dans notre étude, nous avons démontré que les expatriés sont parfois sollicités lorsqu’un autre employé va partir pour l’ancien pays d’accueil de l’expatrié. Ce dernier devient alors une personne ressource pour aider le futur expatrié. Et pourtant, nous pensons que ces sollicitations ne sont pas suffisantes. Nous pensons que les compétences des expatriés peuvent servir lors des départs des futurs expatriés certes, mais également lors de la prise de décision, et l’analyse du contexte de développement d’un secteur d’activité ou de l’entreprise d’origine dans une zone géographique bien localisé. Cette démarche pourrait conduire à une plus grande satisfaction de la part de l’expatrié puisque ses acquis sont tous valorisés.

  • Avantages et limites de l’approche d’optimisation de la gestion du retour des expatriés

Le suivi des progressions de l’expatrié pendant sa mission, mais également après son retour dans l’entreprise d’origine est une démarche intéressante pour mettre en valeur les différents acquis de l’expatrié. Pour l’employeur, c’est une approche de suivi de l’implication du salarié dans sa mission à l’étranger et une garantie qu’il accomplit les missions qui lui incombent. En même temps, c’est une démarche pour écouter le salarié afin que le retour d’expatriation soit une réussite et apporte des résultats tant pour l’entreprise que pour l’individu. Si le suivi est bien réalisé et que les compétences de l’individu sont bien déterminées, alors il sera plus facile pour l’individu et son employeur de valoriser les acquis de l’expérience à l’étranger.

Mais il faut noter que le suivi ne suppose pas uniquement un changement au niveau de l’organisation pour que l’expatrié accède à un poste intéressant. Il faut que ce poste utilise de manière efficace tous les acquis de l’expérience. Et pourtant, cela reste difficile depuis que nous savons que chaque entreprise a ses spécificités. Vu sous cet angle, il est difficile de valoriser complètement toutes les compétences issues de l’expérience à l’étranger. Par ailleurs, le suivi des expatriés demande toujours un certain investissement de la part de l’entreprise d’origine.

Action 5. Préparer le retour personnel des employés de retour de mission à l’étranger.

Aussi bien la revue de littérature que les entretiens réalisés auprès des responsables RH et les salariés montrent que la gestion de retour des expatriés conçue par l’entreprise d’origine ne tient pas compte du retour personnel des expatriés. Le retour personnel tient compte du contre-choc culturel pouvant être subi par l’expatrié, la situation familiale et les difficultés rencontrées suite à la nécessité de s’adapter à une nouvelle condition de vie. Certes, il retourne au sein de son propre pays natal, mais sa vision de celui-ci peut changer considérablement après qu’il ait eu des expériences à l’étranger.

Dans notre revue de littérature, nous avons démontré que la vie de famille peut être bouleversée par les déplacements à l’étranger. Nous avons recueilli dans les propos des interviewés la possibilité d’attribuer un poste au conjoint une fois que le salarié est expatrié. Mais dans cette situation, le conjoint et les enfants peuvent éprouver des difficultés à s’adapter. En effet, en choisissant le candidat, les responsables RH et les managers tendent à se focaliser uniquement sur les compétences et les qualités de l’individu qui va faire une mission à l’étranger. Par contre, ils ne tiennent pas compte de la situation familiale de cet individu ni du travail et des disponibilités de son (sa) conjoint (e).

De tels faits pourraient nuire aussi bien sur la motivation du salarié pour partir à l’étranger, mais également, sur sa capacité d’adaptation une fois qu’il sera de retour dans son pays d’origine. L’accompagnement du retour des salariés devraient donc être pensé à l’avance et devrait tenir compte des paramètres suivants : la situation familiale de l’expatrié (célibataire ou marié), du statut de son (sa) conjoint (e), de la scolarisation de ses enfants.

  • Mise en œuvre

Parmi les critères de sélection des candidats à la mobilité internationale, le DRH devrait aussi inclure la situation familiale de l’individu. Dans cette optique, les mobilités internationales sont plus promues au niveau des jeunes talents qui ne sont pas encore mariés et n’ayant pas d’enfants à charge, surtout les enfants de bas âge. En effet, la scolarisation des enfants pourrait être interrompue si le candidat vit avec des enfants de bas âge. De plus, le changement d’environnement scolaire et de pays pourrait porter atteinte à leurs motivations pour aller à l’école. Il est probable que la constatation de ces impacts négatifs de la mobilisation internationale sur l’enfant pourrait également démotiver le parent.

Les personnes susceptibles d’être mobilisées à l’international devraient être celles dont le (la) conjoint (e) a n’a pas de travail ou ayant un travail flexible (artistes, décorateurs, cuisiniers, les travailleurs en ligne, etc.). Le déplacement du mari (femme) en effet aura pour impact la rupture du contrat de travail. Le salarié n’aura donc d’autres options sauf de sacrifier soit son travail, soit sa famille. Or, cela constitue un choix très difficile à faire. C’est la raison pour laquelle, le travail du (de la) conjoint (e) doit être examiné de près avant de proposer la candidature de la personne à la mobilité internationale.

Afin de pallier au contre-choc culturel fréquemment retrouvé chez les salariés mobilisés à l’international et rapatriés, il est nécessaire de mettre en œuvre des stratégies d’accompagnement des expatriés. L’accompagnement suppose la désignation d’un accompagnateur par la fonction RH. Cet accompagnateur aura pour mission de soutenir moralement et psychologiquement l’expatrié lors de son retour dans son pays d’origine. L’accompagnateur devrait aider l’individu à « retrouver » son mode de vie avant son départ ou tout au moins, d’atténuer les différences perçues par l’individu. Par la même occasion, cet accompagnateur devrait aussi aider toute la famille qui accompagne l’expatrié.

  • Avantages et limites de l’approche

En incluant des critères relatifs à la situation familiale lors de la sélection, la fonction RH s’affranchit des risques de démotivation de l’expatrié suite à des problèmes familiaux. C’est également une démarche permettant d’éviter que l’individu ne rencontre des problèmes d’ordre familial. L’accompagnement au choc culturel pourrait également faciliter son adaptation à son nouveau mode de vie.

Toutefois, ces approches demandent de l’investissement de la part de l’entreprise pour former et embaucher des accompagnateurs. D’autre part, les personnes qui détiennent les compétences et les qualités requises pour la plupart des cas, sont déjà des personnes ayant travaillé depuis des années au sein de l’entreprise. En général, ce sont des personnes mariées. En incluant ces critères de sélection relatifs à la famille, l’entreprise risque de ne plus trouver de candidats à la mobilité internationale.

Conclusion

La mobilité internationale est une démarche stratégique qui est amenée à se développer pour les années à venir. En effet, les exigences du marché et les évolutions des attentes des consommateurs poussent les entreprises à acquérir de nouveaux avantages concurrentiels, non imitables pour les concurrents. Dans cette optique, c’est le capital humain qui est considéré comme étant une ressource intangible sur laquelle repose toute la réussite de l’organisation. Désormais, les connaissances sont devenues les nouveaux capitaux des entreprises. Elles sont déployées, exploitées pour innover et augmenter la performance de l’entreprise. Du côté des employés, la mobilité internationale constitue une opportunité pour découvrir d’autres cultures, pour faire de nouvelles expériences et pour accéder le plus rapidement possible à des postes très intéressants. Il n’est donc pas étonnant que dans notre étude, nous ayons trouvé un fort engouement pour la mobilité internationale.

Devant de tels faits, les employeurs n’hésitent pas à recruter des candidats pour être mobilisés à l’international. Plusieurs critères sont attendus de la part de ces employés mobilisés à l’international : des compétences techniques, la maîtrise du marché, des compétences comportementales, des compétences sociales et culturelles. Ces différentes compétences devraient être exploitées par l’entreprise d’origine  et servir au développement de celle-ci. Ne disposant pas toujours des talents requis pour vaincre les concurrents, les entreprises n’ont d’autres choix que d’investir pour envoyer leurs employés à l’étranger. Les compétences sont certes acquises par le biais des déplacements à l’étranger mais le seul enjeu qui demeure est la faible reconnaissance et la sous valorisation des acquis de l’expérience à l’étranger.

Afin de reconnaître les compétences acquises par l’individu, des évaluations régulières sont fait à travers les entretiens annuels et les entretiens professionnels. Les employeurs suivent la progression de leurs missionnaires mais en même temps, ils écoutent leurs désirs afin de pouvoir mettre en œuvre des stratégies pour fidéliser les employés ayant été mobilisés à l’extérieur. Quatre actions peuvent être adoptées pour pallier aux problèmes relatifs à la faible valorisation des compétences acquises à l’étranger : la création d’espace de discussion, l’amélioration des moyens d’évaluation des compétences culturelles de l’individu à travers la conception d’un entretien d’évaluation du degré d’ouverture et de l’acceptation de l’autre culture par l’expatrié, le renforcement des réseaux professionnels construits lors des déplacements et enfin, la révision des critères de sélection des candidats à la mobilité internationale ainsi que leur accompagnement pour éviter le choc culturel.

La présente étude est une première démarche contribuant à la compréhension du phénomène de mobilité professionnelle à l’extérieur. Elle a mis en relief entre autres, les différents enjeux qui se posent en ce qui concerne la gestion des talents et la mobilité internationale. Cependant, nous ne pouvons prétendre avoir abordé tous les aspects de cet enjeu de la valorisation de la mobilité internationale étant donné que nous avons adopté une démarche exploratoire basée sur l’entretien semi-directif d’un échantillon d’assez petite taille. Dans cette optique, il s’avère encore difficile de faire une généralisation. Tout ce que nous avons pu faire, c’est de considérer le cas des quatre entreprises au niveau desquelles, nous avons choisi nos personnes ressources. La présente étude devrait donc être continuée par une étude plus quantitative permettant d’évaluer la réussite de l’expatriation et des démarches mises en place pour valoriser les acquis de l’expérience à l’étranger.

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Annexe 1 : Liste des entreprises et des répondants

Entreprises Répondants
Mersen RH1+ Salarié (S1)
Schneider RH2 seulement
Servier RH3 + S3
Snetor RH4 + S4

 

 

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[2]Careers, http://www.lafargeholcim.com/careers

[3]Guillot-Soulez, C. et Sergot, B. (2010). « Qui m’aime me suive !: la mobilité des salariés à l’épreuve des transferts d’établissements », Management & Avenir, 3 (33) : 72 – 95, http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=MAV_033_0072

[4]Boussard, V. (2013). Injonction de mobilité et différenciation de carrière pour les cadres : le cas de la mobilité géographique, http://docs.cfecgc.org/EtudeIresMobiliteGeoFev2013.pdf

[5]Apec. (2015). « La mobilité externe des cadres », Les études de l’emploi cadre, n° 2015 – 05, https://jd.apec.fr/files/live/mounts/media/medias_delia/documents_a_telecharger/etudes_apec/la_mobilite_externe_des_cadres/61655ac949ec3725228ec10e453f851c.pdf

[6] Guillaume, C. et Pochic, S. (2010). « Mobilité internationale et carrière des cadres : figure imposée ou pari risqué ? » Formation emploi, (112) : 39 – 52, https://formationemploi.revues.org/3172#tocfrom2n2

[7]Pélicier – Lœvenbruck, S. et Frèrejacques, G. « Mobilité des salariés. Ce qui change… », http://www.fromont-briens.com/publications/cdrh2013spl.pdf

[8]Zimmermann, K. (2009). “Labor mobility and the integration of European labor markets”, IZA discussion papers, n° 3999, https://www.econstor.eu/bitstream/10419/35659/1/59294297X.pdf

[9]Boussard, V. (2013). Injonction de mobilité et différenciation de carrière pour les cadres: le cas de la mobilité géographique, http://docs.cfecgc.org/EtudeIresMobiliteGeoFev2013.pdf

[10]Iles, P., Chuai, X. and Preece, D. (2010). “Talent management and HTM in multinational companies in Beijing: Definitions, differences and drivers”, Journal of world business, 45 (2): 179 – 189, https://tees.openrepository.com/tees/handle/10149/95254

[11] Citée dans MercuriUrval. (2011). “La gestion des talents est un état d’esprit. Gérer les talents : effet de mode ou levier incontournable ? », Peoplesphere, Edition spéciale, http://www.mercuriurval.com/Global/Belgium/Publications/IB_Gestion%20des%20talents_PeopleSphere_Sep2011.pdf

[12] Mellahi, K. and Collings, D. (2010). “The barriers to effective global talent management: the example of corporate elites in MNEs”, Journal of worls business, 45 (2): 143 – 149.

[13]Iles, P., Chuai, X. and Preece, D. (2010). “Talent management and HTM in multinational companies in Beijing: Definitions, differences and drivers”, Journal of world business, 45 (2): 179 – 189, https://tees.openrepository.com/tees/handle/10149/95254

[14]Iles, P., Chuai, X. and Preece, D. (2010). “Talent management and HRM in multinational companies in Beijing: Definitions, differences and drivers”, Journal of World business, 45 (2): 179 – 189, https://tees.openrepository.com/tees/handle/10149/95254

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[19]Bartel-Radic, A. (2014). « La compétence interculturelle est-elle acquise grâce à l’expérience internationale ? », Management international, 18 : 194 – 211, http://www.erudit.org/fr/revues/mi/2014-v18-nmi01641/1027873ar/

[20] Maes, R. Sztalberg, C. et Sylin, M. « L’expérience comme stigmate ou comme acquis ? Réflexions sur les pratiques de valorisation des acquis de l’expérience en Communauté Française de Belgique », http://upo.ulb.ac.be/wp-content/uploads/2010/05/T4-58.pdf

[21] Maes, R., Sztalberg, C. et Sylin, M. « L’expérience comme stigmate ou comme acquis ? Réflexions sur les pratiques de valorisation des acquis de l’expérience en Communauté française de Belgique », http://upo.ulb.ac.be/wp-content/uploads/2010/05/T4-58.pdf

[22] « La VAE dans l’entreprise, https://www.defi-metiers.fr/dossiers/la-vae-dans-lentreprise

[23]Ahlem, B. (2010). « L’adaptation au travail des cadres expatriés : comment concilier performances économique et sociale dans un contexte de diversité culturelle ? » Humanisme et entreprise, 5 (300) : 57 – 76, https://www.cairn.info/revue-humanisme-et-entreprise-2010-5-page-57.htm

[24]Jorro, A. (2011). « Evaluation de l’expérience et enjeux de reconnaissance professionnelle », Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, 44 (2) : 69 – 83, http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=LSDLE_442_0069

[25] Brassier-Rodrigues, C. (2016). « Comment valoriser les compétences liées à la mobilité internationale ? Analyse de l’efficacité communicationnelle de l’Europass Mobilité », Journal of international mobility, 1(4) : 59 – 74, http://www.cairn.info/revue-journal-of-international-mobility-2016-1-page-59.htm

[26] Garbe, E. et Vignal, J. (2014). La gestion de la mobilité internationale au moment du retour et ses difficultés : une étude comparative entre le cas des FMN et des ONG. AGRH, Chester, Royaume-Uni, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01108444

[27] Garbe, E. et Vignal, J. (2014). La gestion de la mobilité internationale au moment du retour et ses difficultés : une étude comparative entre le cas des FMN et des ONG. AGRH, Chester, Royaume-Uni, https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01108444

[28] ARACT Nord Pas de Calais. (2015). Pourquoi et comment créer un « espace » de discussion pour améliorer la qualité de vie au travail, http://www.npdc.aract.fr/IMG/pdf/Atelier_EDD_18_06_15.pdf

[29] Puren, C. (2013). « La compétence culturelle et ses composantes », Savoirs et formations, n°3, http://lewebpedagogique.com/alterite/files/2015/10/PUREN_2013c_Comp%C3%A9tence_culturelle_composantes.pdf

[30] Barbason, S. « La gestion du retour des cadres expatriés », https://www.agrh.fr/assets/actes/2005barbason014.pdf

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